Au programme de la rentrée 2020: crise, licenciements, chômage, attaques et mépris !

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Au programme de la rentrée 2020: crise, licenciements, chômage, attaques et méprisAlors que la pandémie mondiale et le confinement de près de quatre milliards de personnes sont encore présents, le capitalisme poursuit sa marche infernale : mensonges, flicage, chômage, misère, attaques contre les conditions de vie et de travail, répression…

Dans tous les États, l’arrêt brutal de l’économie a exacerbé les effets de la crise historique du capitalisme. “Effondrement historique de l’économie française” titrait Le Monde du 1er août : “Le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 13,8 % au deuxième trimestre”. Au-delà des titres “choc”, il est clair que les effets de la pandémie sur une économie déjà gravement malade n’ont pas encore dévoilé toute leur profondeur !

Aujourd’hui, alors que la menace de l’épidémie pèse de tout son poids sur nos têtes, la récession se fait déjà lourdement sentir. Durant les quatre derniers mois, les annonces de licenciements n’ont cessé de pleuvoir. De nombreux secteurs sont sévèrement frappés et un grand nombre de petites entreprises mettent la clé sous la porte ! Les plus grosses, tentant de résister, licencient à tour de bras.

Les plans de licenciements et d’économie à l’œuvre avant la crise sanitaire ont donc été considérablement amplifiés et multipliés : plus de 7 580 licenciements chez Air France, 15 000 chez Airbus avec près de 5 000 en France (donc beaucoup plus chez les sous-traitants). Renault prévoit la suppression de 15 000 emplois dans le monde (5 000 en France), Alinéa 2 000, La Halle plus de 5 000, Naf Naf 1 100… À cela s’ajoute une multitude de petites PME. On parle déjà de près d’un million de chômeurs supplémentaires. Et tout cela n’est qu’un début ! Un économiste résume bien la situation : “Il ne s’agit pas de savoir si le chômage va s’accroître, mais jusqu’à quel sommet il va culminer”. (1)

Pour les travailleurs les plus précaires, la situation est particulièrement dramatique. Nombre d’intérimaires se retrouvent “sans activité” ou dans une incertitude insupportable : “La fédération des professionnels du secteur parle d’un choc quatre à cinq fois supérieur à celui de 2009”. Le BTP, l’industrie, le commerce ou le transport-logistique sont notamment touchés. “Je suis tombé à 1 080 euros net par mois et j’ai quatre enfants sous mon toit. L’un d’entre eux est obligé de prendre un emploi saisonnier cet été pour nous venir en aide. Ce n’est pas possible, s’emporte Bruno Palard, 57 ans, intérimaire […]. Le 24 avril, il a été placé en chômage partiel pour une durée indéterminée”. (2) La situation est encore plus grave pour les milliers de travailleurs qui vivent dans la débrouille, enchaînant des petits boulots souvent au noir et qui se retrouvent dans une misère totale.

Les queues devant les camions de distribution d’aide alimentaire d’urgence n’ont cessé de s’allonger depuis le début de la pandémie si bien que les associations de bénévoles sont débordées. Malgré les annonces de “plans d’urgences” de l’État, les associations voient les stocks alimentaires fondre alors que des nouveaux demandeurs se bousculent (déjà + 25 % depuis le confinement, “soit 5,5 millions de demandeurs qui pourraient grimper à 8 millions d’ici à cet hiver”, estiment les associations). Dans plusieurs pays centraux du capitalisme (en particulier aux États-Unis), des grèves des loyers ont également éclaté. Tout cela montre à quel point la situation devient insoutenable et dramatique pour de très larges parties de la classe ouvrière à travers le monde.

Pour maintenir son économie, le capitalisme n’a qu’une seule réponse : exploiter davantage les ouvriers ! Et c’est bien ce qui est à l’œuvre depuis le début de la crise sanitaire, avec la succession de “mesures d’urgence” et d’ordonnances qui concernent le Code du travail :

– La journée de travail maximale passe de 10 à 12 heures (et de 8 à 12 pour le travail de nuit).

– Le temps de repos entre deux jours de travail passe de 11 à 9 heures.

– Le travail hebdomadaire (max) de 48 à 60 heures.

– Extension du travail le dimanche…

Bien naïvement, on pourrait penser que ces mesures ne sont qu’un “cadre légal” nécessaire pour faire face à une situation exceptionnelle de crise sanitaire… Mais vraiment bien naïvement ! Car, à y regarder de plus près, on lit également dans ces ordonnances que “L’employeur peut imposer ou modifier au maximum six jours de congés” avec “un jour franc pour prévenir”, il peut imposer jusqu’à dix jours de RTT ou CET (Contrat Épargne Temps). De même que l’employeur peut imposer jusqu’à cinq jours de congés “monétisés” (sur les RTT et CET), notamment en complément de revenu dans une situation de chômage partiel.

Nombre de ces mesures “temporaires”, officiellement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, feront “jurisprudence”, dans l’intérêt du capital ! Dans un article de Médiapart publié le 18 juin 2020 : “Les députés votent une drôle de sortie de l’état d’urgence sanitaire”, on pouvait lire : “Alors que l’état d’urgence sanitaire se termine le 10 juillet, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet de loi prorogeant jusqu’au 30 octobre certains pouvoirs exceptionnels accordés au premier ministre, et notamment celui d’interdire des manifestations”. Quand il s’agit de défendre les intérêts du capital, “l’exceptionnel” devient très vite la règle !

Avec l’incertitude de la situation actuelle, toute la pression est mise sur les ouvriers qui doivent “savoir faire des sacrifices pour sauver l’activité” et leurs emplois. Les fameux “accords de performance collective” (remis au goût du jour avec les ordonnances Travail de 2017) sont une autre illustration de l’hypocrisie de la bourgeoise et de ses syndicats pour faire accepter une plus grande exploitation au nom de la sauvegarde de l’emploi. Un véritable chantage pour une nouvelle tromperie ! Par exemple à propos de “l’accord” signé par le sous-traitant aéronautique Derichebourg, on peut lire : “Selon le syndicat FO, dans un tract publié le 12 juin, face à une chute brutale du chiffre d’affaires de plus de 50 % et avec des prévisions pessimistes anticipant un déficit de près de 6 M€ pour l’entreprise, cet accord était la seule solution pour garantir nos emplois”. (3) Et voici le résultat de cette “grande lutte” syndicale : “L’accord prévoit la suppression des primes de repas et de transport, de 280 euros par mois sur dix mois. […] Par ailleurs, les salariés qui perçoivent plus de 2,5 SMIC perdront leur treizième mois en 2020”.

Un “accord” du même type est actuellement en discussion chez PSA Retail avec cette fois la CFDT aux commandes. Pour mémoire, “en 2015, les salariés de l’usine Smart de Hambach (Moselle) avaient accepté de revenir aux 39 heures pour sauver leur site. Quatre ans plus tard, leur employeur, le groupe automobile allemand Daimler, avait décidé de délocaliser l’entreprise en Chine”. (4)

Ne nous trompons pas, c’est bien le chômage de masse et la précarité qui nous attend. Pour faire face à cette forte augmentation du chômage, la bourgeoisie a un plan pour le moins radical : la réforme de l’assurance chômage (et une économie de 3 à 4 milliards d’euros sur le dos des prolétaires) ! Il faut dire que cela est mûrement préparé depuis plus de deux ans et déjà en partie appliqué.

Cette attaque d’ampleur contre la partie du prolétariat la plus fragile est d’une violence redoutable. Voici un bref résumé, du contenu de cette attaque :

– Durcissement des conditions d’indemnisation (avoir travaillé 4 mois sur les 28 derniers, passe à 6 mois sur 24).

– Le seuil de rechargement des droits (qui était de 1 mois, passe à 4 puis à 6)

– Dégressivité des revenus (au bout de 6 mois pour les tranches hautes)

– Et surtout : tous les jours de la période considérée seront intégrés au calcul de l’indemnité, même ceux non travaillés !

“Avec la réforme, ce salaire journalier de référence sera calculé à partir du revenu mensuel moyen. Les périodes d’inactivité seront donc prises en compte dans le calcul de l’indemnisation, ce qui baissera mécaniquement le montant des allocations chômage versées aux demandeurs d’emploi”. (5) Mais déjà, tout est en place pour perdre les demandeurs dans des démarches administratives complexes et fastidieuses, conduisant à des erreurs quasi systématiquement à la charge du demandeur. (6) Et ce n’est pas l’annonce du report de ce deuxième volet de la réforme qui peut nous faire croire au moindre état d’âme de la part du gouvernement. Ce dernier ne s’en cache pas : cette réforme ainsi que celle des retraites, seront remises à l’ordre du jour aussi vite que possible. “Il n’y aura pas d’abandon d’une réforme des retraites. Je suis ouvert à ce qu’elle soit transformée”, déclarait Macron au mois de juillet en souhaitant relancer les concertations”. En définitive, ce sont toujours les mêmes discours hypocrites et mensongers que la bourgeoisie nous sert “au nom de l’équité, de la justice, de l’altruisme, de la démocratie”.

Dans ce jeu abject, les syndicats répondent toujours présents à l’appel du gouvernement pour “mener les concertations”. Mettre en œuvre de telles réformes, attaquer aussi durement les conditions d’existence du prolétariat, nécessite un encadrement syndical fort de la classe ouvrière, une division, que ces “professionnels de la lutte” savent très bien faire. Alors qu’aujourd’hui on licencie massivement chez Airbus, Air France, Alinéa… que font les syndicats ? Ils enferment les ouvriers dans un corporatisme stérile, en poussant les plus combatifs à la lutte dans le seul périmètre de leur entreprise !

À l’annonce des licenciements chez Airbus, les syndicats ont appelé à manifester sur le tarmac de l’aéroport de Toulouse, en organisant même deux cortèges : l’un composé des syndicats majoritaires comme FO et le deuxième, faisant cavalier seul, emmené par la CGT. Une véritable caricature de division et d’isolement !

La lutte derrière les syndicats ne mène qu’à l’épuisement, à la déception et à la résignation. Pour qu’une lutte paie, elle doit opposer un rapport de force à la bourgeoisie. Cela signifie que le véritable moteur de la lutte est la recherche de la solidarité, de l’unité, de l’extension du mouvement et de sa politisation. Autant de questions essentielles que les syndicats se gardent bien de mettre en avant et qu’ils occultent. La classe ouvrière ne pourra donc compter que sur elle-même. Tout cela ne fait que souligner davantage le caractère primordial du premier point des statuts de l’Association Internationale des Travailleurs qui proclamait : “L’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes” !

Marius, 2 septembre 2020

(1) “Le chômage de masse s’amplifie en France”, Le Monde (29 juillet).

(2)On subit, on n’a pas trop le choix : les intérimaires, premières victimes de la crise due au coronavirus”, Le Monde (18 juin).

(3) “Accord de performance collective : le sentiment de “trahison” des salariés de Derichebourg”, Marianne (12 août 2020).

(4) Les Echos (4 juin 2020).

(5) Capital (17 juillet 2020).

(6) En juillet dernier, Yann Gaudin est licencié pour avoir aidé des allocataires, notamment des intermittents et des précaires, à “récupérer un préjudice financier d’environ 200 000 euros”. Sur son blog, ce lanceur d’alertes explique avoir découvert “de vraies anomalies couvertes par une chaîne de décideurs, par exemple des salaires exclus automatiquement par le système de calcul des allocations chômage”. Ainsi que des informations “sur les droits des allocataires que l’on donne très peu, voire quasiment jamais aux intéressés”.

 

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