Submitted by CCI on
A travers la mystification électorale comme dans les luttes de classes, la fonction essentielle de l'organisation trotskiste "Lutte Ouvrière" (LO) est de pousser les ouvriers sur le terrain de la bourgeoisie, et en particulier de les rabattre vers les partis de gauche et les syndicats, c'est-à-dire derrière les principales forces bourgeoises d'encadrement sur le terrain des luttes.
La duplicité de la politique de LO
Dans sa revue théorique "Lutte de Classe" n°17 datée de janvier-février, LO revient sur les grèves dans les services publics de fin 1995 en France en reprenant et développant une "analyse" déjà évoquée dans sa presse hebdomadaire de décembre. LO se démarque tout d'abord EN APPARENCE des autres organisations gauchistes qui se sont contentées d'applaudir avec enthousiasme le mouvement contre le plan Juppé en adoptant d'emblée un ton radical et très critique : "La grève que nous venons de vivre n 'est pas partie de la base". Elle a été le produit de "la volonté délibérée des fédérations syndicales d'aller (...) vers une grève générale de la fonction publique. (...) Cette stratégie fut manifestement un calcul délibéré des appareils syndicaux qui voulaient faire une démonstration de force".
La démonstration de LO se poursuit par une charge critique contre les appareils syndicaux qui "n'ont pas changé de nature au cours de cette grève, (...) un bureaucrate qui étend une grève reste quand même totalement un bureaucrate. (...) Les bureaucraties syndicales sont capables démener des luttes larges, dures, lorsqu'elles le jugent nécessaire. C'est en particulier le cas lorsqu 'elles ont besoin de garder leur crédit auprès des travailleurs." Non seulement LO laisse entendre que les syndicats sont des organes de la bourgeoisie : "Les directions sont (...) des institutions pour préserver l'ordre social existant".
Mais quand LO ajoute que "les directions syndicales n'hésitèrent pas à se servir des fractions les plus combatives des grévistes pour entraîner les autres", elle est carrément en train d'avouer aux ouvriers qu'ils se sont laissés manoeuvrer, qu'ils ont été manipulés par les directions syndicales.
Tout ce discours de vérité que LO est capable de développer contraste étrangement avec l'attitude de LO sur le terrain, pendant les grèves, où personne n'a entendu LO émettre la moindre contestation vis-à-vis des directions syndicales. Au contraire, LO s'est totalement fondu dans le mouvement lui-même et restait complètement masqué derrière les calicots syndicaux au point qu'elle n'est jamais apparue en tant qu'organisation politique distincte à l'intérieur du mouvement. Pour autant, ses militants ne sont pas restés passifs, mais à l'inverse omniprésents pour pousser les ouvriers à participer à l'extension de la grève derrière les syndicats.
Quand LO nous dit "Les appareils syndicaux ont dû mobiliser difficilement et progressivement les travailleurs. Il a fallu l'intervention active, déterminée, volontariste des militants de la CGT, de FO et d'autres syndicats "(...) pour que la grève s'étende d'abord à l'intérieur de la SNCF, puis à la RATP, puis à la Poste et à d'autres", c'est en fait d'abord à l'intervention active, déterminée, volontariste de leurs propres militants camouflés en militants syndicalistes de base au sein de la CGT, de FO et d'autres syndicats qu'ils peuvent penser. La critique et la dénonciation APRES COUP de LO n'est que du bluff.
Ces illusionnistes cherchent à escamoter en paroles le grand coup de main qu'ils ont donné dans la pratique aux "directions syndicales" et à la manoeuvre de la bourgeoisie. Elle est une manifestation de la duplicité de LO qui sert à cacher la réalité de ses agissements.
Un rabatteur des syndicats et des manoeuvres bourgeoises
D'autre part, c'est après la fin de la grève que LO pouvait entreprendre de saboter et dévoyer un début de réflexion des ouvriers sur l'attitude manoeuvrière des syndicats dans la grève.
Pour cela, cette organisation devait continuer à présenter que "dans les circonstances actuelles, la grève de la fonction publique a été une victoire pour les travailleurs (...) et a obligé le gouvernement à reculer", comme elle l'avait d'ailleurs proclamé dans sa presse en décembre.
LO s'évertue à démontrer que cela a été possible GRACE AUX SYNDICATS : "En raison du fait que les directions syndicales ont cherché à s'appuyer sur la base pour conduire et étendre la grève, les grévistes ont découvert les assemblées générales où ils pouvaient discuter, la solidarité entre grévistes. Nombre d'entre eux ont découvert le contact avec les travailleurs des autres entreprises".
La bourgeoisie ne pouvait trouver meilleure apologie des syndicats ! Comment LO résout la contradiction entre un mouvement qu'ils proclament téléguidé et manipulé par les directions syndicales et le mensonge selon lequel les syndicats auraient permis aux ouvriers non seulement de " gagner " mais surtout de retrouver les besoins essentiels de leur lutte ? Par un tour de passe-passe idéologique.
En expliquant que las bureaucraties syndicales ne visaient que la défense de leurs propres intérêts, notamment "parce qu 'elles étaient attaquées par la bourgeoisie au niveau de la gestion de la Sécurité sociale". Nous nageons dans une opération d'escamotage. Les syndicats n'ont pas agi ainsi pour encadrer les ouvriers mais, selon LO, parce que la bourgeoisie les attaquait EN MEME TEMPS que les ouvriers.
Nous serions en présence d'une "bureaucratie syndicale" qui défendrait des intérêts propres, n'étant ni ceux de la classe ouvrière, ni surtout ceux de la bourgeoisie. Ce qui permet à LO et autres consorts trotskistes de mettre en avant une alliance ou une convergence d'intérêts possibles entre cette fameuse "classe bureaucratique" et le prolétariat. Une telle mystification est directement une arme de la bourgeoisie contre les luttes du prolétariat. Elle sert à délivrer ce message essentiel : "Ils (les bureaucrates syndicaux) ne défendent les intérêts des travailleurs que dans la mesure et dans les limites où ils coïncident avec leurs intérêts propres d'appareils".
A travers cette argumentation, le but poursuivi par LO ne se limite pas à cautionner la manoeuvre elle-même de la bourgeoisie et à masquer son sens réel pour les ouvriers. Il est surtout de masquer la nature bourgeoise des syndicats aux yeux des ouvriers.
Mais l'entreprise de dévoiement de la conscience ouvrière de LO ne s'arrête pas là. Elle apporte sa pierre pour baliser aussi le chemin de la poursuite de la manoeuvre bourgeoise en cherchant à arrimer plus fortement les ouvriers au syndicalisme en général et aux syndicats en particulier dans la perspective des luttes à venir. Quand LO insinue : "la suite est liée à la politique des syndicats et en particulier de la CGT pendant les semaines ou les mois à venir", elle inocule un véritable poison.
Après avoir joué le jeux de la critique, voire de la dénonciation des syndicats, LO cherche à persuader les prolétaires que même si l'appareil syndical est pourri par sa bureaucratie, les syndicats, eux, sont une arme de la classe ouvrière. Et, quand, pour en finir, LO évoque la perspective d'une situation «où ils (les travailleurs) ne dépendraient pas de la politique des bureaucraties syndicales», c'est pour pousser les ouvriers dans une voie toute tracée, c'est pour les enfermer dans le piège du syndicalisme de base où le seul rôle de la classe ouvrière serait de forcer le sommet bureaucratique des syndicats à «évoluer».
La phraséologie radicale de LO lui permet d'agir sur le terrain des luttes ouvrières indifféremment dans le cadre syndical comme hors de celui-ci.
Face à des situations de discrédit et de débordement des syndicats, comme lors de la grève des cheminots au cours de l'hiver 1986/87, ou encore dans la lutte du secteur hospitalier, à l'automne 1988, LO a été une des organisations qui a été en première ligne pour mettre en place le filet des coordinations afin de ramener les ouvriers dans le piège du syndicalisme (lire en particulier nos brochures "Le trotskisme contre la classe ouvrière" et "Bilan de la lutte des infirmières").
Aujourd'hui où LO participe activement et directement au renforcement des appareils syndicaux, cette organisation démontre qu'elle demeure un des fers de lance indispensables des manoeuvres de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Elle a bien sa place dans les rangs des ennemis de classe que le prolétariat devra démasquer et combattre à travers le développement de ses luttes.
"Révolution Internationale" n°255 Avril 1996