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Pour une Fraction française de la Gauche communiste
Après l’échec de la vague révolutionnaire des années 1920, le mouvement ouvrier doit faire face au déchaînement d’une terrible contre-révolution. Celle-ci se manifeste par la montée du stalinisme et du fascisme avant de déboucher sur la Seconde Guerre mondiale impérialiste.
Les révolutionnaires subissent une première épreuve : la perte de l’Internationale communiste. Ils se trouvent de plus en plus isolés, de moins en moins nombreux et se retrouvent à contre-courant.
La guerre d’Espagne est une nouvelle épreuve pour les courants de communistes de gauche ; un nouveau coup, peut être encore plus rude, porté aux quelques éléments qui, après une rupture d’avec le trotskisme (comme nous venons de le voir dans le premier chapitre), sont à la recherche d’une plus grande clarté politique. Ces événements leur sont fatals. Très peu franchissent ce cap, en restant fidèles aux positions de la gauche de l’IC. L’Union communiste en France et la Ligue des communistes internationalistes de Belgique tombent dans l’antifascisme et le soutien au POUM qui participe au gouvernement bourgeois de la Généralité de Catalogne. Or la Fraction italienne de la Gauche communiste avait réussi à constituer une Communauté de travail avec ce dernier groupe et travaillait étroitement avec le premier. Elle se retrouve ainsi très isolée et affaiblie, d’autant plus que certains de ses militants sont, à leur tour, gagnés par l’antifascisme. Une “Minorité” de la Gauche italienne se crée ([1]), la Ligue des communistes internationalistes se divise et l’Union communiste va voir certains de ses membres la quitter.
Malgré tout, un sursaut se produit en Belgique, en France, mais aussi au Mexique. La Fraction italienne entre en contact avec le Grupo de trabajadores marxistas ([2]). Cette situation la pousse à prôner la création d’une fraction de la Gauche communiste dans tous les pays. C’est ainsi qu’est créé, en 1937, entre la Gauche italienne et les éléments qui viennent de rompre d’avec la Ligue des communistes internationalistes de Belgique, le Bureau international de la Gauche communiste ([3]).
La résolution ci-après concerne la France et s’adresse à des éléments, tel Marc Chirik, en rupture d’avec l’Union communiste. Ne pouvant pas créer tout seul une Fraction française de la Gauche communiste, celui-ci va rejoindre la Gauche Italienne.
Résolution d’Octobre n° 4
“Pour une Fraction française de la Gauche communiste” (1938)
Une thèse du marxisme est la suivante : dans chaque époque historique, le prolétariat de n’importe quel pays capitaliste contient, latentes ou agissantes, les solutions de ses problèmes de classe et, mieux encore, les données internationales qui lui permettent d’aborder ses problèmes spécifiques.
Une contrefaçon, une caricature de cette thèse existe également, et celle-là consiste à inventer des organisations, des partis, lesquels inventeront des solutions qui, bien que revêtues de phrases de Marx ou de Lénine, seront des idéologies étrangères au prolétariat, même si elles semblent avoir pour elles le passé, la Révolution russe ou n’importe quel autre événement. Il s’agira d’introduire parmi les ouvriers des positions qui, au nom de la révolution ou de la lutte révolutionnaire d’hier, seront des moyens pour défendre aujourd’hui la société capitaliste. Les centristes parlent d’Octobre 1917 pour justifier l’Union sacrée avec la bourgeoisie française et l’appui à la guerre ; les trotskistes se prévaudront de leur lutte contre Staline pour faire l’Union sacrée autour de la défense de l’URSS ou bien “expliqueront” le léninisme comme un moyen de faire la guerre impérialiste et la révolution prolétarienne en même temps ; les communistes “de gauche” lutteront contre l’opportunisme de Trotski pour mieux prouver qu’on peut donner une version de “gauche” à une participation à la guerre antifasciste d’Espagne et, au besoin, Rosa Luxemburg leur permettra de prouver (au prix de quelle falsification !) qu’on peut lutter contre les utopies de “guerre nationale” en Chine, mais appuyer la “révolution” en Espagne en applaudissant au carnage impérialiste.
Et, cependant, la thèse défendue par le marxisme reste valable pour la France, malgré les opportunistes et leur phraséologie, même si, actuellement, aucune force d’avant-garde n’existe dans ce pays pour dégager des solutions que réclame la lutte des classes et qui correspondent aux intérêts immédiats et historiques du prolétariat français.
La situation française est, évidemment, d’une complexité qui marque la profondeur de la confusion que la bourgeoisie est parvenue à introduire au sein du mouvement ouvrier. Plus particulièrement ces dernières années, les événements décisifs qui se sont déroulés dans le monde ont approfondi de façon décisive cette confusion. On s’explique mieux, par cette constatation, le sentiment d’impuissance et l’échec de toutes les tentatives devant lesquelles se sont trouvés les militants révolutionnaires.
Les événements d’Espagne ont culbuté par-dessus bord les rares groupes qui paraissaient pouvoir représenter un infime élément dans l’œuvre de renaissance du communisme en France. Il fallait dès lors –et il faut encore aujourd’hui– partir d’une sorte de néant avec cette seule idée que les événements qui avaient liquidé des groupes indignes de figurer parmi l’avant-garde, étaient les mêmes événements qui mûrissaient, au sein du prolétariat français, les positions de classe autour desquelles il fallait appeler –en dehors de tous les groupes– les militants français à se regrouper.
Certes, ce néant que trouve aujourd’hui le marxiste agissant en France n’est pas le fait de l’incapacité des militants français, ou d’une incapacité du prolétariat français ayant épuisé ses énergies révolutionnaires avec la glorieuse Commune. Certes, nous savons parfaitement que les efforts de la Fraction italienne d’abord, du Bureau international ensuite, ne suffiront pas, au travers de l’énoncé même concret des positions de classe des ouvriers français, à réaliser des miracles.
Le problème est le suivant : déjà dans l’après-guerre, l’Internationale communiste n’est pas parvenue à poser d’une façon réelle les données pour la création d’un parti d’avant-garde. La boutade de Lénine à Trotski “qu’il fallait nécessairement employer des planches pourries (Cachin) pour arriver aux militants sains de la classe ouvrière” cache les erreurs colossales qui furent commises et qui, toutes, se résument dans ce fait : la croyance que l’on pouvait, grâce à la victoire en Russie, suivre un autre chemin en France pour former un parti que celui suivi par les bolcheviks pendant 17 années. Plus que tout autre prolétariat, les ouvriers français portent une hérédité historique que les événements d’après-guerre n’ont pu briser complètement. Seule, une aide de l’Internationale de Lénine pouvait leur montrer la voie, mais l’avènement rapide du centrisme et le cours mondial des défaites ont coupé net cette possibilité.
L’assiette économique de l’impérialisme étançonnée par un riche empire colonial, une structure souple non alourdie par une sur-industrialisation, un système de domination démocratique perfectionné à l’extrême et capable d’absorber une variété infinie de forces politiques issues de la bourgeoisie ou du prolétariat, tous ces facteurs appuyés sur le triomphe mondial de l’opportunisme dans la Deuxième internationale ont conduit les ouvriers français dans une première guerre impérialiste sans que puisse se dégager un courant marxiste du type bolchevik ou même spartakiste. Encore une fois, c’est le néant pendant la guerre de 1914 et ce sont des personnalités venues du syndicalisme ou parfois du Parti socialiste qui expriment confusément la tentative des ouvriers français de rejoindre les bolcheviks et les spartakistes. Le massacre impérialiste détermine des réactions, reflets du cours de classe qui, dans chaque pays, veut s’opposer à la guerre, mais non une position centrale autour de laquelle pouvaient se concentrer les ouvriers.
L’après-guerre voit l’impossibilité de l’Internationale à aider le prolétariat français à se dégager définitivement et la ligne des réactions de classe se continue au sein du parti pour aboutir dans une formation trotskiste, puis dans une série de groupes qui échouent les uns après les autres. Aujourd’hui, au terme d’un cours historique qui, mondialement, a abouti dans la guerre, alors qu’en France l’économie de guerre, l’Union sacrée, sont les baromètres de l’écrasement des ouvriers, l’inexistence de la moindre continuité, de la moindre sélection d’idées et d’individus aboutissant à un noyau ou même à quelques individualités, doivent nous faire comprendre que la mesure de notre action est forcément limitée et que tout au plus nous ne pourrons que déblayer davantage le terrain pour que le bouleversement inévitable des situations permette aux militants, aux ouvriers qui seraient poussés à marcher de l’avant, à se cramponner à des jalons qui ne sont que des positions internationalistes que, seules, les Fractions de gauche ont pu dégager de l’expérience historique et des événements actuels et qui restent valables pour tous les pays.
La phase actuelle des guerres localisées, l’Union sacrée basée sur l’économie de guerre, ici les zigzags de l’économie mondiale, donnent au Bureau des Fractions de gauche la possibilité d’agir (dans des conditions extrêmement difficiles certes) sur un plan plus avancé que les bolcheviks pendant la guerre 1914-18 en dépassant à la fois Zimmerwald et les erreurs de l’Internationale. Les ouvriers français créeront leur parti de classe non par des “rassemblements contre la guerre et l’Union sacrée”, non par un chemin différent de celui des Fractions de gauche, mais uniquement en dégageant de leurs luttes de classe, et la nécessité d’une Fraction de gauche et les positions prolétariennes dans la phase de guerre.
Le cours historique des événements est mondial et ce que les ouvriers italiens ou belges, ont pu réussir, les ouvriers français le réussiront, malgré la phase actuelle. C’est dans cette direction que travaille le Bureau et c’est dans ce but qu’il a décidé de passer à la lutte la plus impitoyable contre tous ces groupements qui sont autant d’obstacles à la clarification des problèmes du communisme.
Dans le dernier numéro d’Octobre nous avons examiné les “leçons” que le trotskisme français avait retiré des événements d’Espagne. Le lecteur connaît donc notre appréciation envers les positions de ce groupement de contre-révolution envers les problèmes de la guerre. En France il est représenté officiellement par la Lutte ouvrière. Il s’agit d’un amalgame d’anciens oppositionnels de gauche et de socialistes de gauche, butin recueilli par les trotskistes lors de leur passage à la SFIO.
Le POI (c’est ainsi qu’on l’appelle !), par son mode de formation correspond très bien aux positions qu’il défend. Pour la France, il remplace la politique prolétarienne par la démagogie. En juin 1936, il annonce la révolution prolétarienne à brève échéance. Les ouvriers doivent instaurer le contrôle ouvrier et les Naville et autres clowns s’apprêtent à jouer les Lénine de parade. Mais plus modestement, il faut bientôt passer à d’autres préoccupations et comme on n’est pas trotskiste pour rien, nos stratèges de cirque empruntent quelques solutions aux œuvres complètes de Lénine. Pourquoi ne pas lutter pour un gouvernement Blum-Thorez ?
Ou contre les ministres capitalistes qui siègent dans le gouvernement Blum ? Si cela fait rire, tant pis, car le ridicule ne tue plus en France. D’ailleurs on peut toujours faire de la surenchère : réclamer la prison pour les cagoulards, proposer le véritable front unique contre la falsification du Front populaire etc., etc. Le POI a devant lui de larges perspectives, à défaut de révolution ou de front unique, il peut faire son métier d’épicier de la SFIO où il y aura toujours des âmes en peine à repêcher et de belles manœuvres à réussir. Si ensuite, il exclut des Fred Zeller (pour quelles raisons !), on n’en parlera pas, par discrétion...
Au point de vue international, ces adversaires de l’Union sacrée en France sont pour la défense de l’URSS et de la république espagnole et le soutien à Tchang Kaï-Chek. A une récente conférence nationale, une minorité s’est affirmée contre la défense de l’URSS. Les orthodoxes ont rejeté avec horreur cette position “réactionnaire” et la minorité elle-même s’est empressée d’affirmer le peu de solidité de leur thèse en proclamant qu’en aucun cas il ne s’agissait d’être défaitiste en Espagne et en Chine comme elle le préconisait en Russie. La seule voix qui se soit élevée dans ce sens a été étouffée et la famille “trotskiste” en a fait un incident de Congrès sans importance, puisque cette position ne s’accompagnait pas d’une rupture avec une organisation d’Union sacrée.
Sur l’Espagne et la Chine, nous pouvons être brefs car la banalité des arguments contre-révolutionnaires a reçu sa forme définitive chez Trotski et la Lutte ouvrière ne manque pas de répéter, sans omettre un point ou une virgule, cet évangile. Ces événements ne pouvaient pas avoir de répercussions au sein de cette organisation, car par sa nature, sa fonction et sa politique, elle se trouvait déjà sur un terrain capitaliste. Elle mettait en pratique des positions acquises et les seules divergences étaient de savoir si oui ou non il fallait soutenir le POUM en Espagne.
Envers le POI, nous ne pouvons que répéter une position déjà affirmée, à savoir que l’expérience prouve qu’aucun travail en son sein (de noyautage ou de soutien à des minorités) ne peut servir les intérêts du prolétariat français. On ne transforme pas le terrain capitaliste en terrain prolétarien. Il faut déserter les bouges de la contre-révolution, les détruire et ainsi préserver le cerveau de militants ouvriers qui pourraient œuvrer pour 1a clarification communiste.
Comment évolue l’Union communiste
Il y a bien longtemps déjà, Bilan (n° 29) avait tenté de retrouver la genèse de ce groupe afin de prouver qu’à aucun moment décisif de son évolution, il n’eut une position progressive. Au début, il était aux trois-quarts trotskiste, puis un peu moins, et, enfin, anti-trotskiste, sans pour cela abandonner la façon de penser de ses adversaires.
L’Union communiste est l’image idéale du conglomérat d’individus qui, après avoir été poussé par des réactions diverses à abandonner le trotskisme, s’est demandé ce qu’il avait à faire. Le mieux, évidemment, aurait été de se transformer en groupe d’agrément, mais cela ne convenait pas à des militants “sérieux” et “marxistes”. D’une scission à une autre, effectuant ses voyages de préférence dans la nuit, l’Union communiste, après quatre ans d’existence, se rallie d’emblée à la guerre impérialiste d’Espagne, sans s’être donné la peine de mettre sur pied le moindre document de principe. A quoi bon d’ailleurs ! Sur l’Espagne, sa position “antifasciste” avait mûri, comme chez les trotskistes, par la défense du statu quo de la Sarre (auquel se rattachait une position démocratique déguisée) et par une position équivoque sur le conflit italo-abyssin. L’Union a beau se proclamer le défenseur actuel de Rosa Luxemburg luttant contre le mythe de la “guerre nationale” : les faits sont là et les écrits restent. Mais sans doute est-ce la modestie de ces camarades qui les empêche de revoir leurs écrits !
Sur les événements d’Espagne, l’Union s’est efforcée de dépasser Trotski. Elle fut d’abord l’avocat du POUM, puis de la gauche du POUM, puis de ses Jeunesses. Chaque fois, ses espoirs de voir l’un, puis l’autre travailler pour le nouveau parti furent trahis. Nous avions également tort de parler de “trahison” lorsque Nin entrait dans le gouvernement de la Généralité. Il s’agissait seulement d’une “erreur grave”.
Mais leur analyse des événements reste curieuse, pour ne pas dire plus. La guerre d’Espagne est “une guerre de classe”. Pourquoi ! “D’un coté, les troupes sont constituées essentiellement par les officiers, et ils étaient nombreux en Espagne : les cadets, les phalangistes, les requetés, les carlistes, effectifs composés d’éléments de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie” plus les mercenaires et engagés de force. “De l’autre coté, il y a les milices ouvrières, et ce qui reste des régiments de l’armée républicaine ralliés, ainsi que quelques formations de gardes civiles et d’assaut” (Internationale, octobre 1936). Et ces plaisantins vont justifier, par une analyse des événements de juillet, le caractère de classe de la guerre qui résulte “de la composition des forces armées” comme si du côté de Franco il n’y avait jamais eu d’exploités et comme si le résultat n’était pas le même lorsque des ouvriers marchent volontairement ou contraints au massacre.
Leur analyse, en octobre 1936, sera d’ailleurs “confirmée” par l’évolution ultérieure des événements.
“Le prolétariat a jeté les bases d’un nouvel édifice économique et social en Catalogne”. En Catalogne, l’Etat bourgeois a été “remplacé” par les créations propres du prolétariat alors qu’ailleurs il l’a mis à mal. La bourgeoisie démocratique “se cramponne aux derniers morceaux de pouvoir bourgeois qui subsistent”. Et la conclusion de l’Union communiste devient lumineuse : “le prolétariat doit non seulement combattre sur le front militaire qui s’est constitué, mais il doit encore poursuivre sans relâche la lutte contre tout ce qui subsiste du pouvoir bourgeois démocratique”.
“La marche de la révolution est implacable”, continue l’Union ; sa bêtise l’est tout autant, hélas, car dès octobre 1936, la situation était assez claire pour voir que l’Etat, surtout en Catalogne, restait debout et que la bourgeoisie s’incorporait les milices, le POUM, les anarchistes et se serait incorporé même les brouillons de l’Union s’ils avaient représenté quelque chose en Espagne.
La seule note originale, c’est que l’Union ne veut pas demander des avions à Blum. Les ouvriers doivent lutter contre leur propre bourgeoisie pour faire la guerre impérialiste en Espagne !
En janvier 1937, l’Union s’aperçoit que l’on étrangle la révolution d’Espagne et la voilà qui part en guerre contre les anarchistes. On va discuter sur la question de l’Etat. Spontanément elle reprend à son compte le mot d’ordre du POUM : le pouvoir aux Comités d’alliance ouvrière. Ainsi le problème de l’Etat est résolu ! Décidément, l’Union qui ne peut vivre sans emprunter aux autres n’a pas de chance, car le POUM faisait de ce mot d’ordre la clé d’une Assemblée constituante et la base de sa participation à l’Etat capitaliste. Mais cela n’a pas d’importance, n’est-ce pas !
Le fait est que contre l’étranglement de la “révolution espagnole”, l’Union mise sur la gauche du POUM : il faut qu’elle fasse un pas en avant vers la formation d’un parti révolutionnaire. Cette même gauche avec Andrade et les Jeunesses restera pourtant jusqu’au-boutiste et luttera pour que Nin, chassé du gouvernement, puisse y reprendre sa place.
Notons ici, que l’Union, comme les trotskistes, a deux mesures. En France, elle tourne contre la gauche SFIO et son cher Pivert ; mais, en Espagne, elle mettait tous ses espoirs dans la gauche d’un parti gouvernemental. Mais l’Union n’est pas à une contradiction près (les trotskistes belges appelleraient cela de la “dialectique marxiste”) et un autre échantillon de ce mode de penser nous est fourni dans le numéro 26 de l’Internationale (février 1937). Dans une résolution, on y constate que : “en Catalogne, le gouvernement de la Généralité s’effaça d’abord presque complètement. Puis grâce à l’intégration dans le Conseil de la Généralité de représentants de la CNT et de la FAI ainsi que du POUM, la bourgeoisie reprit les rênes du pouvoir, la dissolution du CC des milices écartant tout danger éventuel d’une destruction de l’appareil étatique”. Et, pourtant, en octobre 1936, on écrivait que l’Etat catalan avait été “remplacé”. S’il ne s’agissait que d’une confusion de mots, ce ne serait rien ; mais on connaît la polémique de Lénine contre les opportunistes sur quelques mots concernant l’Etat. En octobre, l’Union estime que l’Etat catalan n’existe plus et, en février, elle constate qu’il s’était “effacé” ; avec la complicité d’un parti dont elle sollicite l’autorisation d’assister à sa conférence internationale. Pour des “marxistes”, l’erreur n’est pas minime et elle permit d’espérer de grandes choses lorsque l’Union examinera de la même façon la situation en France. Ajoutons que ces profonds écrivains se sont bien gardés de communiquer leur “rectification” à leurs lecteurs (encore par modestie !). Ah ! mais il y a le problème des milices. Si elles n’avaient pas été dissoutes, on pouvait encore espérer détruire l’appareil d’Etat. Mais quel danger pouvait présenter le Comité central des milices que l’on a dissout sans effort ! C’est lui-même qui a reconnu que son fonctionnement était inutile dès lors qu’anarchistes et poumistes étaient dans les ministères.
Après les Journées de mai à Barcelone, l’Union se raccroche aux Jeunesses du POUM, et de la CNT : son dernier carré ! Cette fois-ci, elle donne des conseils concernant la destruction de l’Etat bourgeois, mais il est bien tard. D’ailleurs, l’Union est toujours pour la lutte pour la révolution tout en menant la guerre antifasciste à fond.
Mais les événements de Chine vont arriver et l’Union, avec d’autres communistes de gauche (vieux guerriers d’Espagne), se rappelleront les écrits de Rosa Luxemburg. Doctoralement, on nous apprendra qu’il n’y a plus de “guerres nationales”, mais seulement des guerres antifascistes type espagnol. Les “communistes de gauche”, sont contre le soutien de Tchang Kaï-Chek, mais pour la lutte avec la République contre Franco.
Nous ne prêterons aucune importance aux dissertations des amateurs de l’Union sur la guerre sino-japonaise, car tout cela manque de sérieux. Probablement la position envers la Chine provient d’un emprunt que l’Union fait à un autre groupe, afin d’éviter les douleurs de l’enfantement politique. Sur un seul problème il semblerait qu’un pas en avant ait été fait. L’Union est contre la défense de I’URSS. Mais ici encore, ses élucubrations sur les castes prouvent qu’il ne s’agit pas d’un effort idéologique pour comprendre et tenter de résoudre un problème gigantesque, mais d’une mauvais traduction de “communiste de gauche” d’autres pays qui se sont spécialisés dans les écrits pour Académies communistes et qui contemplent, du haut de leur tour, les problèmes de la lutte des classes.
Sur bien des problèmes encore (et particulièrement sur les dernières trouvailles syndicales de l’Union) nous pourrions continuer notre examen, mais cela est parfaitement inutile. Un fait est clair ; ce groupe est en dehors de la réalité et ne représente absolument rien. Plutôt il disparaîtra et mieux cela vaudra pour ses militants qui doivent bien avoir d’autres préoccupations que de vivoter dans un cercle sans issue.
Nous continuerons l’examen d’autres groupes, avant de tirer nos conclusions, dans le prochain numéro de la revue
En réalité il n’y a pas eu de prochain article sur le sujet dans Octobre. Cela résultait de la crise politique que subissait la Fraction italienne. Le numéro 5 d’Octobre paraît en août 1939 soit 15 mois après le numéro 4. La publication Communisme de la Fraction belge n’a subi aucune interruption dans sa parution. La Fraction belge était plus homogène dans ses orientations politiques et n’a pas adhéré à la nouvelle position de Vercesi prétendant nier l’existence d’antagonismes inter-impérialistes. Partant de là, Vercesi a nié jusqu’à l’éclatement des hostilités en 1939, l’éventualité d’une guerre impérialiste mondiale. A la reconnaissance de l’antagonisme inter impérialiste il a substitué la théorie de “la loi de solidarité inter impérialiste”. La guerre impérialiste mondiale était considérée comme une série de guerres localisées n’ayant d’autre but que la destruction physique du prolétariat. La nouvelle théorie prétendait également que le système capitaliste était parvenu à sortir de sa crise permanente par la vertu de “l’économie de guerre”. L’économie de guerre étant comprise non en fonction de l’inévitabilité d’une conflagration mondiale en préparation mais comme une politique économique “en soi” solutionnant les contradictions économiques et ouvrant la phase du “plus grand essor” du développement capitaliste.