Face aux attaques du gouvernement, il faut prendre nous-mêmes nos luttes en main! (Tract)

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Après des années d’atonie, le mouvement social contre la réforme des retraites a montré un réveil de la combativité du prolétariat en France. Malgré toutes ses difficultés, la classe ouvrière a commencé à relever la tête. Alors qu’il y a un an, tout le terrain social était occupé par le mouvement interclassiste des gilets jaunes, aujourd’hui, les exploités de tous les secteurs, de toutes les générations ont profité des journées d’action organisées par les syndicats pour descendre dans la rue, déterminés à lutter sur leur propre terrain de classe contre cette attaque frontale et massive du gouvernement qui frappe l’ensemble des exploités.

La classe ouvrière existe !

Alors que depuis près de dix ans, les salariés demeuraient paralysés, totalement isolés chacun dans son coin sur son lieu de travail, ils sont parvenus ces dernières semaines à retrouver le chemin de la lutte collective.

Les aspirations à l’unité et à la solidarité dans la lutte montrent que les travailleurs en France commencent à se reconnaître de nouveau comme faisant partie d’une seule et même classe ayant les mêmes intérêts à défendre. Il est clair qu’en refusant de continuer à courber l’échine, la classe ouvrière en France est en train de retrouver sa dignité.

Cependant, après des manifestations hebdomadaires rassemblant des centaines de milliers de personnes, ce mouvement n’est pas parvenu à faire reculer le gouvernement.

Depuis le début, la bourgeoisie, son gouvernement et ses “partenaires sociaux” avait orchestré une stratégie pour faire passer l’attaque sur les retraites.

De plus, la bourgeoisie blinde son État policier, au nom du maintien de l’“ordre républicain”. Le gouvernement déploie, de façon hallucinante, ses forces de répression afin de nous intimider. Les flics ne cessent de gazer et tabasser aveuglément des travailleurs (y compris des femmes et des retraités) appuyés par les media qui font l’amalgame entre la classe exploitée, les black blocks et autres “casseurs”. Afin d’empêcher les travailleurs de se regrouper à la fin des manifs pour discuter, les cohortes de CRS les dispersent, sur ordre de la Préfecture. Les violences policières ne sont nullement le fruit de simples “bavures” individuelles de quelques CRS excités et incontrôlables. Elles annoncent la répression impitoyable et féroce que la classe dominante n’hésitera pas à déchaîner contre les prolétaires, dans le futur (comme elle l’a fait dans le passé, par exemple, dans la “semaine sanglante” de la Commune de Paris en 1871).

À quoi servent donc les syndicats ?

Aujourd’hui, alors que le mouvement reflue, les syndicats, et notamment la CGT, appellent à l’“extension”. Ils organisent des actions minoritaires complètement stériles comme les retraites aux flambeaux, et la grève des éboueurs pour rendre impopulaire notre mouvement. Les centrales syndicales les plus “radicales” et “jusqu’au boutistes” cherchent ainsi à épuiser notre combativité et à pourrir le mouvement pour nous conduire à la défaite. Les manifestations qu’ils continuent à organiser depuis que les cheminots ont repris le travail après presque 2 mois de grève, et alors que nous sommes de moins en moins nombreux dans la rue, visent justement à épuiser ceux qui veulent aller jusqu’au retrait de la réforme. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : le gouvernement ne reculera pas et les dirigeants syndicaux (et autres “partenaires sociaux” du gouvernement) le savent pertinemment.

Pourquoi ? Parce que les syndicats se sont bien gardés d’appeler tous les travailleurs de toutes les entreprises et tous les secteurs à descendre massivement dans la rue (comme c’était le cas en Mai 1968 ou la grève massive de 9 millions de travailleurs avaient obligé le gouvernement à augmenter le SMIC de 20 %). Dans de nombreux secteurs et entreprises, les syndicats ont joué leur rôle habituel de “pompiers sociaux”. Malgré leurs discours “radicaux”, ils n’ont pas appelé tous les travailleurs du public et du privé à venir aux manifestations. Nous n’étions pas assez nombreux, même si au début du mouvement, il y avait plusieurs centaines de milliers de travailleurs, retraités, étudiants et lycéens en colère, et déterminés à lutter tous ensemble contre cette réforme des retraites qui touche toute la classe exploitée.

Maintenant que l’extension massive de la lutte a été bien sabotée, Martinez (dirigeant de la CGT) a annoncé que son syndicat va participer à la “conférence sur le financement des retraites” (alors qu’au début, il n’en n’était pas question). Ils vont tous s’asseoir à la table des négociations, dans le dos des travailleurs, pour empêcher que la colère ne débouche encore sur de nouvelles explosions quand cette réforme sera votée par l’Assemblée Nationale.

Les syndicats verrouillent et noyautent toutes les AG “interpro” ; ils poussent les travailleurs de telle ou telle entreprise à faire grève alors que le mouvement est entré dans sa phase de reflux. Même si la bourgeoisie a encore des difficultés à “faire rentrer le dentifrice dans le tube” (comme le disait, sur les plateaux télé, la directrice de la rédaction du journal Le Parisien) !

Maintenant on a droit à la campagne sur la mascarade électorale où tous les partis bourgeois se précipitent à la curée des Municipales ! Les médias aux ordres nous bassinent, jour après jour, sur les dégâts du “coronavirus” chinois, (de plus ils utilisent cette catastrophe sanitaire pour stigmatiser une partie de la population), avec cynisme sur la polémique malsaine autour des 12 jours de congé pour le deuil d’un enfant, etc. Ceci pour amuser la galerie et faire diversion.

Face aux attaques du Capital, comment faire reculer le gouvernement ?

Aujourd’hui, la classe ouvrière n’est pas encore prête à s’engager massivement dans la lutte. Même si de nombreux travailleurs de tous les secteurs, de toutes les catégories professionnelles (essentiellement de la fonction publique), de toutes les générations étaient présents à battre le pavé dans les manifestations organisées par les syndicats depuis le 5 décembre. Ce dont nous avons besoin pour freiner les attaques de la bourgeoisie, c’est de développer la solidarité active dans la lutte et pas seulement en remplissant les caisses de solidarité pour permettre aux grévistes de “tenir”.

Les cheminots qui ont été le fer de lance de cette mobilisation contre la réforme des retraites, ne pouvaient pas poursuivre leur grève seuls sans que les autres secteurs n’engagent eux-mêmes la lutte avec eux. Malgré leur courage et leur détermination, ils ne pouvaient pas lutter “à la place” de toute la classe ouvrière. Ce n’est pas la “grève par procuration” qui pouvait faire reculer le gouvernement, aussi déterminée soit-elle.

Pour pouvoir s’affronter à la classe dominante et faire reculer le gouvernement, les travailleurs doivent prendre eux-mêmes leur lutte en main. Ils ne doivent pas la confier aux syndicats, à ces “partenaires sociaux” qui ont toujours négocié dans leur dos et dans le secret des cabinets ministériels.

Si nous continuons à demander aux syndicats de nous “représenter”, si nous continuons à attendre qu’ils organisent la lutte à notre place, alors oui, “nous sommes foutus” !

Pour pouvoir prendre nous-mêmes notre lutte en main, pour l’élargir et l’unifier, il fallait nous organiser nous-mêmes ! C’est dans les AG que nous pouvons discuter tous ensemble, décider collectivement des actions à mener, former des comités de grève avec des délégués élus et révocables à tout moment.

Pour pouvoir construire un rapport de forces face à la bourgeoisie, son gouvernement et son patronat, il faut étendre la lutte immédiatement au début d’un mouvement, en envoyant des délégations massives entraîner dans la lutte les travailleurs des entreprises les plus proches sur une base géographique et non pas catégorielle, secteur par secteur. Il faut organiser des AG ouvertes à tous, où tous les travailleurs, actifs, précaires ou chômeurs, retraités et étudiants, peuvent participer, prendre la parole pour réfléchir ensemble, faire des propositions sans laisser les syndicats confisquer leur lutte.

Les travailleurs ont les moyens de faire reculer le gouvernement, de freiner les attaques si toute la classe exploitée prend confiance en elle, en sa propre force. Souvenons-nous de la grève de masse en Pologne en août 1980 qui était partie des chantiers navals de Gdansk et qui a pu s’étendre immédiatement comme une traînée de poudre aux quatre coins du pays. Les AG étaient souveraines et massives. Les négociations avec le gouvernement de Jaruzelski étaient publiques et non pas secrètes dans le dos des grévistes et dans les coulisses des cabinets ministériels. Tous les travailleurs réunis en Assemblées Générales pouvaient tout entendre !

Cette grève de masse a été défaite dès lors que le syndicat “libre” Solidarnosc (avec Lech Walesa à sa tête) a été créé avec l’aide des syndicats occidentaux (notamment la CFDT). C’est le sabotage de ce syndicat “libre” qui avait livré la classe ouvrière de Pologne pieds et poings liés à la répression !

Les jeunes travailleurs qui ont participé au mouvement contre le “Contrat Première Embauche” au printemps 2006, lorsqu’ils étaient encore étudiants ou lycéens doivent se souvenir et transmettre cette expérience à leurs camarades de travail. Comment ont-ils pu faire reculer le gouvernement Villepin en l’obligeant à retirer son “CPE” ? Grâce à leur capacité à organiser eux-mêmes leur lutte dans leurs Assemblées Générales massives dans toutes les universités, et sans aucun syndicat. Les étudiants avaient appelé tous les travailleurs, actifs et retraités, à venir discuter avec eux dans leurs AG et à participer au mouvement en solidarité avec les jeunes générations confrontées au chômage et à la précarité. Le gouvernement Villepin a dû retirer le CPE sans qu’il y ait eu aucune “négociation”.

Nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre !

La reprise du travail dans le secteur des transports n’est pas une capitulation ! Faire une “pause” dans la lutte est aussi un moyen de ne pas s’épuiser dans une grève longue, isolée, qui ne peut déboucher que sur un sentiment d’impuissance et d’amertume.

La grande majorité des travailleurs mobilisés ont le sentiment que si on perd cette bataille, si on ne parvient pas à obliger le gouvernement à retirer sa réforme, “on est foutus !” Ce n’est pas vrai ! La mobilisation contre la réforme des retraites, et le rejet massif de cette attaque, n’est qu’un début, une première bataille qui en annonce d’autres demain. Car la bourgeoisie, son gouvernement et son patronat vont continuer à nous exploiter, à attaquer notre pouvoir d’achat, à nous plonger dans une pauvreté et une misère croissantes. La colère ne peut que s’amplifier jusqu’à déboucher sur de nouvelles explosions, de nouveaux mouvements de lutte.

Même si la classe ouvrière perd cette première bataille, elle n’a pas perdu la guerre. Elle ne doit pas céder à la démoralisation !

La “guerre de classe” est faite d’avancées et de reculs, de moments de mobilisation et de pause pour pouvoir repartir de nouveau encore plus forts. Ce n’est jamais un combat en “ligne droite” où on gagne immédiatement du premier coup. Toute l’histoire du mouvement ouvrier a démontré que la lutte de la classe exploitée contre la bourgeoisie ne peut aboutir à la victoire qu’à la suite de toute une série de défaites.

Le seul moyen de renforcer la lutte, c’est de profiter des périodes de repli en bon ordre pour réfléchir et discuter ensemble, en se regroupant partout, sur nos lieux de travail, dans nos quartiers et tous les lieux publics.

Les travailleurs les plus combatifs et déterminés, qu’ils soient actifs ou chômeurs, retraités ou étudiants, doivent essayer de former des “comités de lutte” interprofessionnels ouverts à toutes les générations pour préparer les luttes futures. Il faudra tirer les leçons de ce mouvement, comprendre quelles ont été ses difficultés pour pouvoir les surmonter dans les prochains combats.

Ce mouvement social, malgré toutes ses limites, ses faiblesses et difficultés, est déjà une première victoire. Après des années de paralysie, de désarroi et d’atomisation, il a permis à des centaines de milliers de travailleurs de sortir dans la rue pour exprimer leur volonté de lutter contre les attaques du Capital. Cette mobilisation leur a permis d’exprimer leur besoin de solidarité et d’unité. Elle leur a permis aussi de faire l’expérience des manœuvres de la bourgeoisie pour faire passer cette attaque.

Le principal “gain” de la lutte, notre première “victoire” c’est la lutte elle-même, c’est notre capacité à relever la tête tous ensemble pour dire Non ! On ne se laissera pas faire ! Nous sommes déterminés à défendre nos conditions de vie, l’avenir de nos enfants et de toutes les générations futures ! Même si nous devons encaisser encore des défaites, nous irons jusqu’au bout !

Le prolétariat est la seule force de la société capable d’abolir l’exploitation capitaliste pour construire un monde nouveau. Le chemin qui mène à la révolution prolétarienne mondiale, au renversement du capitalisme, sera long et difficile. Il sera parsemé d’embûches et de défaites, mais il n’y en a pas d’autre.

Plus que jamais, l’avenir appartient à la classe ouvrière.


Courant Communiste International, 4 février 2020

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Mouvement contre la “réforme” des retraites