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La pandémie du coronavirus est en train de faire des milliers de morts à travers le monde. Pourquoi ? Parce que les recherches sur ce type de virus, connu depuis longtemps, ont été abandonnées car estimées non rentable ! Parce que lorsque l’épidémie a démarré, il était plus important aux yeux de la bourgeoisie chinoise de tout faire pour masquer la gravité de la situation afin de protéger son économie et sa réputation, n’hésitant pas à proférer tous les mensonges et à faire pression sur les médecins tirant la sonnette d’alarme ! Parce que dans tous les pays, les mesures de confinement ont été chaque fois prises trop tard, les États ayant pour préoccupation première de “ne pas bloquer l’économie”, de “ne pas faire souffrir les entreprises” ! Parce que, partout, il manque des masques, du gel hydro-alcoolique, des moyens pour dépister la maladie, des lits d’hôpitaux, des respirateurs et des places en réanimation ! Faut-il rappeler qu’en France les urgentistes et les internes sont en grève depuis plus d’un an pour dénoncer le manque catastrophique de moyens humains et matériels des hôpitaux ? (1) Les dirigeants osent aujourd’hui parler de protéger les plus démunis face au virus, les personnes âgées, alors même que les agents des maisons de retraites médicalisées, les EHPAD, ont eux aussi fait grève pendant plus d’un an, indignés par la maltraitance dont sont victimes les “résidants” à cause du manque de personnel et donc de temps pour s’occuper d’eux ! En France, pourtant deuxième puissance économique européenne, il est impossible de se procurer le moindre masque. Au sein même des services de pneumologie, en première ligne de la pandémie, les médecins doivent se contenter de trois masques par jour ! En Italie, la même situation honteuse et indigne prédomine. Les salariés sont nombreux à être contraints d’aller au travail, souvent entassés par millions dans les transports en commun, car officiellement “indispensables à la continuité économique du pays”… comme les usines du secteur automobile ! Ils se retrouvent entassés sur des chaînes de production, sans aucune précaution, aucun masque, aucun savon. Des grèves ont d’ailleurs éclaté ces derniers jours dans ce pays. Voici le bref extrait d’un témoignage venant de Bologne : “Les ouvriers ne sont pas de la viande de boucherie”. “Les grèves dans les chaînes d’usine se multiplient. Obligés de travailler sans aucune protection pour leur santé, les ouvriers sont en révolte : “je suis obligé de travailler dans un environnement de travail mettant en danger ma santé, celle de mes proches, de mes camarades de travail, des personnes que je rencontre”. (…) À l’intérieur des entrepôts et des usines ne valent pas tous les sages préceptes que nous écoutons tous les jours. Dans beaucoup de ces endroits, il y a l’absence presque totale des conditions minimales indispensables pour éviter la prolifération du virus :
– la présence de travailleurs en nombre significatif dans des espaces réduits et entassés de marchandises n’a jamais été remise en question ;
– (…) il manque même de savon dans les toilettes !
– gants et masques ? Des prétentions inutiles de ceux qui n’ont pas envie de travailler disent les maîtres. (…)
– Interventions publiques pour vérifier le respect de ces petites attentions ? C’est de la part de la force publique en cas de grève”.
Le cri de ralliement de ces grèves est “Vos profits valent plus que notre santé !” Telle est en effet la réalité sous le capitalisme, ce système d’exploitation décadent. Mais ces luttes montrent aussi qu’un espoir existe. La classe ouvrière est porteuse de solidarité, de dignité et d’unité. Elle est porteuse d’un monde où la recherche de profit n’aura plus cours, où “l’internationale sera le genre humain”.
Face à cette pandémie, il faut non seulement développer la solidarité, veiller sur les plus démunis, mais aussi développer notre réflexion sur ce qu’est le capitalisme, pourquoi il pourrit ainsi sur pied, et d’en discuter, chaque fois que possible, afin de nourrir la conscience collective de la nécessité de le renverser. C’est à cette réflexion que veut contribuer l’article ci-dessous.
Une manifestation de la décomposition capitaliste
Les prévisions les plus pessimistes se confirment et l’OMS doit reconnaître qu’il s’agit d’une pandémie mondiale qui s’est déjà étendue à au moins 117 pays sur tous les continents, que le nombre de personnes touchées dépasse 120 000, que le nombre de décès dans les premières semaines de la pandémie est supérieur à 4 000, etc. Ce qui a commencé comme “un problème” en Chine est aujourd’hui devenu une crise sociale dans les principales puissances capitalistes de la planète (Japon, États-Unis, Europe occidentale, etc.). Rien qu’en Italie, le nombre de décès dépasse déjà ceux causés dans le monde entier par l’épidémie de SRAS de 2002-2003. Les mesures draconiennes de contrôle de la population prises, il y a un mois, par les autorités chinoises “tyranniques”, telles que l’enfermement de millions de personnes, (2) et celles d’un véritable “darwinisme social”, consistant à exclure des services hospitaliers tous ceux qui ne sont pas “prioritaires” dans la lutte pour contenir la maladie, sont aujourd’hui monnaie courante dans de nombreuses grandes villes de tous les pays démocratiques touchés sur tous les continents.
Les médias bourgeois nous bombardent en permanence de données, de recommandations et d’ “explications” sans fin sur ce qu’ils veulent nous présenter comme une sorte de fléau, une nouvelle catastrophe “naturelle”. Mais cette catastrophe n’a rien de “naturel” ; elle est le résultat de la dictature asphyxiante du mode de production capitaliste sénile sur la nature, et en son sein, l’espèce humaine.
Les révolutionnaires n’ont pas la compétence pour se livrer à des études épidémiologiques ou pour faire des pronostics sur l’évolution des maladies. Notre rôle est d’expliquer, sur une base matérialiste, les conditions sociales qui rendent possible et inévitable l’apparition de ces événements catastrophiques. Nous devons donc clairement indiquer que l’essence du système capitaliste est de faire passer l’exploitation, le profit et l’accumulation avant les besoins humains. Un capitalisme différent, bienveillant, n’est pas possible. Mais nous pouvons aussi affirmer que ces mêmes rapports de production capitalistes qui, à un moment de l’histoire, ont pu permettre un énorme progrès des forces productives (de la science, d’une certaine domination sur la nature pour contenir les souffrances qu’elle imposait aux hommes…) sont devenus aujourd’hui un obstacle à leur développement. Nous devons également expliquer comment la prolongation, pendant des décennies, de la phase de décadence capitaliste, a conduit, en l’absence de solution révolutionnaire, à l’entrée dans une nouvelle phase : celle de la décomposition sociale, (3) où toutes ces tendances destructrices sont encore plus concentrées, plongeant dans la démultiplication du chaos, de la barbarie, de l’effondrement progressif des structures sociales qui garantissent un minimum de cohésion sociale, menaçant même la vie telle que nous la connaissons sur la planète.
Élucubrations d’une poignée de marxistes dépassés ? Certainement pas. Les scientifiques qui parlent le plus rigoureusement du développement de l’actuelle pandémie du Covid-19 affirment que la prolifération de ce type d’épidémie est causée, entre autres, par la détérioration accélérée de l’environnement, qui entraîne une plus grande contagion à partir d’animaux (zoonoses) qui sont proches des concentrations humaines pour survivre. En même temps elles sont favorisées par le surpeuplement de millions d’êtres humains dans des mégapoles qui provoquent des courbes de contagion véritablement vertigineuses. Comme nous l’expliquions dans notre précédent article sur le Covid-19, (4) certains médecins en Chine avaient en effet tenté de mettre en garde contre un nouveau risque d’épidémie de coronavirus, à partir de décembre 2019, mais ils ont été directement censurés et réprimés par l’État, car cela menaçait l’image d’une puissance mondiale de premier plan à laquelle aspire le capital chinois.
Le CCI n’est pas non plus le premier à insister sur le fait que l’un des principaux moteurs de la propagation de cette pandémie est le manque croissant de coordination des politiques au sein des différents pays, qui est l’une des caractéristiques du capitalisme, mais qui est renforcé par l’avancée du “chacun pour soi” et du “repli sur soi”, qui caractérisent les États et les capitalistes dans la phase de décomposition de ce système et qui tend à imprégner tous les rapports sociaux.
Nous ne découvrons rien de nouveau lorsque nous soulignons que le danger de cette maladie ne réside pas tant dans le virus lui-même, mais dans le fait que cette pandémie se déroule dans un contexte de détérioration énorme, sur des décennies et à l’échelle mondiale, des infrastructures sanitaires. C’est en fait “l’administration” de ces structures de plus en plus réduites et défectueuses qui dicte les politiques des différents États pour tenter de retarder l’annonce de l’apparition de nouveaux cas, quitte à prolonger l’effet de cette pandémie dans le temps. Cette dégradation irresponsable des ressources accumulées par des décennies de travail humain (des connaissances, de la technologie, etc.) ne traduit-elle pas un manque absolu de perspective, une absence totale de préoccupation pour l’avenir de l’espèce humaine, caractéristiques d’une forme d’organisation sociale (le capitalisme) en décomposition ?
Pourquoi les États les plus puissants du monde ne peuvent contenir l’épidémie ?
Bien sûr, il y a eu d’autres épidémies extrêmement mortelles dans l’histoire de l’humanité. De nos jours, il est facile de trouver dans les “médias” bourgeois des enquêtes et des ouvrages sur la façon dont la variole et la rougeole, le choléra ou la peste ont causé des millions de morts. Ce qui manque dans ce genre d’affirmations, c’est une explication selon laquelle la cause de ces décès est essentiellement une société de pénuries, tant en termes de conditions de vie que de connaissances sur la nature. Le capitalisme pose, précisément, la possibilité historique de dépasser cette étape de pénurie matérielle et, à travers le développement des forces productives, de jeter les bases d’une abondance qui pourrait permettre une véritable unification et une libération de l’humanité dans une société communiste. Si on considère le XIXe siècle, c’est-à-dire le stade de l’expansion capitaliste maximale, on peut voir comment la santé, et donc la maladie, n’est plus perçue comme une fatalité, comment il y a un progrès non seulement dans la recherche mais aussi dans la communication entre les différents chercheurs, comment il y a un réel changement orienté vers une approche plus “scientifique” de la médecine. (5) Et tout cela a une application dans la vie quotidienne des populations : depuis les mesures visant à améliorer l’hygiène publique jusqu’aux vaccins, depuis la formation des spécialisations médicales jusqu’à la construction d’hôpitaux. L’augmentation de la population (de un à deux milliards de personnes) et surtout de l’espérance de vie (de 30 à 40 ans au début du XIXe siècle à 50-65 ans en 1900) est essentiellement due à cette avancée de la science et de l’hygiène. Rien de tout cela n’a été fait par la bourgeoisie dans un esprit altruiste pour les besoins de la population. Le capitalisme est né “en dégoulinant de sang et de boue”, comme l’a dit Marx. Mais au milieu de cette horreur, son but, c’est d’obtenir la rentabilité maximale de la force de travail, des connaissances acquises par ses esclaves salariés au cours des décennies d’apprentissage des nouvelles procédures de production, d’assurer la stabilité du transport des fournitures et des marchandises, etc. Cela a rendu la classe exploiteuse “intéressée” (au moindre coût, il est vrai) à prolonger la vie active de ses salariés, à assurer la reproduction de cette marchandise qu’est la force de travail, à augmenter la plus-value relative par l’accroissement de la productivité de la classe exploitée.
Cette situation s’est inversée avec le changement de période historique, passant d’une période ascendante du capitalisme à sa décadence que nous, révolutionnaires, avons placée, à la suite de l’Internationale Communiste, à partir de la Première Guerre mondiale. (6)
Ce n’est pas un hasard si, vers 1918, s’est produite l’une des épidémies les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité : la grippe dite “espagnole” de 1918-19. Dans l’ampleur de cette pandémie, on constate que ce n’est pas tant la virulence de l’agent pathogène que les conditions sociales caractéristiques de la guerre impérialiste dans la décadence capitaliste (dimension globale du conflit, impact de la guerre sur la population civile des principales nations, etc.). C’est ce qui explique l’ampleur prise par cette catastrophe : 50 millions de morts, alors que le bilan de la Première Guerre mondiale a été évalué à 10 millions de tués.
Cette guerre et cette horreur ont connu un deuxième épisode, encore plus terrifiant, lors de la Seconde Guerre mondiale. Les atrocités du premier carnage impérialiste, comme l’utilisation de gaz asphyxiants, ont été laissées momentanément de côté avant le déchaînement des barbaries de la guerre mondiale de 1939-1945 par toutes les puissances rivales : l’utilisation d’êtres humains pour des expérimentations par les Allemands et les Japonais, mais aussi de la part des puissances dites démocratiques (l’anthrax a été expérimenté par les Britanniques, les Nord-américains ont commencé leurs expériences avec le napalm contre le Japon et testé les amphétamines sur leurs propres soldats), pour atteindre leur apogée avec l’utilisation de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki.
Et dans la prétendue période de “paix” qui suit ? Il est vrai que les principales puissances capitalistes ont mis en place des systèmes de santé, sur le modèle du NHS britannique créé en 1948 (et qui est considéré comme l’un des points de repère fondateurs du soi-disant “État-providence”), pour fournir des soins de santé “universels” qui visaient, entre autres, à prévenir des épidémies comme la grippe espagnole. Le capitalisme humanitaire était-il devenu une conquête des travailleurs ? Certainement pas. Le but de ces mesures était d’assurer la réparation, au moindre coût, d’une main-d’œuvre (une denrée rare car la guerre a entraîné dans la tombe d’importants secteurs du prolétariat) et d’assurer tout le processus productif de la reconstruction. Cela ne signifie pas que les “remèdes” employés ne deviennent pas eux-mêmes des sources de nouveaux maux. On le voit, par exemple, dans l’usage des antibiotiques prescrits pour enrayer les infections mais qui, en fonction des besoins de la productivité capitaliste, sont prescrits à tout-va pour raccourcir les périodes d’arrêt-maladie. Cela a fini par provoquer un problème majeur de résistances bactériennes (les dénommés “superbactéries”) qui finissent par réduire l’arsenal thérapeutique pour attaquer les infections. Cela se manifeste également par l’augmentation de maladies telles que l’obésité et le diabète, causées par une détérioration du régime alimentaire de la classe ouvrière (c’est-à-dire une dévalorisation de la reproduction de la force de travail de la classe exploitée) et des couches les plus pauvres de la société, au point que l’utilisation par le capitalisme de la technologie alimentaire est un facteur qui répand l’obésité. Nous pouvons également voir comment les médicaments délivrés pour rendre plus supportable la douleur croissante que ce système d’exploitation inflige à la population active ont conduit à des phénomènes tels que l’épidémie causée par l’usage intensif de substances opiacées qui, jusqu’à l’arrivée du coronavirus, était, par exemple, le premier problème de santé aux États-Unis, ayant causé plus de décès que toutes les victimes de la guerre du Vietnam.
La pandémie du Covid-19 ne peut être séparée du reste des problèmes qui pèsent sur la santé de l’humanité. Au contraire, ils montrent que la situation ne peut qu’empirer si elle reste soumise au système de santé déshumanisé et commercialisé qu’est le système de santé capitaliste du XXIe siècle. L’origine des maladies aujourd’hui n’est pas tant le manque de connaissances ou de technologie de la part de l’humanité. De même, les connaissances actuelles en épidémiologie devraient permettre de contenir une nouvelle épidémie. Par exemple : à peine deux semaines après la découverte de la maladie, les laboratoires de recherche avaient déjà réussi à séquencer le virus à l’origine de Covid-19. L’obstacle que la population doit surmonter est que la société est soumise à un mode de production qui profite à une minorité sociale. Ce que l’on constate, c’est que la course à la mise au point d’un vaccin, au lieu d’être un effort collectif et coordonné, est en réalité une guerre commerciale entre laboratoires. Les besoins humains authentiques sont subordonnés aux lois de la jungle capitaliste. La concurrence acharnée pour arriver le premier sur une part du marché et pouvoir profiter de cet avantage est la seule chose qui importe à tout capitaliste.
Irresponsabilité individuelle ou contraintes d’un système social en décomposition ?
Lors de notre récent 23e Congrès international, nous avons adopté une résolution sur la situation internationale, dans laquelle nous avons repris et revendiqué la validité de ce que nous avions écrit dans nos Thèses sur la décomposition :
“Les thèses de mai 1990 sur la décomposition mettent en évidence toute une série de caractéristiques dans l’évolution de la société résultant de l’entrée du capitalisme dans cette phase ultime de son existence. Le rapport adopté par le 22e congrès a constaté l’aggravation de l’ensemble de ces caractéristiques comme, par exemple :
– “la multiplication des famines dans les pays du “tiers-monde” ;
– la transformation de ce même “tiers-monde » en un immense bidonville où des centaines de millions d’êtres humains survivent comme des rats dans les égouts ;
– le développement du même phénomène au cœur des grandes villes des pays “avancés” ;
– les catastrophes “accidentelles” qui se sont multipliées ces derniers temps (…) les effets de plus en plus dévastateurs, sur le plan humain, social et économique des catastrophes “naturelles” ;
– la dégradation de l’environnement qui atteint des proportions ahurissantes”.
Ce que nous pouvons constater aujourd’hui, c’est que ces manifestations sont devenues le facteur décisif de l’évolution de la société capitaliste, et que ce n’est qu’à partir d’elles que l’on peut interpréter l’émergence et le développement d’événements sociaux de grande ampleur. Si nous regardons ce qui se passe avec la pandémie du Covid-19, nous pouvons voir l’importance de l’influence de deux éléments caractéristiques de la phase de décomposition :
Tout d’abord, la Chine n’est pas seulement le cadre géographique de l’origine des épidémies les plus récentes avec l’épidémie de SRAS en 2002-2003 ou le Covid-19. Au-delà de cet élément circonstanciel, il est nécessaire de comprendre les caractéristiques du développement du capitalisme chinois au stade de la décomposition du capitalisme mondial et son influence sur la situation actuelle. La Chine est devenue en quelques années la deuxième puissance mondiale avec une importance énorme dans le commerce et l’économie de la planète, profitant d’abord du soutien des États-Unis après leur changement de bloc impérialiste (en 1972), et, après la disparition de ces blocs en 1989, comme le principal bénéficiaire de la “mondialisation”. Mais, précisément à cause de cela, “la puissance de la Chine porte tous les stigmates du capitalisme en phase terminale : elle est basée sur la surexploitation de la force de travail du prolétariat, le développement effréné de l’économie de guerre du programme national de “fusion militaro-civile”, et s’accompagne de la destruction catastrophique de l’environnement, tandis que la “cohésion nationale”, est basée sur le contrôle policier des masses soumises à l’éducation politique du Parti unique (…) En fait, la Chine n’est qu’une métastase géante du cancer généralisé militariste de tout le système capitaliste”. (7)
Le développement de la Chine, qui est tant de fois mis en avant comme illustration de la pérennité de la force du capitalisme, est en fait la principale manifestation de sa décrépitude. Le rayonnement de ses conquêtes technologiques ou de son expansion à travers le monde grâce à des initiatives spectaculaires telles que la nouvelle “route de la soie”, ne peut nous faire perdre de vue les conditions de surexploitation énormes (journées de travail épuisantes, salaires de misère, etc.) dans lesquelles survivent des centaines de millions de travailleurs, dans des conditions de logement, d'alimentation, de culture, qui sont énormément arriérées, et qui, de plus, s'épuisent de plus en plus. Par exemple, les dépenses de santé par habitant, déjà bien maigres, ont diminué de 2,3 %. Autre exemple édifiant : des aliments qui sont produits avec très peu de normes d’hygiène ou directement en dehors de celles-ci, comme avec la consommation de viande d’animaux sauvages issue du marché noir. Ces deux dernières années, la pire épidémie de l’histoire de la grippe porcine africaine s’est propagée en Chine, obligeant à l’abattage de 30 % de ces animaux et entraînant une hausse de 70 % du prix de la viande de porc.
Le deuxième élément qui montre l’impact croissant de la décomposition capitaliste est l’érosion du minimum de coordination ayant existé entre les différents capitaux nationaux. Il est vrai que, comme l’a analysé le marxisme, le maximum d’unité auquel le capitalisme peut aspirer (même à contrecœur) est l’État national, et donc un super-impérialisme n’est pas possible. Cela ne signifie pas que, lors de la division du monde en blocs impérialistes, toute une série de structures n’aient pas été créées, de l’UNESCO à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui ont tenté de gérer un minimum d’intérêts communs entre les différents capitaux nationaux. Mais cette tendance à un minimum de coordination se dégrade à mesure que le stade de décomposition capitaliste progresse. Comme nous l’avons également analysé dans la résolution déjà citée sur la situation internationale de notre 23e congrès : “L’aggravation de la crise (ainsi que les exigences de la rivalité impérialiste) met à l’épreuve les institutions et les mécanismes multilatéraux”. (Point 20).
C’est ce qui ressort, par exemple, du rôle joué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La coordination internationale face à l’épidémie de SRAS en 2002-2003, ainsi que la rapidité de certaines découvertes (8) dans les laboratoires du monde entier, expliquent la faible incidence d’un virus issu d’une famille très similaire à celle de l’actuel Covid-19. Ce rôle a toutefois été remis en question par la réponse disproportionnée de l’OMS à l’épidémie de grippe A de 2009, dans laquelle l’alarmisme de l’institution a servi à provoquer des ventes massives de l’antiviral “Tamiflu” fabriqué par un laboratoire dans lequel l’ancien secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, avait un intérêt direct. Depuis lors, l’OMS a été presque reléguée au rôle d’une ONG qui fait des “recommandations” pontifiantes mais qui est incapable d’imposer ses directives aux différents capitaux nationaux. Ils ne sont même pas capables d’unifier les critères statistiques pour comptabiliser les personnes infectées, ce qui ouvre la voie à chaque capital national pour tenter de dissimuler, le plus longtemps possible, l’impact de l’épidémie dans leurs pays respectifs. Cela s’est produit non seulement en Chine, qui a tenté de cacher les premiers signes de l’épidémie, mais aussi aux États-Unis, qui tentent de pousser sous le tapis les chiffres de personnes touchées afin de ne pas révéler un système de santé déficient basé sur l’assurance privée, auquel 30 % des citoyens américains n’ont pratiquement pas accès. L’hétérogénéité des critères d’application des tests de diagnostic, ou les différences entre les protocoles d’action dans les différentes phases, ont sans aucun doute des répercussions négatives pour contenir la propagation d’une pandémie mondiale. Pire encore, chaque capital national adopte des mesures d’interdiction d’exporter des équipements de protection et d’hygiène ou des appareils respiratoires comme l’ont fait, par exemple, l’Allemagne de Merkel ou la France de Macron pour les masques. Ce sont des mesures discriminatoires favorisant la défense de l’intérêt national au détriment de besoins humains pouvant être plus urgents dans d’autres pays.
Comment en finir avec les ravages sur la santé ?
La propagande médiatique nous bombarde constamment d’appels à la responsabilité individuelle des citoyens, à “l’union sacrée”, afin de prévenir l’effondrement des systèmes de santé qui, dans de nombreux pays, montrent des signes d’épuisement (épuisement des travailleurs, manque de ressources matérielles et techniques, etc.) La première chose à dénoncer est que nous sommes confrontés à la chronique d’une catastrophe annoncée. Non pas à cause de “l’irresponsabilité” des “citoyens” mais à cause de décennies de réduction des dépenses de santé, du nombre de travailleurs de la santé et des budgets de maintenance des hôpitaux et de la recherche médicale. (9) Ainsi, par exemple, en Espagne, l’un des pays les plus proches de cet “effondrement” que nous sommes appelés à éviter, les plans de réduction successifs ont entraîné la disparition de 8 000 lits d’hôpitaux, avec des lits de soins intensifs inférieurs à la moyenne européenne et avec un matériel en mauvais état de conservation (67 % des appareils respiratoires ont plus de 10 ans). La situation est très similaire en Italie et en France. En Grande-Bretagne, pays qui avait été présenté comme le modèle de soins de santé universel, on a assisté à une dégradation continue de la qualité des soins au cours des 50 dernières années, avec plus de 100 000 postes vacants à pourvoir dans le personnel de santé. Et tout cela, c’était déjà avant le Brexit !
Ce sont ces mêmes travailleurs de la santé qui ont vu leurs conditions de vie et de travail se détériorer systématiquement, confrontés à une pression croissante pour fournir des soins (plus de patients et plus de maladies) avec des effectifs toujours plus réduits, qui souffrent maintenant d’une pression supplémentaire due à l’effondrement des services de santé à la suite de la pandémie, ceux qui appellent à applaudir le courage et l’abnégation de ces employés du service public, sont les mêmes qui les poussent à l’épuisement en leur supprimant les pauses réglementaires, en les transférant de force d’un lieu de travail à un autre, en les faisant travailler (face à une pandémie dont on ne connaît pas l’évolution) sans équipement de protection individuelle suffisants (masques, vêtements, matériel jetable), ni formation adéquate. Le fait de faire travailler les personnels de santé dans ces conditions les rend encore plus vulnérables à l’impact même de l’épidémie, comme on l’a vu en Italie où au moins 10 % d’entre eux ont été contaminés par le virus.
Et pour forcer les travailleurs à obéir à ces réquisitions, ils recourent à l’arsenal répressif des “états d’urgence”, qui menacent de toutes sortes de sanctions, d’amendes et de poursuites ceux qui refusent de les suivre. Ces ordres et cette politique des autorités ont été, dans de nombreux cas, la cause directe d’un tel chaos.
Face à cette situation, qui impose au personnel de santé le “fait accompli”, de l’état désastreux des soins, les travailleurs de ce secteur sont également contraints d’être ceux qui, doivent appliquer des méthodes proches de l’eugénisme, choisissent de consacrer les maigres ressources disponibles aux patients ayant les plus grandes chances de survie, comme on l’a vu avec les directives préconisées par l’association des anesthésistes et urgentistes italiens, (10) qui caractérise la situation comme celle d’un “état de guerre”. Effectivement, il s’agit bien d’une guerre faite aux besoins humains menée par la logique du capital, dans laquelle les travailleurs de ce secteur souffrent eux-mêmes de plus en plus d’anxiété car ils doivent travailler en fonction de ces lois inhumaines. L’angoisse exprimée par beaucoup de travailleurs est le résultat du fait qu’ils ne peuvent même pas se rebeller contre de tels critères comptables et marchands, ni refuser de travailler dans des conditions indignes, ni même refuser les sacrifices de leurs conditions de vie, parce que le faire, par exemple, par le biais de grèves, porterait gravement préjudice à leurs frères et sœurs de classe, au reste des exploités. Ils ne peuvent même pas se rencontrer, se réunir avec d’autres camarades, exprimer physiquement la solidarité entre les travailleurs car cela contrevient aux protocoles de “dispersion sociale”, que l’endiguement de l’épidémie exige.
Eux, nos camarades du secteur de la santé, ne peuvent pas se battre ouvertement, dans la situation actuelle, mais le reste de la classe ouvrière ne peut pas les laisser seuls. Tous les travailleurs sont victimes de ce système et tous les travailleurs finiront par payer, tôt ou tard, le coût de cette épidémie. Que ce soit à cause des coupes sanitaires “non prioritaires”, (suspension d’opérations chirurgicales, de consultations médicales, etc.) ou à cause des dizaines de milliers d’annulations de contrats temporaires, ou encore de la réduction des salaires due aux congés-maladie, etc. Accepter cela, serait donner le feu vert à de nouvelles attaques anti-ouvrières encore plus brutales en préparation. Nous devons donc continuer à aiguiser avec rage l’arme de la solidarité ouvrière, comme nous l’avons vu récemment dans les luttes en France contre la réforme des retraites.
L’explosion des contradictions insurmontables du capitalisme au cœur du système de santé sont des symptômes sans équivoque qui marquent la sénilité dans sa phase terminale et l’impasse du système capitaliste. Tout comme les virus affectent les organismes les plus usés et provoquent des épisodes de maladie plus graves, le système des soins de santé est irrévocablement altéré par des années d’austérité et de “gestion” basées non pas sur les besoins de la population mais sur les exigences marchandes d’un capitalisme en crise et en plein déclin. Il en va de même pour l’économie capitaliste, artificiellement soutenue par les manipulations constantes sur les propres lois capitalistes de la valeur et la fuite en avant dans l’endettement, la rendant si fragile qu’une épidémie pourrait précipiter l’arrivée d’une nouvelle récession mondiale plus brutale.
Mais le prolétariat n’est pas seulement la victime de cette catastrophe pour l’humanité qu’est le capitalisme. C’est aussi la classe qui a le potentiel et la capacité historique de l’éradiquer définitivement par sa lutte, en développant sa réflexion consciente, sa solidarité de classe. Seule sa révolution communiste peut et doit remplacer les relations humaines basées sur la division et la concurrence par celles basées sur la solidarité. En organisant la production, le travail, les ressources de l’humanité et de la nature sur la base des besoins humains et non sur la base des lois du profit d’une minorité exploiteuse.
Valerio, 13 mars 2020
1) Macron a tenu un discours télévisé plein d’une détestable flagornerie à propos de “l’excellence du système de santé en France”, prétendument gratuit et accessible à tous, et saluant l’abnégation des personnels soignants. La réponse fut immédiate : partout sur les réseaux se sont multipliés les photos d’aides-soignants, infirmières et médecins brandissant une pancarte adressée au président : “Vous pouvez compter sur nous ! L’inverse reste à prouver !”
2) Il est nécessaire d’empêcher les gens de voyager ou de les encourager à rester chez eux, car il faut empêcher la propagation de l’infection. Mais la manière dont ces mesures sont imposées (avec pratiquement aucune aide de l’État pour la prise en charge des enfants ou des personnes âgées) porte la marque du modus operandi du totalitarisme d’État capitaliste. Dans nos prochains articles, nous reviendrons également sur l’impact de ces procédés sur la vie quotidienne des exploités dans le monde.
3) Voir nos “Thèses sur la décomposition”, Revue internationale n° 107 (4e trimestre 2001) et la “Résolution sur la situation internationale du 23e Congrès du CCI”, disponibles sur notre site Internet.
4) “Epidémie de coronavirus : une preuve supplémentaire du danger du capitalisme pour l’humanité” disponible sur notre site Internet.
5) En recherchant les causes objectives des infections et non des explications religieuses ou fantastiques (comme la théorie des “quatre humeurs”, de la médecine antique, par exemple), en essayant d’avoir une image matérialiste de l’anatomie et de la physiologie humaine, etc.
6) Voir dans les numéros les plus récents de notre Revue internationale (n° 162 et 163) nos articles sur le centenaire de l’Internationale Communiste.
7) Point 11 de notre Résolution sur la situation internationale (2019) : “Conflits impérialistes, vie de la bourgeoisie, crise économique”, disponible sur notre site Internet.
8) Comme, par exemple, le rôle des civettes dans la transmission de la maladie à l’homme, ce qui a conduit à une élimination foudroyante de ces animaux en Chine, arrêtant très rapidement l’extension de la maladie.
9) En France, par exemple, les recherches commencées sur la famille des coronavirus suite à l’épidémie de 2002-2003 ont été brutalement interrompues en 2005 à cause de coupes budgétaires.
10) Voir : “Recomendaciones UCI en Italia” (en italien).