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Dans les précédentes parties de cette série nous avons mis en exergue les faiblesses opportunistes sur la base desquelles s’était constituée l’Internationale communiste (IC) aussi bien sur le plan programmatique qu’organisationnel. Cette partie abordera l’ultime période de l’IC en tant qu’organe de la classe ouvrière.
Dans les années qui suivent le congrès de fondation et le deuxième congrès, malgré des épisodes de grande combativité, le reflux de la vague révolutionnaire se poursuit. La classe ouvrière en Russie est de plus en plus isolée, les soviets se meurent à petit feu, le parti bolchevik se confond de plus en plus avec l’État, il se bureaucratise et n’a de cesse de perdre son contenu prolétarien. Les soulèvements insurrectionnels en Europe de l’Ouest (Bulgarie, Pologne, Allemagne)[1], soutenues par l’IC, alors que les conditions devenaient de plus en plus défavorables, finissent de désorienter et de démoraliser le prolétariat mondial.
L’IC subit les effets de l’isolement de la révolution au seul bastion russe et suit la même trajectoire que le parti bolchevik où la logique d’appareil prend peu à peu le pas sur la mise en œuvre d’une authentique politique de classe. Sa vitalité politique se meurt, tout comme dans le parti russe, ce qui la conduit à devenir au bout du compte un outil servant les intérêts impérialistes de l’État russe. Autrement dit, après avoir incarné la plus haute expression de l’unité du prolétariat mondial dans sa lutte révolutionnaire, l’IC dégénère.
Cette quatrième partie, s’attachera donc à montrer la manière dont s’est opérée cette évolution politique tragique.
I – Le parti bolchevik n’est plus ce qu’il était
Les trois ans de guerre civile entre 1918 et 1920, au cours de laquelle les armées blanches et les bataillons étrangers mirent la révolution à rude épreuve, amena la République des soviets à adopter la politique dite de “communisme de guerre”. Mais ce qui ne devait être qu’un ensemble de mesures d’urgence pour faire face à une situation désespérée engendra une militarisation de la société sous l’autorité du parti bolchevik et de l’État. Durant cette période qui nécessita des sacrifices très lourds pour les ouvriers et les autres couches sociales, on assista ainsi à “un affaiblissement progressif des organes de la dictature du prolétariat [les conseils ouvriers], et par le développement des tendances et institutions bureaucratiques.”[2]
Si pendant toute la durée de la guerre civile, les privations furent relativement bien supportées par les ouvriers et les petits paysans, il n’en fut pas de même par la suite. La guerre civile avait rendu la situation sociale de la Russie totalement exsangue. Les populations manquaient de tout, de vivres comme de combustibles pour résister à la vigueur de l’hiver. Dès l’été 1920, des premiers signes de mécontentement s’étaient exprimés dans les campagnes notamment à travers le soulèvement des paysans de Tambov. Mais l’agitation gagna rapidement les villes où, à côté de revendications économiques, les ouvriers revendiquaient également la fin du communisme de guerre. À ce titre, ces grèves n’exprimaient pas seulement une réaction face à la dégradation des conditions d’existence, elles marquaient également le souhait de remettre les soviets au cœur de la prise de décision politique. C’est dans ce contexte qu’éclata l’insurrection des marins de Kronstadt le 28 février 1921. En réaction aux méthodes brutales de réquisitions des céréales perpétrées par les détachements armés et des privations subies aussi bien par les ouvriers que par les paysans, les marins du cuirassé Petropavlovsk se mutinèrent et adoptèrent une résolution en dix points avec pour principale revendication la régénération rapide du pouvoir des soviets. La révolte des marins de Kronstadt se produisait “dans le cours d’un mouvement de lutte de la classe ouvrière contre la bureaucratisation du régime, elle s’identifiait à cette lutte et se voyait comme un moment dans sa généralisation.”[3]
La répression terrible qu’exerça le parti bolchevique sur les révoltés marqua un véritablement tournant de la révolution. En passant par les armes près de 3000 marins, le parti bolchevik franchissait la ligne rouge en exerçant la violence au sein même de la classe ouvrière. La politique dramatique menée par la seule organisation ayant, jusqu’alors, sut défendre la ligne révolutionnaire et le programme communiste marquait, d’une certaine manière, un point de non-retour et une rupture lente mais irrémédiable entre les intérêts du parti, s’assimilant de plus en plus à l’État, et ceux de la classe ouvrière.
Si la classe ouvrière était, en effet, parvenue à sortir victorieuse de la guerre contre les forces contre-révolutionnaires, la concentration de l’autorité entre les mains du couple parti-État formait le revers de la médaille. Les dissensions au sein du camp prolétarien à ce sujet, incarnées notamment par les grèves ouvrières à Moscou et Petrograd et la révolte des marins de Kronstadt, s’exprimaient au sein même du parti depuis le début de la guerre civile. Elles furent portées à leur paroxysme au cours du 10e congrès du Parti communiste russe (PCR)[4] à travers notamment la controverse sur la question syndicale et les critiques du groupe de l’Opposition ouvrière animé notamment par A. Kollontaï et Chliapnikov. Depuis l’automne 1920, ce groupe au sein du PCR s’était structuré au cours du débat sur le rôle des syndicats dans la dictature du prolétariat. Bien que le cadre du débat demeurait profondément inadéquat, la position de l’Opposition ouvrière selon laquelle les syndicats industriels devaient gérer la production en toute indépendance de l’État soviétique[5] exprimait bien que “de façon confuse et hésitante, l’antipathie du prolétariat pour les méthodes bureaucratiques et militaires devenues de plus en plus la marque du régime et l’espérance de la classe ouvrière que les choses allaient changer maintenant que les rigueurs de la guerre avaient pris fin.”[6] Ce débat donna lieu à de vives polémiques tout au long de l’hiver 1920-1921 alors que, selon Lénine, le parti avait plus que jamais besoin d’unité dans ses rangs comme il l’exprimait dans le discours d’ouverture du congrès : “Camarades, nous avons vécu une année exceptionnelle, nous nous sommes permis le luxe de discussions et de débats au sein de notre parti. Pour un parti entouré d’ennemis, des ennemis les plus puissants et les plus forts qui groupent tout le monde capitaliste, pour un parti qui supporte un fardeau incroyable, ce luxe était vraiment surprenant. […] En tout cas, quelles que soient les discussions qui ont eu lieu jusqu’à ce jour, quels que soient les débats qui se sont déroulés chez nous, alors que nous devons faire face à tant d’ennemis, la dictature du prolétariat dans un pays paysan est une tâche si immense, si difficile qu’il ne suffit pas que le travail soit formellement plus uni, plus concerté qu’avant, ce que votre présence ici, à ce congrès, prouve déjà ; il faut aussi qu’il ne reste plus la moindre trace d’esprit fractionnel, quels que soient le lieu et la forme dans lesquels il s’est manifesté jusqu’à présent ; il faut qu’en aucun cas, ces traces ne subsistent.”[7] Le congrès devait, par la suite, entériner l’objectif fixé dans ce discours d’ouverture par l’adoption de la résolution sur “l’unité du parti” ordonnant “la dissolution immédiate de tous les groupes sans exception qui se sont formés sur telle ou telle plate-forme, et donne instruction à toutes les organisations d’insister strictement sur le caractère inadmissible de toutes espèces d’activité fractionnelle. La non-exécution de cette décision du congrès entraînerait l’exclusion sans conditions et immédiate du parti.” Cette décision, défendue également par une large partie de l’IC, reflétait un profond changement dans la façon dont le parti traitait les désaccords pouvant s’exprimer sur des sujets aussi fondamentaux que le rôle des syndicats par exemple. L’interdiction des fractions au sein du parti traduisait en réalité une déformation de la discipline au sein de celui-ci puisque désormais on exigeait la stricte soumission aux décisions du parti une fois qu’elles avaient été prises. Les critiques de la part de militants ou de groupes étaient tolérées mais il était formellement interdit de voir une opposition à la politique officielle du parti s’organiser afin de défendre ses positions[8]. Avec cette décision, le Parti communiste de Russie abandonnait tout un pan de son histoire, puisque lui-même avait mené un tel travail en luttant contre l’opportunisme qui gangrenait la IIe Internationale menant celle-ci à sa propre faillite lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Bon nombre d’universitaires et de journalistes à la malhonnêteté et l’inconséquence sans borne voient dans cette affaire, à n’en pas douter, la preuve de “l’autoritarisme naturel” de Lénine et une prétendue tyrannie bolchevique. En réalité, ce processus était avant tout le produit de l’isolement et de l’état de siège imposé à la révolution en Russie, et exprimait, non pas un “autoritarisme naturel”, mais une véritable déviation des bolcheviques par rapport à leur propre histoire. Par ailleurs, comme l’indique Lénine, l’existence de groupes d’opposition organisés en “fraction”, pouvait être utilisée par les forces contre-révolutionnaires dans le but de discréditer le parti. Mais ce que ne voyait plus Lénine, c’est que s’il est exact que les ennemis déclarés de la révolution pouvaient pointer les désaccords au sein du parti comme un moyen de le discréditer, il est encore plus vrai que l’“ennemi caché” de la révolution, la contre-révolution de l’intérieur, devait se servir de l’interdiction des fractions pour entièrement staliniser le parti.
C’est donc l’isolement de la révolution dans le seul bastion russe qui amenait le PCR à se replier sur lui-même en faisant primer les intérêts du parti et de l’État par une “discipline de fer” plutôt que garantir l’expression des désaccords afin de participer à la clarification de questions politiques fondamentales pour l’ensemble du milieu révolutionnaire et la classe ouvrière mondiale[9]. En faisant planer la menace de l’exclusion sur les groupes défendant des positions divergentes, le parti russe se dévitalisait et se rendait vulnérable face à la spirale bureaucratique.
II – “Le dernier combat de Lénine”
Si, comme nous l’avons indiqué, Lénine a défendu l’interdiction des fractions et a par la suite tenté de dissuader certains militants de porter des critiques publiques contre la “nécessaire discipline”, il n’allait cependant pas tarder à prendre la mesure de la prolifération des bureaucrates et du danger que cela faisait peser sur l’activité du parti. La tendance à la bureaucratie était une préoccupation constante de Lénine depuis la prise du pouvoir en octobre 1917. La conscience de ce fléau ne cessa pas de s’affirmer à mesure de l’accumulation de dysfonctionnements, de la prolifération d’arrivistes et l’emprise des fonctionnaires.
Les différentes oppositions apparues au cours des années 1920-1921 n’avaient eu de cesse, bien que de manière confuse, de mettre en garde le parti sur le poids croissant de “l’État ouvrier”[10] et de l’absorption du parti en son sein. Un danger mortel pour la révolution et le parti que Lénine lui-même exposa lors du XIe congrès du PCR, affirmant que “des rapports erronés entre le parti et les administrations soviétiques” s’étaient établis.
L’“affaire géorgienne” qui éclata au cours de l’année 1922 permit à Lénine de prendre la mesure de l’ampleur de la gangrène bureaucratique. L’usage de la violence, de la répression et de la manipulation par Ordjonikidzé (secrétaire du bureau régional de Transcaucasie) sous l’ordre de Staline (secrétaire général du PCR) à l’encontre de membres du parti géorgien refusant d’adhérer au projet de Constitution de l’URSS[11] indignèrent Lénine au plus haut point.
Ces méthodes brutales, totalement étrangères aux mœurs prolétariennes et communistes, étaient du jamais vu auparavant dans les rangs du parti. Elles démontraient la toute-puissance de celui-ci sur ses membres et l’évolution désastreuse d’une fusion du parti et de l’Etat, engendrant des pratiques émanant “d’un appareil qui nous est foncièrement étranger et représente un salmigondis de survivances bourgeoises et tsaristes […] seulement couvert d’un vernis soviétique”.[12]
Durant les deux dernières années de sa vie, Lénine tenta de stopper la dérive bureaucratique incarnée par Staline et ses sbires. Après l’épisode géorgien, il entreprit de mener le combat de front en accusant ouvertement l’inspection ouvrière et paysanne, dirigée par Staline, d’être “à la pointe” du développement de la bureaucratie.
C’est donc avec la flamme de l’internationalisme qu’il mit ses maigres forces à profit pour tenter de repousser les premières offensives du stalinisme et de son “socialisme dans un seul pays”. Mais les réponses totalement erronées qu’il préconisait, consistant ni plus ni moins à réorganiser la structure de l’Etat, dans l’attente (illusoire) d’un sursaut révolutionnaire du prolétariat européen, ne faisait que confirmer l’impasse irrémédiable dans lequel se trouvait la révolution en Russie et dans le monde entier.
Depuis des décennies, l’idéologie dominante use de tous les moyens pour établir un trait d’union entre le combat révolutionnaire de Lénine et le pouvoir totalitaire de Staline. Mais les faits sont têtus ! Le “Testament de Lénine”, contenait suffisamment de mise en garde à l’encontre du futur tyran pour écarter l’idée d’une quelconque légitimation des comportements de voyous et des visées chauvine de Staline et sa clique. D’ailleurs, le testament sera longtemps caché, ce n’est qu’après avoir acquis la garantie de sa toute-puissance au sein du parti et de l’État que Staline confessa le désaveu que ce document contenait à son égard.
III – La bolchevisation de l’Internationale
Du fait de la victoire de la révolution en Russie et de la faiblesse des autres partis communistes, le PCR joua un rôle prépondérant dans la formation de l’IC dont le siège de l’exécutif se trouvait à Moscou. Mais cette prépondérance prit même un caractère disproportionné dans la vie et le fonctionnement de l’IC.
Par conséquent, le bureaucratisme et l’autoritarisme rampant au sein du PCR n’allaient pas tarder à gagner les rangs de l’Internationale. Lénine était l’un des seuls à s’inquiéter de la “russification” de l’IC comme il avait exprimé d’abord lors du IIe congrès en proposant l’installation du siège de l’exécutif à Berlin puis lors du IVe congrès où il critiqua le caractère “trop russe” des “Thèses sur la structure, les méthodes et l’action des partis communistes” bien qu’il soutenait pleinement leurs contenus. Inquiet de la trop forte “dépendance” de l’IC vis-à-vis du PCR, il exhorta les autres sections de l’IC à s’approprier sans tarder toute l’expérience et les leçons de la révolution en Russie afin d’affermir sa cohésion par une plus grande association des différentes sections dans la vie du parti. Il s’agissait également de garantir la vitalité de l’Internationale en plaçant la réflexion et l’étude de l’expérience révolutionnaire au centre de l’activité des sections.[13] Mais ces perspectives de travail s’éteignirent avec la disparition de Lénine en 1924. À partir de ce moment, nous assistons à un tournant dans la trajectoire de l’IC qui devient progressivement une arme entre les mains de la troïka (Zinoviev-Kamenev-Staline) d’abord, de la bureaucratie stalinienne ensuite. La “bolchevisation des partis communistes” énoncée lors du Ve congrès mondial en juillet 1924 afin de supprimer toutes les oppositions en son sein, aussi bien Trotsky et ses partisans que les groupes de gauche : “Le mot clé de bolchevisation est né dans la lutte contre la droite. Il sera surtout dirigé naturellement contre elle, mais aussi, bien entendu, contre les déviations ultragauchistes et contre le pessimisme qui, ici ou là, pèse sur nous.”[14]
Ce nouveau mot d’ordre formait donc une claire expression de l’étau de plus en plus étroit dans lequel se trouvait la Russie révolutionnaire après le nouvel échec du prolétariat allemand en 1923 lors de la tentative désespérée d’insurrection. Cela ne faisant qu’accélérer la mainmise de la bureaucratie utilisant désormais sa discipline autoritaire à l’encontre de tous ceux osant s’opposer ou critiquer la politique du parti menée par la troïka d’abord, de la clique stalinienne ensuite. Il s’agissait donc de “briser les os” à toutes les formes de résistances contre la dégénérescence de l’internationale. Alfred Rosmer, membre du bureau exécutif de l’IC entre 1920 et 1921, ayant participé aux IIe, IIIe et IVe congrès, donne un témoignage saisissant de cette politique consternante pilotée par Zinoviev, alors président de l’Internationale : “Au moyen d’émissaires qu’il dépêchait dans les sections, il supprimait, dès avant le congrès, toute opposition. Partout où des résistances se manifestaient, les moyens les plus variés étaient employés pour les réduire ; c’était une guerre d’usure où les ouvriers étaient battus d’avance par les fonctionnaires qui, ayant tout loisir, imposaient d’interminables débats ; de guerre lasse, tous ceux qui s’étaient permis une critique et qu’on accablait du poids de l’Internationale cédaient provisoirement, ou s’en allait”[15].
La “Déclaration du comité d’Entente[16]” adressée à l’Exécutif de l’IC en juillet 1925 après le Ve congrès dénonçait les mêmes aberrations : “Le grave problème des tendances et fractions dans le Parti qui se pose historiquement, à la fois comme une conséquence de la tactique politique suivie et comme une réprobation de cette tactique, comme un symptôme de ses insuffisances qu’il faudrait étudier avec la plus grande attention, on prétend le résoudre par des ordres et par des menaces, en soumettant quelques camarades à de rudes pressions disciplinaires, laissant croire ainsi que de leur conduite personnelle dépend l’entier développement favorable du Parti.”
Par conséquent, tous les militants ou les tendances qui, par la suite, exprimèrent leurs désaccords avec les orientations défendues par le parti se confrontèrent à l’alternative suivante : se soumettre ou être exclus ! Ces derniers furent remplacés dans les organes exécutifs des PC par des militants dociles, jeunes et peu expérimentés, devenant très vite des hommes d’appareils d’une fidélité sans bornes à Moscou comme dans le KPD ou à l’image de Maurice Thorez au sein du PCF. Les PC incarnaient désormais la défense implacable de la politique extérieure de l’État russe au lieu de jouer un rôle actif dans l’élévation de la conscience révolutionnaire des masses. Le nouveau mode d’organisation des PC à partir des “cellules d’usine” constituait une claire expression de cette malheureuse évolution puisqu’elle enfermait les ouvriers dans des problèmes locaux et corporatistes au détriment, évidemment, d’une vision et d’une perspective générales du combat prolétarien.
La propagande stalinienne contribua largement à présenter la bolchevisation comme la continuité de la politique menée par les bolcheviques depuis octobre 1917. Il s’agissait là de la première d’une longue série de falsifications mises sur pied par cette clique bourgeoise tout au long de la période de contre-révolution. En réalité, ce mot d’ordre était en rupture totale avec l’histoire et l’esprit du parti bolchevique. Bien plus que cela, elle marqua une étape significative de la dégénérescence de l’IC. Celle-ci ne dévia plus de cette trajectoire par la suite et devint un outil contre-révolutionnaire entre les mains de l’État russe pour la préservation de ses intérêts extérieurs. Seules les fractions de gauche tentèrent de mener un combat déterminé afin de contrecarrer cette involution et maintenir en vie la flamme de l’internationalisme et le programme communiste. C’est ce que nous aborderons dans l’ultime partie de cette série.
(A suivre)
Najek,
le 16 avril 2021.
[1] Voir notamment :
[3] -Idem.
[4] Ce congrès se déroula du 8 au 16 mars au même moment que la répression de la révolte des marins de Kronstadt.
[5] Deux autres positions s’exprimaient dans le débat : celle de Trotsky pour l’intégration totale des syndicats dans “l’Etat ouvrier”, celle de Lénine pour qui les syndicats auraient toujours à agir pour les défense de la classe, même contre “L’Etat ouvrier”.
[6] “La Gauche communiste en Russie : 1918-1930 (1ère partie)”, Revue internationale n°8, décembre 1976.
[7] V. Lénine, œuvres choisies, “Le Xe congrès du PCR”, volume III, pages 572-573.
[8] Il faut noter toutefois que cette décision était considérée comme temporaire : “L’interdiction des fractions était, répétons-le, conçue comme une mesure exceptionnelle appelée à tomber en désuétude à la première amélioration de la situation” (Trotsky, La révolution défigurée, 1963).
[9] L’altération de la vitalité politique et la tendance à la bureaucratisation se poursuivirent à travers d’autres mesures :
- Le congrès perdait une partie de ses prérogatives sur la nomination du comité central puisque deux tiers de ses membres avaient désormais la possibilité d’exclure un de ses membres en cas de désaccords avec les décisions.
- Le secrétariat se voyait attribuer une importance croissante dans l’appareil du parti à travers l’augmentation croissante du nombre de ses membres.
[10] Le CCI rejette la conception de l’Etat ouvrier qui est, selon nous, une contradiction dans les termes. Comme nous l’indiquons dans la Brochure sur La Période de Transition : “La classe ouvrière ne construit pas des États parce qu’elle n’est pas une classe exploiteuse. L’État de la période de transition est inévitable, mais il n’est pas une émanation de la classe ouvrière. Cet État peut représenter un danger pour le prolétariat, peut essayer de lier les mains aux prolétaires pour les faire “travailler pour les autres”. La classe ouvrière doit être libre de poursuivre sa politique y inclus le droit de faire grève contre les diktats de l’État. Vouloir confondre prolétariat et État mène à l’aberration d’un “État ouvrier” qui interdit aux ouvriers de s’élever contre lui.” Pour Lénine, l'État soviétique n'était pas à proprement parler un État ouvrier, mais "un État ouvrier et paysan avec des déformations bureaucratiques". C'est plutôt Trotsky, qui souhaitait la subordination de toutes les organisations ouvrières à l'État, qui parlait “d'État ouvrier”.
[11] Ce projet soumis par Staline, auquel Lénine s’opposa, prévoyait l’autonomie aux républiques sœurs au sein de la fédération, les plaçant sous la République de Russie.
[12] Cité dans P. Broué, Le parti bolchévique. Histoire du PC de l’URSS, Éditions de minuit, 1971, page 174. Lénine se réfère ici davantage au parti qu’à l'État, mais en réalité, les deux deviennent indissociables.
[13] “Je suis persuadé que nous devons dire, à cet égard, non seulement aux Russes, mais aussi aux camarades étrangers, que le plus important, dans la période qui vient, c’est l’étude. Nous, nous étudions dans le sens général du terme. Ils doivent, eux, étudier dans un sens particulier, pour comprendre réellement l’organisation, la structure, la méthode et le contenu de l’action révolutionnaire.” (Discours de Lénine lors du IVe congrès mondial).
[14] Discours de Zinoviev au Ve plenum de l’IC, cité dans P. Broué, Histoire de l’internationale communiste. 1919-1943, Fayard.
[15] Alfred Rosmer, Moscou sous Lénine. Les origines du communisme, Les bons caractères, 2009.
[16] Il s’agit de la gauche au sein du parti communiste d’Italie qui deviendra la fraction de gauche du Parti communiste d’Italie.