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Depuis la rentrée, nous assistons à tout un battage idéologique censé nous convaincre d’une formidable reprise économique : « forte demande », « croissance de l’emploi », « pénurie de main d’œuvre »… Bref, une sorte de « boom inattendu » laissant entendre que le capitalisme aurait retrouvé sa vitalité après le sommeil dans lequel la pandémie de Covid-19 avait plongé l’économie mondiale.
Que cache cette “reprise” ?
Mais derrière l’euphorie véhiculée et entretenue par les médias se cache, en réalité, une situation extrêmement dégradée. D’abord, parce que les signes de la maladie chronique du capitalisme décadent et son endettement massif transparaissent de nouveau à travers plusieurs symptômes alarmants venant détériorer fortement les conditions de vie des exploités. Ainsi, loin d’être une simple conséquence du Covid, comme voudrait le faire croire la bourgeoisie, la crise s’exprime, malgré « l’effet rebond », dans la continuité de la spirale récessionniste qui s’annonçait début 2019, juste avant le confinement et les mesures gouvernementales de soutien destinées à limiter la casse. Aujourd’hui, l’inflation semble faire son retour de façon globale : « En France, comme ailleurs en Europe, les prix grimpent tous les mois un peu plus. Déjà en hausse de 2,2 % en septembre, les prix à la consommation ont augmenté de 2,6 % sur un an en octobre dans l’Hexagone ». (1) On assiste notamment à une flambée des prix de l’énergie (gaz, essence, électricité…) au point de redouter des situations catastrophiques au cours de l’hiver prochain : « Les 12 millions de Français en situation de précarité énergétique, vont avoir encore plus de mal à payer cette année leur facture ». (2) Aussi, la prétendue protection des plus démunis n’est, en réalité, qu’un vernis politicien, voire un petit geste électoraliste, comme l’est le lissage de la hausse des prix de l’énergie par le gouvernement avec son fameux « chèque pouvoir d’achat ». Mais les 100 euros supplémentaires ne pourront en rien compenser toutes les augmentations !
Ensuite, parce que la prétendue « baisse du chômage » est un trompe l’œil : « Si l’on s’intéresse à l’ensemble des demandeurs d’emploi, en activité ou non (catégories A, B et C), leur nombre reflue un peu depuis cet été, mais reste plus important qu’avant l’épidémie, à 5,87 millions, ce qui est massif ». (3) Un même emploi peut, par exemple, être enregistré des dizaines de fois pour gonfler les statistiques, du simple fait qu’il apparaît sur plusieurs plateformes et donc recomptabilisé comme autant d’emplois supplémentaires. De même, par une pression accrue engagée depuis des années pour inciter et forcer au travail précaire et au turn over, l’État fait disparaître de vrais chômeurs pour les transformer, grâce à un tour de passe-passe bureaucratique, en « actifs ». Cela, sans compter tous les non inscrits, dits en « marge », qui ne sont plus dans les radars de Pôle emploi ! Si les mesures d’urgence du gouvernement ont évité bien des faillites et des licenciements, il n’empêche que ce véritable travail de faussaire est destiné à masquer une situation réellement dégradée marquant l’approfondissement de la crise du capitalisme.
Mais surtout, tous ces discours triomphalistes cherchent à cacher le million de personnes qui a basculé dans la pauvreté depuis la pandémie. Un chiffre qui ne s’est absolument pas résorbé. D’ailleurs, l’aide alimentaire explose et devient une réalité pour un nombre croissant de prolétaires, notamment les jeunes. Pour ne prendre qu’un exemple local, mais qu’on pourrait aisément généraliser : « Au Secours populaire de Saint-Brieuc, la distribution alimentaire est assurée quotidiennement. Ici, sont venus 4 000 personnes en 2019 et déjà plus de 6 000 en 2021 ». (4)
En réalité, malgré la « reprise de la croissance », les attaques brutales ne cessent de pleuvoir, à commencer par la poursuite des licenciements dans les PME et les suppressions de postes dans les grands groupes : SFR prévoit jusqu’à 2 000 suppressions de postes cette année, pour Ariane Groupe, c’est 600 en France et en Allemagne pour 2022, Air France a déroulé un plan de 7 500 suppressions de postes. Danone prévoit sur cette année et pour l’an prochain 450 suppressions d’emplois, SANOFI 1 700 en Europe dont un millier en France, Michelin planifie 2 300 suppressions en France entre 2021 et 2024… La liste est encore très longue !
Le gouvernement, dans cette même logique et en complémentarité, attaque fortement les chômeurs avec sa réforme de l’assurance-chômage. Ainsi, avec la modification du calcul du salaire journalier de référence, 38 % des allocataires auront une indemnisation diminuée de plus de 20 % en moyenne à ce qu’ils touchaient avant la réforme ! Pour l’ouverture des droits au chômage, il faudra désormais travailler 6 mois sur les 24 derniers mois et non plus 4 mois (durée hors confinement). Cela, pour plus d’un million et demi de chômeurs qui seront impactés, qui bien souvent touchent déjà péniblement à peine 900 euros mensuels ! (5) L’objectif est double : faire des économies et forcer à accepter la généralisation de travaux pénibles et sous-payés en affamant les chômeurs.
Mais les grandes œuvres charitables du gouvernement Macron ne s’arrêtent pas là ! Les retraites du secteur privé vont, quant à elles, être réindexées en dessous du seuil de l’inflation. Dans la même logique, les attaques contre le secteur public se poursuivent (suppression de postes, suppression de lits dans les hôpitaux, gel des salaires, etc.). La loi de transformation de la fonction publique, qui entrera en vigueur le premier janvier 2022, imposera, par l’application stricte des 1 607 heures annuelles de travail, la fin des régimes dérogatoires pour gagner en productivité. Comme dans tous les secteurs d’activités, le miracle de ces réformes aura une conséquence similaire à celle qui touche tous les salariés : travailler plus pour gagner moins ! Accroître considérablement l’exploitation des salariés !
La nécessité de lutter de manière unie
Face à toutes ces attaques, les ouvriers ne restent pourtant pas sans riposter. On a pu le constater dernièrement avec la grève des éboueurs à Marseille, mais aussi à Paris ou à Lyon, par des luttes dans les transports, les bus et tramways, à Avignon ou Nancy, à Montpellier, mais aussi à la SNCF…
Dans bon nombre de petites PME, un peu partout en France, de nombreuses luttes existent plus ou moins isolées, voir dans l’anonymat. On peut prendre pour exemple celle des sages-femmes de la maternité du centre hospitalier de la Seine-Saint-Denis, celle des salariés de l’usine FerroPem, aux Clavaux à Livet-et-Gavet (Isère), contre la suppression de postes, la mobilisation des AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) pour défendre leurs conditions de travail, celle de l’hôpital de Chinon, en Indre-et-loire, où le personnel proteste contre l’alternance du travail de jour et de nuit, etc.
Toutes ces grèves, témoignant d’une grande colère et du refus de se résigner, sont cependant lancées (et pilotées) par les syndicats de manière totalement dispersées, de sorte qu’elles s’épuisent d’elles mêmes par asphyxie. Le résultat de ce travail de sape, poussant à la démoralisation, exploitant les difficultés et fragilités de la classe ouvrière, s’est vérifié lors de la grève et les manifestations du 5 octobre dernier par une forte démobilisation : peu de monde, des cortèges atones exprimant une réelle difficulté à développer une réflexion politique et ce malgré une grande colère qui persiste.
Face à cette situation difficile et de sabotage, le prolétariat ne doit pas se laisser abuser par les mystifications à propos des prétendues conséquences vertueuses de la « croissance économique » et le piège des élections présidentielles de 2022 qui occupe déjà les chaînes d’informations du matin au soir. Face à la dégradation de la situation et à l’accélération de la décomposition du mode de production capitaliste, le prolétariat n’a pas d’autre choix que de lutter par ses propres moyens. Mais il ne peut le faire que s’il refuse l’isolement en étant lui-même à l’initiative pour rechercher la solidarité. Même si la situation rend très difficile ce combat, il n’est pas d’autre issue. Seule l’unité des travailleurs en lutte pourra ouvrir une perspective.
WH, 2 novembre 2021
1) « L’inflation bondit à 2,6 % en octobre en France », Les Échos (29 octobre 2021).
2) « Précarité énergétique : les associations demandent un geste du gouvernement pour aider à payer les factures », France Inter (22 mars 2021).
3) « En France, moins de chômage, mais plus de précarité au troisième trimestre », Le Monde (27 octobre 2021).
4) « La précarité alimentaire est grandissante dans les Côtes-d’Armor », Ouest France (25 septembre 2021).
5) Certaines personnes passeront à 650 euros par mois, sachant que le seuil de pauvreté est officielement fixé en France à 1060 euros pour une personne seule !