En dépit des patrons, du Covid et des syndicats, la lutte de classes n’a pas disparu!

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Le CCI a publié un article sur les signes récents d’un renouveau de la combativité ouvrière dans plusieurs pays : « Luttes aux États-Unis, en Iran, en Italie, en Corée… Ni la pandémie ni la crise économique n’ont brisé la combativité du prolétariat ! »Les luttes aux États-Unis sont particulièrement importantes, et cette contribution d’un proche sympathisant de ce pays vise à les examiner plus en détail.

Stimulée par les conditions imposées par la pandémie, la détérioration permanente des conditions de vie de la classe ouvrière aux États-Unis s’est transformée au cours des deux dernières années en une attaque en règle de la bourgeoisie. Qu’ils aient été jetés en pâture au système d’assurance-chômage dysfonctionnel de l’Amérique ou qu’ils aient été contraints de poursuivre le travail au péril de leur santé et de celle de leur famille, parce qu’il était jugé nécessaire ou « essentiel » de le faire, les ouvriers ont été confrontés à un assaut constant depuis le début de la pandémie de coronavirus. Tout cela pendant que les capitalistes tentent de forcer les ouvriers à marcher au rythme de leurs tambours : certaines factions se rallient aux théories du complot vantées par la droite populiste et se transforment en milices marginales et en pseudo-communautés virtuelles basées sur des mensonges illusoires qui se répandent si rapidement via les réseaux sociaux ; d’autres profitent du besoin de sécurité et de prudence afin de renforcer l’État sécuritaire déjà hypertrophié. La seule perspective que la bourgeoisie puisse mettre en avant, en cette période de crise, est une perspective teintée d’une impuissance qui ne peut être que le reflet de l’impuissance du système capitaliste secoué de convulsions, alors qu’il se tord dans l’agonie de sa crise de sénilité, la crise de la décomposition : « Vous, les ouvriers essentiels, allez maintenir notre société à flot ! » Dans sa tentative de revigorer une classe ouvrière déjà surchargée et sous-payée avec une « éthique du travail », c’est-à-dire en mobilisant ces secteurs essentiels de l’économie pour produire sans arrêt afin de maintenir la tête des capitalistes hors de l’eau, la bourgeoisie ne peut pas cacher une vérité fondamentale sur la société qu’elle a construite : la force collective de la classe ouvrière reste la puissance qui fait tourner la roue, le carburant qui alimente le feu. Cependant, à la grande surprise de la bourgeoisie, la classe ouvrière a pris cela à cœur et montre précisément ce que signifie être au centre de l’économie.

Les charpentiers sont en train d’affronter à la fois les patrons et les syndicats

« Striketober », ainsi nommé pour les explosions massives de grèves qui ont eu lieu en octobre, a fait place à un mois de novembre tout aussi combatif, alors que les ouvriers de tout le pays passent à l’action et refusent des travailler dans des conditions dégradantes pour un salaire déshumanisant. Avant même le mois d’octobre, la seconde moitié de l’année a vu se développer des grèves dans tout le pays, notamment dans les usines de Frito Lay et Nabisco, tandis qu’en septembre, une grève des charpentiers à Washington a ouvert la voie aux luttes en cours, que nous suivons de près, car elles continuent à se développer dans tous les secteurs de l’économie. Les charpentiers de Washington ont été attaqués sur deux fronts, comme c’est souvent le cas pour de nombreux ouvriers – ils ont été attaqués à la fois par les patrons et par les syndicats. Alors que l’United Brotherhood of Carpenters (UBC) présentait aux ouvriers des contrats contenant concession sur concession, remplissant chaque page des désirs de la General Contractor Association (GCA). Mais il y avait un mécontentement généralisé au sein de la main-d’œuvre et lorsque les charpentiers se sont vus présenter un accord de principe dans lequel les demandes des membres du syndicat n’étaient pas satisfaites, une majorité écrasante des travailleurs de l’UBC a voté contre l’accord et s’est mise en grève jusqu’à ce qu’un accord qui serait approuvé puisse être proposé. À la grande consternation des employeurs et de la direction du syndicat, les travailleurs ont tenu bon et ont rejeté cinq accords de principe avant que la direction internationale de l’UBC ne s’en mêle : invoquant la fraude et l’ingérence, la direction nationale du syndicat a pris le contrôle total de la section locale qui était la source de tant de problèmes, et la grève a finalement pris fin lorsque l’accord final présenté aux travailleurs a été approuvé de justesse.

Cela ne signifie pas que les travailleurs se sont échappés de la prison syndicale. Une grande partie de leur militantisme était canalisée par une formation syndicale de base, le Peter J. McGuire Group, du nom du fondateur socialiste de l’UBC. Le groupe s’est entièrement engagé à travailler à l’intérieur du cadre syndical : selon son président, le Peter J. McGuire Group a « promu le bon type de direction pour le Carpenters Union ». Il convient également de noter que le groupe a banni de sa page Facebook les auteurs du World Socialist Website – un groupe de gauche qui, de manière quelque peu inhabituelle, se spécialise dans les critiques radicales des syndicats.

A bien des égards, le décor était planté pour l’expérience de « Striketober » et sa continuation jusqu’à maintenant. Bien que les charpentiers de Washington aient repris le travail, les leçons tirées de leur lutte offrent une perspective importante pour les luttes qui se déroulent actuellement. Les charpentiers de l’UBC ont fait face à l’opposition non seulement des représentants des capitalistes, mais aussi de leurs propres « représentants » supposés dans le syndicat ! Bien que la Gauche Communiste connaisse depuis longtemps le danger que représentent les syndicats, les leçons qui ont formé et continuent de confirmer l’analyse selon laquelle les syndicats sont des organes d’État qui servent à restreindre les ouvriers doivent être généralisées et soulignées afin de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontées les luttes des « Striketober » aujourd’hui. C’est l’un des aspects les plus importants de la lutte en cours. A titre d’exemple, et pour examiner le deuxième aspect qui fait écho à de nombreuses luttes actuelles, nous devons nous pencher sur les luttes des ouvriers de l’équipement agricole de John Deere dans le Midwest.

John Deere : les ouvriers s’opposent au système de salaires à deux vitesses

Les ouvriers de John Deere sont « représentés » par le syndicat United Auto Workers (UAW), que certains connaissent peut-être depuis le début de la pandémie, puisqu’il a manœuvré avec les patrons des usines automobiles du Michigan pour maintenir les ouvriers dans les usines avec, au mieux, une protection minimale. Aujourd’hui, l’UAW et John Deere travaillent de concert pour étendre le système de salaires et d’avantages sociaux à plusieurs vitesses qui a été établi en 1997. C’est cette année-là que les ouvriers de John Deere ont été divisés en fonction de leur année d’embauche : les ouvriers embauchés après 1997 constituaient une deuxième classe, ce qui impliquait un salaire réduit par rapport aux plus anciens et la suppression de nombreux avantages dont bénéficiaient les ouvriers embauchés avant 1997, dont les soins de santé après le départ en retraite. Cette année, l’UAW a présenté à ses membres un contrat de travail qui créerait un troisième statut d’ouvriers, avec des salaires encore plus bas pour ces derniers et une nouvelle diminution des avantages, notamment des pensions. Cette proposition a été rapidement rejetée par les membres du syndicat, et les ouvriers de John Deere, qui travaillent dans environ onze usines et trois centres de distribution, de l’Iowa à la Géorgie, de l’Illinois au Colorado, sont en grève depuis lors ; refusant que les conditions de vie de leurs futurs collègues soient dégradées, ils ont voté contre plusieurs accords de principe proposés par Deere et l’UAW au cours de leur grève. Ici encore, nous voyons les ouvriers de John Deere lutter contre une offensive conjointe de leur patron et de leur propre syndicat ! Les ouvriers de la base sont obligés de se débrouiller tout seuls – mais le fait d’être seuls n’indique pas un isolement ou un affaiblissement de la lutte. Le fait que les ouvriers soient prêts à rejeter les conseils du syndicat et à insister pour maintenir leurs propres revendications est au contraire une évolution positive. Il s’agit d’une tendance dans de nombreuses batailles menées par la classe ouvrière, dans lesquelles les syndicats sont à la traîne derrière une classe de plus en plus combative qui réveille le militantisme ouvrier à travers le pays (et le monde, d’ailleurs). En fait, les ouvriers de l’usine de Détroit, Michigan, qui sont également membres de l’UAW, ont exprimé leur solidarité avec les ouvriers de John Deere en grève(1). Il est clair que les ouvriers de John Deere ne sont seuls ni dans la lutte contre les manœuvres du syndicat, ni dans la lutte contre le système de salaires à plusieurs vitesses qui leur est imposé par les patrons et les syndicats.

Kellogg’s : des signes de solidarité entre les générations

La lutte contre le système de salaires et d’avantages sociaux à plusieurs vitesses est également présente dans la grève des ouvriers de Kellogg’s, car leur syndicat, le Bakery, Confectionary, Tobacco Workers and Grain Millers International Union (BCTGM), permet l’expansion d’un système à deux vitesses qui a été approuvé lors de la dernière convention collective des céréaliers – il faut noter que c’est le même syndicat BCTGM qui « représente » les ouvriers de Nabisco et de Frito Lay qui ont fait grève au début de l’année, invoquant des semaines de travail interminables (parfois jusqu’à 70 heures), sans paiement d’heures supplémentaires. L’échelon inférieur des salaires, négocié dans le dernier contrat, devait être concerner 30 % de la main d’œuvre, un frein dérisoire à cette politique de division, mais un frein tout de même. Kellogg’s cherche à relever ce plafond et à embaucher un plus grand nombre d’ouvriers dans cette tranche inférieure. Les ouvriers y voient une attaque claire, non seulement contre leurs futurs collègues, mais aussi contre leurs collègues actuels. Permettre à Kellogg’s de relever ce plafond pourrait très bien ouvrir la voie à une disqualification accrue de la main d’œuvre actuelle et à une baisse du niveau de vie des ouvriers. A cela s’ajoute un autre problème : les ouvriers ne cessent de vieillir. A mesure que les ouvriers de l’échelon supérieur partiront à la retraite, ou chercheront un autre emploi, lentement mais sûrement, c’est l’échelon inférieur qui dominera et finira par constituer l’ensemble de la main d’œuvre. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un système qui, non seulement divise les ouvriers, mais qui les maintient dans un état de précarité toujours plus grand. Cela se voit dans les luttes de Striketober, dans lesquelles les ouvriers identifient activement cette situation comme une attaque contre leur existence et y opposent une lutte sérieuse, mais aussi dans les réglementations du travail qui ont façonné la division du travail aux États-Unis dans la phase du capital décadent pendant des décennies – le système du travail à plusieurs vitesses créé par l’automatisation et le New Deal.

Les ouvriers sont confrontés à des divisions anciennes et nouvelles

Les politiques mises en œuvre tout au long des années 1930, qui constituaient le New Deal, offraient des emplois syndiqués sûrs, assortis de pensions de retraite et d’avantages sociaux, dans l’industrie manufacturière et les transports, secteurs de l’économie où l’intensification de la productivité était tout-à-fait possible à une échelle gigantesque – préparant ainsi le terrain pour l’amélioration massive du niveau de vie des ouvriers de l’industrie manufacturière par rapport à leur niveau d’avant la Grande Dépression, qui résulterait de la période de reconstruction d’après-guerre. Malgré ces politiques qui ont permis aux ouvriers de ces industries de réussir au cours des décennies suivantes, une énorme partie de la main d’œuvre Américaine n’a pas bénéficié de ces améliorations : les ouvriers du secteur des services. Alors que le secteur des services existait à peine dans les années 1930, il allait connaître une croissance massive dans les décennies à venir, en raison de la mise en œuvre généralisée des technologies d’économie de main d’œuvre induite par le développement de la production assistée par ordinateur dans l’industrie lourde – l’automatisation allait bouleverser le marché du travail et stimuler la croissance du secteur des services d’une manière qui ouvrirait la voie à l’état actuel de la main d’œuvre et de l’économie d’aujourd’hui. Comme le dit Jason Smith dans son ouvrage : Smart machines and service Work, en raison de la mise en œuvre rapide de l’automatisation, « les usines qui avaient connu l’agitation ouvrière augmentaient la production à des taux sans précédent, et avec beaucoup moins d’ouvriers »(2). En raison de la présence dominante des syndicats, ce sont souvent les ouvriers qui ne sont affiliés à aucun syndicat qui sont licenciés les premiers – et, dans le paysage de l’économie ouvrière Américaine, il s’agit souvent d’ouvriers Noirs ; c’est également à cette époque que les femmes ont commencé à entrer sur le marché du travail, de manière plus significative qu’avant, sous l’impulsion des slogans de la deuxième vague du féminisme : « des emplois pour les femmes ». Les emplois qu’elles pouvaient trouver se situaient souvent dans le secteur des services en expansion, services de bureau, aux entreprises, dans les soins de santé, l’éducation et le commerce de détail.(3)

Il ne faut pas oublier que l’absence de protections juridiques et de réglementations dans le secteur des services signifiait que, dans l’ensemble, les ouvriers de ce secteur étaient moins bien payés et recevaient bien moins d’avantages sociaux en moyenne, que leurs homologues du secteur manufacturier. D’où la création d’un système à deux vitesses dans l’économie générale du travail dans son ensemble, et pas seulement dans les contrats syndicaux contre lesquels les ouvriers luttent aujourd’hui. Cette division de la classe a opportunément séparé les ouvriers en fonction de la race et du sexe : héritage idéologique de la période de l’esclavage, l’image raciste de l’ouvrier noir « soumis » a été confirmée par son entrée dans le secteur des services, tandis que l’image patriarcale de la femme « soumise » a été également été confirmée par son emploi. En tant que tel, le capital avait divisé la classe ouvrière de telle sorte que les préjugés antérieurs semblaient confirmés par la réalité tant qu’aucun ouvrier n’osait regarder au-delà des apparences. Les ouvriers du secteur manufacturier, majoritairement blancs et masculins, pouvaient être facilement séparés de leurs homologues noirs et féminins, tandis que les mouvements en faveur de l’égalité raciale et de l’égalité des sexes séparaient les ouvriers de la lutte des classes et les entraînaient dans des luttes identitaires sans issue qui ne peuvent trouver de réponse émancipatrice aux questions de race et de sexe dans la société capitaliste. Pendant ce temps, les ouvriers du secteur manufacturier, dont le nombre d’emplois diminue depuis des décennies, se retrouvent en situation de mobilité descendante, ce qui s’exprime également par une autre version de l’impasse des luttes identitaires : plutôt que de chercher la solidarité avec les ouvriers des secteurs des services, qui deviennent de plus en plus la seule possibilité d’emploi dans de nombreux endroits du pays, ils se replient sur leur identité blanche et pensent devoir défendre leur statut social contre les minorités, les migrants, les Noirs, les féministes, l’« élite » (qui, dans la plupart des cas, ne désigne que les riches démocrates). Cela alimente la flamme du populisme, qui a balayé les États-Unis depuis le cycle électoral de 2016, et continue aujourd’hui de façonner les positions du Parti Républicain.

Cette scission n’est cependant pas un fossé infranchissable – en fait, c’est dans les luttes d’aujourd’hui que l’on peut trouver une réponse à ces divisions : les ouvriers ne se battent pas seulement dans le secteur manufacturier mais aussi dans le secteur des services. A l’instar des grèves décrites ci-dessus, les ouvriers de la santé des établissements de Kaiser Permanente, le long de la côte Ouest, étaient prêts à faire grève contre un accord à deux vitesses ; les syndicats sont intervenus à la dernière minute avec un accord qui ne répondait toujours pas aux nombreuses demandes des ouvriers pour éviter la grève. Les infirmières ont été déboutées(4), mais aussi les pharmaciens de Kaiser(5), qui devaient faire grève à partir du 15 novembre. Une autre grève a été empêchée par les représentants syndicaux : celle des membres des équipes de production de cinéma et de télévision de l’International Alliance of Theatrical Stage Employees (IATSE), qui devaient faire grève jusqu’à ce qu’un accord de principe soit proposé et ratifié malgré le rejet majoritaire du contrat(6). Cela montre qu’en dehors du paysage industriel traditionnel, il existe une indignation et une demande croissantes de meilleures conditions de vie et de travail, de la part des ouvriers eux-mêmes, tandis que les syndicats courent pour rattraper leur retard et les tirer vers le bas Les ouvriers qui n’étaient pas syndiqués jusqu’à présent ont également été contraints d’agir – à l’instar des chauffeurs de bus scolaires du comté de Cumberland, en Caroline du Nord, qui se sont mis en « arrêt maladie » pour protester contre leurs salaires dérisoires(7) ; les ouvriers des cafeterias du comté voisin de Wake ont utilisé la même tactique(8) pour à peu près les mêmes motifs.

Les syndicats essaient de récupérer le militantisme des ouvriers

Tout cela montre que la combativité des ouvriers à travers le pays fait boule de neige : les grèves stimulent les ouvriers qui sont confrontés à des conditions similaires et engendrent d’autres grèves. Cependant, la classe ouvrière est encore confrontée à de nombreux obstacles qui accompagnent la pandémie, et plus généralement la période de décadence du capitalisme et sa phase de décomposition. L’un d’entre eux, comme mentionné brièvement ci-dessus, est la question des syndicats, qui servent l’État capitaliste dans la période de décadence. Alors qu’ils s’efforcent de contenir de nombreuses luttes en cours, il sont aussi intervenus pour empêcher des actions de grève dans beaucoup d’autres cas. Il convient de noter que les syndicats ne constituent pas seulement une menace directe, mais aussi indirecte : l’UAW est actuellement prête à voter des mesures qui « démocratiseraient » le syndicat, en passant aux élections directes, en opposition au système actuel de délégués. Si la mise en œuvre de cette mesure peut sembler être une victoire pour la base, elle met également en avant une illusion qui peut servir à faire dérailler les luttes futures : l’identification de la base avec le syndicat lui-même, l’illusion que le syndicat appartient aux ouvriers. Le CCI a déjà écrit sur le rôle des syndicats dans le capitalisme décadent(9), je ne m’étendrai donc pas sur ce sujet.

La « Politique Identitaire » : une division fatale pour la classe ouvrière

Une autre menace pèse sur la classe ouvrière : les luttes interclassistes et les luttes identitaires partielles qui ont fait leur apparition ces dernières années. En particulier aux États-Unis, l’été dernier, les manifestations autour de Black Lives Matter (BLM), qui avaient leur base dans l’indignation bien réelle et les problèmes spécifiques des personnes noires en Amérique, se sont ancrées sur un terrain bourgeois avec le slogan « défendons la police ». Les démocrates ont voulu donner l’impression d’agir vaguement en faveur de la création d’une police « humaine », pour faire marche arrière tout de suite après ; même réduite à de tels slogans et à la promotion de la politique démocrate, cette simple demande libérale qui a résonné dans les défilés de BLM voit son écho amoindri. Si les luttes de classe actuelles se développent davantage, alors que les ouvriers en lutte s’unissent au-delà des frontières de l’usine, de l’entreprise et de l’industrie, l’inégalité matérielle très réelle des ouvriers noirs sera une question à laquelle la classe ouvrière devra répondre sur son propre terrain, sans concession à un quelconque mouvement bourgeois. Un dernier obstacle est constitué par les actions isolées qui ont lieu, sous forme de démissions massives. Le marché du travail reste tendu, alors que de plus en plus d’ouvriers quittent leur emploi, partageant souvent leurs derniers textes écrits à leurs supérieurs sur les réseaux sociaux, en signe de solidarité avec tous ceux qui envisagent de faire de même. Bien que cela puisse mettre les capitalistes dans une situation délicate, cette solution individualiste isole les ouvriers les uns des autres, nuit à l’auto-organisation, et les expériences partagées des ouvriers ne peuvent pas être exprimées aussi clairement à travers les médias sociaux, quelle que soit la portée des textes partagés en solidarité.

En dépit de ces obstacles, la classe ouvrière d’aujourd’hui semble néanmoins avancer timidement. Les défaites mineures qu’elle a connues ne semblent pas freiner son élan, et de plus en plus d’ouvriers n’ont d’autre choix que de faire grève pour une vie meilleure. Nous ne pouvons qu’exprimer notre grande satisfaction devant ce refus des ouvriers de se laisser abattre par la dégradation de leur vie, et nous devons clairement insister sur le fait que ce n’est qu’en s’unissant que ces luttes peuvent être menées de plus en plus loin, pour en arriver peut-être à un point où elles poseront des questions politiques très importantes. L’action unie dans de nombreuses usines, comme chez John Deere, démontre clairement que c’est par une extension de la lutte que l’on peut maintenir l’élan. Une telle extension requiert l’intervention de militants communistes afin de fournir une perspective politique, d’autant plus que la lutte peut se développer pour traverser les frontières, à l’intérieur et à l’extérieur des États-Unis – la classe ouvrière mondiale, malgré les énormes difficultés auxquelles elle est confrontée a montré qu’elle n’est pas vaincue, qu’elle a toujours un potentiel pour riposter et faire avancer ses luttes. Si nous pouvons observer ce phénomène avec beaucoup d’enthousiasme, il est également impératif pour nous de participer à ces luttes, afin d’aider la classe ouvrière à prendre conscience de sa force et de sa tâche historique : l’abolition de la société de classe.

Noah L, 16 novembre 2021

 

1 World Socialist Website, November 11, 2021

2 Jason E. Smith, Smart Machines and Service Work, pp. 8, 2020, Reaktion Books.

3 Ibid. pp. 30.

4 World Socialist Website November 14, 2021.

5 Yahoo News, November 14, 2021.

6 World Socialist Website, November 16, 2021

7 CBS Local Cumberland Country News : School Bus Drivers out for living wage – indisponible en Europe/GB).

8 ABC Channel 11 Eyewitness News, November 16, 2021.

9 ICC Pamphlet : Unions Against The Working Class – Les syndicats dans le capitalisme décadent

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Luttes de classe