RÉSOLUTIONS DU 4e CONGRES DE RÉVOLUTION INTERNATIONALE

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RESOLUTION SUR LA SITUATION EN FRANCE

1. Comme cela a déjà été noté au cours de l'histoire, la situation actuelle en France exprime de façon très nette et typique un nombre important de grandes tendances de la société mondiale. Cela se manifeste aujourd'hui tant sur le plan de la situation économique, que de la vie politique de la bourgeoisie et que de la lutte de classe.

2. Sur le plan économique, cette caractéristique d'exemplarité s'est exprimée par la situation médiane du capital français :

  • qui n'a pas réussi, face à la crise, d'aussi bonnes performances que les "bons élèves" de la classe (bourgeoise): l'Allemagne et le Japon ;
  • qui a été cependant moins atteint que les capitaux anglais, espagnol ou même américain, notamment en ce qui concerne le taux d'inflation, le chômage, les déficits budgétaires, les balances commerciales et la stabilité monétaire.

Les potions administrées énergiquement par le professeur Barre, et en particulier dans le domaine de la modernisation de l'appareil productif et de l'amélioration de la trésorerie des entreprises viables, ont redonné au capitalisme français un dynamisme qui l'a placé en 79 au 3ème rang des exportateurs mondiaux.

3. Cependant, ces résultats relativement consolants pour le capital français et qui lui permettent de bénéficier d'un certain sursis par rapport a la récession qui se développe actuellement, ne peuvent masquer le fait que, à l'image de tous les autres, ce capital ne saurait échapper longtemps à l'aggravation de la crise mondiale. D'ores et déjà, cette aggravation s'est traduite pour l'économie française par l'apparition d'un déficit commercial très important qui se monte à 1,5 milliards de dollars en 1979 et s'élèvera à 4,7 en 1980.

L'aggravation de l'exploitation qui s'est déjà abattue sur la classe ouvrière ces dernières années, notamment en 1979 où les chiffres officiels eux-mêmes rendent compte d'une baisse de son niveau de vie, est donc appelée à s'intensifier dans la période qui vient, notamment avec une nouvelle augmentation du chômage et des cadences ce travai1.

4. L'impact de l'aggravation de la crise sur le pian des tensions impérialistes se manifeste également de façon très nette en France et ceci dans les différents domaines où il s'exprime à l'échelle internationale :

  • le développement des armements : augmentation du budget militaire et fabrication de nouvelles armes (bombe à neutrons, missiles à support mobile);
  • la discipline des blocs : l'apparente "indépendance" de la politique étrangère est typique de la façon "souple" dont le bloc américain est en mesure d'assurer sa cohésion (contrairement à la discipline rigide et militaire du bloc russe) et qui lui permet une plus grande efficacité sur le plan international par un partage des tâches (actions diplomatiques et militaires de la France en Afrique et au Moyen-Orient qui se situent dans ce cadre, même s'il s'agit aussi pour la France de défendre ses intérêts propres) ;
  • la création d'une psychose de guerre (dont Giscard a été un des grands promoteurs) destinée à faire accepter un surcroît d'austérité et notamment celui lié à l'effort d'armements, mais surtout à préparer l'ensemble de la société aux sacrifices suprêmes de la guerre impérialiste.

5. De même que la contre-offensive bourgeoise des années 70, basée sur "l'alternative de gauche", avait connu en France avec le "Programme Commun", une de ses formes les plus typiques, l'orientation présenta de la bourgeoisie occidentale s'exprime dans ce pays de façon particulièrement nette. Dès avant les élections de 1578, une partie des secteurs de gauche de la bourgeoisie, ceux ayant l'impact le plus grand dans la classe ouvrière (PC et CGT), ont amorcé leur reconversion en forces d'opposition et une radicalisation de leur langage face à un épuisement de la carte du "gouvernement de gauche" et la reprise de la combativité ouvrière qui en résultait. Après les élections, cette tendance à la radicalisation du langage de la gauche, son installation dans l'opposition, s'est étendue au parti socialiste qui s'est donné une direction plus "à gauche" (éviction de Rocard-Mauroy, intégration de Chevènement).

6. Les caractéristiques du renouvellement par la bourgeoisie de son arsenal anti-ouvrier face au mouvement général de reprise prolétarienne (qui s'est exprimé notamment aux U.S.A, dès 1977 et par la suite en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, au Brésil, etc.), se manifestent actuellement en France de façon très nette.

D'une part, cette carte de la "gauche dans l'opposition" ne doit pas être comprise comme un renforcement de la bourgeoisie mais bien comme un moyen de pallier à des faiblesses croissantes résultant de la détérioration de l'infrastructure économique de la société. La nouvelle orientation de la vie politique française ne se fait pas sans aggravation des contradictions internes au sein de l'appareil politique. En particulier, en ne permettant pas la mise en œuvre de la carte de "centre-gauche" à laquelle aspirent des forces non négligeables de la bourgeoisie (notamment le secteur "centriste"),elle crée des difficultés tant dans le secteur gouvernemental qui ne peut s'appuyer que sur des forces qui restent divisées, qu'au sein du parti Socialiste tiraillé entre l'orientation favorable à une accession au gouvernement (Rocard, Mauroy) et l'orientation dominante de maintien dans l'opposition.

D'autre part, 1'exemple de la situation en France illustre très bien les moyens et l'efficacité de cette carte de "la gauche dans l'opposition". Parmi ces moyens, il est nécessaire de souligner :

  • l'utilisation intensive des syndicats (y compris sous forme de "syndicalisme de base" cher aux gauchistes, de sections syndicales ou d'unions locales particulièrement "combatives") dont une des formes d'action préférées devient la surenchère verbale, la multiplication des journées d'action destinées à défouler le mécontentement ouvrier, à émietter la combativité, à utiliser celle-ci en vue d'une politique capitaliste (mystifications nationaliste, électoraliste, populiste, etc.), à fatiguer les travailleurs pour tenter finalement de les écœurer et de les démoraliser ;
  • l'exploitation des divisions réelles existant au sein de la gauche (PC et PS, CGT et CFDT) pour augmenter le désarroi des travailleurs, divisions qui peuvent être mises momentanément sous le manteau quand cela s'avère utile pour renforcer l'encadrement ;
  • la sécrétion du poison pacifiste destiné à minimiser l'aggravation des tensions inter-impérialistes : la dénonciation du fait -réel- que Giscard utilise l'inquiétude face à la guerre pour faire accepter un surcroît d'austérité, parce qu'elle n'est qu'une vérité partielle, participe en réalité de toute une politique destinée à masquer à la classe ouvrière l'enjeu véritable de ses luttes .

L'efficacité de la carte de "la gauche dans l'opposition" s'est également manifestée avec beaucoup de clarté. C'est lorsque cette carte n'était pas encore jouée à fond en 78 et début 79 que la classe ouvrière a mené en France ses luttes les plus déterminées et débordant le plus le cadre syndical, notamment dans la sidérurgie. Par contre, la radicalisation de la gauche aù printemps 79 (qui traduit bien la capacité et la volonté d'adaptation de ce secteur politique) est l'élément déterminant qui permet d'expliquer la reprise en main syndicale, et dont la grève, d’Alsthom à l'automne 79, est une des premières étapes.

Ainsi, s'il est nécessaire de savoir que la carte de la "gauche dans l'opposition" n'est pas le signe d'une amélioration d'ensemble de la situation de la bourgeoisie, il est indispensable d'être conscient tant de la capacité d' adaptation de ces forces politiques que de l'impact que leurs manœuvres peuvent avoir sur la combativité et la conscience de la classe ouvrière.

7. L'aggravation considérable des conditions de vie de la classe ouvrière qui s'annonce, l'épuisement de toute une série de mystifications basées sur l'idée qu'on pouvait "sortir du tunnel" de la crise, créent les conditions de surgissements importants de la lutte de classe en France comme dans l'ensemble des autres pays. De tels surgissements devront surmonter l'obstacle de la radicalisation de la gauche, de toutes les tentatives de celle-ci de s'opposer â l'autonomie de la classe et à la généralisation des luttes, de séparer deux composantes indissociables du combat de classe. Il revient aux révolutionnaires de participer activement à cette reprise des combats en dénonçant de façon efficace et non schématique, de l'intérieur de la lutte, même si elle est lancée par les syndicats, les multiples et multiformes manœuvres de ces organismes, de relier les revendications mises en avant par les travailleurs aux enjeux généraux de leur classe et notamment au problème de la guerre, de se tenir prêt à des explosions soudaines et massives du mécontentement ouvrier, puisque c'est de cette façon que s'exprime, dans la période présente, le surgissement de la classe, la généralisation de ses luttes.

RESOLUTION SUR LE REGROUPEMENT

L'ouverture depuis 1968 d'un cours historique aux affrontements de classe généralisés, la remontée des luttes, la gravité de la situation actuelle, de par l'approfondissement des tensions inter-impérialistes, nécessitent plus que jamais le regroupement des maigres forces révolutionnaires afin d'œuvrer de concert pour assumer les tâches immenses qui d'ores et déjà leur incombent.

L'échec et le sabotage des conférences internationales, comme ce fut le cas lors de la troisième conférence des groupes de la gauche communiste, n'entament nullement notre conviction dans la nécessité de celles-ci. Cette situation montre que le sectarisme prévaut encore largement dans le milieu révolutionnaire et a été plus fort que la pression de la lutte de classe. C'est la démonstration du manque de maturité de l'ensemble du milieu révolutionnaire, immaturité qui est le reflet du développement encore faible de la lutte de classe elle-même et le produit de la coupure organique entre les groupes d'aujourd'hui et les fractions du passé.

Au vu de la période actuelle, compte-tenu de l'importance des groupes participants, de la teneur des contributions et des discussions, de l'énergie déployée au niveau international et du rôle attractif qu'elles constituaient pour l'ensemble du milieu révolutionnaire, il faut reconnaître l'échec et le préjudice réel que représente ce sabotage, échec et préjudice qui accentueront d'autant plus le retard présent des révolutionnaires par rapport aux exigences de la lutte de classe.

Nous devons également regretter et condamner la part d'irresponsabilité qu'ont eue certaines organisations participantes ; irresponsabilité qui va de la dénonciation pure et simples des conférences comme "entreprises mystificatrices" (GCI), jusqu'à la volonté de constituer un parti par l'élimination pure et simple des groupes en désaccord... Toutes ces propositions démontrent l'incompréhension même du processus de regroupement des révolutionnaires. En ce qui nous concerne, nous restons fermement convaincus de l'utilité de mettre en place un cadre de discussions au niveau international dont les deux seuls objectifs réalistes dans la période actuelle sont la clarification des positions et analyses entre groupes révolutionnaires et la constitution d'un pôle de discussions et de regroupement.

Si, avec la rupture de ce cycle de conférences, il faut constater l'état de dispersion dans lequel se retrouve le mouvement révolutionnaire, pour notre part, il faut en nuancer le bilan : les conférences ont pu dégager certains points positifs :

a) elles ont permis au Nucléo Communista Internazionalista de se dégager des aberrations du PCI (Programma Comunista) sur la question du regroupement et d'apporter une contribution très positive à la discussion entre révolutionnaires.

b) elles ont été un catalyseur dans l'évolution de certains groupes (Travailleurs Immigrés en Lutte, Il Léninista). Même Battaglia Comunista et la Communist Workers Organisation ont été contraints d'évoluer et de préciser leurs positions.

c) elles ont permis que se dégagent les meilleurs éléments révolutionnaires du bourbier constitué par le milieu politique Scandinave.

d) elles ont permis la polarisation d'un milieu révolutionnaire au niveau international et ont forcé la clarification et la démarcation par rapport au problème de la discussion entre révolutionnaires (PCI, Spartacusbond, PIC)

e) elles ont été et seront un point de référence pour le travail de l'ensemble des courants révolutionnaires.

Tout cela doit nous faire comprendre que, malgré les échecs, nous ne devons pas tomber dans le découragement, qu'il faut réagir avec énergie pour poursuivre la dynamique de discussion au niveau international.

Dans cette perspective, le Congrès de la section du CCI en France appelle l'ensemble de la section territoriale à redoubler d'efforts dans le suivi et la discussion avec le milieu politique.

Nous ne devons pas sous-estimer notre capacité à influencer l'évolution de ce milieu en France malgré sa confusion présente. Tel est le souci de cette résolution.

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