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Voilà plus de quatre mois que la guerre sévit aux portes de l’Europe, quatre mois que dure ce spectacle macabre et ses milliers de victimes, ses millions d’exilés, ses scènes de destruction et de désolation, quatre mois donc que les carnages et la dévastation ont fait leur grand retour en Europe, accélérant ainsi la spirale guerrière dans laquelle s’enfonce le capitalisme.
Cette manifestation odieuse de la plongée du capitalisme dans le chaos et la barbarie s’accompagne du regain de la pandémie de Covid-19 avec une « septième vague » qui déferle actuellement sur l’Europe sans que la moindre mesure sanitaire soit envisagée par les États, la bourgeoisie laissant les populations à leur propre sort dans la plus parfaite incurie.
De même, les canicules en chaîne, comme celle s’étant abattue sur l’Inde et le Pakistan en mars et avril derniers, rappellent que les cataclysmes liés au dérèglement climatique menacent toujours davantage l’humanité. Les effets les plus extrêmes (canicules, sécheresses, inondations, tempêtes, etc.) tendent même à devenir la norme et rendront bientôt impossible la vie humaine dans des régions entières de la planète.
Nous pourrions ajouter bien d’autres aspects à cette accumulation et à la simultanéité des catastrophes qui ne démontrent qu’une seule chose : l’accentuation considérable du pourrissement de la société capitaliste et la totale incapacité de la classe dominante à contrecarrer cette tendance historique. Ces trois événements majeurs sont une illustration flagrante du fait que le capitalisme est devenu un mode de production obsolète, incapable de garantir un futur à l’humanité sinon celui de sa propre destruction.
Le capitalisme, c’est la guerre
Depuis le début du XXe siècle, la guerre est inséparable de la société capitaliste. Elle est le produit même de ce mode de production définitivement en crise, « ayant épuisé historiquement toutes les possibilités de développement, et trouvant dans la guerre moderne, la guerre impérialiste, l’expression de ce croulement qui […] ne fait qu’engouffrer dans l’abîme les forces productives et accumuler à un rythme accéléré ruines sur ruines ». (1) Mais contrairement au désastre climatique ou au surgissement de la pandémie, le militarisme et la prolifération des conflits guerriers sont le produit de l’action volontaire et délibérée de la bourgeoisie, incapable de régler ses rivalités impérialistes autrement que par la loi des armes et avec le sang des exploités.
La guerre en Ukraine ne déroge pas à cette logique totalement irrationnelle (2) et constitue même un approfondissement du militarisme et de ses conséquences barbares comme en témoigne l’ampleur des combats, les dizaines de milliers de morts, la destruction systématique de villes entières, l’exécution de civils, le bombardement irresponsable de centrales nucléaires et les conséquences économiques considérables pour l’ensemble de la planète. L’explosion des budgets militaires de tous les États, et l’adhésion prévue de la Suède et de la Finlande au panier de crabes qu’est l’OTAN, ne sont en rien des marques du fameux « Si tu veux la paix, prépare la guerre » si hypocritement martelé par la bourgeoisie. Bien au contraire, le gonflement des arsenaux militaires et, de façon plus générale, l’accentuation tous azimuts de l’économie de guerre ne feront qu’accroître les tensions entre États et font d’ores et déjà le lit de conflits futurs.
Une aggravation considérable de la crise économique
Alors que le monde subit depuis près de trois ans l’une des pandémies les plus meurtrières de l’histoire, que la crise économique et le désastre environnemental s’accentuent, tous les États s’enivrent dans les dépenses d’armement à des niveaux abyssaux. Plus que jamais l’économie est au service de la guerre, au service de la production effrénée d’outils de destruction sans la moindre cohérence économique. Car un fusil, un missile ou un avion de chasse ne génèrent aucune valeur supplémentaire et sont un pur gaspillage, une perte sèche du point de vue du capital à l’échelle globale. Dès lors, l’accentuation de la production d’armes, la conversion éventuelle de secteurs stratégiques à l’industrie militaire, l’endettement que tout cela va provoquer et la baisse des investissements dans d’autres secteurs de l’économie vont altérer considérablement le commerce mondial et aggraver davantage les conditions d’existence des exploités.
À cela s’ajoutent les effets directs de la guerre se faisant d’ores et déjà sentir au sein d’une large partie de la population mondiale : l’inflation exorbitante, la désorganisation totale des chaînes de production, les mesures de rétorsions économiques entre États rivaux. Les conséquences de la guerre impérialiste touchent de plein fouet les exploités du monde entier qui doivent faire face à des situations de pénuries. Devant cette situation catastrophique, la bourgeoisie n’a pas d’autre porte de sortie que la sempiternelle idéologie du sacrifice, à l’image des gouvernements européens qui, face aux coupures de gaz russe, exhortent la population à se serrer la ceinture et de pratiquer la « sobriété énergétique », tout ça au nom d’une pseudo-solidarité avec le « peuple ukrainien ». Cette propagande ignoble relayée par les grandes entreprises de l’énergie montre toute la perfidie et le cynisme de la classe dominante qui ne renonce jamais à faire payer sa crise à la classe ouvrière. Mais les mensonges de la classe dominante font pâle figure face à la dure réalité que des milliards de personnes subissent au quotidien dans leur chair. Pour preuve, la progression de la faim dans le monde : en 2021, le capitalisme a plongé 2,3 milliards de personnes dans l’insécurité alimentaire dont environ 800 millions ont souffert de la faim, et ce avant même l’actuelle guerre en Ukraine et ses conséquences
L’avenir est entre les mains du prolétariat
Comme nous l’avons affirmé à plusieurs reprises au cours des derniers mois, le prolétariat, privé de sa conscience de classe, est pour le moment incapable de se reconnaître comme une force sociale en mesure de s’opposer à la guerre et de défendre la perspective révolutionnaire. Face à l’inflation et aux pénuries, des révoltes se sont ainsi fracassées sur un terrain de lutte totalement étranger aux méthodes et aux objectifs du prolétariat, comme au Sri Lanka où la colère de la population a été instrumentalisée pour chasser le président en exercice, servant ainsi de masse de manœuvre dans les confrontations entre cliques bourgeoises. En Équateur, des milliers d’ « indigènes », regroupés sur des bases ethniques et coupés de la classe ouvrière, se sont également donnés pour objectif de renverser le pouvoir en place… au profit d’une autre clique bourgeoise.
Toutefois, ces dernières semaines, les premières lueurs de réactions ouvrières face à l’accentuation de l’exploitation sur les lieux de travail et à la dégradation des conditions d’existence, sous l’effet de la flambée des prix, se sont exprimées au cœur du capitalisme mondial. Fin juin, en Grande-Bretagne, plus de 50 000 cheminots étaient en grève pour revendiquer des hausses de salaires. En Allemagne, en Espagne et en France, des grèves ont également éclaté dans les transports aériens et ferroviaires, sur la base des mêmes revendications. Si ces luttes défensives restent pour le moment très embryonnaires, isolées les unes des autres et encadrées par les syndicats, ces derniers déployant à merveille leur arsenal de sabotage par l’enfermement corporatiste et la division entre secteurs, il n’en demeure pas moins qu’elles illustrent une grande colère dans les rangs ouvriers ainsi qu’un potentiel de combativité pour la période à venir.
Mais surtout, ces mouvements démontrent pleinement que la crise économique reste le meilleur allié du prolétariat, le terrain le plus favorable sur lequel celui-ci pourra développer sa solidarité, son unité internationale et recouvrer peu à peu son identité et la conscience de sa force révolutionnaire. Ce n’est qu’à travers ces combats longs et sinueux qu’il sera en mesure d’extirper l’humanité de la spirale de destruction dans laquelle l’entraîne le capitalisme et par là même montrer la voie du communisme. Plus que jamais
l’avenir appartient à la classe ouvrière !
Vincent, 8 juillet 2022
1) « Rapport à la Conférence de juillet 1945 de la Gauche communiste de France », cité dans « Le cours historique », Revue internationale n° 18 (3e trimestre 1979).
2) Pour de plus amples développements au sujet du caractère irrationnel de la guerre, voir notamment : « Militarisme et décomposition », Revue internationale n° 64 (octobre 1990), et « Militarisme et décomposition (mai 2022) », Revue internationale n° 168, actualisation du premier texte.