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Une pandémie globale qui a tué des millions de personnes et qui est loin d’être terminée, une spirale de catastrophes climatiques (incendies, sécheresses, inondations) avec le dernier rapport du GIEC prédisant que le monde fait face à la véritable menace d’une accélération exponentielle du réchauffement climatique, des guerres depuis l’Afghanistan jusqu’à l’Afrique impliquant trois, quatre, voire cinq camps adverses et une aggravation des tensions impérialistes entre les deux plus grandes puissances impérialistes, les États-Unis et la Chine, une économie mondiale qui était déjà plongée dans une crise quasi permanente depuis la fin des années 1960 et qui subit désormais des convulsions encore plus sévères à cause de la pandémie et du confinement, entraînant l’augmentation de l’inflation ainsi qu’une combinaison apparemment paradoxale de chômage et de pénurie de main-d’œuvre. Rien d’étonnant à ce que les visions apocalyptiques se développent toujours plus, qu’elles s’expriment ouvertement dans des termes religieux à travers la montée des fondamentalismes : islamiques, chrétiens ou autres ; ou bien à travers un panel de visions dystopiques de science-fiction sur le futur de la Terre. À un certain niveau, de telles visions font partie de la montée en puissance du nihilisme et du désespoir ou bien expriment la vaine espérance de surmonter le découragement en retournant à un passé qui n’a jamais existé ou en s’échappant vers « un nouveau Ciel et une nouvelle Terre » (Révélation 21 :1), donnés aux croyants par des puissances extérieures à eux et à la nature. Mais ces idéologies sont également un miroir déformant reflétant ce qui est réellement en train de se passer dans la civilisation actuelle.
Dans le passé, les prophéties sur la « fin des temps » se répandaient avant tout dans les périodes de déclin d’un mode de production dans son ensemble comme durant la décadence de Rome ou le déclin du féodalisme au Moyen Âge. Le Livre de la Révélation, le dernier livre du Nouveau Testament, avec sa symbolique des quatre cavaliers de l’Apocalypse pointe en effet les caractéristiques essentielles d’une société en phase terminale : dirigés par la Mort, les trois autres cavaliers sont la Guerre, la Pestilence et la Famine (cette dernière portant une balance indiquant que le prix du pain est devenu prohibitif pour les pauvres). Durant leur longue agonie, la société antique esclavagiste et le féodalisme étaient en effet dévastés par d’incessantes guerres entre fractions de la classe dominante, par des épidémies comme la Peste Noire, la famine et (même si ces sociétés n’étaient pas marchandisées comme le capitalisme) par l’inflation et la dévaluation des monnaies . (1)
Il n’est pas difficile de voir que les quatre Cavaliers sont de retour en combinant leurs effets destructeurs. La guerre donne naissance à la famine comme au Yémen et en Éthiopie. La destruction de la nature fait surgir de nouvelles maladies comme la Covid et fait planer la menace de famine terribles et de guerres à cause de la raréfaction des ressources. Tous ces spectres sont une conséquence des contradictions sous-jacentes de l’accumulation capitaliste, intensifiant la crise économique globale jusqu’à un degré jamais atteint depuis les années 1930.
La « fin des temps » prévue dans les apocalypses antiques et médiévales signalaient véritablement la fin d’un mode de production particulier qui devait être remplacé par un nouveau mode de production, une nouvelle forme de domination de classe. Mais le capitalisme est la dernière société de classe et sa plongée tête baissée vers des abysses met l’humanité face à une seule alternative : révolution communiste ou destruction de l’humanité. Le capitalisme est le système le plus dynamique, le plus productif mais aussi le plus destructeur de l’histoire et avec son terrifiant arsenal nucléaire et son incapacité à enrayer la dévastation de l’environnement, il peut véritablement entraîner la fin du monde, de l’espèce humaine et peut-être même de la vie sur Terre.
Le capitalisme ne peut être contrôlé.
Certaines parties de la classe dominante se retranchent dans le déni : la Covid est juste une petite grippe (Bolsonaro), le changement climatique est un canular chinois (Trump). Les fractions les plus intelligentes de la bourgeoisie voient cependant le danger : d’où les énormes sommes sacrifiées dans les confinements et injectées dans la course aux vaccins ; d’où les nombreuses conférences internationales sur le changement climatique comme la COP 26 qui doit se dérouler à Glasgow en novembre et durant laquelle peu de participants contesteront ouvertement les funestes scénarios qui leurs seront présentés par le rapport du GIEC.
Au sein de la population en général, il y a une préoccupation croissante pour ces problèmes même si, pour le moment, le danger posé par la guerre et le militarisme a été éclipsé par la menace du Covid et du changement climatique. Mais les protestations effectuées par des organisations comme Extinction Rebellion, Insulate Britain et Youth for Climate sont une impasse, car elles ne vont jamais plus loin que demander aux gouvernements du monde de commencer à agir raisonnablement, de mettre de côté leurs différents et de présenter un plan global sérieux.
Or, les gouvernements, les États et la classe dominante sont eux-mêmes des expressions du système capitaliste et ils ne peuvent pas abolir les lois qui mènent à la guerre et à la destruction écologique. Comme à l’époque des Empereurs romains et des monarchies absolues, la décadence du capitalisme est également marquée par une grotesque hypertrophie de la machine d’État, dont le but est de soumettre les lois de la concurrence capitaliste à un certain niveau de contrôle (et aussi à réprimer tous ceux qui remettent en question sa domination). Finalement le capital ne peut être contrôlé. Par définition c’est un pouvoir qui, bien que créé par des mains humaines, se tient au-dessus des besoins humains et va à leur encontre. Par définition, c’est une relation sociale essentiellement anarchique qui ne peut s’épanouir qu’à travers la concurrence pour le plus haut profit. Les machines d’État que certains voient comme détenant la réponse aux problèmes du monde ont gonflé jusqu’à atteindre leur taille présente avant tout par le besoin de lutter contre les autres États sur le marché mondial, au niveau économique et militaire. Le capitalisme ne pourra jamais devenir une « communauté internationale » et dans la phase terminale de son déclin, la tendance vers la désintégration, le chacun pour soi et le chaos ne peuvent que se renforcer.
En 1919, la plateforme de l’Internationale communiste insistait sur le fait que la Guerre mondiale impérialiste de 1914-18 annonçait l’entrée du capitalisme dans « l’époque de désagrégation du capitalisme, de son effondrement intérieur. Époque de la révolution communiste du prolétariat ». Mais elle a également insisté sur le fait que « l’ancien “ordre” capitaliste n’est plus. Il ne peut plus exister. Le résultat final des procédés capitalistes de production est le chaos. Et ce chaos ne peut être vaincu que par la plus grande classe productrice, la classe ouvrière. C’est elle qui doit instituer l’ordre véritable, l’ordre communiste ».
L’apocalypse capitaliste n’est pas inévitable. La société bourgeoise a libéré les forces productives qui pourraient être transformées et mises au service de la réalisation du vieux rêve de l’humanité, celui d’une véritable communauté humaine et d’une nouvelle réconciliation avec la nature. Alors que les précédentes sociétés de classe sombraient dans des crises de sous-production, le capitalisme souffre d’une crise de surproduction, une absurdité qui met en évidence la possibilité de dépasser la pénurie et par conséquent d’éliminer une fois pour toutes l’exploitation d’une classe par une autre. En créant le prolétariat, il a créé la « force productive » qui a un intérêt matériel à la création d’une société sans classes.
Il existe un fossé immense entre l’état présent de la classe ouvrière qui a largement oublié sa propre existence comme force antagonique au capital et le mouvement de classe révolutionnaire qui a donné naissance à la révolution d’Octobre en 1917 et à l’Internationale communiste, l’expression politique la plus avancée de la vague révolutionnaire de 1917-23. L’unique façon de franchir ce fossé réside dans la capacité de la classe ouvrière de lutter pour la défense de ses propres intérêts matériels. En ce sens, de tous les cavaliers de la ruine capitaliste, c’est la crise économique et les attaques résultantes sur les conditions de vie et de travail des travailleurs qui contient la possibilité d’obliger le prolétariat de s’unir en défense de ses propres revendications de classe et de développer la perspective d’abattre son ennemi.
Amos, 9 octobre 2021
1 Voir la brochure La Décadence du Capitalisme, en particulier le chapitre II : « Crise et Décadence ».