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Ouvriers, pas d’illusion !
La bourgeoisie en France vient bel et bien de remporter une victoire. L'épreuve de force engagée par son Etat contre TOUTE la classe ouvrière, à l'occasion de l'entrée en lutte massive des cheminots à la mi-décembre 86, sur la question des salaires, des conditions de travail, des suppressions d'emplois qui concernent désormais TOUS les ouvriers sans distinction, a tourné à son avantage.
Malgré une combativité exemplaire, en effet ; malgré une capacité à engager et étendre le combat à tout le secteur sans et contre l'avis des syndicats ; malgré une volonté et une capacité à s'organiser pour rester les seuls mitres de la conduite de leur lutte au travers d'assemblées générales souveraines, des comités de grève élus et révocables, des tentatives de coordination régionales et nationales des délégués des assemblées, les cheminots, après avoir bloqué un mois durant tout le trafic ferroviaire et pesé ainsi lourdement sur toute la vie économique du pays, ont cependant dû reprendre le travail, paquet par paquet, la rage au ventre, sans avoir rien obtenu d'essentiel.
La raison de cette victoire de la bourgeoisie, la raison de cette défaite ouvrière n'a rien de mystérieux, d'incompréhensible. Elle se résume en deux mots : CORPORATISME, ISOLEMENT.
- Les cheminots ont cru ou voulu croire -"aidés" en cela par tous les syndicalistes de base et les gauchistes- qu'à eux seuls, déterminés, unis, organisés et enfermés dans leur catégorie, leur corporation, ils parviendraient à faire céder la direction SNCF et le gouvernement. Ils ont cru ou voulu croire qu'ainsi ils pourraient se préserver de toutes les magouilles des syndicats. Ils n'ont pas su ni voulu assumer ce que pourtant les déclarations des responsables de l'Etat., les Chirac, les Balladur, les Séguin d'un côté, l'attitude et les cris d’alarme sur les "risques" d'extension des Bergeron, Maire, Krasucki. de l'autre, démontraient pourtant clairement dès les premières heures du combat. A savoir qu'ici, il ne pouvait s'agir d'une simple lutte entre une direction d'entreprise et. une catégorie, une corporation particulière, mais d'un combat, d'une classe contre une autre classe ; d'un combat qui, commencé par un premier bataillon ouvrier se devait, pour être victorieux, de se tourner immédiatement vers les autres ouvriers pour les appeler à rejoindre la lutte; à s'unir par-delà les divisions corporatistes; à présenter un front de classe large et uni face et contre une bourgeoisie solidaire, arc-boutée derrière son Etat et ses syndicats, décidée à défendre bec et ongles sa capacité à mettre en œuvre et accentuer sa politique générale d'austérité et de chômage contre toute la classe ouvrière.
- Les ouvriers des autres secteurs, même s'ils ont souvent mieux perçu tout l'enjeu de la situation même s’ils ont, ici et là, discuté de la nécessité de rentrer en lutte à leur tour sans attendre, de ne pas laisser les cheminots se battre seuls, ont trop longtemps hésité.
Ils se sont satisfaits d'une solidarité passive ; ils se sont illusionnés eux aussi sur le fait que tout ce qui avait fait la force du mouvement des cheminots au début de la grève, tout ce qui les avait enthousiasmés a juste titre, pourrait se maintenir au fil des jours qui passaient.
Résultat des courses :
- ni les cheminots ne sont parvenus à échapper aux manœuvres de divisions et de récupérations des syndicats;
- ni les ouvriers des autres secteurs n'ont pu empêcher les syndicats de revenir au premier plan de la scène sociale, de déployer, CGT en tête, une parodie d’extension des luttes dans la fonction publique- qui visait à élargir la défaite ouvrière -tout en essayant de redorer leur blason passablement terni au début du mouvement de grève;
- nulle part, dans aucun secteur, les revendications ouvrières n'ont été satisfaites.
Oui ! La bourgeoisie a remporté une victoire, la classe ouvrière a perdu une bataille! Mais cela ne signifie nullement que la bourgeoisie a gagné la guerre de classe. Au contraire, celle-ci ne fait que commencer à s'amplifier.
Malgré son isolement, son échec, la grève des cheminots, plus que toute autre grève est venu révéler au grand jour, aux yeux de tous les ouvriers, toute la combativité qui s'est accumulée dans leurs rangs sous l'impact des attaques subies au fil des années sous les gouvernements de gauche et de droite la grève à la SNCF, par son caractère massif, est venue pleinement confirmer que le prolétariat en France -que d’aucuns disaient éteint- était capable de prendre toute sa part dans le développement des luttes plus massives, plus simultanées, cherchant à s'unifier qui ont commencé à secouer l’Europe occidentale à partir du magnifique mouvement du printemps 86 en Belgique, face aux attaques toujours plus dures et plus frontales des conditions ouvrières, luttes qui vont inévitablement s'accentuer dans les mois à venir.
La grève SNCF, parce qu'elle s'est enclenchée, étendue, auto-organisée à l’initiative des ouvriers eux-mêmes, hors et contre les syndicats, a non seulement révélé spectaculairement à tous les ouvriers, toute la défiance et l'hostilité qui s’est accumulée dans leurs rangs à l'égard des syndicats, des partis de gauche depuis 1968, et depuis le passage durant cinq ans de la gauche au pouvoir, mais a également montré la volonté et les possibilités de réussir dans l'avenir à faire obstacle aux manœuvres de division et de sabotage des luttes de ces derniers.
La grève SNCF enfin, battue parce qu'isolée, enfermée dans la corporation, malgré et à cause de son échec est venue renforcer l’idée qui mûrissait déjà souterrainement parmi la grande masse des ouvriers : "C'est tous ensemble qu'il faut lutter !" ; c’est en tant que classe unie qu'il faut se battre contre l'Etat de la classe ennemie, pour gagner.
Aussi, aujourd'hui, malgré le sentiment d'échec, malgré l’amertume, la classe ouvrière ne doit pas se décourager, baisser les bras. La bourgeoisie -et le renforcement de ses attaques- ne lui laisse pas d'autre choix que celui de reprendre la lutte dans les semaines et les mois qui viennent. Il faut que les prochaines batailles soient victorieuses.
Pour cela, il faut tirer les leçons de ce premier combat, toutes les leçons ; prendre le temps et les moyens de les assimiler collectivement. Aussi, tous les ouvriers combatifs, conscients doivent-ils s'attacher à se regrouper, à former des comités de lutte pour discuter, tirer les leçons, les diffuser partout et ainsi participer activement dès aujourd’hui à préparer les prochains combats.
Et ceci sur les bases suivantes :
- pour l’auto-organisation, l'extension, l’unification des luttes par les ouvriers eux-mêmes indépendamment des syndicats.
Ce sont là les bases essentielles pour que les prochaines batailles soient, victorieuses.
Ce sont les bases pour que la classe ouvrière poursuive sa marche en avant vers son unité internationale, son autonomie de classe, seules capables de lui permettre, par la révolution communiste, de mettre un terme définitif à la misère, au chômage, à la barbarie guerrière qu'implique la survie du capitalisme décadent.
LL