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Dans son numéro 479, daté de novembre 2005 à février 2006, Le Prolétaire consacre près de quatre pages aux émeutes de cet automne. Colonne après colonne, cette organisation apporte un soutien inconditionnel à la violence des jeunes banlieusards. Elle va même jusqu’à en faire un point de départ pour le combat de toute la classe ouvrière, un modèle à suivre. "La révolte des banlieues annonce la reprise de la lutte prolétarienne révolutionnaire ! " pouvait-on lire en gras et en majuscules dans son tract .
Pourtant, les étudiants qui sont entrés en lutte quatre mois plus tard ont emprunté un tout autre chemin. Pas de voitures brûlées par centaines. Pas d’écoles saccagées. Pas même de nuits entières à affronter les flics, caillasse à la main. Au désespoir et à la haine, à l’autodestruction et au "no future", ces enfants de la classe ouvrière ont préféré l’unité et la solidarité, l’auto-organisation et la construction de l’avenir.
En ne regardant que la chronologie des événements, il est facile de penser que la lutte contre le CPE succède logiquement aux émeutes, qu’elle en est une sorte de prolongement. D’ailleurs, il y a effectivement quelques points communs. Le premier, le plus visible, est l’implication de la jeunesse. Dans les deux cas, ce sont les enfants de la classe ouvrière qui sont descendus dans la rue. Ce qui induit le second point commun. La profondeur de la crise économique et la faillite du capitalisme rendent totalement insupportables les perspectives d’avenir. Les jeunes ne peuvent éprouver qu’une profonde angoisse et une véritable colère face au chômage, aux petits boulots sous-payés et autres galères qui les attendent. C’est pourquoi les émeutes aussi ont eu et ont encore une signification importante pour la classe ouvrière. Ces explosions de violences ont révélé l’état de pauvreté et de désespoir régnant dans les ghettos de béton. Le monde entier a pu découvrir que "même en France" les conditions de vie des ouvriers et de leurs enfants se dégradent et deviennent intolérables. Voici ce qu’il y a de commun entre les émeutes de banlieue et le mouvement des étudiants : l’inquiétude de la jeunesse pour l’avenir. l'horizon bouché, la perspective de lendemains toujours plus sombres.
Mais la ressemblance s’arrête là.
La bourgeoisie et ses médias aux ordres ont tout tenté pour pourrir le mouvement étudiant. Les journaux télévisés se sont répandus en images de violences. Lorsqu’un million de personnes manifestaient dans la rue, que des milliers d’étudiants s’organisaient en assemblées générales et discutaient dans les universités, le journal télévisé de 20 heures tournait quant à lui en boucle sur les scènes de déprédations et d'affrontements de quelques casseurs avec les CRS. Les images de la Sorbonne bloquée et de l’échelle jetée par la fenêtre sur les flics ont fait le tour du monde, et plusieurs fois ! Pire : en utilisant les méthodes les plus dégueulasses de la provocation et de l’infiltration, les forces de l’ordre ont essayé à maintes reprises de faire dégénérer les cortèges de manifestants. De nombreux témoins ont été frappés par l'évidence que les flics laissaient passer les bandes afin de créer une sensation de peur. Et il ne fait presque aucun doute que ces groupes qui arpentaient les trottoirs pour dépouiller les étudiants étaient excités, manipulés et même peut-être dirigés en partie par la police.
Ainsi, en saluant les méthodes émeutières de l’automne, en proférant de façon grandiloquente à la fin de son tract "Vive la révolte des jeunes prolétaires des banlieues contre la misère, le racisme et l’oppression ! Vive la perspective du prolétariat en lutte pour ses seuls intérêts de classe ! Vive la reprise de la lutte générale de classe y compris sur le terrain de la violence que la bourgeoisie utilise en permanence contre les prolétaires ! " et en qualifiant les actes désespérés des jeunes émeutiers de " violence prolétarienne des banlieues ", Le Prolétaire a participé involontairement au piège tendu par la bourgeoisie.
Mais la jeunesse étudiante n’a ni répondu aux provocations étatiques ni suivi la direction indiquée par le 'Parti Communiste International'. Au contraire, elle a rejeté les méthodes émeutières en organisant des services d’ordre pour se protéger des pillages, empêcher la casse et ne pas tomber dans les provocations des CRS, tout en avançant des mots d’ordre unitaires pour toute la jeunesse ouvrière, des banlieues ou d’ailleurs. Ces futurs prolétaires ont fait preuve d’une grande force. Ils ont défendu les valeurs de la classe ouvrière : celles de la solidarité, de la capacité à s’organiser et à lutter collectivement, de se battre pour soi et pour les autres. C’est donc leur niveau de conscience qui a permis aux étudiants de ne pas tomber dans le piège des émeutes. Ils ont compris que les affrontements aux CRS étaient totalement stériles, que la destruction pour la destruction était à bannir, que donc les méthodes émeutières constituaient une impasse. Mieux encore, les cortèges étudiants se sont organisés pour se protéger contre le dépouillage des bandes des banlieues. Et pourtant, malgré ou plutôt grâce à tout cela, ils ont exprimé un sentiment profond de solidarité vers les émeutiers. Régulièrement dans les AG, des interventions retentissaient du type : "en refusant le CPE, nous luttons autant pour nous que pour les plus démunis". La démonstration la plus éclatante est sans nul doute la revendication d’amnistie pour tous les jeunes condamnés durant l’automne chaud. Lors des manifestations, le contraste était saisissant entre les banderoles réclamant l’amnistie et des bandes de jeunes pillant sans vergogne portables et portefeuilles. Nous avons vu des étudiantes molestées pleurer en répétant inlassablement "c’est pourtant aussi pour eux qu’on se bat ! ".
La force du mouvement anti-CPE, la capacité des étudiants à porter dans la lutte un sentiment de solidarité a eu un résultat immédiat : celui d’embarquer dans ce combat la très grande majorité de la jeunesse des banlieues. Au fur et à mesure du développement de la lutte, les élèves des lycées des périphéries sont venus de plus en plus nombreux manifestations après manifestations, laissant à la marge, minoritaires, les racketteurs. Alors que les émeutes ne pouvaient entraîner qu’une partie des jeunes dans une hystérie de violence tandis que l’autre partie se cloîtrait apeurée, la lutte des étudiants, ses méthodes et ses buts, ont offert à la fois, une autre façon de se battre et une perspective.
Il ne faut pas croire que la violence est en soi à bannir et qu’elle fut bannie par les étudiants. Les blocages des facs par des équipes mandatées et organisées fut une forme embryonnaire de violence de classe. La violence prolétarienne sera nécessaire aux luttes révolutionnaires. Seulement cette violenc "accoucheuse d’un nouveau monde" ne peut pas prendre n’importe quelle forme. Elle doit tourner le dos au déchaînement de la fureur destructrice aveugle, à l'assouvissement de vengeances personnelles, aux actes de barbarie et au chaos. La violence prolétarienne est organisée, réfléchie, pensée collectivement et porteuse de l’unité et de la solidarité de la classe ouvrière . C’est l’une des grandes leçons de la grève de masse de 1905 ou de l’insurrection d’octobre 1917.
En faisant l’éloge de la violence autodestructrice, Le Prolétaire défend des positions dangereuses pour la classe ouvrière. Une telle position de la part d’une organisation authentiquement prolétarienne peut surprendre tant elle ressemble aux cris pseudo-radicaux des anarchistes du type "quand ça brûle, c’est bon signe ". Et cette organisation n’a même pas l’excuse d'être mal informée. Elle sait très bien ce qu’ont été concrètement les émeutes : "en quelques jours, la rage des jeunes sans travail, sans salaire, sans avenir s’est étendue à tout le pays ", "ils déversent aujourd’hui une partie de cette violence en détruisant tout ce qui leur tombe sous la main », ou encore "c’est une colère aveugle, une manifestation de ras-le-bol désespérée ." Et pourtant, elle défend cette rage, cette destruction, cet aveuglement et ce désespoir qui tournent le dos aux intérêts de la classe ouvrière. Pourquoi ?
La première raison, la moins honorable, est la volonté opportuniste de plaire. En criant "Vive la révolte des jeunes prolétaires des banlieues contre la misère, le racisme et l’oppression !" , elle essaye de se doter d’un vernis radical à peu de frais, d’apparaître en tant que révolutionnaires, comme des durs, des vrais. Le CCI qui a assumé ses responsabilités en soulignant l’impasse de ces violences aveugles est ainsi taxé de "social-pacifiste" par un Prolétaire qui, lui, soutien et apporte toute sa solidarité aux jeunes insurgés. Mais est-ce vraiment être solidaire que de saluer ces actes désespérés ? Est-ce vraiment être solidaire que d’enjoindre les ouvriers à participer à ces émeutes ? Evidemment non. Répétons-le, les étudiants en lutte contre le CPE ont apporté spontanément une solidarité bien plus véritable que ce 'Parti Communiste International '.
Au-delà du racolage, il y a aussi d’importantes faiblesses qui empêchent Le Prolétaire de comprendre quoi que ce soit à la lutte de classe. Manque de confiance dans le prolétariat, incompréhension de ce qu’est la violence de classe , ignorance totale du rôle de la conscience, voici les raisons profondes qui poussent en effet Le Prolétaire à soutenir des émeutes totalement stériles et même dangereuses. Pour le comprendre, il faut aller gratter ses analyses apparemment élaborées… en surface : "Si effectivement les ouvriers étaient déjà nombreux à se situer sur le terrain de classe, quitter ce terrain pour se livrer aux pillages serait une régression et un pas en arrière dans la lutte anti-capitaliste. Mais […] les ouvriers et plus généralement les prolétaires ne sont qu’en nombre infinitésimal sur le terrain de classe et sont au contraire très nombreux sur le terrain de la collaboration des classes" et donc "le fait qu’une partie de cette majorité commence à déserter ce terrain de la collaboration des classes, ne serait-ce que momentanément, sans avoir une conscience claire de leurs actes, sans perspective ni projet, est pour les communistes un signe d’une grande importance : le signe qu’un pas en avant vers le terrain de classe, vers la reprise de la lutte de classe, est en train de s’accomplir."
Si on résume tout ceci en une phrase, cela donne : "les émeutes, c’est mieux que rien ". En passant, on voit que ce ‘Parti Communiste International’ est totalement à côté de la dynamique actuelle de la classe ouvrière, de la montée depuis quelques années maintenant de sa combativité. Ne voyant pas la lutte qui se développe sous ses yeux, Le Prolétaire s’accroche à n’importe quoi.
Mais il y a beaucoup plus grave. Quelle image Le Prolétaire a du prolétariat et de son combat ? Comment une organisation révolutionnaire peut-elle croire que des émeutes, des violences sans but dont les premières victimes sont les ouvriers eux-mêmes, peuvent constituer "un pas en avant vers le terrain de classe, vers la reprise de la lutte de classe" ? Quels sont ces actes héroïques qui constituent une telle avancée pour le combat de la classe ouvrière ? Les affrontements stériles avec les flics, dont la seule motivation était la haine ? Les milliers de voitures d’ouvriers cramées ? Ou les bus et les écoles détruites, peut-être ?
Le désespoir transpirant à travers la violence autodestructrice des jeunes désœuvrés constitue un croche-patte à la classe ouvrière et absolument pas un quelconque pas en avant. Nous le répétons encore une fois : les violences urbaines distillent la peur de l’autre, divisent les ouvriers et leurs enfants, poussent vers la propagande sécuritaire et républicaine. Surtout, elles renforcent l'Etat bourgeois en permettant à la bourgeoisie de faire croire qu’en dehors de la démocratie, tout combat va vers le chaos et ne porte aucun avenir. Au final, les émeutes polluent la conscience de la classe ouvrière. Mais le PCI semble décidément ne porter que guère d’importance à cette histoire de conscience. La réflexion du prolétariat sur son avenir, sa capacité à se battre de façon unie et solidaire… A tout cela, Le Prolétaire préfère "les explosions de rage" , "les affrontements violents ", "la révolte élémentaire" . Après tout, n’est-ce pas LE Parti qui est détenteur de la conscience ? Ne suffit-il pas, pour la révolution victorieuse, d’un Parti infaillible et d’une classe ouvrière combative et déterminée, pleine de rage et de violence ? Eh bien non, camarades ! La force de la classe ouvrière, c’est au contraire le développement de la conscience des masses et de leur organisation. Ce sont ses armes politiques essentielles.
Entre les émeutes et le mouvement anti-CPE, les méthodes de lutte ont été radicalement différentes. La première ne pouvait entraîner que la destruction, la division et amoindrir la confiance de la classe ouvrière à se battre pour un avenir meilleur. Au contraire, la prise en main de la lutte par les étudiants, leur capacité à s’organiser en AG, à avancer des mots d’ordre porteurs de solidarité et d’unité permet au prolétariat de faire un grand pas. Bref, les émeutes regardaient vers le néant, les luttes étudiantes vers l’avenir. Jusqu’à présent, cette différence fondamentale entre les deux mouvements a totalement échappé au Prolétaire, à ce point que lors d’une permanence à Paris, ses militants se sont étonnés que le CCI soutienne les luttes étudiantes et se sont réjouis que notre organisation ait… changé de position depuis l’automne (sic !). Bref, devant la lutte de classe, Le Prolétaire est décidément comme une poule devant un couteau. Nous pouvons nous demander avec sérieux et gravité quel rôle sera amené à jouer Le Prolétaire au fur et à mesure du développement des luttes s’il continue ainsi à prôner la violence aveugle et destructrice ?
Pawel
Pourtant, les étudiants qui sont entrés en lutte quatre mois plus tard ont emprunté un tout autre chemin. Pas de voitures brûlées par centaines. Pas d’écoles saccagées. Pas même de nuits entières à affronter les flics, caillasse à la main. Au désespoir et à la haine, à l’autodestruction et au "no future", ces enfants de la classe ouvrière ont préféré l’unité et la solidarité, l’auto-organisation et la construction de l’avenir.
Quels sont les points communs entre le mouvement des étudiants et les émeutes de l’automne ?
En ne regardant que la chronologie des événements, il est facile de penser que la lutte contre le CPE succède logiquement aux émeutes, qu’elle en est une sorte de prolongement. D’ailleurs, il y a effectivement quelques points communs. Le premier, le plus visible, est l’implication de la jeunesse. Dans les deux cas, ce sont les enfants de la classe ouvrière qui sont descendus dans la rue. Ce qui induit le second point commun. La profondeur de la crise économique et la faillite du capitalisme rendent totalement insupportables les perspectives d’avenir. Les jeunes ne peuvent éprouver qu’une profonde angoisse et une véritable colère face au chômage, aux petits boulots sous-payés et autres galères qui les attendent. C’est pourquoi les émeutes aussi ont eu et ont encore une signification importante pour la classe ouvrière. Ces explosions de violences ont révélé l’état de pauvreté et de désespoir régnant dans les ghettos de béton. Le monde entier a pu découvrir que "même en France" les conditions de vie des ouvriers et de leurs enfants se dégradent et deviennent intolérables. Voici ce qu’il y a de commun entre les émeutes de banlieue et le mouvement des étudiants : l’inquiétude de la jeunesse pour l’avenir. l'horizon bouché, la perspective de lendemains toujours plus sombres.
Mais la ressemblance s’arrête là.
Pourquoi les étudiants ne sont pas tombés dans le piège de la stérilité de la lutte émeutière ?
La bourgeoisie et ses médias aux ordres ont tout tenté pour pourrir le mouvement étudiant. Les journaux télévisés se sont répandus en images de violences. Lorsqu’un million de personnes manifestaient dans la rue, que des milliers d’étudiants s’organisaient en assemblées générales et discutaient dans les universités, le journal télévisé de 20 heures tournait quant à lui en boucle sur les scènes de déprédations et d'affrontements de quelques casseurs avec les CRS. Les images de la Sorbonne bloquée et de l’échelle jetée par la fenêtre sur les flics ont fait le tour du monde, et plusieurs fois ! Pire : en utilisant les méthodes les plus dégueulasses de la provocation et de l’infiltration, les forces de l’ordre ont essayé à maintes reprises de faire dégénérer les cortèges de manifestants. De nombreux témoins ont été frappés par l'évidence que les flics laissaient passer les bandes afin de créer une sensation de peur. Et il ne fait presque aucun doute que ces groupes qui arpentaient les trottoirs pour dépouiller les étudiants étaient excités, manipulés et même peut-être dirigés en partie par la police.
Ainsi, en saluant les méthodes émeutières de l’automne, en proférant de façon grandiloquente à la fin de son tract "Vive la révolte des jeunes prolétaires des banlieues contre la misère, le racisme et l’oppression ! Vive la perspective du prolétariat en lutte pour ses seuls intérêts de classe ! Vive la reprise de la lutte générale de classe y compris sur le terrain de la violence que la bourgeoisie utilise en permanence contre les prolétaires ! " et en qualifiant les actes désespérés des jeunes émeutiers de " violence prolétarienne des banlieues ", Le Prolétaire a participé involontairement au piège tendu par la bourgeoisie.
Mais la jeunesse étudiante n’a ni répondu aux provocations étatiques ni suivi la direction indiquée par le 'Parti Communiste International'. Au contraire, elle a rejeté les méthodes émeutières en organisant des services d’ordre pour se protéger des pillages, empêcher la casse et ne pas tomber dans les provocations des CRS, tout en avançant des mots d’ordre unitaires pour toute la jeunesse ouvrière, des banlieues ou d’ailleurs. Ces futurs prolétaires ont fait preuve d’une grande force. Ils ont défendu les valeurs de la classe ouvrière : celles de la solidarité, de la capacité à s’organiser et à lutter collectivement, de se battre pour soi et pour les autres. C’est donc leur niveau de conscience qui a permis aux étudiants de ne pas tomber dans le piège des émeutes. Ils ont compris que les affrontements aux CRS étaient totalement stériles, que la destruction pour la destruction était à bannir, que donc les méthodes émeutières constituaient une impasse. Mieux encore, les cortèges étudiants se sont organisés pour se protéger contre le dépouillage des bandes des banlieues. Et pourtant, malgré ou plutôt grâce à tout cela, ils ont exprimé un sentiment profond de solidarité vers les émeutiers. Régulièrement dans les AG, des interventions retentissaient du type : "en refusant le CPE, nous luttons autant pour nous que pour les plus démunis". La démonstration la plus éclatante est sans nul doute la revendication d’amnistie pour tous les jeunes condamnés durant l’automne chaud. Lors des manifestations, le contraste était saisissant entre les banderoles réclamant l’amnistie et des bandes de jeunes pillant sans vergogne portables et portefeuilles. Nous avons vu des étudiantes molestées pleurer en répétant inlassablement "c’est pourtant aussi pour eux qu’on se bat ! ".
La force du mouvement anti-CPE, la capacité des étudiants à porter dans la lutte un sentiment de solidarité a eu un résultat immédiat : celui d’embarquer dans ce combat la très grande majorité de la jeunesse des banlieues. Au fur et à mesure du développement de la lutte, les élèves des lycées des périphéries sont venus de plus en plus nombreux manifestations après manifestations, laissant à la marge, minoritaires, les racketteurs. Alors que les émeutes ne pouvaient entraîner qu’une partie des jeunes dans une hystérie de violence tandis que l’autre partie se cloîtrait apeurée, la lutte des étudiants, ses méthodes et ses buts, ont offert à la fois, une autre façon de se battre et une perspective.
Il ne faut pas croire que la violence est en soi à bannir et qu’elle fut bannie par les étudiants. Les blocages des facs par des équipes mandatées et organisées fut une forme embryonnaire de violence de classe. La violence prolétarienne sera nécessaire aux luttes révolutionnaires. Seulement cette violenc "accoucheuse d’un nouveau monde" ne peut pas prendre n’importe quelle forme. Elle doit tourner le dos au déchaînement de la fureur destructrice aveugle, à l'assouvissement de vengeances personnelles, aux actes de barbarie et au chaos. La violence prolétarienne est organisée, réfléchie, pensée collectivement et porteuse de l’unité et de la solidarité de la classe ouvrière . C’est l’une des grandes leçons de la grève de masse de 1905 ou de l’insurrection d’octobre 1917.
Quel rôle peut jouer dans l’avenir ce Prolétaire qui fait l’éloge de la violence autodestructrice ?
En faisant l’éloge de la violence autodestructrice, Le Prolétaire défend des positions dangereuses pour la classe ouvrière. Une telle position de la part d’une organisation authentiquement prolétarienne peut surprendre tant elle ressemble aux cris pseudo-radicaux des anarchistes du type "quand ça brûle, c’est bon signe ". Et cette organisation n’a même pas l’excuse d'être mal informée. Elle sait très bien ce qu’ont été concrètement les émeutes : "en quelques jours, la rage des jeunes sans travail, sans salaire, sans avenir s’est étendue à tout le pays ", "ils déversent aujourd’hui une partie de cette violence en détruisant tout ce qui leur tombe sous la main », ou encore "c’est une colère aveugle, une manifestation de ras-le-bol désespérée ." Et pourtant, elle défend cette rage, cette destruction, cet aveuglement et ce désespoir qui tournent le dos aux intérêts de la classe ouvrière. Pourquoi ?
La première raison, la moins honorable, est la volonté opportuniste de plaire. En criant "Vive la révolte des jeunes prolétaires des banlieues contre la misère, le racisme et l’oppression !" , elle essaye de se doter d’un vernis radical à peu de frais, d’apparaître en tant que révolutionnaires, comme des durs, des vrais. Le CCI qui a assumé ses responsabilités en soulignant l’impasse de ces violences aveugles est ainsi taxé de "social-pacifiste" par un Prolétaire qui, lui, soutien et apporte toute sa solidarité aux jeunes insurgés. Mais est-ce vraiment être solidaire que de saluer ces actes désespérés ? Est-ce vraiment être solidaire que d’enjoindre les ouvriers à participer à ces émeutes ? Evidemment non. Répétons-le, les étudiants en lutte contre le CPE ont apporté spontanément une solidarité bien plus véritable que ce 'Parti Communiste International '.
Au-delà du racolage, il y a aussi d’importantes faiblesses qui empêchent Le Prolétaire de comprendre quoi que ce soit à la lutte de classe. Manque de confiance dans le prolétariat, incompréhension de ce qu’est la violence de classe , ignorance totale du rôle de la conscience, voici les raisons profondes qui poussent en effet Le Prolétaire à soutenir des émeutes totalement stériles et même dangereuses. Pour le comprendre, il faut aller gratter ses analyses apparemment élaborées… en surface : "Si effectivement les ouvriers étaient déjà nombreux à se situer sur le terrain de classe, quitter ce terrain pour se livrer aux pillages serait une régression et un pas en arrière dans la lutte anti-capitaliste. Mais […] les ouvriers et plus généralement les prolétaires ne sont qu’en nombre infinitésimal sur le terrain de classe et sont au contraire très nombreux sur le terrain de la collaboration des classes" et donc "le fait qu’une partie de cette majorité commence à déserter ce terrain de la collaboration des classes, ne serait-ce que momentanément, sans avoir une conscience claire de leurs actes, sans perspective ni projet, est pour les communistes un signe d’une grande importance : le signe qu’un pas en avant vers le terrain de classe, vers la reprise de la lutte de classe, est en train de s’accomplir."
Si on résume tout ceci en une phrase, cela donne : "les émeutes, c’est mieux que rien ". En passant, on voit que ce ‘Parti Communiste International’ est totalement à côté de la dynamique actuelle de la classe ouvrière, de la montée depuis quelques années maintenant de sa combativité. Ne voyant pas la lutte qui se développe sous ses yeux, Le Prolétaire s’accroche à n’importe quoi.
Mais il y a beaucoup plus grave. Quelle image Le Prolétaire a du prolétariat et de son combat ? Comment une organisation révolutionnaire peut-elle croire que des émeutes, des violences sans but dont les premières victimes sont les ouvriers eux-mêmes, peuvent constituer "un pas en avant vers le terrain de classe, vers la reprise de la lutte de classe" ? Quels sont ces actes héroïques qui constituent une telle avancée pour le combat de la classe ouvrière ? Les affrontements stériles avec les flics, dont la seule motivation était la haine ? Les milliers de voitures d’ouvriers cramées ? Ou les bus et les écoles détruites, peut-être ?
Le désespoir transpirant à travers la violence autodestructrice des jeunes désœuvrés constitue un croche-patte à la classe ouvrière et absolument pas un quelconque pas en avant. Nous le répétons encore une fois : les violences urbaines distillent la peur de l’autre, divisent les ouvriers et leurs enfants, poussent vers la propagande sécuritaire et républicaine. Surtout, elles renforcent l'Etat bourgeois en permettant à la bourgeoisie de faire croire qu’en dehors de la démocratie, tout combat va vers le chaos et ne porte aucun avenir. Au final, les émeutes polluent la conscience de la classe ouvrière. Mais le PCI semble décidément ne porter que guère d’importance à cette histoire de conscience. La réflexion du prolétariat sur son avenir, sa capacité à se battre de façon unie et solidaire… A tout cela, Le Prolétaire préfère "les explosions de rage" , "les affrontements violents ", "la révolte élémentaire" . Après tout, n’est-ce pas LE Parti qui est détenteur de la conscience ? Ne suffit-il pas, pour la révolution victorieuse, d’un Parti infaillible et d’une classe ouvrière combative et déterminée, pleine de rage et de violence ? Eh bien non, camarades ! La force de la classe ouvrière, c’est au contraire le développement de la conscience des masses et de leur organisation. Ce sont ses armes politiques essentielles.
Entre les émeutes et le mouvement anti-CPE, les méthodes de lutte ont été radicalement différentes. La première ne pouvait entraîner que la destruction, la division et amoindrir la confiance de la classe ouvrière à se battre pour un avenir meilleur. Au contraire, la prise en main de la lutte par les étudiants, leur capacité à s’organiser en AG, à avancer des mots d’ordre porteurs de solidarité et d’unité permet au prolétariat de faire un grand pas. Bref, les émeutes regardaient vers le néant, les luttes étudiantes vers l’avenir. Jusqu’à présent, cette différence fondamentale entre les deux mouvements a totalement échappé au Prolétaire, à ce point que lors d’une permanence à Paris, ses militants se sont étonnés que le CCI soutienne les luttes étudiantes et se sont réjouis que notre organisation ait… changé de position depuis l’automne (sic !). Bref, devant la lutte de classe, Le Prolétaire est décidément comme une poule devant un couteau. Nous pouvons nous demander avec sérieux et gravité quel rôle sera amené à jouer Le Prolétaire au fur et à mesure du développement des luttes s’il continue ainsi à prôner la violence aveugle et destructrice ?
Pawel