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Le grand mensonge copieusement et unanimement défendu par toutes les bourgeoisies du monde, à l’Est et à l'Ouest, parce qu'il les sert toutes, le mensonge de la nature "communiste" des rapports sociaux dans les pays de l'Est est aujourd'hui dénoncé et mis en pièces par la lutte des ouvriers en Pologne.
Ce que le monde entier peut aujourd'hui contempler dans la situation sociale en Pologne, ce n'est pas "l'échec du socialisme", mais la fin de ce mensonge et la réalité du capitalisme d’Etat et de la lutte de classe exposée au grand jour.
- "Ces luttes ne sont pas une gifle aux seuls tenants de l’idéologie stalinienne'' et à tous les théoriciens du capitalisme d'Etat, mais également une gifle à toutes les autres fractions de la bourgeoisie mondiale à qui ce mensonge profite tout autant. Car elles ont toutes intérêt à ce que le prolétariat reste coincé dans ce faux dilemme : "capitalisme privé ou capitalisme d'Etat", présenté comme "libéralisme ou socialisme".
Le premier mérite du prolétariat en Pologne et son apport essentiel à la lutte de classe internationale de la classe ouvrière, c'est de montrer qu'il existe une autre alternative.
L'UNITE DE TOUTES LES BOURGEOISIES CONTRE LA CLASSE OUVRIERE.
Naturellement divisée, déchirée, toujours prête à s'entre-égorger, une seule chose peut pousser la bourgeoisie à s'unifier : la lutte des ouvriers. Cette réalité, mille fois vérifiée par l'histoire aux dépens de la classe ouvrière, se confirme encore aujourd'hui : la lutte du prolétariat en Pologne a un tel impact et représente un tel pas en avant pour le mouvement ouvrier international, une telle menace pour la bourgeoisie mondiale que toutes les bourgeoisies du monde retrouvent, face à lui, une touchante unité.
II y a quelques semaines encore, les tensions entre les deux blocs impérialistes (URSS/USA) ne cessaient de s'aiguiser, leurs rapports, face à la crise économique mondiale, de s'envenimer. L'éventualité d'une troisième guerre mondiale était calmement envisagée, et l'invasion de l'Afghanistan par les troupes russes venait sombrement illustrer cette possibilité.
Aujourd'hui, comme par enchantement, de Washington à Moscou, de Bonn à Varsovie, c'est un seul cri qui s'échappe : "Ouvriers polonais, n'allez pas trop loin ! Il faut être réaliste !"
Quand, après deux à trois semaines, les luttes semblent gagner un second souffle et s'étendre sur tout le territoire polonais, les appels internationaux au calme sont redoublés. La bourgeoisie occidentale, Allemagne et USA en tête, offrent leurs services et leur argent pour "aider la Pologne à faire face à sa crise sociale", et ce n'est certainement pas dans l'espoir de voir la Pologne changer d'alliance, ce qui dans la situation internationale actuelle s'avère impossible.
Alors que la crise mondiale du capitalisme, à l'Est comme à l'Ouest, plonge la planète dans un désordre de plus en plus grand et menace de précipiter l'humanité dans une troisième guerre mondiale, les appels au calme que la bourgeoisie internationale lance au prolétariat le sont au nom de "l'ordre" et de la “paix" mondiale...
Pape, chrétiens, gauchistes, "socialistes", "communistes", nationalistes, humanistes, toute la bourgeoisie "comprend" ou "appuie" ou "soutient" le mouvement des ouvriers en Pologne. Rarement une lutte ouvrière d'une telle ampleur n'aura reçu une telle sollicitude-
C'est un véritable chantage qui est fait au prolétariat en Pologne, le chantage à l'intervention russe. Le contenu de ce chantage, inauguré, il faut le noter, dès le début du mouvement par la bourgeoisie d'Etat polonaise elle-même, est tout aussi simple que mensonger : "Si vous allez trop loin, la Russie sera contrainte d'intervenir, et une intervention russe en Pologne constituerait une menace pour la paix mondiale".
Pourtant, ce n'est pas la répression des luttes en Pologne de 1970-71 , menée conjointement par l'Etat russe et l'Etat polonais qui a depuis aiguisé les antagonismes entre les blocs, pas plus d'ailleurs que ne l'a fait l'écrasement des émeutes en Corée du Sud par l'armée sud-coréenne, sous commandement américain, et pas plus, d'ailleurs que ne 1' aurait fait une intervention des USA en Iran.
Contrairement à ce que laisse entendre le chantage de la bourgeoisie mondiale : "La lutte de classe peut entraîner la guerre mondiale”, les luttes en Pologne montrent que seule la lutte de classe peut empêcher la guerre. Chaque pas en avant du mouvement ouvrier nous démontre cette réalité et l'illustre chaque fois mieux. Il en est ainsi des luttes ouvrières aujourd'hui en Pologne, qui démontrent de façon éclatante que :
- face au prolétariat, la bourgeoisie mondiale remise au second plan ses antagonismes pour faire face à la menace, commune à toutes ses fractions : la classe ouvrière ;
- la lutte des ouvriers contre l'Etat lie les mains de celui-ci pour les mobiliser en vue d'un conflit militaire ;
- il est impossible d'envoyer se massacrer mutuellement des ouvriers qui partout dans le monde subissent les mêmes problèmes, la même crise et qui fondamentalement, se battent pour les mêmes raisons.
Après la dénonciation pratique et directe du mensonge sur la nature communiste des pays de l'Est, la démonstration claire, dans la pratique là aussi, que seule la lutte de classe peut empêcher la guerre est le deuxième aspect de la contribution du prolétariat en Pologne au mouvement ouvrier international : du fait de l'existence internationale de cette lutte, la perspective actuelle est révolutionnaire et non pas guerrière ; le fait d'avoir repoussé d'autant la perspective d'une troisième guerre mondiale a fait avancer d'un pas la lutte du prolétariat international face à la crise du capitalisme.
CONTRE E ISOLEMENT ET LE POISON NATIONALISTE
En 1970-71, l'isolement de la révolte à Gdansk et à Szczecin a été fatal. Sans avoir à craindre que la répression ne provoque un soulèvement général, la bourgeoisie polonaise, appuyée par la Russie, avait pu réprimer sauvagement et écraser dans le sang les révoltes ouvrières.
Aujourd'hui, la situation et les conditions ont changé, ou plutôt se sont développées. Le mouvement en Pologne même n'a cessé de s'étendre, soudé par un très fort sentiment de solidarité. Au niveau international, partout les ouvriers ont à faire face à la même crise qui s'approfondit et ont engagé des combats ; ils se sentent donc plus spontanément solidaires des ouvriers polonais.
Ajoutées à la force du mouvement lui-même, la situation et les conditions dans lesquelles il se déroule, lui confèrent un impact et une importance d'un autre niveau que celui de 1970-71.
C'est pour ces raisons que fondamentalement, les réactions de la bourgeoisie internationale contre la lutte en Pologne sont une tentative d'isoler le mouvement, en ne cessant de marteler que c'est "une affaire strictement polonaise", spécifique à la Pologne, une réaction à une crise économique “polonaise", sans rapport aucun avec la crise générale qui signifie la faillite du capitalisme mondial. De ce point de vue, le poison le plus dangereux que la bourgeoisie tente d'administrer à la classe ouvrière, c'est le nationalisme.
UNE EXPERIENCE FONDAMENTALE POUR LA CLASSE OUVRIERE
Ne céder ni au chantage, ni à la provocation, imposer et maintenir un rapport de force, et, sans se précipiter, aller le plus loin possible : telles sont l'attitude et la conduite exemplaires de la classe ouvrière en Pologne. Sa force, elle la tient d'elle seule, de son unité, de sa conscience et de son expérience ; cette force, elle la rend effective, efficace, par son organisation autonome où c'est l'assemblée générale et souveraine de tous les ouvriers qui décide.
La lutte des ouvriers polonais a le mérite de commencer à répondre, par l'exemple, aux questions essentielles qui se sont posées dans toutes les luttes que les ouvriers du monde entier ont menées ces derniers mois, et c'est également un pas en avant pour tout le mouvement ouvrier international.
En premier lieu, les ouvriers polonais ont démontré, de manière éclatante que la classe ouvrière peut faire reculer l'Etat, même un Etat stalinien et sous la menace constante des chars qu'on n’a cessé de leur brandir, même dans une situation économique catastrophique.
En deuxième lieu, les ouvriers polonais ont montré comment imposer, entretenir et renforcer le rapport de forces :
- en conservant une autonomie totale par rapport à l'Etat. Ce qui veut dire ne faire confiance à aucune fraction de l'Etat avec lequel on peut, certes, négocier mais ne pas composer.
- en organisant de la façon la plus large et la plus unitaire le mouvement. Ce qui veut dire une organisation générale et centralisée, et non pas corporatiste et fédérée, sous le contrôle et la direction constante des assemblées générales qui, en toutes occasions restent souveraines.
D'ailleurs, il suffit de considérer la "tactique" de l'Etat vis-à-vis des ouvriers pour comprendre oû est la force du mouvement. Les négociations entre le pouvoir et les ouvriers ne sont jamais une conciliation, comme voudraient le faire croire les démocrates, mais font partie du combat où le plus fort impose son point de vue. Dans ce combat, les "autorités" polonaises ont justement tout fait pour briser cette force, en voulant négocier usine par usine, en voulant isoler les centres de lutte les uns des autres (blocage des communications radio, téléphoniques, etc...) et surtout en faisant pression sur le comité central de grève (M.K.S.) pour le couper de l'assemblée générale des ouvriers. Sur tous ces aspects du combat l'attitude des grévistes a toujours été exemplaire : le rétablissement des liens entre les différents centres de lutte a été posé comme préalable aux négociations et, en gardant un contrôle constant sur le comité central de grève, l'assemblée générale des grévistes a pu, à plusieurs reprises, contrecarrer l'influence des pressions de l'Etat qui s'y faisait jour.
Le haut niveau de conscience que les ouvriers polonais ont manifesté dans la lutte est lui aussi exemplaire :
- en ne cédant ni au chantage, ni à la provocation, les ouvriers ont montré qu'ils ne concevaient pas le rapport de forces avec l'Etat d'un point de vue strictement policier et militaire, mais du point de vue social, par l'extension en largeur et en profondeur du mouvement, en étant vigilants à ne pas se laisser placer sur ce terrain militaire par une éventuelle provocation de 1'Etat.
- l'unité que les grévistes ont établie entre revendications politiques et économiques est aussi une manifestation de cette conscience.
Depuis dix ans que la crise économique ne fait que s'approfondir, il devient de plus en plus évident qu'une réaction à une situation immédiate est nécessaire mais pas suffisante. Ainsi, derrière l'unité établie par les grévistes entre revendications économiques et politiques ressort la nécessité de dégager une perspective tout en réagissant à une situation immédiate.
Vouloir dégager cette perspective et la défendre au travers de "syndicats", même "libres", est une illusion; aucune organisation qui ne soit celle de la 1utte elle-même, n'aurait la force de s’opposer et d'imposer quoi que ce soit à l'Etat (comme dans les pays occidentaux) et se donnerait pour tâche d'imposer une vision "réaliste" aux ouvriers.
Ce qu'il est important de voir c'est ce qui se cache et s'exprime maladroitement dans la revendication du "syndicalisme libre" : la nécessité de dégager une perspective ouvrière face à la crise économique et pouvoir l'imposer.
Quoiqu'il arrive, quoiqu'il se passe maintenant en Pologne, répression brutale ou enterrement "national et démocratique" du mouvement derrière les apprentis bureaucrates nommés "dissidents", ou tout simplement que la lutte ouvrière, ayant épuisé les possibilités du moment s'arrête d'elle-même, dans tous les cas, ce que la classe ouvrière en Pologne a déjà fait, représente un immense pas en avant pour l'ensemble du mouvement ouvrier international. Quoique la bourgeoisie fasse ou dise maintenant, elle ne pourra plus effacer cet acquis de la conscience du prolétariat mondial, comme elle n'a pas pu effacer les acquis et l'expérience des luttes de 1970-71 et de 1976 en Pologne dont la classe ouvrière, dans les luttes d'aujourd'hui, tire le maximum de profit.
le 30.08.80
H. Prenat