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Campagnes anti-racistes : la bourgeoisie cherche à ramener les ouvriers derrière l'Etat démocratique
- "La criminalité raciste a augmenté de 1700 % en deux ans en Allemagne et ce n'est pas sans la complicité tacite de la population".
Au cours de la réunion d'un front européen antiraciste qui s'est tenue le 12 décembre à Nancy, voilà ce qu'a abruptement lâché l'un des participants, la déléguée du PSD (ex-parti communiste de RDA), en mettant aussi en cause le gouvernement pour faire bon poids de radicalisme. Cette manière de rendre fautive de la montée de l'extrémisme xénophobe la population, et donc (surtout) la classe ouvrière, constitue la pointe avancée, spécialement vicieuse, des campagnes démocratiques actuelles de la bourgeoisie. Il s'agit là d'un piège très dangereux pour le prolétariat et nous le dénonçons avec la plus grande énergie.
Il y a des faits irréfutables. Depuis au moins un an, en effet - et cela s'est accéléré au cours des derniers mois -, la chronique de la xénophobie et du racisme s'accroît presque chaque jour d'une nouvelle page de furie imbécile et de crimes sanglants. Le 2 octobre, par exemple, à Nowa Huta, en Pologne, neuf adolescents arborant la croix gammée molestaient des routiers allemands, provoquant la mort de l'un de ceux-ci. A Rome, début novembre, d'autres nazillons en bande s'en prenaient aux commerçants juifs de la Ville éternelle. A la fin du mois dernier, en Alsace, plusieurs tombes musulmanes étaient profanées tandis que le même vandalisme d'inspiration antisémite s'exerçait à l'est du Rhin notamment contre la sépulture du célèbre dramaturge Berthold Brecht. D'autres violences à relents xénophobes se sont produites à Anvers, Madrid, Munich... Entre toutes, celles de Môlln (près de Lübeck, en Allemagne du nord), le 23 novembre, ont particulièrement inspiré l'horreur, deux fillettes et une jeune femme turques périssant au milieu des flammes d'un incendie criminel et revendiqué au cri de "Heil Hitler !".
Racisme, xénophobie :
les produits de la décomposition capitaliste
Comment, pourtant, la bourgeoisie en rend-elle compte ? Sa presse ment déjà quand elle focalise les regards sur la situation en Allemagne tout en suggérant sournoisement de nous rappeler que ce pays est la patrie du nazisme. Le triste tableau que nous avons dressé plus haut suffit à révéler ce truquage de la réalité. Laquelle s'étale, à plus ou moins grande échelle, dans tous les Etats européens et ne représente nullement une spécificité allemande. Quand bien même la question de l'unification et la proximité des anciens territoires socialistes placent aujourd'hui ce pays dans une position sociale singulière. Ensuite, les orchestrateurs des campagnes idéologiques de la bourgeoisie manipulent sans vergogne l'opinion quand ils gonflent outrancièrement le regain du fascisme et braquent tous les projecteurs sur les gesticulations meurtrières des "skinheads" et autres paumés.
Tout cela sert à dissimuler la cause foncière et la responsabilité première de cette explosion de haine qui paraît soulever le coeur de nos bons démocrates bourgeois. La xénophobie, le racisme et l'agitation néo-nazie, c'est bel et bien le capitalisme qui les enfante et les active. Oui, le capitalisme, avec sa crise économique sans issue, qui marginalise des couches de plus en plus nombreuses de la population, les éjecte hors de toute vie collective, laisse les jeunes sans futur, oppose les chômeurs aux travailleurs encore nantis d'un emploi, contraint de larges parties des peuples (comme en Albanie, en Roumanie, en Bosnie, etc.) à fuir leur pays et à émigrer. La peur des "étrangers", la recherche absurde parmi ses compagnons d'infortune de boucs émissaires pour les charger de la faute de la misère que le capitalisme fait subir à tous, le chacun-pour-soi érigé en seule règle de la conduite individuelle, la montée des comportements irrationnels, la floraison des actes désespérés autant que criminels, et pas seulement chez les nazillons, voilà autant de traits qui traduisent sur le fond l'impasse d'une société bourgeoise à l'agonie. A côté des conflits ethniques, des querelles religieuses, des famines, des épidémies et de bien d'autres consternants phénomènes.
Voilà le visage d'un monde sans devenir et désormais complètement voué à la désintégration ainsi qu'au pourrissement sur pied, de par sa propre dynamique. En tout état de cause, ledit réveil des démons fascistes n'est qu'un épiphénomène. Il représente un effet et non la raison de la décomposition capitaliste. Aujourd'hui, la vérité terrible de la situation ne réside pas dans le resurgissement de la bête nazie mais dans l'effondrement sous elle-même de la civilisation bourgeoise, pourvoyeur de tous les dérèglements et destructions qui ruinent maintenant la planète.
Cependant, la bourgeoisie, qui n'a plus rien à offrir aux hommes et qui, dans sa course inconsciente, entraîne tout le monde à crever avec elle, n'est pas près, bien loin de là, de renoncer à son autorité sur la société.
C'est ce qu'illustrent clairement, parmi d'autres signes, les tapageuses campagnes antifascistes et antiracistes qui, en Allemagne surtout, se développent à la suite du déferlement des attaques xénophobes. Outre-Rhin, tout se passe comme si les malheureuses victimes de Mölln avaient dû brûler vives pour permettre l'impulsion de manifestations monstres dans toutes les grandes villes de l'Ouest : Francfort (mégaconcert rock), Munich, Duisburg et Hambourg ("chaînes vivantes", défilés à la bougie...), etc., réunissant chaque fois de une à plusieurs centaines de milliers de personnes. A compter de la mi-décembre, on voit l'ensemble des sphères dirigeantes de la république fédérale impliqué à fond dans le battage démocratique et humanitaire. Depuis la chancellerie (qui promet des poursuites contre les auteurs des crimes xénophobes et s'engage à réformer le point de la constitution de 1945 relatif au droit d'asile politique) jusqu'à la plus humble association caritative en passant par les Michel Drucker et autres Jean-Pierre Foucault de la télévision allemande, les partis politiques et les syndicats. Même le patronat se met de la partie : la direction d'Opel, pour ne citer qu'elle, offre une prime de 100 000 DM (340 000 F) à qui faciliterait l'arrestation des assassins des trois jeunes Turques)... Le barouf est proprement assourdissant.
Ouvriers, ne tombez pas dans le piège
Ce front uni démocratique a maintenant un impact non négligeable dans la population et les défilés géants semblent faits pour rassurer les nombreuses voix qui, en novembre encore, s'inquiétaient, tel Thomas Schmidt (un proche de Cohn-Bendit), de "la réaction tardive de la société allemande". A côté de quelques autres déclarations qui n'hésitaient pas à rendre carrément responsable de la flambée raciste le manque de réaction des populations laborieuses aux attentats qui frappaient les travailleurs "étrangers" (y compris, dorénavant, dans la partie ouest du pays). Ailleurs en Europe, les bourgeoisies nationales ne manquent pas, en assurant un large écho à la campagne qui se déploie au sein de la république unifiée et en colportant les thèmes de l'"inconscience" ou de la "passivité des citoyens", d'importer au maximum l'effet de ces démonstrations démocratiques dans leur pays. Notamment en France, où le verdict du tribunal de Reims acquittant la boulangère qui a tué un jeune Beur avait donné lieu à l'amorce d'une croisade antiraciste dans la seconde quinzaine du mois dernier.
A n'en pas douter, c'est une opération d'envergure et d'échelle européenne qu'entreprend la classe bourgeoise. La visée en apparaît claire : entraîner les prolétaires sur le terrain de la défense de la démocratie et lui faire abandonner le sien, celui de la résistance aux attaques capitalistes, dans l'heure précise où celles-ci pleuvent comme jamais sur son dos, en même temps que s'accumulent les effets ravageurs de la décomposition de la société bourgeoise. Et c'est pour mieux armer le piège que les démocrates, de Cohn-Bendit à Kouchner, ont le front de chercher à culpabiliser les prolétaires, eux qui subissent à plein - juifs, noirs, "étrangers" et immigrés ou non - la pourriture capitaliste. L'ignominie suprême de tout ce tapage tient dans la volonté de la bourgeoisie de faire sortir de la bouche même des prolétaires ce discours : "Nous voulons un Etat fort, pour que cessent les violences, afin que les nazillons soient muselés !", c'est-à-dire leur faire demander de leur propre chef le renforcement des moyens de répression de l'Etat, lesquelles, évidemment, ne serviront pas tant contre les extrémistes xénophobes que d'abord et surtout contre la classe ouvrière.
Ouvriers, ne cédez surtout pas à ce chantage démocratique scandaleux. Si vous deviez y succomber, en Allemagne ou ailleurs, non seulement vous n'écarteriez pas un instant de vous, au contraire, la menace du chômage et de la misère, mais vous vous précipiteriez encore dans le gouffre de la décomposition que le système capitaliste aux abois ouvre chaque jour davantage sous vos pieds. En vous trompant de combat, en luttant pour la démocratie et non pour la défense de vos intérêts prolétariens distincts, vous vous rendriez incapables de riposter aux agressions économiques du capitalisme et entraîneriez votre propre perte. De même que celle de toute l'humanité, car celle-ci peut seulement compter sur votre classe pour sortir, par la voie de la révolution communiste, le monde de la chausse-trappe mortelle où le jette la bourgeoisie. Voilà votre véritable responsabilité.