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Pendant 50 ans, les trotskystes se sont fait les rabatteurs zélés de cet ennemi de toujours de la classe ouvrière qu’est le stalinisme. Que ce soit dans leur défense -"critique" mais indéfectible- de l’État stalinien d’URSS, au nom de laquelle ils ont joué les sergents-recruteurs de l’embrigadement des ouvriers dans l’anti-fascisme durant la deuxième guerre mondiale, et ont depuis lors appelé à la défense du camp impérialiste russe contre son rival occidental dans les zones d’affrontements entre les deux blocs. Que ce soit dans la fidélité avec laquelle ils ont apporté dans tous les pays leur soutien "critique" aux partis staliniens, s’efforçant de les présenter aux ouvriers qui s’en détournaient de plus en plus comme des "partis malgré tout ouvriers".
Aujourd’hui que le stalinisme s’effondre, et avec lui le bloc impérialiste russe, il faut bien que les trotskystes s’adaptent à la nouvelle situation. Et on peut leur faire confiance : si aujourd’hui le stalinisme ne peut plus à l’évidence prétendre jouer le rôle d’efficace moyen d’encadrement de la classe ouvrière qui a été le sien durant des décennies, les trotskystes entendent ne pas rester pour autant sur la touche. Fidèles à ce qui est leur fonction de toujours : jouer les rabatteurs des armes anti-ouvrières déployées par la classe dominante, les voilà qui, ni une ni deux, se mettent immédiatement au service des campagnes idéologiques de l’heure de la bourgeoisie.
L’exemple le plus répugnant de la capacité d’adaptation de ces chiens de garde de l’ordre bourgeois est certainement donné par "Lutte Ouvrière".
LA CAUTION RADICALE DE L.O. AU MENSONGE DU COMMUNISME EN URSS
C’est en adoptant un discours particulièrement radical que LO développe sa propagande sur les événements à l’Est. En apparence, elle semble même détoner vis-à-vis de la "Gorbimania" en vogue dans la plupart des discours bourgeois aujourd’hui : ainsi LO n’a pas de mots assez durs contre Solidarnosc, LO multiplie les mises en garde vis-à-vis de Gorbatchev, LO s’alarme longuement des attaques anti-ouvrières qui se préparent derrière les convulsions actuelles à l’Est. Mais c’est pour tenir un discours qui vient insidieusement entretenir les campagnes actuelles de la bourgeoisie. Car ce que LO reproche à Gorbatchev, c’est ni plus ni moins que son intention inavouée de "brader les acquis d’Octobre 17" ! "Le socialisme de marché des réformateurs -explique LO dans sa brochure "Où va l’URSS de la perestroïka ?"- n’est rien d’autre qu’un programme de retour au capitalisme" et d’ajouter : "Évidemment, dans cette éventualité, il ne resterait plus rien des acquis de la révolution prolétarienne de 1917'. Autrement dit et jusqu’à nouvel ordre, l’URSS n’est pas un pays capitaliste et il y a des acquis prolétariens à défendre dans le système stalinien en URSS ! Ce faisant, LO est tout à fait fidèle à l’orthodoxie trotskyste sur la défense de l’URSS et au programme trotskyste pour qui "le socialisme" c’est "les nationalisations", "la propriété d’État des moyens de production", "le monopole du commerce extérieur" et "la planification", c’est-à-dire un programme de capitalisme d’État correspondant au modèle stalinien, et où ne réside pas plus d’"acquis ouvrier" que dans les nationalisations, les planifications ou autres moyens de contrôle de l’État sur l’économie qui existent dans les pays occidentaux.
Mais surtout, la bourgeoisie ne peut pas rêver aujourd’hui meilleur soutien à sa campagne actuelle d’identification du stalinisme au communisme et à l’utilisation qu’elle fait de l’effondrement du stalinisme pour inculquer l’idée que c’est le communisme qui fait faillite et avec lui tout espoir de révolution prolétarienne. Alors que, ces dernières années, le mythe de l’URSS "socialiste" et l’idée même d’une "différence de nature" entre les pays de l’Est et ceux d’Europe occidentale avaient pris, sous les effets de la crise mondiale du capitalisme, un sérieux coup dans l’aile, la bourgeoisie se sert des événements actuels pour redonner force à ce mensonge et s’en servir pour déboussoler la classe ouvrière, dénaturer à ses yeux les objectifs de son combat, lui enlever toute perspective. Et elle peut compter sur les trotskystes pour lui donner un coup de main dans cette entreprise. Sans avoir l’air d’y toucher, LO vient ainsi cautionner toute la campagne de la classe dominante, fournissant des arguments pseudo-théoriques et une coloration pseudo-révolutionnaire à l’idée qu’il y a quand même quelque part une continuité entre la révolution prolétarienne et les régimes staliniens et que ces derniers représentent en dernière instance un "modèle" et une "boussole" pour les luttes ouvrières.
L.O. ENFOURCHE LE CHEVAL DE LA "DEMOCRATIE" ET CHERCHE A Y ENCHAINER LA CLASSE OUVRIERE
Mais LO ne se contente pas de participer aux efforts de toute la bourgeoisie pour dénaturer aux yeux de la classe ouvrière sa perspective révolutionnaire. Elle est partie prenante également (au même titre d’ailleurs que sa consœur la LCR), de l’offensive bourgeoise qui cherche à entraîner les ouvriers sur le terrain pourri de la défense de la démocratie, des syndicats, des "libertés” et d’une manière générale de tous les attributs de la dictature bourgeoise à l’occidentale.
Ainsi, après avoir expliqué que les "réformateurs” en URSS menacent les fameux "acquis d’Octobre", LO explique (dans la même brochure déjà citée) que les réformes ont quand même du bon pour la classe ouvrière. Tiens donc ! Écoutons LO : "Le processus de libéralisation du régime engagé par Gorbatchev donne à la classe ouvrière la possibilité de devenir une véritable force politique indépendante, et c’est là où réside le seul aspect positif de la situation, mais il est de taille" (...) "Si la démocratisation de l’URSS se réalisait avec la participation pleinement consciente de la classe ouvrière, non seulement elle irait jusqu’au bout de ses possibilités, mais elle prendrait un tout autre cours que celui engagé par Gorbatchev". Lequel donc ? LO répond : "S’il s’avérait que la classe ouvrière soviétique profite des actuelles libertés politiques pour s’exprimer et défendre la propriété collective des moyens de production contre toutes les tentatives de retour à la propriété privée et qu’elle le fasse en tant que force indépendante et pas derrière les bureaucrates conservateurs, cela voudrait dire qu’elle reste attachée aux acquis d’Octobre 1917, donc que ceux-ci sont encore vivaces et vivants". En un mot, selon LO, la classe ouvrière n’aurait que des amis parmi les fractions de la bourgeoisie qui s’opposent en URSS ! Les uns -les conservateurs- seraient ses alliés objectifs parce que attachés aux fameux "acquis" du capitalisme d’État stalinien, les autres -les réformateurs- le seraient aussi parce que... ils donneraient à la classe ouvrière les moyens de défendre le programme... des premiers ! Magnifique gymnastique de la part de "Lutte Ouvrière", dont il y aurait de quoi rire si ce n’était pas un scénario dramatique pour la classe ouvrière que ces charognards n’étaient pas en train de nous concocter. D’ailleurs, c’est avec encore moins d’ambiguïté que LO encourage la classe ouvrière d’Allemagne de l’Est et de Tchécoslovaquie à s’engager dans le même piège en se laissant entraîner dans la défense d’une fraction de la bourgeoisie contre une autre, lorsqu’elle s’écrie, à propos de l’agitation démocratique en Tchécoslovaquie qui réclame des élections libres et une nouvelle constitution :"Eh bien, il faut souhaiter que le mouvement contamine les travailleurs qui ont commencé à se manifester, qu’il contribue à leur faire prendre conscience de leur force".
Ce discours de valorisation des thèmes "démocratiques" ne s’adresse d’ailleurs pas qu’aux ouvriers de l’Est, mais bien surtout à la classe ouvrière d’ici. En cautionnant ainsi le mouvement de démocratisation, le soi-disant "vent de liberté" venu de l’Est et en lui donnant une coloration pseudo ouvrière, LO ne fait que participer aux efforts de la classe dominante pour tenter de faire abandonner à la classe ouvrière son terrain de classe et de la faire adhérer à la défense de la démocratie bourgeoise, présentée comme "le bien le plus précieux”. Comme par hasard les thèmes de la "démocratie" et de la "liberté" font ces derniers temps, toutes les "unes” de LO qui les met désormais à toutes les sauces, qu’il s’agisse de parler de la situation en Europe de l’Est, du foulard islamique, des grèves à Peugeot ou de la montée de Le Pen...
La classe ouvrière n’a rien à gagner dans ce programme de défense de la démocratie que lui propose LO, pas plus ici en Occident que dans les pays de l’Est. Sa "force indépendante", dont LO a plein la bouche, passe uniquement par le rejet tant du miroir aux alouettes démocratique que par celui du mythe des "acquis d’Octobre", elle se situe, ici comme là-bas, dans sa capacité à rester résolument sur son terrain de classe, sur son terrain de résistance de classe à l’exploitation capitaliste.
Les trotskystes de LO sont certes contraints à de difficiles exercices de funambulisme pour continuer à jouer leur rôle anti-ouvrier dans la situation présente. Mais au-delà de leurs hésitations entre le soutien aux réformateurs et autres démocrates et la défense de la vieille garde stalinienne, ils confirment qu’ils ont choisi leur camp depuis longtemps : c’est celui de la bourgeoisie.
PE