À qui profite le crime ?

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L’assassinat abominable de Samuel Paty, survenu en pleine campagne médiatique sur le procès des terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo en 2015, les attentats de Nice et tout dernièrement celui survenu à Vienne n’ont fait que renforcer un climat social de peur et d’insécurité. Le battage médiatique en rajoute encore sur les “ennemis de l’ombre” (Covid-19 et le terrorisme) qui peuvent frapper n’importe qui, n’importe quand et à n’importe quel moment !

Non à l’union sacrée !

À les entendre tous, hommes politiques et médias, nous sommes en guerre et nous devons tous entrer en résistance contre l’obscurantisme et “l’ennemi intérieur”. La République, la laïcité, la liberté d’expression, la démocratie, la nation, l’Éducation nationale… la civilisation, sont attaquées. Mobilisation générale ! Pour la défense de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques de la République, on nous appelle encore une fois à l’union sacrée, derrière le slogan : “ne nous laissons pas diviser” ! La solidarité et l’hommage solennel rendu à Samuel Paty ont donné lieu encore une fois au déploiement d’une vaste campagne idéologique d’union nationale derrière l’État républicain. Toute la classe politique, de droite comme de gauche (avec son Premier ministre Castex, et son ministre de l’Éducation nationale Blanquer), était présente, derrière le drapeau tricolore, lors du grand rassemblement place de la République à Paris, le dimanche 18 octobre. Samuel Paty s’est même vu érigé en héros et grand défenseur de la République par Emmanuel Macron dans le discours que celui-ci prononça le jour des funérailles. Qui récupère et s’approprie l’indignation légitime de l’ensemble de la population face à la sauvagerie du meurtre de Samuel Paty ? À qui profite le crime ? À la classe dominante qui se sert de ce meurtre ignoble pour les besoins de sa propagande patriotarde à la gloire de la démocratie bourgeoise !

Si la majorité des enseignants se trouve à juste titre traumatisée par un acte criminel abominable et dont chacun aurait pu être victime du simple fait de sa profession, si maintenant le tout-venant des catholiques se sent la cible de tueurs fanatiques quand il se rend à l’office le dimanche, tous sont appelés à défendre en priorité, non leurs conditions de travail et de vie, mais leur statut d’ “éducateurs de la République” pour les uns et “la liberté de religion” pour les autres. Tous les enseignants, comme l’ensemble de la classe ouvrière, mobilisés d’abord et avant tout en tant que citoyens, sont appelés à resserrer les rangs derrière l’État démocratique et à faire cause commune avec le gouvernement. Cette tentative d’embrigadement pousse, par exemple, les travailleurs de l’Éducation nationale à se retrouver avec leurs exploiteurs dans la rue, à devoir chanter La Marseillaise, à se tenir au garde à vous et imposer une minute de silence citoyenne à tous leurs élèves regroupés dans les cours des établissements scolaires (au mépris, d’ailleurs, de toutes les règles de protection sanitaire) et, bien sûr, à signaler à l’État républicain tout élève ou famille “déviante” comme ce fut le cas dans quelques établissements comme, par exemple, dans des collèges de l’agglomération de Strasbourg. Et pour quel crime ? “Apologie du terrorisme” après des “incidents” survenus lors de l’hommage à Samuel Paty ! Le parquet précise que l’enquête vise deux adolescents de 12 ans ! Ils auraient tenu des propos laissant entendre qu’ils justifiaient l’assassinat. D’autres incidents ont été signalés à la justice, l’un concerne cette fois des enfants de 8 et 9  ans (!) scolarisés dans des écoles primaires. Au Mans, une proviseure d’établissement a même déclenché le “protocole sécurité” pour faire intervenir les forces de l’ordre, après qu’un élève a été aperçu en train de photocopier une feuille de papier portant une inscription en arabe, à la bibliothèque du lycée. Apparemment l’État veille et ne laisse plus rien passer à ces jeunes “djihadistes radicalisés” ! À quand les déscente de police dans les écoles maternelles ?

De fait, là encore, l’État est en train de réprimer, stigmatiser des gamins dès leur plus jeune âge, leur asséner qu’ils ne sont que déviants et doivent se soumettre à tout prix à l’ordre démocratique capitaliste qui les a déjà de fait, exclu eux ou leurs familles. Dans ce climat de délation et de répression, l’ambiance dans les établissements scolaires ne peut que se dégrader, chacun se méfiant de chacun, aggravant les tensions, le rejet des uns par les autres. L’État contribue ainsi directement, en complément de tous les discours djihadistes, à créer les “monstres” de demain, pris entre le marteau et l’enclume de deux visions du monde réactionnaires qui ne peuvent que les pousser au néant et à la folie. La boîte de Pandore est ouverte.

La xénophobie est un poison pour la classe ouvrière

Encore une fois, le principe “diviser pour mieux régner” cher à la classe dominante va faire des ravages : renforcement des discours et d’actes de rétorsion contre les musulmans avec la suspicion que derrière chaque musulman ou derrière chaque gamin de banlieue se cache un terroriste potentiel. Cet amalgame et l’islamophobie croissante seront le fruit à la fois de ces meurtres crapuleux et des campagnes nationalistes citoyennes justifiant le renforcement des contrôles policiers (notamment des jeunes) pour délit de “sale gueule”, le flicage permanent et la répression de tout ce qui sera considéré comme “antirépublicain”, non démocratique et atteinte potentielle à la sécurité de l’État.

C’est cette logique qui est de fait à l’œuvre dans le projet de loi sur le séparatisme proposé par le gouvernement : toutes les expressions un tant soit peu déviantes à l’encontre de la République et de ses prétendues “valeurs” sont stigmatisées et considérées comme dangereuses. En appelant tous les “citoyens” à les combattre, l’État bourgeois tente de raffermir, auprès des exploités, l’adhésion à l’ordre de la démocratie bourgeoise, présentée de manière fallacieuse comme “le meilleur des mondes”.

Le développement de la xénophobie ne peut qu’engendrer encore plus de violences sociales (telle l’agression de femmes voilées traitées de “salopes” le jour même des funérailles de Samuel Paty). Cette xénophobie se manifeste aussi par le durcissement des contrôles aux frontières revendiqué par le gouvernement avec la volonté manifeste de renvoyer “chez eux” les étrangers “louches”, les “séparatistes” de tous poils, etc. et la remise en cause du droit d’asile. Tout ce dont, bien évidemment, le Rassemblement national (ex-FN)cherche à profiter à outrance en surfant sur la peur et le repli sur soi. Ce terrain pourri du nationalisme (dont le Rassemblement national est d’ailleurs loin d’avoir l’exclusivité !), de l’exclusion et de la délation, de la recherche d’un bouc-émissaire pour justifier la barbarie, n’est pas le terrain de la classe ouvrière. Son terrain, c’est celui de l’internationalisme, de la solidarité dans la lutte contre l’exploitation et particulièrement l’exploiteur en chef, le plus hypocrite et pernicieux : l’État bourgeois.

Pour en finir avec le terrorisme, il faut en finir avec le capitalisme

Ces derniers assassinats sont un révélateur du pourrissement nauséabond du système capitaliste. Ce système en putréfaction, laissé à sa propre dynamique morbide et barbare, ne peut qu’entraîner progressivement toute l’humanité vers le chaos sanglant, la folie meurtrière et la mort.

Comme l’illustre le terrorisme, le capitalisme ne cesse de fabriquer des individus totalement désespérés, broyés et capables des pires atrocités.Ces terroristes, le capitalisme les façonne à son image. Si de tels “monstres” existent, c’est parce que la société capitaliste est devenue “monstrueuse” !

Ni la bourgeoisie, ni son État, ne peuvent protéger la population de ces monstres qu’ils ont créés et qui peuvent frapper de manière aléatoire et ponctuelle. La classe dominante perd de plus en plus le contrôle sur son propre système en décomposition qui ne peut que continuer à semer la mort. Pire encore : toute la cristallisation médiatique et la mise en avant du danger islamiste radical ne peut hélas que faire naître des vocations de terroristes martyrs.

Face à la barbarie du terrorisme, l’impuissance des États et de leurs gouvernements est de plus en plus manifeste. Ces États et gouvernements démocratiques qui dans leurs croisades impérialistes, depuis la guerre du Golfe contre Saddam Hussein, n’ont fait qu’attiser la haine et la soif de vengeance des islamistes fanatisés. Dans la société capitaliste en décomposition, la barbarie et le culte de la violence ne peuvent engendrer que toujours plus de barbarie et de violence aveugle.

La fin de cette spirale infernale ne pourra certainement pas venir de l’action de ceux qui sont les principaux défenseurs et garants du système économique qui engendre cette barbarie. Elle ne pourra résulter que du renversement de ce système par le prolétariat mondial et de son remplacement par une véritable communauté humaine universelle basée non plus sur le profit, la concurrence et l’exploitation de l’homme par l’homme mais sur l’abolition de ces vestiges de la préhistoire humaine. Une société basée sur “une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous”, la société communiste !

Stopio, 22 octobre 2020

 

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Rubrique: 

Meurtre de Samuel Paty