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Les événements en Grèce, où l'impérialisme anglais a donné la pleine mesure d'une répression sauvage pour défendre ses intérêts impérialistes, ont été l'occasion de mettre en lumière les positions politiques des divers partis et groupes se revendiquant du prolétariat.
Nous ne nous arrêterons pas sur les protestations venant des Partis Socialistes et Partis Communistes. Ces protestations verbales, ces indignations de façade n'ont jamais empêché "ces oppositions de Sa Majesté le Capital" de continuer à le servir fidèlement. Bien plus, la bourgeoisie a besoin de l'existence des partis pouvant "protester" de temps à autre pour mieux duper ainsi le prolétariat et canaliser le mécontentement des masses dans des manifestations de "protestations" inoffensives. Empêcher la colère des masses d'éclater et de se diriger contre l'oppression de l'État capitaliste, en lui faisant emprunter la voie pacifique et impuissante, la politique de tampon, a depuis toujours été la fonction des partis bourgeois à masque ouvrier.
Mais encore ne faudra-t-il pas, à la place d'expliquer, se contenter de nier, contre toute évidence, la "sympathie" pour la Résistance grecque, exprimée par les partis socialistes et staliniens en accord d'ailleurs avec toute la presse de la Résistance en France. Il va de soi qu'il ne s'agit là nullement d'une manifestation de sentiment révolté par la sanglante répression à laquelle se livre l'impérialisme anglais en Grèce. La bourgeoisie française, avec ses partis de droite, - qui, sous le gouvernement du Front populaire, n'a pas hésité à défendre ses droits d'exploitation en réprimant, dans des flots de sang, les mouvements de révolte dans ses colonies – est prête aujourd'hui à participer joyeusement à toute œuvre de brigandage et de rapine. Si la bourgeoisie et ses partis qui se disent ouvriers ont "protesté" contre l'attitude de l'Angleterre en Grèce, cela est dû à deux raisons :
1. Un lien d'intérêt unit toutes les bourgeoisies nationales de l'Europe face à la rapacité des grandes puissances impérialistes qui dominent le monde. Le sort des petits États faibles est identique et leurs positions économiques nationales sont catastrophiques. Toutes ces bourgeoisies sont plus ou moins dépendantes et doivent subir, à un degré plus ou moins grand, la domination d'une des grandes puissances impérialistes. La France, dans la guerre, a perdu sa place de grande puissance ; ses colonies, son Empire colonial lui ont été enlevés. Elle est tombée au rang de puissance secondaire et subit, de ce fait, au même titre que les autres bourgeoisies des États faibles, la domination étrangère. Cette communauté d'intérêt contre la domination de l'impérialisme anglais lui dicte ces manifestations de sympathie pour la pauvre Grèce et d'antipathie pour la puissante Angleterre.
2. Une autre raison de son attitude de "sympathie" pour la Grèce réside dans la politique internationale de la France qui joue, pour le moment, la carte russe. Dans l'antagonisme entre les intérêts de l'impérialisme anglo-américain et ceux de la Russie, antagonisme se retrouvant autour du pétrole de l'Iran, dans le Proche-Orient et dans les Balkans, les intérêts de la France se trouvent momentanément plus proches, ou moins opposés, de la Russie que de l'Angleterre. Les intérêts impérialistes de l'Angleterre et de l'Amérique se heurtent et menacent directement les positions et les intérêts du capitalisme français. Aussi, la France tente de s'appuyer sur la Russie dans ses intrigues sur l'échiquier mondial.
Dans les événements en Grèce, entre autres facteurs, se jouait une lutte sourde de la Russie contre l'Angleterre. Aussi les manifestations de "sympathie" de la France "libérée", mais en fait soumise par l'Angleterre, allaient non à la Grèce mais à l'impérialisme russe. Le parti stalinien qui a deux patries, celle de sa bourgeoisie nationale et l'impérialisme russe, s'est trouvé à cette occasion particulièrement à l'aise pour les concilier dans son cœur sous le nom de "défense de la Résistance grecque".
Un peu ahurissante (pour ceux qui ne les connaissent pas de longue date) est la position des trotskistes rere-réunifiés sous le nom de PCI. Dans un tract que ce parti a publié et intitulé "Bas les pattes devant la Révolution grecque", ils prétendent que ce qui se passe en Grèce n'est rien moins que la Révolution prolétarienne. Nous sommes habitués depuis longtemps aux élucubrations de ces gens qui jettent de grands mots à tort et à travers. Leur irresponsabilité politique légendaire n'aurait pas grande importance si, toutefois, ils n'entretenaient pas la confusion dans le mouvement ouvrier, l'empêchant de se reconnaître dans la complexité de la situation. Ces hurluberlus non seulement gratifient les ouvriers du trouble qui règne dans leur propre cerveau mais encore les conclusions politiques qu'ils apportent au prolétariat sont immanquablement des solutions contre-révolutionnaires de l'ennemi de classe.
En vain cherchera-t-on dans leur tract une analyse de la situation générale de l'Europe dont la situation grecque et les événements ne sont que des reflets. Cette situation qui est donnée par la sortie des pays "libérés" de l'orbite de la production de guerre allemande qui faisait marcher leur production et de leur non-intégration dans la production de guerre anglo-américaine (celle-ci suffisant elle-même pour les besoins de la conduite de la guerre). C'est pourtant là la base de toute la situation critique où se trouve l'économie des différents pays de l'Europe. Aucune production de paix n'étant possible à l'époque décadente du capitalisme, la sortie d'un pays de la production de guerre ouvre immédiatement pour lui une situation économique catastrophique.
Cette situation est celle de la Belgique, de l'Italie, de la France, de la Grèce, avec des degrés plus ou moins accentués d'après les positions de résistance intérieure de chaque bourgeoisie et de la possibilité existant pour chacune d'elle de sa réintégration partielle dans la production de guerre et sa participation dans la guerre.
L'activité économique de la Grèce était toujours fonction de sa position de pays transitaire et du trafic maritime. Déjà l'occupation allemande devait gravement attenter aux sources de sa vie économique, d'où la situation de misère de la Grèce pendant l'occupation et la résistance de la bourgeoisie nationale. L'occupation anglaise n'a fait qu'aggraver cette situation, n'offrant aucune activité économique de remplacement, et accule toute l'économie grecque au bord de l'abîme le mécontentement est général dans toutes les classes du pays et particulièrement aigu chez les ouvriers réduits à la famine. Se présentant comme le porte-parole de l'intérêt général, la bourgeoisie grecque a canalisé ce mécontentement des masses afin d'obtenir certaines concessions économiques de la part de l'occupant anglais et le masquant, pour mieux duper les masses, sous les phrases de l'«indépendance» et du «droit du peuple à disposer de lui-même.
Le mécontentement des masses trompées par la bourgeoisie permet à cette dernière de se servir du sang des prolétaires comme monnaie d'échange et moyen de pression auprès de l'impérialisme étranger pour l'obtention de quelques concessions économiques.
Les événements en Grèce se sont trouvés, en plus, attisés par les intrigues impérialistes du gouvernement de Staline et exploités contre l'antagonisme auquel il se heurte dans les Balkans : l'impérialisme anglais.
Le sang des ouvriers grecs trompés est versé à flot pour les intérêts de la bourgeoisie grecque et ceux de l'impérialisme russe. Pour le moment, le prolétariat grec n'a pas réussi à rompre avec sa bourgeoisie, à se mettre sur son terrain de classe en opposition à la bourgeoisie nationale et aux impérialismes étrangers. Et c'est cette situation tragique du prolétariat, se faisant massacrer pour les intérêts de son ennemi de classe, que les trotskistes français représentent comme la Révolution prolétarienne. Il montre l'exemple à tous les opprimés, etc. Naturellement quand on représente la tragédie du prolétariat grec comme la révolution, on doit aussi la considérer comme "la première entrée" et passer sous silence "la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" commencée par le prolétariat italien en juillet 1943. Il n'y a rien de commun entre la position de classe du prolétariat italien luttant contre la guerre impérialiste - contre les deux occupants impérialistes, allemands et anglais, contre l'Etat capitaliste aussi bien sous sa forme fasciste que démocratique – et la position du prolétariat grec se faisant massacrer sur le terrain de classe du capitalisme.
Entre les deux positions, du prolétariat italien et du prolétariat grec, les trotskistes ont choisi ; et c'est la position du prolétariat grec qu'ils offrent en exemple à suivre aux ouvriers du monde !
Il est tout à fait caractéristique que les trotskistes remplacent volontiers le terme de "prolétariat" par celui très vague de "peuple". C'est au secours du "peuple grec" qu'ils appellent, estompant la notion de classe qui, la seule, nous permet de comprendre la signification des événements et leur nature de classe.
A ce sujet, nous comptions revenir, une autre fois, sur la question de la notion de "peuple" en général et de "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" en particulier que d'autres groupes, en particulier les RKD, représentent comme un mot-d'ordre de classe du prolétariat.
Et que demandent les trotskistes aux ouvriers ? d'imposer aux directions des partis socialistes, staliniens et de la CGT une unité d'action pour sauver la révolution grecque. Autrement dit, ils remettent le sort du prolétariat grec entre les mains des partis chauvins impérialistes. Pratiquement et positivement, ils appellent pour "commencer des collectes pour l'envoi d'armes modernes au peuple grec".
Lorsque le prolétariat espagnol se faisait massacrer pour le compte de sa bourgeoisie divisée en deux camps, les trotskistes réclamaient l'envoi d'armes pour l'Espagne. Lorsque Tchang Kaï-Chek, bourreau de la révolution chinoise a commencé, pour le compte de l'impérialisme américain, sa guerre de "défense nationale" contre le Japon, les trotskistes appelaient les ouvriers à se solidariser avec la Chine et à boycotter les produits japonais. Après, il fallait se solidariser avec la Pologne de Pilsudski. Pendant l'occupation, les trotskistes emboîtaient le pas aux staliniens et appelaient les ouvriers français à "la défense de notre empire colonial".
Décidément et chaque fois que le capitalisme a réussi à jeter les prolétaires dans les carnages de la guerre impérialiste, les trotskistes sont là pour mobiliser le prolétariat des autres pays à participer dans ces guerres volontairement par l'envoi des armes. Durant toute la guerre et jusqu'à aujourd'hui, ils sont pour la défense de l'impérialisme russe, entretenant le mythe et la duperie d'un État prolétarien en Russie.
Ces gens –qui, par toutes leurs positions politiques, n'ont depuis longtemps rien de commun avec les positions du prolétariat– appellent aujourd'hui les ouvriers à envoyer des armes pour la continuation, sur le champ du capitalisme, du massacre du prolétariat grec et international.
À travers les événements de la Grèce, le Trotskisme apparaît à nouveau comme un mouvement centriste à phraséologie révolutionnaire et à fonction contre-révolutionnaire.