Rapport sur la crise économique pour le 25 Congrès du CCI

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La résolution adoptée par le 24° Congrès du CCI (2021, Revue Internationale 167) fournissait un cadre adapté pour orienter l'organisation au plan de l'évolution de la crise économique.

Elle affirmait que : "L'ampleur et l'importance de l'impact de la pandémie, produit de l'agonie d'un système en pleine décomposition et devenu complètement obsolète, illustrent le fait sans précédent que le phénomène de la décomposition capitaliste affecte aussi désormais, massivement et à l'échelle mondiale l'ensemble de l'économie capitaliste. Cette irruption des effets de la décomposition dans la sphère économique affecte directement l'évolution de la nouvelle phase de crise ouverte, inaugurant une situation totalement inédite dans l'histoire du capitalisme. Les effets de la décomposition, en altérant profondément les mécanismes du capitalisme d'État mis en place jusqu'à présent pour "accompagner" et limiter l'impact de la crise, introduisent dans la situation un facteur d'instabilité et de fragilité, d'incertitude croissante." (point 14)

Elle reconnaissait également le rôle prédominant du chacun pour soi dans les relations entre nations et la "ruée des factions bourgeoises les plus "responsables" vers une gestion de plus en plus irrationnelle et chaotique du système, et surtout l'avancée sans précédent de la tendance au chacun pour soi, [qui] révèlent une perte croissante de contrôle de son propre système par la classe dominante." (point 15) Ce chacun pour soi "En provoquant un chaos croissant au sein de l'économie mondiale (avec la tendance à la fragmentation des chaînes de production et la fragmentation du marché mondial en zones régionales, au renforcement du protectionnisme et à la multiplication des mesures unilatérales), ce mouvement totalement irrationnel de chaque nation à sauver son économie au détriment de toutes les autres est contre-productif pour chaque capital national et un désastre au niveau mondial, un facteur décisif de détérioration de l'ensemble de l'économie mondiale." (point 15)

Elle soulignait que "Les conséquences de la destruction effrénée de l'environnement par un capitalisme en décomposition, les phénomènes résultant du dérèglement climatique et de la destruction de la biodiversité,(…) affectent de plus en plus toutes les économies, les pays développés en tête, (…) perturbent le fonctionnement de l'appareil de production industriel et affaiblissent également la capacité productive de l'agriculture. La crise climatique mondiale et la désorganisation croissante du marché mondial des produits agricoles qui en résulte menacent la sécurité alimentaire de nombreux États." (Point 17)

Par contre, si la résolution n'envisageait pas l'éclatement d'une guerre entre des nations, elle stipulait néanmoins que "nous ne pouvons pas exclure le danger de flambées militaires unilatérales ou même d'accidents épouvantables qui marqueraient une nouvelle accélération du glissement vers la barbarie." (point 13)

Et elle pouvait mettre en avant que : "La crise qui se déroule déjà depuis des décennies va devenir la plus grave de toute la période de décadence, et sa portée historique dépassera même la première crise de cette époque, celle qui a commencé en 1929. Après plus de 100 ans de décadence capitaliste, avec une économie ravagée par le secteur militaire, affaiblie par l'impact de la destruction de l'environnement, profondément altérée dans ses mécanismes de reproduction par la dette et la manipulation étatique, en proie à la pandémie, souffrant de plus en plus de tous les autres effets de la décomposition, il est illusoire de penser que dans ces conditions qu'il y aura une reprise quelque peu durable de l'économie mondiale."[1]

Ainsi :

  • L'accélération de la décomposition et la démultiplication de l'impact de ses effets combinés sur l'économie capitaliste déjà fortement dégradée ;
  • L'irruption de la guerre et l'accélération du militarisme au plan mondial qui aggravent drastiquement sa situation ;
  • Le développement tous azimuts du chacun pour soi entre nations sur la toile de fond de la compétition de plus en plus aigüe entre Chine et États-Unis pour la suprématie mondiale ;
  • L'abandon d'un minimum de règles et coopération entre nations pour faire face aux contradictions et convulsions du système ;
  • L'absence de locomotive capable de relancer l'économie capitaliste ;
  • La perspective d'une paupérisation absolue pour le prolétariat des pays centraux désormais à l'ordre du jour ;

constituent les principaux indicateurs de la gravité historique de la crise actuelle et illustrent le processus de "désintégration interne" du capitalisme mondial, annoncée par l'IC en 1919.

I. La concaténation des facteurs de la décomposition

A. les conséquences de la guerre

Comme le résume à sa manière un grand industriel en France : "Ce qui est exceptionnel depuis deux ans, c'est que les crises démarrent mais ne s'arrêtent pas. Il y a un véritable effet d'accumulation. La crise du covid a commencé en 2020 mais elle est toujours là ! Depuis nous sommes confrontés à des tensions extrêmes et des ruptures sur les chaines d'approvisionnement, à un rapport au travail qui a profondément changé, à une guerre aux frontières de l'Europe, à la crise de l'énergie et au retour de l'inflation et enfin à la prise de conscience du changement climatique (…) Les chocs s'additionnent. Ils sont rapides à émerger et violents." (Les Échos 21-22/10). Dans une situation historique où se combinent, s'interpénètrent et interagissent les différents effets de la décomposition en un effet tourbillon dévastateur, le réchauffement climatique et la crise écologique, le chacun pour soi dans les rapports entre états, et, de façon générale, les contradictions fondamentales du capitalisme, la guerre et ses répercussions constituent le facteur d'aggravation central de la crise économique :

  • L'anéantissement économique de l'Ukraine : L'économie nationale s'est trouvée réduite à 40% de ce qu'elle était. Selon son 1er ministre, "les dégâts étaient estimés, cet automne, à 350 milliards de dollars. Mais ces estimations devraient représenter le double d'ici à la fin de l'année, soit 700 milliards de dollars, en raison des frappes massives menées par Moscou contre nos infrastructures. (…) Les coupures d'électricité actuelles devraient représenter une perte comprise entre 3% et 9% de PIB."[2] L'effort militaire absorbe 30% des ressources du pays; les recettes budgétaires insuffisantes contraignent le gouvernement à s'endetter et à faire fonctionner la planche à billets.
  • L'Inflation en Ukraine : Elle fait grimper en flèche l'inflation mondiale : 7,2% au niveau des pays avancés, 9,8 % pour les pays émergents, 13,8% pour le Moyen Orient et l'Asie centrale et 14,4% pour l'Afrique subsaharienne. Dans l'UE elle est de 10 %, bien que dans certains pays cette moyenne soit plus élevée : la Lettonie et la Lituanie sont à 22 %, les Pays-Bas à 17 %. Les chiffres ont atteint un pic de 9 % au milieu de l'année 2022 ramené à 7,1 % fin 2022.
  • L'aggravation de la crise alimentaire et des famines dans le monde : Opposant deux producteurs essentiels de céréales et d'engrais, la guerre a pour retombée l'augmentation de la faim dans le monde sans "aucun précédent,(…), depuis la Seconde Guerre mondiale."[3] "Le choc est aggravé par d'autres problèmes majeurs qui avaient déjà entraîné la hausse des prix et la baisse des approvisionnements, dont la pandémie de Covid-19, les contraintes logistiques, les coûts énergétiques élevés et les sécheresses, inondations et incendies qui ont sévi dernièrement."[4]. La production mondiale de céréales est en baisse : la Chine, à la suite de graves inondations en 2021, fait face à la pire récolte de blé depuis des décennies, en Inde des vagues de chaleur sans précédent "ont entraîné des pertes de rendement considérables cette année". La hausse des prix et les "menaces pour la sécurité alimentaire" ont provoqué une "vague de protectionnisme alimentaire", avec l'interdiction de l'exportation de céréales en Inde ou la mise en place de quotas (en Argentine, Kazakhstan, Serbie…) pour garantir l'approvisionnement national. Alors que le blé d'hiver américain "est en mauvais état", les réserves de la France "se tarissent", "le monde commence à être très court en blé".[5]
  • L'anarchie capitaliste : Elle atteint de nouveaux sommets. En effet, l'organisation de chaînes de production et d'approvisionnement, expose chaque capital national à de multiples dépendances lesquelles étaient jusqu'alors sans conséquences, le commerce mondial et les échanges pouvant s'exercer libres de toute restriction. Mais celle-ci s'est trouvée mise à mal par la pandémie puis la guerre, changeant ainsi la donne. Les lock-down en Chine, les sanctions appliquées contre la Russie ou les effets de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine entrainent de multiples blocages et des interruptions tant dans la production que les échanges, semant le chaos et l'anarchie ; les pénuries se multiplient dans de nombreux domaines : puces, produits médicaux, matières premières.
  • Le développement du militarisme et de la production d'armements : Une des principales conséquences de la guerre "a été l'impulsion par tous les États de dépenses d'armement à des niveaux abyssaux. Le poids du fardeau militaire (une perte sèche pour le capital) sur la richesse nationale, l'accentuation à marche forcée de la production d'armes, la conversion éventuelle de secteurs stratégiques à l'industrie militaire, l'endettement provoqué et la baisse des investissements dans d'autres secteurs de l'économie vont altérer considérablement l'économie et le commerce mondial.

 

B. Quels effets des sanctions sur l'économie russe ?

En visant à "saigner à "blanc" la 8° économie mondiale, les sanctions occidentales contre la Russie ont ouvert un véritable "trou noir" dans l'économie mondiale aux conséquences encore inconnues. Même si l'économie russe ne s'est pas effondrée ni n'a été divisée par deux (comme Biden l'avait promis), prise au piège de la guerre qui dure et étranglée par les mesures de rétorsions imposées par les États-Unis, l'économie russe est asphyxiée et poussée à la ruine. Avec une chute de 11% du PIB et une inflation à 22% les sanctions économiques affaiblissent l'effort de guerre russe[6] et provoquent des pénuries paralysantes dans l'industrie. De plus, l'embargo sur les semi-conducteurs limite la production des missiles de précision et de tanks[7].

Le secteur de l'automobile s'est, depuis le retrait des constructeurs étrangers, effondré presque complètement (de 97 %). Ceux de la construction aéronautique (stratégique) et du transport aérien (central pour un pays aussi vaste), totalement dépendants des technologies occidentales, sont fortement impactés.

Avec la fuite à l'étranger de centaines de milliers de Russes l'économie russe subit une perte massive de main-d'œuvre, notamment dans le secteur informatique avec le départ de 100.000 informaticiens.

L'alternative offerte par la Chine et les réfractaires aux sanctions occidentales (Inde, Turquie – acheteurs de l'énergie russe) a pu offrir un répit temporaire mais ne compense pas, loin de là, la disparition des marchés occidentaux. L'entrée en vigueur début décembre 2022 de l'embargo européen sur le pétrole russe va réduire considérablement ce "bol d'air".

Si les importations chinoises en provenance de Russie ont augmenté, les exportations vers la Russie ont diminué dans des proportions comparables à celles des pays occidentaux (en raison de la prudente application par la Chine de la plupart des sanctions occidentales[8]). La résistance de la valeur du rouble et même sa progression vis-à-vis du dollar, qui reflètent ce déséquilibre massif entre le volume élevé des exportations de pétrole et de gaz et l'effondrement parallèle des importations consécutif aux sanctions, "ne constitue en rien un signe de force. Les sanctions financières et le gel de 40 à 50% des réserves russes et le bannissement du système SWIFT affectent de plus en plus la capacité de paiement à l'étranger ainsi que la crédibilité de la solvabilité de l'état russe.

Malgré son apparente résilience, les sanctions forment une redoutable arme de guerre et ont un impact important à moyen terme sur l'économie russe : du fait de leur effet à "retardement" le prolongement de la guerre sera le moyen aux mains des États-Unis" pour remplir l'objectif de "détruire" l'économie russe.

C. Le choc déstabilisateur de la guerre du gaz

Le séisme de la guerre représente un important "changement d'époque", pas seulement uniquement en ce qui concerne la situation de chaque nation, surtout les pays européens, mais aussi sur le plan international.

La guerre est un gouffre au coût économique exorbitant "(de mars à août) l'Ukraine a reçu 84 milliards d'euros de la part de 40 États partenaires et institutions de l'UE – les alliés les plus importants étant les ÉTATS-UNIS, les institutions de l'UE, le RU, l'Allemagne, le Canada, la Pologne, la France, la Norvège, le Japon et l'Italie." "L'Ukraine pourrait recevoir jusqu'à 30 milliards de dollars entre septembre et décembre 2022." L'UE joue un rôle central "afin de maintenir la stabilité macro-financière de l'Ukraine." (en lui fournissant 10 milliards d'euros entre mars et septembre 2022).[9] L'onde de choc économique de la guerre dans le monde n'impacte pas de la même manière, immédiatement et à moyen terme, les principales zones de la planète. Les capitaux européens en subissent l'effet le plus brutal. Pour eux, c'est une déstabilisation sans précédent de leur "modèle "économique".

En raison des sanctions économiques imposées par les États-Unis à la Russie, les firmes européennes plus impliquées en Russie que les américaines sont plus directement affectées par la rupture des relations économiques avec la Russie.

L'embargo sur le gaz russe provoque un choc énorme aux effets en cascade en Europe : "Les bombes, les vraies, tombent en Ukraine, mais c'est un peu comme si les infrastructures industrielles de l'UE avaient, elles aussi, subi des destructions. Le continent va connaitre une violente crise industrielle. Cela va être un choc terrible pour les finances publiques ainsi que pour les classes moyennes et pauvres des pays d'Europe."[10] Comme l'a déclaré J. Borrell : "Les États-Unis s'occupaient de notre sécurité. La Chine et la Russie fournissaient les bases de notre prospérité. Ce monde n'existe plus (…) Notre prospérité reposait sur une énergie venue de Russie, son gaz, réputé pas cher, stable et sans risque. Tout cela était faux (…) Cela va engendrer une profonde restructuration de notre économie." Chaque capital est placé devant des contradictions et dilemmes presqu'insolubles, des choix drastiques, au plan économique comme stratégique, à opérer dans l'urgence et touchant leur souveraineté nationale et la sauvegarde de leur rang mondial.

  1. Alors même que la croissance se trouvait déjà en ralentissement, la hausse vertigineuse des prix de l'énergie (le prix du gaz a été multiplié par 20 par rapport aux années 2010) conduit d'ores et déjà à l'affaiblissement de secteurs industriels entiers fortement dépendants de l'énergie importée dont de vastes pans de l'activité n'est ni rentable ni compétitive. Certains doivent réduire la production (chimie, verrerie, haut-fourneaux de la sidérurgie, aluminium…) pour limiter des coûts exorbitants, tandis que de nombreuses faillites se profilent en raison de la perte radicale de rentabilité.
  2. Face à la gravité de la situation l'État intervient massivement avec la nationalisation des principaux énergéticiens comme Uniper en Allemagne, EDF en France, et la mise en place de ""boucliers financiers ou tarifaires"" en soutien aux entreprises pour amortir le choc sur les entreprises et les particuliers.
  3. Les pays européens courent un réel risque de désindustrialisation et de déclassement économique, en raison du différentiel durable des prix de l'énergie entre l'Europe et les États-Unis et l'Asie. Dans cette ambiance de sauve qui peut, se dessine, pour celles qui le peuvent, une tendance à la délocalisation des activités européennes dont la survie est menacée vers les zones américaines ou asiatiques où les prix de l'énergie sont moindres.
  4. Au tarissement des sources en gaz russe faisant craindre d'avoir à restreindre la production dans les secteurs les plus exposés comme la chimie, la métallurgie, le bois-papier, ou encore l'industrie du plastique et du caoutchouc, voire à l'interrompre pendant l'hiver, en France par exemple s'ajoute le choc de l'électricité : en raison du sous-investissement et de la vétusté des centrales nucléaires des coupures d'électricité, risquant de provoquer une diminution, voire une interruption de la production industrielle dès janvier prochain et de jeter le chaos dans les secteurs comme les transports, l'agro-alimentaire, les télécommunications de la 5ème puissance économique mondiale !)[11]

L'ébranlement du capital allemand : C'est l'Allemagne particulièrement qui concentre de façon explosive toutes les contradictions de cette situation inédite. La fin de l'approvisionnement en gaz russe place le capital allemand dans une situation de fragilité stratégique et économique sans précédent : c'est la compétitivité de toute son industrie qui est en jeu.[12] Le Capital allemand (et l'Europe) court le risque de devoir passer de la dépendance au gaz russe à celle du GNL américain, que les États-Unis ambitionnent d'imposer au continent européen, en se substituant au rôle que remplissait jusqu'alors la Russie. La fin du multilatéralisme dont le capital allemand a, plus que toute autre nation, largement profité, (en s'épargnant également une partie du fardeau des dépenses militaires des ""dividendes de la paix"" depuis 1989) affecte plus directement sa puissance économique qui repose sur les exportations. Enfin la pression qu'exercent les États-Unis pour contraindre leurs "alliés" à s'engager dans la guerre économique/stratégique qui les opposent à la Chine, et à renoncer à des marchés en Chine, place l'Allemagne devant un énorme dilemme, tant l'importance du marché chinois lui est vitale. En raison de sa place de premier plan dans l'UE, le vacillement de la puissance allemande a des répercussions sur l'Europe toute entière, marquée, à divers degrés, des mêmes contradictions et dilemmes.

La Chine et les Routes de la Soie sont directement affectées. Un des buts de guerre et de l'affaiblissement de la Russie vise la Chine. La guerre contrarie l'objectif majeur des Routes de la Soie de faire de l'Ukraine un hub vers le marché européen ; le chaos isole la Chine de l'un de ses principaux marchés. Cet objectif doit trouver une alternative via le Moyen-Orient.

D. La crise climatique

Bien que les grandes puissances reconnaissent que "le changement climatique s'installe comme étant une force de déstabilisation, voire de disruption économique" la COP27 de Sharm El Sheikh s'est déchirée sur la question "Qui doit payer?" Au-delà de l'incapacité congénitale du capitalisme de freiner la destruction de la nature, ce qui sonne le glas de l'engagement des grandes puissances pour réduire la production de gaz à effet de serre, c'est le retour et la préparation par tous les États de la guerre de "haute intensité". En effet : "Pas de guerre sans pétrole. Sans pétrole, il est impossible de faire la guerre (…) Renoncer à la possibilité de s'approvisionner en pétrole abondant et pas trop cher revient tout simplement à se désarmer. Les technologies de transport [qui n'ont pas besoin de pétrole, hydrogène et électricité] sont totalement inadaptées aux armées. Des chars électriques à batterie posent tellement de problèmes techniques et logistiques qu'il faut les considérer comme impossibles, tout comme tout ce qui roule sur terre (véhicules blindés, artillerie, engins de génie, véhicules légers tout-terrain, camions) Le moteur à combustion interne et son carburant sont tellement efficaces et souples qu'il serait suicidaire de les remplacer." [13]

Le capitalisme est condamné à en subir de plus en plus les effets (incendies gigantesques, inondations, canicules, sécheresses, violents phénomènes météorologiques…) qui affectent de façon de plus en plus significative et pénalisent de plus en plus lourdement l'économie capitaliste : le facteur climatique (déjà un facteur de l'implosion des pays arabes dans la décennie 2010) constitue à lui seul une cause d'effondrement de pays particulièrement vulnérables de la périphérie du capitalisme. Le "carnage climatique d'une ampleur jamais vue" (A. Guterres ONU) au Pakistan a fait des dégâts évalués à deux fois ½ son PIB – une catastrophe impossible à surmonter économiquement.[14] Désormais, l'ampleur du choc climatique impacte directement les pays centraux du capitalisme et l'ensemble de leur activité économique sur tous les plans :

  • Les coûts des pertes subies en raison du facteur climatique dans les pays centraux ne cessent de croitre : pour les seuls États-Unis "dans les années 80 l'ensemble des coûts des catastrophes naturelles s'élevait à 3 milliards de dollars par an. De 2000 à 2010, ce montant annuel est passé à plus de 20 milliards par an. (…) A partir de 2011 et 2012 (…) ces coûts ont commencé à doubler" pour atteindre en 2018 "300 milliards en dommage matériels ce qui correspond aux ¾ du service annuel de la dette américaine."
  • les infrastructures productives (ainsi que leur répartition) les échanges sont directement affectés, sapant et mettant en péril la stabilité des économies nationales en raison de la modification du climat : entre autres exemples, la combinaison de la sécheresse et de la surexploitation de l'eau en Amérique, en Europe et en Chine perturbe la production d'électricité d'origine nucléaire comme hydraulique ; désorganise et réduit la circulation fluviale des marchandises ; elle fait "peser un risque majeur sur la capacité agricole américaine. (…) Un état de catastrophe hydrique permanent, lourd de conflits et de migrations internes est en train de s'installer dans l'Ouest américain." La Chine est menacée d'"une nouvelle insécurité alimentaire induite par la fragilité climatique, hydrique et biologique de l'agriculture."

Les effets "de plus en plus rapides et intenses" de la hausse des eaux océaniques placent les états devant des défis colossaux. La salinisation des sols stérilise les terres arables (comme au Bangladesh). Ils menacent tant les mégalopoles littorales (comme aux États-Unis sur la côte Est, Ouest ou de nombreuses villes en Chine) que les industries côtières (celle du pétrole autour du Golfe du Mexique ; dans la région de Shenzhen, au cœur de la production électronique chinoise, où "les autorités urbaines chinoises commencent déjà à évacuer des centaines de milliers de personnes".

Ces deux dernières années, les différents effets de la décomposition qui avaient déjà commencé à impacter l'économie capitaliste, ont pris une qualité nouvelle, inédite par leur interaction à une échelle encore inconnue jusqu'alors et qui n'a fait que se renforcer dans une sorte de "tourbillon" infernal où chaque catastrophe alimente la virulence des autres : la pandémie a désorganisé l'économie mondiale ; celle-ci a, à son tour, aggravé la barbarie guerrière et la crise environnementale. La guerre et la crise environnementale continueront à avoir un impact considérable en frappant désormais le cœur des principales puissances et en aggravant considérablement la crise économique, qui forme la toile de fond de cette évolution catastrophique.

II. Un mode de production fragilisé et miné par ses contradictions

C'est un système capitaliste déjà fragilisé dans son ensemble par les convulsions résultant de ses contradictions et de sa décomposition, que les effets la guerre percutent.

A. Une production industrielle affaiblie

L'onde de choc de la guerre frappe une économie fragilisée avec certains secteurs très affaiblis depuis la pandémie : "en 2022, la production automobile mondiale sera encore inférieure à celle de 2019. En Chine elle progresse certes de 7%, mais en Europe elle reste inférieure de 25%, aux États-Unis de 11%. L'industrie a perdu des volumes, elle voit ses coûts augmenter…"[15].

B. L'inflation

"Les causes fondamentales de l'inflation sont à rechercher dans les conditions spécifiques du fonctionnement du mode de production capitaliste dans sa phase de décadence. En effet, l'observation empirique nous permet de constater que l'inflation est fondamentalement un phénomène de cette époque du capitalisme ainsi que de constater qu'elle se manifeste avec le plus d'acuité pendant les périodes de guerre (1914-18, 1939-45, la guerre de Corée, 1957-58 en France pendant la guerre d'Algérie...). ...), c'est-à-dire celles où les dépenses improductives sont les plus élevées. Il est donc logique de considérer que c'est à partir de cette caractéristique spécifique de la décadence, la part considérable des armements et plus généralement des dépenses improductives dans l'économie, qu'on doit tenter d'expliquer le phénomène de l'inflation."[16]

Déchainée par l'accroissement du poids des dépenses improductives, par l'endettement tous azimuts déployés par les états dans ses différents plans de sauvetage face à la pandémie puis pour assumer la politique de développement de l'économie de guerre et de réarmement général des nations capitalistes, l'inflation[17] ne peut qu'augmenter toujours plus en raison des nécessités pour chaque capital national de colossales dépenses improductives, avec :

  • les dépenses d'armement à des niveaux abyssaux, soumettant plus que jamais l'économie au service de la guerre et de la production effrénée d'outils de destruction sans la moindre rationalité économique ;
  • les effets du recours à la planche à billets alimentant l'endettement pour répondre aux contradictions de son système ;
  • le coût exorbitant des ravages que génère la décomposition sur la société et l'infrastructure de production : pandémie, événements climatiques sévères, etc.
  • le vieillissement de la population dans tous les pays (y compris la Chine) qui réduit fortement la part de la population en âge de travailler par rapport à la population totale.

L'inflation à un niveau élevé et durable, que le capitalisme ne parvient plus à maitriser comme jusqu'alors (La bourgeoisie renonce à un retour à 2%, jugé irréaliste) marque également une étape dans l'aggravation de la crise. Celle-ci va affecter de plus en plus négativement l'économie en déstabilisant le commerce mondial ainsi que la production qu'elle prive de la visibilité dont elle a besoin, tandis qu'elle formera un vecteur essentiel de l'instabilité monétaire et financière.

C. Tensions financières et monétaires

La fragilité du système capitaliste s'illustre par "des risques grandissants [qui] pèsent sur la stabilité financière sur certains segments-clés des marchés financiers ou encore la dette souveraine." (K. Georgieva (FMI) et par de nouveaux craquements.

  • La fragilisation et les tensions sur les monnaies des principales puissances deviennent une donnée de plus en plus importante de la situation : la chute face au dollar au plus bas de son histoire et de la livre sterling qui a perdu 17% de sa valeur ; le dévissage du yen (-21%) à son plus bas niveau historique depuis 1990, la baisse du yuan à son plus bas niveau face au dollar depuis 14 ans, la chute inédite de l'euro à parité égale avec le dollar… nécessitant d'ores et déjà l'intervention des banques centrales pour soutenir leur devise, une instabilité monétaire grandissante se dessine.
  • L'éclatement de la bulle financière des cryptomonnaies (avec une division par 3 en un an des valorisations boursières du marché du bitcoin) et des faillites retentissantes dans ce secteur (comme FTX, le second acteur mondial en cryptomonnaies) font craindre à la bourgeoisie la contagion à d'autres acteurs de la finance traditionnelle. L'instabilité financière dans ce secteur est un signe avant-coureur de menaces de krachs à venir, comme celui de l'immobilier (50% des transactions mondiales en valeur), qui a débuté en Chine, et qui menace ailleurs.
  • De même "L'économie de la tech vacille, (…) Depuis une dizaine d'années on a assisté à l'émergence d'une bulle financière nourrie par l'abondance de liquidités créées par les banques centrales. (…) Cette bulle a éclaté depuis le début de la guerre russo-ukrainienne et l'irruption de l'inflation. La valorisation de la tech sur les marchés boursiers s'est effondrée. Amazon est devenue la première entreprise de l'histoire à perdre 1000 milliards de dollars de valeur en Bourse. Une évaporation de 200 milliards en six mois pour Meta. (…) Ce brutal retour à la réalité a déclenché de vastes plans de licenciements en particulier aux États-Unis. Ce sont 130 000 emplois qui auront vraisemblablement été détruits dans la tech en 2022."[18]
D. La poursuite de la politique d'endettement

Bien que la masse de l'endettement (260% du PIB mondial) fragilise déjà l'ensemble de son système[19], malgré que l'évolution de la nature de l'endettement est de moins en moins basée sur de la plus-value déjà réalisée, et est alimentée par la planche à billets et la dette souveraine des États, la poursuite de la politique d'endettement reste une obligation à laquelle sont soumis tous les capitaux nationaux, en dépit des effets délétères sur la stabilité de plus en plus aléatoire du système capitaliste. Tous les États sans exception s'y engagent toujours plus pour faire face aux contradictions générées par le système capitaliste. C'est ce que montre la suspension du Pacte de stabilité de l'UE, qui ne sera rétabli début 2023 qu'après avoir été fortement modifié avec un assouplissement de ses règles d'application, et sans doute pour permettre à la BCE de jouer le rôle de prêteur en dernier recours.

E. Le chaos politique au sein de la classe dominante, facteur d'aggravation de la crise 

L'irresponsabilité et l'incurie de la classe dominante qui se sont manifestées dans la crise sanitaire comme dans celle de l'énergie, ou face aux phénomènes climatiques, constituent un puissant facteur d'aggravation de la crise.

S'ajoutent à ces facteurs le chaos politique et l'influence du populisme au sein de la classe dominante. Ceux-ci, au sein de la plus ancienne bourgeoisie du monde, ont des effets catastrophiques sur l'économie du Royaume Uni. Le Brexit illustre l'irrationalité du chacun pour soi économique ; "Au lieu de la prospérité, de la souveraineté et du rayonnement international, que [les conservateurs] prétendaient apporter en rompant avec leurs voisins, ils n'ont récolté que le ralentissement de leurs exportations, la dépréciation de la livre sterling, les pires prévisions de croissance des pays développés hormis la Russie, et l'isolement diplomatique.[20]" (Le Monde 18-19/12) Ce sont l'incompétence et le clientélisme électoral du gouvernement de Lizz Truss, succédant à Johnson en un passage éclair au pouvoir qui expliquent ses décisions irresponsables, condamnées par le reste de la classe dominante : l'annonce de baisses d'impôts de 45 milliards non financées au profit des plus aisés a conduit à accélérer la chute de la Livre, et à faire craindre son effondrement et une crise de la dette !

En Italie, les gages de respect des règles européennes donnés par Meloni (première arrivée au pouvoir d'un gouvernement d'extrême droite dans un des pays fondateurs de l'UE) ont momentanément calmé les craintes sur l'avenir du plan de relance italien financé par le fond européen créé par un endettement commun aux pays membres, mais n'augurent aucune stabilité à venir.[21]

Enfin, les divisions au sein de la classe dominante ne peuvent que s'aggraver en raison des choix et des priorités à adopter dans la défense des intérêts de chaque capital national dans un contexte plus qu'incertain et contradictoire.

F. L'aggravation du chacun pour soi au cœur des rapports entre nations

Dans le rapport de 2020, le CCI se demandait si le développement du chacun pour soi, trouvant son origine dans l'impasse de la surproduction et la difficulté croissante du capital à réaliser l'accumulation élargie du capital tout comme dans les effets même de la décomposition, était irréversible. Entre la crise de 2008 (qu'on peut considérer comme celle de la mondialisation) et aujourd'hui, le chacun pour soi dans les relations entre puissances a connu progressivement un changement qualitatif pour désormais triompher complètement. D'après le FMI la guerre va "modifier fondamentalement l'ordre économique et géopolitique mondial." Le conflit en Ukraine clôt la période "d'entre deux" ouverte après 2008 et marque la fin de la mondialisation :

  • Après 2008 le chacun pour soi s'est d'abord manifesté par la tendance à la remise en cause par la Chine, et surtout les États-Unis du cadre de la mondialisation ; l'un par le sabotage des structures comme l'OMC ; l'autre par le développement de son propre projet alternatif des routes de la Soie.
  • Il s'est ensuite magistralement illustré durant l'épidémie de Covid, notamment à travers l'incapacité de coordonner une politique de production, de diffusion et de vaccination à l'échelle de la planète ; le comportement de gangster de certains pays volant le matériel médical destiné à d'autres pays, la tendance au repli sur soi dans le cadre national et la volonté de chaque bourgeoisie à vouloir sauver son économie au détriment des autres comme tendance irrationnelle désastreuse pour tous les pays et pour l'ensemble de l'économie mondiale.
  • L'actuelle "guerre du gaz" entre les nations se montre digne de celle des masques[22] : Le récent sabotage du pipeline Nord Stream II, imputé à un "agent étatique", encore non identifié à ce jour, illustre les mœurs de gangsters tandis que "sur le marché du GNL, (…) tous les coups sont permis."[23]

Les États-Unis sortent grands gagnants de la guerre y compris sur le terrain de l'économie. Dans les conditions historiques de la décomposition, à la faveur de la guerre, expression ultime de la guerre de tous contre tous, la puissance militaire – comme unique moyen réel à la disposition des États-Unis pour défendre leur leadership mondial – les États-Unis obtiennent le renforcement momentané de leur économie nationale au détriment du reste du monde au prix de la dislocation globale et de l'affaiblissement convulsif de l'ensemble du système capitaliste[24]. Ce renforcement économique des États-Unis est le produit direct du chacun pour soi ; il n'est pas contradictoire avec l'enfoncement de l'ensemble du système dans la spirale de sa décomposition (il en est une manifestation et ne représente en aucun cas une stabilisation, mais au contraire témoigne de l'aggravation de cet enfoncement) puisqu'il a pour corolaire et condition le développement phénoménal du chaos et l'affaiblissement du système capitaliste dans son ensemble. "Le soutien sans faille de Washington à l'Ukraine a fait des États-Unis le grand gagnant de la séquence au plan mondial sans qu'un seul GI n'ait eu besoin de fouler le sol ukrainien. Des gains géostratégiques, militaires et politiques indéniables. (…) Sur fond de protectionnisme et de nationalisme économique décomplexés, l'Amérique de Biden peut désormais se consacrer tout entière à la guerre technologique contre son seul grand rival, la Chine. L'Europe, elle qui avait réussi à jouer solidaire pendant le covid, sort affaiblie, divisée, avec un tandem franco-allemand en lambeaux."[25] Dans cette descente aux enfers du capitalisme mondial, la guerre change la donne pour tous les capitaux et elle bouleverse l'ensemble des relations économiques mondiales :

  • La guerre du gaz et du pétrole : Retournement sans précédent, Washington en sort grand vainqueur, alors que les États-Unis il y a 10 ans n'exportaient pas de GNL, ils en sont désormais le premier exportateur mondial. la guerre a rebattu toutes les cartes du marché mondial. "Les États-Unis profitent d'une quasi-indépendance énergétique, qui leur permet de se projeter sereinement dans un monde où les hydrocarbures sont devenus des armes géopolitiques. L'Amérique n'a pas besoin d'importer de gaz, elle en est le premier producteur mondial devant la Russie. Concernant le pétrole, Washington est aussi le premier producteur au monde et il a récemment réduit sa dépendance au brut étranger[26]." (Le Point Géopolitique, Les guerres de l'énergie, p.7) Produit d'une vaste politique vers l'autosuffisance engagée à long terme depuis l'administration Obama dans le cadre de sa volonté de contrecarrer la montée en puissance de son challenger chinois, la guerre en Ukraine non seulement permet aux États-Unis d'en tirer grand profit pour booster leur industrie[27] mais elle a été le moyen de s'ériger en acteur incontournable. Les États-Unis placent leurs rivaux sur la défensive et en état d'infériorité sur ce plan stratégique de l'énergie :

L'Europe en est quasiment réduite à passer de la dépendance au gaz russe à celle du GNL américain. Pour échapper à cette mortelle strangulation les Européens recherchent frénétiquement à diversifier leurs fournisseurs.

La Chine largement dépendante des importations d'hydrocarbures sort désavantagée et fragilisée face aux États-Unis désormais en mesure de contrôler – de couper – les routes terrestres et maritimes de l'approvisionnement chinois.

  • Le renforcement de l'industrie militaire : Pesant 40% du marché d'armes, "le succès stratégique indéniable pour la machine de guerre américaine" booste l'industrie militaire US : "L'arsenal de la démocratie, comme l'appelait le président F D Roosevelt, tourne à plein régime (…) Résultat, l'industrie militaire américaine est confrontée à des contraintes de production considérables.[28]"
  • Le Dollar fort et la hausse des taux La massivité hors-norme du plan Biden de 1700 milliards de dollars de soutien à l'économie américaine gonflant la demande et la consommation, suivi du début du démantèlement du dispositif d'assouplissement monétaire et de la hausse progressive des taux par la FED (décidé dès début 2022) a pris de court tous leurs rivaux. Tirant profit à la fois du rôle central du dollar (dans les réserves des banques centrales du monde, sa prépondérance dans l'économie et le commerce mondiaux), du dollar fort, de la taille de son économie et de son rang de première puissance économique mondiale, cette politique a pour effet :
    1. d'attirer, de canaliser les capitaux et les investissements (en quête d'un refuge) vers l'économie américaine,
    2. de faire financer par le reste du monde le soutien à son économie,
    3. de reporter les effets les plus délétères de l'inflation sur d'autres pays plus faibles[29]. Les États-Unis renforcent la stabilité et la puissance de leur économie au détriment direct de leurs concurrents les plus directs.

Clairement, les États-Unis n'hésitent pas à prendre le risque d'impulser la récession, de ralentir le commerce international et de provoquer des crises financières dans les États les plus faibles pourvu que leur économie en tire profit et en soit la bénéficiaire au nom de la nécessité du sauvetage de leur propre économie et de leur place de 1ère puissance mondiale.

  • Le renforcement du protectionnisme : le plan de 370 milliards de dollars de "l'Inflation Reduction Act" d'investissements publics dans l'industrie, assorti de fortes mesures protectionnistes accordant une préférence nationale aux équipements produits aux États-Unis, défavorisant les produits importés, constitue pour l'UE un "2ème choc de compétitivité" (après celui du gaz).

Plus généralement, l'ensemble des mesures prises aux États-Unis au plan économique, monétaire, financier et industriel jouent comme un aspirateur à investissements et un aimant à délocalisations vers le territoire américain. "L'eldorado" des prix bas de l'énergie et des subventions détourne vers les États-Unis capitaux et grandes entreprises étrangères, au détriment de l'Europe particulièrement. Ainsi, plus d'une soixantaine d'entreprises allemandes (Lufthansa, Siemens…) envisagent d'investir aux États-Unis. VW a annoncé vouloir augmenter sa production de véhicules électriques aux États-Unis et projette 7 milliards d'investissements dans ses sites US. BMW investit 1,7 milliard dans son usine de Caroline du Nord et est tenté de produire les batteries sur place plutôt que dans le cadre des projets européens. La France estime ses pertes potentielles à "10 milliards d'euros d'investissements" et à "10.000 créations potentielles d'emplois" perdues.

A cette "bascule" des États-Unis "du mauvais côté" du protectionnisme" (dixit l'UE),[30] répond la menace d'un "Buy European Act" ; et "France et Allemagne ont formalisé une proposition de contre-offensive… et demandé à Bruxelles d'assouplir les règles qui régissent les subventions publiques aux entreprises ainsi que des subventions ciblées et des crédits d'impôts pour les secteurs stratégiques."[31]

  • Agriculture : "La guerre en Ukraine a bouleversé tous les équilibres agricoles. L'Afrique et le Maghreb ont été les premières victimes. Mais le Vieux continent aussi a été touché. Au cours de la décennie passée, l'Europe s'est mise dans la main de d'Ukraine pour son approvisionnement en maïs.[32] (…) Même si une grande partie des livraisons a pu quitter l'Ukraine, le compte n'y est pas pour les acheteurs européens qui ont dû aller toquer à la porte d'autres fournisseurs. Les États Unis disposent d'une très grande capacité de production en maïs. (…) Cette force leur a non seulement permis de servir leur propre marché intérieur mais aussi de prendre le relais de la Russie et de l'Ukraine pour exporter largement vers d'autres pays. Et notamment vers l'Europe." [33]
  • Les États-Unis à l'offensive contre le Chine sur le plan économique : En position de force, les États-Unis renforcent leur pression sur la Chine et s'attaquent à ses intérêts économiques partout dans le monde à travers différentes initiatives et, profitant de l'affaiblissement et des divisions entre Européens, cherchent par différents moyens à les contraindre à les suivre dans leur offensive[34] : Une "première" : le G7 de juin 2022 a dénoncé les "interventions non transparentes et faussant le marché de la part de la Chine" et préconisé des "approches collectives, également au-delà du G7, pour relever les défis posés par les politiques et pratiques non marchandes qui faussent l'économie mondiale" en utilisant l'argument démocratique "d'éliminer toutes les formes de travail forcé des chaînes d'approvisionnement mondiales, y compris le travail forcé soutenu par l'État, comme au Xinjiang."

Afin de garantir leur avance technologique décisive sur la Chine, les États-Unis organisent la relocalisation[35] sur leur sol de la production des semi-conducteurs de dernière génération ainsi qu'un contrôle international sur l'ensemble de la filière dont ils entendent exclure la Chine, tout en menaçant de sanctions tout rival entretenant avec cette dernière des relations commerciales susceptible de violer ce "monopole".

Le vaste programme d'investissements de 600 milliards de dollars d'ici à 2027 à destination de ces pays en développement du Partenariat mondial pour les infrastructures, vise quant à lui à contrecarrer prioritairement en Afrique subsaharienne mais aussi en Amérique centrale et en Asie, les immenses chantiers financés par la Chine dans le cadre des Routes de la Soie.

La mise en place du Cadre économique pour l'Indopacifique[36] devant "écrire les nouvelles règles pour l'économie du 21ème siècle" (Biden) et "mettre en place des chaînes d'approvisionnement qui soient solides et résilientes" sous le contrôle de Washington a aussitôt été dénoncée par la Chine comme la "formation de cliques destinées à la contenir".

L'UE en proie au chacun pour soi ? Profondément divisée, marquée par le cavalier seul de l'Allemagne qui a débloqué unilatéralement un plan de 200 milliards de soutien à son économie (qualifié de "doigt d'honneur au reste de l'Europe") et par la dispute entre France et Allemagne pour le leadership, l'Union est traversée par d'importants tiraillements. "Certains pays, comme l'Allemagne, ont les moyens de subventionner massivement leur industrie. D'autres comme l'Italie, beaucoup moins. La Péninsule, la Grèce, l'Espagne mais aussi la France s'en inquiètent et demandent des mesures de solidarité européennes pour corriger ces différences. "L'IRA [l'Inflation Reduction Act] américain, c'est 2 points de PIB, il faut faire un effort comparable" a précisé E. Macron. À l'inverse, Allemagne, Pays-Bas et Suède restent opposés à un nouvel instrument financier européen."[37] Les deux puissances européennes ne sont pas sur la même longueur d'onde concernant la Chine : "Les rondeurs diplomatiques ne suffisent plus à cacher le fossé qui sépare Washington – qui considère Pékin comme son principal rival – et le gouvernement allemand, dont les intérêts le pousse à maintenir une bonne relation commerciale avec la Chine.(…) Sans être alignée sur les États-Unis, la France est plus proche de Washington que de Berlin. La Chine n'est que le 5ème partenaire commercial de la France (…) Lorsque Macron a rencontré Xi en marge du sommet du G20, sa position était plus proche de celle de Biden que de celle de Scholz.[38]" Ainsi au voyage en solo de Scholz en Chine a répondu celui de Macron aux États-Unis.

Si ces tensions devaient, sous le poids des intérêts nationaux contradictoires qui la traversent et leur aiguisement attisé par le rival américain, s'exacerber au point de menacer l'UE d'éclatement, cela constituerait un facteur d'aggravation de grande magnitude de la crise et une déstabilisation de l'ensemble du système capitaliste.

La réaction de la Chine : La guerre en Ukraine montre à quel point le découplage des économies américaine et chinoise engagé à l'initiative des États-Unis rend la Chine vulnérable :

  • Les sanctions contre la Russie forment un avertissement pour la Chine concernant "les conséquences gigantesques pour l'économie chinoise de sanctions occidentales potentielles contre la Chine.[39]" Concernant ses énormes réserves de changes en dollars "La guerre en Ukraine a tiré le signal d'alarme. (…) Les experts chinois constatent que la dépendance vis à vis du dollar est encore plus inquiétante que dans le cas de la Russie. La Chine n"est pas prête à faire face à des sanctions occidentales éventuelles" et "veut renforcer drastiquement la sécurité de ses actifs à l'étranger pour ne pas répéter les erreurs de la Russie, (…) modifier la structure des investissements à l'étranger et réduire au plus vite la dépendance vis-à-vis des dollars US[40]" pour sortir de la contradiction de n'avoir "guère d'autre solution actuellement pour valoriser les dollars reçus par son excédent commercial que de les prêter sur la durée aux États-Unis.[41]"
  • Les efforts de l'État de faire du yuan une monnaie internationale concurrençant le dollar ont fait long feu, même dans un contexte où de nombreux pays pourraient chercher à se mettre à l'abri de sanctions occidentales : le yuan stagne à 2,88% des réserves de change (dont 30% détenus par la Russie) (contre 59,5 pour le dollar et 19,76 pour l'euro) ; et depuis 2015 à la 5° position dans les paiements mondiaux avec une part de 2,44% contre 42% pour le dollar. La BPC (Banque Populaire de Chine) doit lutter contre la dépréciation du yuan face au dollar.
  • "Résultat des mesures prises ces dernières années par les États-Unis" restreignant l'exportation des hautes technologies (utilisées par la production de pointe dans l'automobile, l'aéronautique, la conquête spatiale, la recherche scientifique, l'informatique, les transports, la médecine, etc.) "la Chine est pour le moment absente de la course (…) les fabricants chinois de semi-conducteurs ne possèdent pas la technologie leur permettant de rattraper leur retard. (…) Si bien que certains experts doutent du fait que la Chine parvienne à court et moyen terme à rattraper son retard dans ce domaine porteur d'une bonne partie de la croissance économique à venir." (Asyalist)
  • La Chine est engagée dans la lutte concurrentielle à mort pour le contrôle de certaines filières stratégiques (comme les terres et métaux rares) ; ou pour garantir ses approvisionnements en hydrocarbures, profitant de l'affaiblissement de la Russie pour signer des contrats avec des Républiques d'Asie Centrale et du chacun pour soi pour se rapprocher de l'Arabie Saoudite.
  • Les intérêts économiques vitaux de la Chine sont en jeu dans les tensions autour de Taïwan, qui comme Singapour, joue un rôle de plateforme essentielle pour l'industrie manufacturière chinoise et est indispensable à son modèle économique actuel.

Quelles conséquences ?

L'exclusion par les États-Unis de la Russie du commerce international, l'offensive contre la Chine, leur volonté affichée de reconfigurer les rapports économiques mondiaux à leur avantage marquent un tournant dans la vision du libre-échange tel qu'il a guidé la politique américaine depuis près de trente ans. Cela aura pour conséquence une fragmentation plus grande du marché mondial dans la multiplication d'accords régionaux comme celui entre les États-Unis, le Canada et le Mexique signé en 2020[42].

De tels accords entre signataires partageant prétendument "davantage d'intérêts communs", de même que le commerce entre États et entreprises privilégiant les partenaires de "même sensibilité, pour ne plus commercer avec n'importe qui", n'augurent aucune stabilité ni la formation de relations économiques exclusives sous l'égide de grands parrains. Tout au contraire. Parce qu'ils ont tendance à épouser les multiples lignes de fracture des tensions entre puissances, ils n'auront comme résultat que la fragmentation accrue du marché mondial à l'échelle globale et le renforcement du chacun pour soi, de la guerre commerciale, du repliement sur soi national et la recherche de la préservation de la souveraineté nationale sur tous les plans. Cela ne fera qu'aiguiser, comme question de survie, la volonté du contrôle de chaines de production stratégiques indispensable à la survie nationale et de se mettre en position de forces vis-à-vis des autres puissances soumises au chantage ou au contraire de s'y soustraire. [43]

Désormais, non seulement la capacité de coopération des principales nations capitalistes pour retarder et amoindrir l'impact de la crise économique sur l'ensemble du système capitaliste et sur elles-mêmes, a progressivement disparu (sans qu'il soit perceptible d'en prévoir le retour) mais il s'esquisse de plus en plus clairement une politique, en particulier impulsée par la première des grandes puissances, les États-Unis, de sauvegarder son propre rang dans l'arène mondiale au détriment direct des autres puissances de même type (et du reste du monde) en s'attaquant à leurs intérêts et en provoquant délibérément leur affaiblissement.

Cette situation rompt ouvertement avec une bonne partie des règles que les États s'étaient donné depuis la crise de 1929 et ouvre une période de terra incognita, où le chaos va prendre, y compris dans et parmi les pays centraux, une dimension nouvelle, inconnue, aux répercussions encore difficilement "imaginables" frappant le cœur du système capitaliste dans une spirale d'enfoncement encore plus grand dans la crise.

III. Perspectives

A. Aggravation de la crise : le seul avenir sous le capitalisme

La crise irréversible du capitalisme représente la toile de fond d'une accélération du chaos et de la barbarie. C'est plus particulièrement 50 ans de crise économique, accélérée depuis 2018, qui se manifeste ouvertement aujourd'hui par une inflation galopante avec ses séquelles de misère, de faim et de paupérisation généralisée.

  • "La crise capitaliste touche les fondements mêmes de cette société. Inflation, précarité, chômage, rythmes infernaux et conditions de travail qui détruisent la santé des travailleurs, logements inabordables, témoignent d'une dégradation imparable de la vie de la classe ouvrière et, bien que la bourgeoisie tente de créer toutes les divisions imaginables, en accordant des conditions "plus privilégiées" à certaines catégories de travailleurs, ce que nous voyons dans l'ensemble est, d'une part, ce qui va peut-être être la PIRE CRISE de l'histoire du capitalisme, et, d'autre part, la réalité concrète de la PAUPÉRISATION ABSOLUE de la classe ouvrière dans les pays centraux, confirme totalement la justesse de cette prévision que Marx a faite concernant la perspective historique du capitalisme et dont les économistes et autres idéologues de la bourgeoisie se sont tant moqués."[44]

Contrairement aux années 30, il y a aujourd'hui davantage de facteurs aggravant la crise. La pandémie et la guerre en Ukraine marquent une nouvelle qualité dans la situation. La concaténation des facteurs de décomposition est à la base d'une spirale de dégradation et d'aggravation de la situation économique mondiale. "Cette crise s'annonce plus longue et plus profonde que celle de 1929. Tout d'abord, parce que les effets de la décomposition dans l'économie tendent à perturber le fonctionnement de la production, provoquant des goulots d'étranglement et des blocages constants dans une situation de chômage croissant, associé, paradoxalement, à une pénurie de main-d'œuvre. Elle s'exprime surtout par une inflation galopante, que les différents plans de sauvetage successifs, montés à la hâte par les États face aux pandémies et aux guerres, n'ont fait qu'alimenter par un endettement précipité. Les banques centrales augmentent les taux d'intérêt pour tenter de juguler l'inflation. Ce faisant, elles risquent de précipiter une récession très violente, étranglant à la fois les États et les entreprises. Un tsunami de misère, une paupérisation brutale du prolétariat dans les pays centraux est déjà en cours."[45] Le spectre de la "stagflation" plane sur le monde. Alors que c'est un concept des économistes bourgeois des années 1970 caractérisant un état de forte inflation avec une stagnation économique, aujourd'hui ce danger devient évident et l'inflation non maîtrisée actuelle et le ralentissement de l'économie conduiront à des faillites en chaîne, voire de pays entiers (Pakistan, Sri Lanka, etc.) ainsi qu'à des turbulences financières et des difficultés encore plus grandes dans les pays émergents.

"La croissance des économies avancées devrait fortement décélérer, passant de 5,1 % en 202,1 à 2,6 % en 2022 (1,2 point de pourcentage de moins que les projections de janvier). La croissance devrait encore se modérer pour atteindre 2,2 % en 2023, reflétant en grande partie le retrait du soutien de la politique monétaire et budgétaire fourni pendant la pandémie."[46]. La bourgeoisie n'a pas d'autre alternative que de continuer à augmenter les taux d'intérêt, comme l'a fait la FED en novembre dernier, tous les états sont impliqués dans cette dynamique et cela va provoquer des contractions sur les marchés, des fermetures d'entreprises avec des licenciements massifs comme on peut le voir dans les entreprises technologiques aux États-Unis (GAFAM). La délocalisation d'entreprises de la Chine vers l'Amérique (Nearshoring) va aggraver la situation du chômage dans certaines régions du monde.

Contrairement aux années 30, les niveaux d'endettement actuels sont sans précédent. La Chine, deuxième puissance mondiale, doit 2,5 fois son PIB ! Dans le même temps, elle est devenue un bailleur de fonds, d'abord pour soutenir sa route de la soie et assurer son influence en Afrique et Amérique latine. Les États-Unis dont la dette totale dépasse désormais les 31 trillions (millions de millions) ont imprimé 5 milliards de dollars tandis que l'UE, avec 750 millions d'euros, a imprimé 20 % de plus que les États-Unis. Les perspectives pour les années à venir seront pleines de convulsions et de difficultés pour le capitalisme.

B. La Chine comme facteur déstabilisant et aggravant de la crise

i.- L'économie chinoise a subi un fort ralentissement dû aux blocages répétés, puis au tsunami d'infections qui a provoqué le chaos dans le système de santé, à la bulle immobilière et au blocage de plusieurs routes de la "route de la soie" en raison de conflits armés (Ukraine) ou du chaos ambiant (Éthiopie). La croissance au cours du premier semestre de cette année a été de 2,5 %, ce qui rend l'objectif de 5 % fixé pour cette année inatteignable. Pour la première fois en 30 ans, la croissance économique de la Chine sera inférieure à celle des autres pays asiatiques (Vietnam). Les grandes entreprises technologiques et commerciales telles qu'Alibaba, Tencent, JD.com et iQiyi ont licencié 10 à 30 % de leurs effectifs. Les jeunes sont particulièrement sensibles à la détérioration de la situation, avec un taux de chômage estimé à 20% parmi les étudiants universitaires à la recherche d'un emploi. Les projets d'expansion de la "nouvelle route de la soie" sont également en difficulté en raison de l'aggravation de la crise économique : près de 60 % de la dette envers la Chine est désormais due par des pays en difficulté financière, contre 5 % en 2010. En outre, la pression économique des États-Unis s'intensifie, notamment avec la loi sur la réduction de l'inflation et la loi sur les puces aux États-Unis, qui visent directement les exportations de technologies de plusieurs entreprises technologiques chinoises (par exemple Huawei) vers les États-Unis.

Plus pénible encore pour la bourgeoisie chinoise, les problèmes économiques, couplés à la crise sanitaire, ont donné lieu à d'importants mouvements de protestation sociale.

ii.- L'échec du modèle néo-stalinien de la bourgeoisie chinoise. Face aux difficultés économiques et sanitaires, la politique de Xi Jinping a été de revenir aux recettes classiques du stalinisme :

- Sur le plan économique, depuis Deng Xiao Ping, la bourgeoisie chinoise avait créé un mécanisme fragile et complexe pour maintenir un cadre de parti unique tout-puissant cohabitant avec une bourgeoisie privée directement stimulée par l'État. "Fin 2021, l'ère de la réforme et de l'ouverture de Deng Xiaoping est clairement terminée, remplacée par une nouvelle orthodoxie économique étatiste".[47] La faction dominante derrière Xi Jinping réoriente l'économie chinoise vers un contrôle étatique absolu de type stalinien ;

- Sur le front social, avec la politique du "Covid zéro", Xi n'assurait pas seulement un contrôle impitoyable de l'État sur la population, mais imposait également ce contrôle aux autorités régionales et locales, qui s'étaient révélées peu fiables et inefficaces au début de la pandémie. Dès l'automne, il a envoyé des unités de la police centrale d'État à Shanghai pour rappeler à l'ordre les autorités locales qui libéralisaient les mesures de contrôle.

"Un capital national développé, propriété "privée" de différentes sections de la bourgeoisie, trouve dans la "démocratie" parlementaire son appareil politique le plus approprié ; au contrôle étatique presque complet des moyens de production répond le pouvoir totalitaire d'un parti unique".[48]

La faillite de la politique du "Covid zéro" a eu comme répercussion la réélection pour un troisième mandat de l'homme qui l'a imposée, Xi Jinping, au prix de compromis complexes entre les factions du PCC. La bourgeoisie chinoise démontre ainsi plus que jamais son incapacité congénitale à surmonter la rigidité politique de son appareil d'État, lourd héritage du maoïsme stalinien.

iii.- Une crise qui s'étend inexorablement La deuxième plus grande puissance du monde est prise dans la même dynamique que ses pairs. Cette catastrophe est encore à venir.

  • Le rôle de la Chine dans la crise financière de 2008 a été de contenir et de ne pas cesser d'investir, notamment en se concentrant sur son marché intérieur et ses infrastructures (trains à grande vitesse), bien sûr, le tout sur la base d'une montagne de dettes. Toutefois, lors de la crise financière de 2008, c'est resté un "secteur sain de l'économie". Aujourd'hui nous ne pouvons pas en dire autant ; la Chine a vu la faillite d'Evergrande suivie par celle de Shintao (deuxième entreprise de construction après Evergrande). Evergande à elle seule représentait 350 milliards de dollars de dette qu'ils ne peuvent pas payer. Derrière cette dette se trouvent des investisseurs internationaux, dont Black Rock, qui réclament leur argent. Les banques régionales ont fait faillite au point de déclencher un "corralito[49]" chinois. 320 projets immobiliers sont à l'arrêt et il y a 100 millions de logements vides. La dette des ménages a triplé pour atteindre 7 000 milliards de dollars et il faut ajouter la dette des entreprises. La sécheresse a fortement réduit la production d'énergie hydroélectrique au point de forcer le rationnement et la fermeture partielle d'usines, comme TESLA qui, ironiquement, produit des voitures électriques ! Quelle a été la réponse de la bourgeoisie chinoise à la crise ? Baisse des taux d'intérêt, embauches massives dans l'état, fonds d'État pour les infrastructures et l'immobilier, rien de nouveau ! et nous connaissons déjà l'"efficacité" de ces mesures... Nous ne pouvons que nous attendre à une série de chocs économiques dans un avenir proche dans cette région du monde.
  • La guerre commerciale avec les États-Unis et les intentions de ne plus être dépendant de la Chine ont amené les pays développés, et les États-Unis en première ligne, à diversifier leurs chaînes d'approvisionnement et à chercher de nouveaux pays maquiladora[50]. Ainsi, des pays comme le Mexique, mais surtout le Vietnam, qui a déjà dépassé la Chine en termes de croissance économique en pourcentage, apparaissent comme les nouvelles "maquiladoras" du capitalisme. Cette année, les commandes américaines aux fabricants chinois ont chuté de 40 % (CNBC).

En conclusion, il semble aujourd'hui que si le capitalisme d'État chinois a su profiter des opportunités offertes par le changement de bloc, l'implosion du bloc soviétique et la mondialisation de l'économie prônée par les États-Unis et les principales puissances du bloc occidental, sa faiblesse congénitale dans sa structure étatique de type stalinien constitue désormais un handicap majeur face aux problèmes économiques, sanitaires et sociaux. La situation annonce l'instabilité et un possible bouleversement, même pour la position de Xi et de ses partisans au sein du PCC. Une déstabilisation du capitalisme chinois aurait des conséquences imprévisibles sur le capitalisme mondial.

C. La poursuite du militarisme et de l'économie de guerre

L'année 2021 a vu une explosion accélérée des dépenses militaires. Les États-Unis ont augmenté leurs dépenses de 38% (880 millions de dollars), la Chine de 14% (243 millions de dollars) et la Russie de 3% (65 millions de dollars). La supériorité militaire de l'Amérique se reflète dans son budget. Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), la même année, "le monde a dépensé 2 000 milliards de dollars" dans le domaine militaire.

L'ensemble de la région indopacifique a vu ses dépenses militaires augmenter de peur d'être victime de l'impérialisme chinois : le Japon a également doublé son budget militaire et signé un accord de "transfert de défense" avec le Vietnam, la Thaïlande investit 125 millions de dollars dans 50 navires de guerre pour protéger ses mers, l'Indonésie augmente de 200% ses investissements militaires en mer de Chine et les Philippines viennent de recevoir 64 millions de dollars supplémentaires des États-Unis pour renforcer ses bases militaires afin de contenir les menaces chinoises. Mais cette région n'est pas la seule à être prise dans cette dynamique, personne n'est épargné.

Le monde se dirige vers une explosion des dépenses militaires comme jamais auparavant dans l'histoire. Toutes ces dépenses improductives seront chargées sur le dos des travailleurs.

Non seulement la mise en œuvre d’énergies propres et renouvelables, est impossible sous le capitalisme, mais la guerre de l'énergie continuera de marquer l'avenir de ce système. Le contrôle des sources d'énergie, en particulier du gaz et surtout du pétrole, restera une question de "sécurité nationale" pour chaque capital. Le fonctionnement des entreprises en dépend, et au niveau impérialiste, l'armée fonctionne au pétrole. Les États-Unis ont actuellement le contrôle de ces ressources et le fait qu'ils soient aujourd'hui les principaux fournisseurs de l'Europe devient une source de chantage et de pression future sur les pays de l'UE. Le voyage de Xi en Arabie saoudite et le récent accord énergétique avec la Russie le confirment.

Il faut souligner l'accélération historique de l'influence de la guerre sur l'économie, qui s'est manifestée de manière tragique avec la guerre en Ukraine. En faisant une comparaison historique avec la guerre du Vietnam, si la charge militaire pesait alors sur l'économie, aujourd'hui, l'impact du militarisme sur l'économie est encore plus important.

D. L'impossible transition énergétique

Le capitalisme est le seul système de l'histoire capable de dévaster la nature à grande échelle, en éliminant des écosystèmes entiers et en accélérant l'extinction d'espèces, ce qui modifie l'ordre naturel tout entier. Ce phénomène est cumulatif et s'accélère, entraînant une dévastation rapide de la planète. L'actuelle "transition vers les énergies propres" n'est que l'expression de la lutte entre les capitalistes et de leur compétition à mort. Il s'agit de voir qui arrivera le premier sur le marché et enlèvera des clients à l'adversaire. Tous les discours sur leurs "préoccupations" pour l'environnement sont de la démagogie. L'aggravation de la "crise écologique" s'accélère et provoque des ravages inacceptables. Les États-Unis dont l'ancien président Trump a nié l'existence du "changement climatique" sont confrontés aux effets de cette crise écologique et la première puissance mondiale est loin d'être "épargnée" par les "catastrophes naturelles" et détient même le sinistre record mondial de destruction de la biodiversité. En fait, le capitalisme ne peut pas à la fois être un système concurrentiel et être "écologique", car :

  • Son objectif est le profit, pas la préservation de la nature, qui sera toujours considérée par le capitalisme comme une source de ressources gratuites dont la déprédation et les implications de celle-ci ne le concernent pas ;
  • Le chacun pour soi et l'anarchie de la production font que la bourgeoisie n'a aucun contrôle sur les "nouvelles technologies", elle est un apprenti sorcier !
  • Les avancées technologiques sont unilatérales, elles ne se soucient jamais du cadre mondial. Si l'extraction du lithium pour les batteries de voiture est polluante et que sa recyclabilité est réduite à 5 %, cela n'a aucune importance pour le capitalisme. L'essentiel est de vendre des voitures "vertes" ;
  • La séparation entre l'homme et la nature devient extrême sous le capitalisme, au point de considérer l'homme comme "extérieur" à son environnement naturel.

D'autre part, le retour au charbon, même si les entreprises paient une taxe supplémentaire pour couvrir les dommages causés à l'environnement - ce qui n'est qu'un paravent - n'élimine pas l'énorme échec du capitalisme à éliminer les émissions de carbone. Si les Européens avaient décidé d'abandonner l'énergie nucléaire, ils tentent maintenant de la réintroduire pour compenser leur dépendance vis-à-vis de la Russie et des États-Unis. C'est un nouvel exemple des échecs du capitalisme qui nous pousse à faire revivre les vieilles gloires, même si elles sont polluantes. Chaque pays n'agit que dans ses propres intérêts et les autres en pâtissent !

Une transition vers des "énergies vertes" sous le capitalisme équivaut à l'illusion d'un capitalisme sans guerres.

E. Vers la paupérisation absolue de la classe ouvrière dans les pays centraux

Les dépenses improductives du capital ne cesseront pas, le militarisme et le maintien de l'État feront des ravages dans la classe ouvrière. Ce phénomène de paupérisation de la classe ouvrière dans les pays centraux a son histoire, mais depuis la pandémie et la guerre en Ukraine, il s'est accéléré. L'inflation réduit considérablement le pouvoir d'achat des travailleurs et contrairement aux années 70, la bourgeoisie ne recourt pas aujourd'hui à l'indexation des salaires. Ainsi, la bourgeoisie au Royaume-Uni adopte une position dure sur les demandes d'augmentation des salaires pour compenser l'inflation ; le Premier ministre britannique a déclaré : "aucune négociation n'est possible".

  • "Se chauffer ou manger", ce slogan des grèves britanniques révèle la gravité de la situation. Pour de nombreuses familles de travailleurs, il est plus coûteux de payer l'énergie que l'hypothèque : salaires de plus en plus misérables, coût de la vie en hausse, augmentation constante des prix, licenciements massifs, coupes dans la sécurité sociale, attaque des pensions, etc. Tout cela augure un avenir de misère auquel le prolétariat devra répondre en suivant ses frères et sœurs de classe comme en Grande-Bretagne, en Europe et même aux États-Unis. Une perspective de paupérisation du prolétariat s'ouvre et s'accélère.
  • La pénurie de main d'œuvre est, à la fois produit et facteur de la crise du capitalisme. La logistique du capitalisme de la circulation des marchandises est en plein chaos, il n'y a pas assez de chauffeurs et les produits pourrissent ou il y a pénurie. Dans les soins de santé, il y a trop de postes vacants et dans l'éducation, les enseignants quittent rapidement leur emploi. En Chine par exemple, 1 jeune sur 5 ne trouve pas d'emploi "prometteur" et préfère ne rien accepter. "Laissez-les tourner" est une expression chinoise courante pour désigner les jeunes qui n'acceptent pas de travailler. Derrière cette situation se cache évidemment une issue individuelle et désespérée, une réaction "privée" à la dégradation des conditions de travail. Les nouvelles générations ne veulent pas vivre au rythme des cadences de la production capitaliste. Ce phénomène est en même temps l'expression d'un manque d'identité de classe, ils ne s'organisent pas pour lutter et ne prennent qu'une position personnelle face à un problème éminemment social, économique et politique. La réduction des allocations de travail, l'absence de pensions dans de nombreux pays, l'augmentation des maladies mentales et des suicides, tout cela crée des conditions de vie et de travail insupportables.

 C'est la crise et sa perspective de récession mondiale qui créent les conditions pour que les travailleurs commencent à élever leurs luttes sur leur terrain. "La crise économique, contrairement à la décomposition sociale qui concerne essentiellement les superstructures, est un phénomène qui affecte directement l'infrastructure de la société sur laquelle reposent les superstructures ; la crise met donc à nu les causes profondes de toute la barbarie qui pèse sur la société, permettant ainsi au prolétariat de prendre conscience de la nécessité de changer radicalement le système et de ne plus prétendre en améliorer certains aspects" (La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste, Revue internationale 107)

Janvier 2023


[1] Résolution sur la situation internationale (2021) ; Revue internationale n° 167.

[2] Le Monde 17/12

[3] La faim a progressé d'environ 18 % durant la pandémie et touche aujourd'hui 720 à 811 millions de personnes. La réduction des aides alimentaires, leur réorientation vers l'accueil des seuls réfugiés ukrainiens ou la réaffectation de leur montant en faveur des dépenses militaires en hausse ont fait que, pour l'Afghanistan où la famine menace 23 millions d'habitants, la Somalie où une partie de la population est en "danger de mort imminente " les fonds nécessaires n'ont pas pu être réunis.

[4] En Europe la réduction considérable de la production d'engrais (fortement consommatrice de gaz naturel) en raison des prix élevés de l'énergie entraine une diminution de la consommation d'engrais partout dans le monde, du Brésil aux États-Unis, qui menace le volume des prochaines récoltes. Ainsi par exemple : "Le Brésil, premier producteur mondial de soja, achète près de la moitié de ses engrais phosphatés à la Russie et à la Biélorussie. Il ne lui reste plus que trois mois de stock. L'association brésilienne des producteurs de soja (Aprosoja) a demandé à ses membres d'utiliser moins de fertilisants cette année, voire aucun. La récolte de soja du Brésil, déjà diminuée par une sévère sécheresse, risque par conséquent d'être encore plus maigre. Le Brésil vend son soja principalement à la Chine, qui en utilise une grande partie pour l'alimentation animale. Un soja moins abondant et plus cher pourrait obliger les éleveurs chinois à réduire les rations qu'ils donnent à leurs animaux. Résultat : des vaches, des porcs et des poulets plus petits – et une viande plus chère."

[5] Toutes les citations du passage proviennent de Courrier International

[6] "La raréfaction des recettes publiques du fait de l'embargo occidental sur les achats d'or, charbon et métaux, la paye n'arrive plus qu'épisodiquement auprès de certains régiments. Ce qui contribuerait à des refus de combattre, voire des redditions." (Les Echos 17/09/2022)

[7] "Nombre d'usines du complexe militaro-industriel ont dû réduire leur production, voire se mettre à l'arrêt, comme celle de missiles anti-aériens d'Ulyanovsk, de missiles air-air Vympel, ou de chars d'Uralvagonzavod, principal site de production du pays" (Les Echos 17/09/2022).

[8] "En effet, bien que Pékin refuse de publiquement désavouer son grand partenaire stratégique, les autorités chinoises se sont largement conformées aux sanctions imposées par les Occidentaux à l'encontre de la Russie. Les entreprises chinoises ont bien suivi des compagnies occidentales dans leur exode du marché russe : les géants de la tech chinois — Lenovo, TikTok et Huawei — ont bloqué toutes leurs opérations en Russie, alors que les constructeurs chinois des modules arctiques pour le mégaprojet gazier russe Arctic-LNG2 ont décidé de mettre un terme à leur coopération avec Novatek. Finalement, malgré les assurances de la propagande officielle du Kremlin, UnionPay, l'un des grands processeurs de paiement mondiaux sous contrôle de l'État chinois, a mis sur pause fin avril ses projets de collaboration avec les banques russes, coupant court leur espoir de trouver une alternative aux géants américains de paiement Visa et Mastercard. Ce pas de deux complexe devrait, aux yeux de Pékin, protéger les intérêts chinois et minimiser l'impact de la guerre sur l'économie chinoise… "Chine : 2022, l’année de tous les périls ? DIPLOMATIE)

[9] Diplomatie 118, p33 ; "Si on ajoute [aux dépenses purement militaires] l'aide humanitaire, économique d'urgence et l'assistance aux réfugiés, l'UE et les États membres ont fourni une aide supérieure à celle des États-Unis, selon l'institut de Kiel, à 52 milliards de dollars contre 48 milliards pour Washington. " (Les Echos, 3-4/02)

[10] IFRI, Le Point Géopolitique, Les guerres de l'énergie, p.6

[11] L'exemple de l'Afrique du sud montre le caractère général du problème : les effets de la sécheresse et les pénuries d'eau que connait le pays cet automne sont augmentés par une crise de l'énergie d'une ampleur inédite eu raison de la vétusté et des pannes des vieilles centrales à charbon enchainant des coupures d'électricité incessantes qui empêchent le pompage de l'eau dans les montagnes du Drakensberg et son acheminement vers Johannesburg et Pretoria, rationnées, tandis que 40 % disparait dans les fuites sur le réseau. Mais pour réparer toutes ses infrastructures, il faudrait 3,4 milliards d'euros, que la Régie de l'eau ne possède pas.

[12] Par ex. Dans la chimie (première consommatrice de gaz) la production est drastiquement réduite ; 70 % du secteur enregistre des pertes ; pour BASF des parties entières de son activité ne sont plus rentables ni compétitives ce qui entraine une plongée de 30% de ses résultats. Toute l'Europe (qui absorbe 60% des exportations de ce secteur) est touchée !

[13] Conflits n°42

[14] Les inondations ont presque entièrement détruit les récoltes de ce 5° producteur mondial de coton. C'est une perte colossale pour l'industrie du textile qui représente 10% du PIB ; l'agriculture dans le Sind a été détruite, le cheptel décimé ; le reste livré aux épizooties "la sécurité alimentaire des 220 millions d'habitants est en péril " (Le Monde 14/09) S'ajoutent les fléaux du paludisme, de la dengue, du choléra et de la typhoïde. Quatrième producteur de riz et fournisseur de la Chine et l'Afrique subsaharienne, "toute baisse des exportations ne fera qu'ajouter à l'insécurité alimentaire mondiale nourrie par la baisse des exportations de blé de l'Ukraine. " (Le Monde 14/09)

[15] Les Echos, 23-24/12

[16] Révolution Internationale, ancienne série n°6

[17] "L'inflation ne doit pas être confondue avec un autre phénomène de la vie du capitalisme se traduisant par l'évolution à la hausse du prix de certaines marchandises sous l'effet d'une offre insuffisante. Ce dernier phénomène a pris récemment une ampleur particulière du fait de la guerre en Ukraine qui a affecté la fourniture d'un volume significatif de différents produits agricoles dont la privation est d'ores et déjà un facteur d'aggravation de la misère et la faim dans le monde. Elle est une donnée permanente de la période de décadence du capitalisme qui impacte lourdement l'économie. Elle se traduit, comme l'insuffisance de l'offre, par l'augmentation des prix, mais elle est la conséquence du poids des dépenses improductives dans la société, dont le coût est répercuté sur celui des marchandises produites. Enfin un autre facteur d'inflation est la conséquence de la dévalorisation des monnaies résultant de l'utilisation de la planche à billets qui accompagne l'augmentation incontrôlée de la dette mondiale, laquelle approche actuellement les 260 % du PIB mondial. "

[18]Marianne n°1341

[19] De "…nombreux défauts de paiements se profilent à l'horizon. Le FMI estime que les 2/3 des pays à bas revenu et le quart des pays émergents sont confrontés à des difficultés sévères, liées à leurs dettes. " (Le Monde 24/09)

[20] Le Brexit a conduit à un décrochage de l'économie britannique : "Le RU est le seul pays avancé dont les exportations ont baissé l'an passé et restent inférieures à leur niveau d'avant covid (…) l'investissement des entreprises restait inférieure de 10% à son niveau de mi-2016. " (Les Echos 24/09) "Avec le Brexit, le passeport financier européen qui permettait de vendre des produits dans toute l'UE a été perdu. Une dizaine de milliers de banquiers ont quitté la place financière de Londres pour s'installer à Dublin, Francfort, Paris Luxembourg ou Amsterdam. (…) un autre phénomène : depuis fin 2019 le nombre d'emplois dans le secteur financier britannique a baissé de 76000 (sur un total actuel de 1,06 million) … le Brexit a joué un rôle significatif dans le recul de la City en lien avec la dizaine de milliers d'emplois délocalisés, mais surtout indirectement, parce que les grandes institutions financières internationales ont choisi d'investir ailleurs. " (Le Monde 19/11)

[21] 'Cet alignement sur la Commission Européenne et sa doctrine de la rigueur ne sera pas sans poser problème pour une partie importante de l'électorat de Mme Meloni. " (Le Monde Diplomatique, 12/22)

[22] "Depuis le début des années 1980 sous Reagan, les États-Unis avaient le rêve de couper l'Europe du gaz russe. Ils ont fait d'énormes pressions. Ils ont fait d'énormes pressions pour que le gazoduc Nord Stream 1 ne voit jamais le jour et ont recommencé des années plus tard avec Nord Stream 2, allant jusqu'à menacer de sanctions les entreprises qui participeraient au projet. La guerre en Ukraine est pour eux un cadeau du ciel."

[23] "Une histoire a défrayé la chronique au printemps dernier : un méthanier est parti le 21 mars de Freeport, au Texas, à destination de l'Asie. Mais au bout de dix jours de voyage, il a brusquement modifié son cap, en plein milieu de l'Océan Pacifique pour se détourner vers l'Europe. (…) les fortes primes offertes sur le Vieux Continent pour cette précieuse cargaison de GNL ont convaincu BP, la compagnie qui affrétait le navire, de changer ses plans." (Le Point Géopolitique, Les guerres de l'énergie, p.36) "Début novembre, une trentaine de navires gaziers gorgés de GNL pour une valeur de 2 milliards de dollars faisaient des ronds dans l'eau au large des côtes espagnoles et des terminaux nord-européens. Quand déchargeront-ils ? "Les courtiers qui contrôlent les tankers attendent que les prix montent quand la température chutera pendant l'hiver", explique le FT (4/11/2022) " (Le Monde Diplomatique, décembre 22)

[24] L'impact de la crise sur l'économie américaine, l'érosion relative du poids de l'économie US dans le monde, les effets de la décomposition sur leur appareil politique ainsi que la tendance historique de perte de leur leadership ne doivent pas conduire à sous-estimer la réalité de la puissance des États-Unis et leur capacité à la défendre sur tous les plans : "Les États-Unis exploitent un système panoptique unique qui leur permet de contrôler la plupart des nœuds névralgiques de la mondialisation. "Global" reste l'adjectif définissant le mieux leur puissance et leur stratégie de moyens. Elles reposent sur un système de surveillance et sur la maitrise simultanées des "espaces communs" : mer, air, espace et numérique. Les 3 premiers correspondant à des milieux physiques distincts innervés par le quatrième. Grâce au dollar et au droit, garantis par leur supériorité militaire écrasante, les États-Unis conservent un redoutable pouvoir de structuration, et donc de déstructuration." T. Gomart, "Guerres invisibles", 2021, p. 251

[25] l'Express n°3725

[26] "Depuis 2020, ses exportations dépassent ses importations et son principal fournisseur est un pays avec lequel il devrait conserver de bons rapports dans les années à venir, puisqu'il s'agit du Canada (51% du pétrole importé provenait de son voisin du Nord). Une assurance énergétique qui lui permet de mener une diplomatie offensive en Ukraine." (Le Point Géopolitique, Les guerres de l'énergie, p.7)

[27] "Sur le premier semestre 2022, les exportations de GNL (tous pays confondus ont progressé de 20% et quasiment les deux-tiers ont pris le chemin de l'Europe. L'Amérique a un potentiel considérable. D'abord parce qu'il y a un consensus politique pour aller plus loin dans le gaz de schiste. Ensuite parce qu'ils ont le réseau de gazoducs le plus étendu de tous les pays. Enfin parce qu'ils investissent énormément dans des terminaux de liquéfaction. (…) Tout autour du Golfe du Mexique, au sud de la Louisiane, du Texas à la Floride, une révolution du GNL est en train de s'écrire. L'Amérique ne compte actuellement que 8 terminaux de liquéfaction. Mais 5 sont encore en construction, 12 autres d'ores et déjà approuvés sont dans l'attente des permis, et 8 permis sont en train d'être instruits." l'Express n°3725

[28] "La plupart des pays européens ont passé commande. En premier chef l'Allemagne, qui a annoncé son souhait d'acheter jusqu'à 35 avions de combat F35 du constructeur Lockheed Martin. La Royal Navy va, elle investir 300 millions d'euros pour accroître les capacités de ses missiles Tomahawk. Les Pays Bas ont mis un milliard sur la table pour des systèmes de défense antimissile de moyenne portée Patriot. L'Estonie a commandé cet été six systèmes Himars et un missile balistique pouvant atteindre une cible située à près de 300 km. Quant à la Bulgarie, elle a décidé en septembre de gonfler encore sa commande d'avions de combat F16 pour un montant de 1,3 milliard de dollars. " l'Express n°3725

[29] "Les capitaux désertent les marchés émergents, en affaiblissant au passage, leurs devises. " (Monnaie ghanéenne -41%, dollar taïwanais -13%, tugrik mongol -16%,) (…) Onze pays émergents risquent une crise de la balance des paiements à cause du resserrement monétaire international (Chili, Pakistan, Hongrie, Kenya, Tunisie)" (Le Monde 13/10)

[30] Autre frein au commerce international, les droits de douane ont été relevés par de nombreux pays, dont les États-Unis. Depuis 2010, la valeur des échanges mondiaux soumis à des droits de douane et autres barrières est passée de 126 milliards de dollars à 1 500 milliards de dollars, selon l'OMC.

[31] Face à "la fin d'une ère libérale de mondialisation" (Lemaire) le patronat français a lui aussi changé de doctrine… et milite pour un "protectionnisme intelligent". Les Echos 23-24/12.

[32] Près du quart des épis consommés sur le continent sont cultivés hors des frontières de l'UE et notamment en Ukraine qui est devenue au fil du temps notre premier fournisseur. Alors que les combats ont perturbé les semis, la production du pays pourrait être amputée de 10 à 15 millions de tonnes cette année.

[33] L'Express n°3725

[34] "Pour Washington, l'Europe ne peut considérer la Chine à la fois comme un partenaire, un concurrent et un rival. " Bloomberg, 21/11

[35] "Joe Biden a signé en août dernier le Chips and Science Act qui prévoit d'injecter des milliards de dollars dans cette filière, dont 57 milliards de prêts, de subventions et d'autres mesures fiscales dans le but d'encourager les producteurs américains de semi-conducteurs à renforcer leurs capacités." (Asyalist)

[36] Les États membres de ce pacte sont : l'Australie, Brunei, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, la Corée du sud, la Malaisie, la Nouvelle Zélande, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Avec les États-Unis, ils représentent 40% du PIB mondial.

[37] Le Monde 17/12

[38] Bloomberg, 21/11

[39] "Selon une étude du Conseil d'État chinois réalisée en avril dernier et dont le texte a fuité au Japon, ces sanctions auraient un effet "dramatique pour la Chine" qui "retournerait à une économie planifiée coupée du monde. Il y aurait alors un sérieux risque de crise alimentaire ", du fait des dégâts que causeraient ces sanctions avec l'interruption des importations de produits alimentaires essentiels. L'arrêt des importations de soja en particulier engendrerait une crise pour les chaînes alimentaires chinoises très dépendantes du soja, tandis que la réduction ou l'arrêt des exportations entraîneraient des conséquences graves en termes de recettes financières, poursuit ce document de Pékin. La Chine importe 30% des besoins en soja des États-Unis. La production chinoise en soja représente moins de 20% des besoins du pays, selon le journal. Le soja est essentiel pour la production d'huiles alimentaires ainsi que pour l'alimentation des porcs qui représentent 60% des viandes consommées par les Chinois."

[40] Conflits N° 41, sept-oct 2022

[41] T. Gomart, "Guerres invisibles", 2021, p. 242

[42] C'est ce dont attestent les récents propos de Janet Yellen, secrétaire d'État au Trésor : "Au cours de l'année 2022, l'administration Biden a promu un plan économique visant à renforcer la résilience des États-Unis face aux perturbations d'approvisionnement, en atténuant les goulets d'étranglements dans les ports, en investissant massivement dans les infrastructures physiques et en développant les capacités nationales de fabrication dans les secteurs-clés du XXI° S, tels les semi-conducteurs et les énergies renouvelables. (…) À travers une approche dite de "friend-shoring" (le "commerce entre pays amis") l'administration Biden entend maintenir l'efficacité du commerce tout en promouvant la résilience économique des États-Unis et de leurs partenaires. (…) L'approche de "friend-shoring" a pour objectif d'approfondir notre intégration économique avec un grand nombre de partenaires commerciaux de confiance sur lesquels nous pouvons compter. (…) À travers le Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis, nous travaillons ensemble à la création de chaines d'approvisionnements sûres dans les secteurs du solaire, des semi-conducteurs et des aimants aux terres rares. Les États-Unis nouent des partenariats similaires à travers le Cadre économique Indopacifique (IPEF) ainsi qu'en Amérique Latine grâce au Partenariat des Amériques pour la prospérité économique. Les pays concernés par l'IPEF, qui représentent 40% du PIB mondial, se sont engagés à coordonner leurs efforts de diversification des chaines d'approvisionnement. (…) le "friend-shoring" sera mis en œuvre progressivement. Déjà de nouvelles chaines d'approvisionnements se développent. L'UE travaille avec Intel pour faciliter un investissement d'environ 90 milliards de dollars dans la création d'une filière de semi-conducteurs. Les États-Unis travaillent avec ses partenaires de confiance au développement d'un écosystème complet de semi-conducteurs sur leur territoire. Nous travaillons également avec l'Australie pour bâtir des installations d'extraction et de traitement de terres rares dans nos deux pays." (Le Monde 1-2/01/2023)

[43] "La guerre commerciale est un des théâtres sur lequel se joue la rivalité stratégique sino-américaine avec une conséquence majeure pour l'ensemble des acteurs : la transformation des interdépendances en leviers de puissance. (…) En renonçant au système multilatéral qu'ils avaient eux-mêmes bâti, [les États-Unis] ont déstabilisé volontairement leurs alliés traditionnels, tout en indiquant leur volonté de continuer à exercer leur pouvoir de structuration. Même si elle y mettra les formes, l'administration Biden continuera à le faire pour contenir, autant que possible la montée en puissance de la Chine." T. Gomart, "Guerres invisibles", 2021, p. 112

[44] Troisième manifeste du CCI. Le capitalisme conduit à la destruction de l'humanité ; seule la révolution mondiale du prolétariat peut y mettre fin

[45] Les vingt ans du XXIe siècle : L'accélération de la décomposition capitaliste pose ouvertement la question de la destruction de l'humanité

[46] Banque mondiale, juin 2022

[47] Foreign Affairs, in Courrier International 1674

[48] Thèses sur la crise économique et politique des pays de l'Est

[49] Nom officieux donné aux mesures économiques prises en Argentine lors de la crise économique en 2001 limitant les retraits d'argent et interdisant tout envoi de fonds à l'extérieur, pour mettre fin à la course aux liquidités et lutter contre la fuite des capitaux.

[50] Pays où les usines bénéficient d'exonérations des droits de douane pour pouvoir produire à un moindre coût des marchandises

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