Soumis par Revue Internationale le
Alors même que les gouvernements de tous les pays s’acharnent à imposer des plans d’austérité de plus en plus violents, les mobilisations de 2011 - le mouvement des Indignés en Espagne, en Grèce, etc., et les occupations aux États-Unis et autres pays - se sont poursuivies durant le premier trimestre 2012. Les luttes se heurtent cependant à une puissante mobilisation syndicale qui parvient à entraver sérieusement le processus d’auto-organisation et d’unification commencé en 2011.
Comment s’affranchir de la tutelle syndicale? Comment retrouver et vivifier les tendances apparues en 2011? Quelles sont les perspectives? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter d’apporter quelques éléments de réponse.
Les manifestations massives
Nous commencerons par rappeler brièvement les luttes (cf. notre presse territoriale pour une chronique plus détaillée de chacune d’entre elles).
En Espagne, les coupes sociales brutales (dans l’éducation, la santé et les services de base) et l’adoption d’une "Réforme du travail", qui simplifie les procédures de licenciement et permet aux entreprises des baisses immédiates de salaire, ont provoqué de grandes manifestations, particulièrement à Valence, mais aussi à Madrid, Barcelone et Bilbao.
En février, la tentative de créer un climat de terreur policière dans la rue, en prenant comme têtes de Turcs les élèves de l’enseignement secondaire à Valence, a provoqué une série de manifestations massives où des étudiants et des travailleurs de toutes les générations sont descendus dans la rue pour lutter au coude à coude avec les lycéens. La vague de protestations s’est étendue dans tout le pays, générant des manifestations à Madrid, Barcelone, Saragosse, Séville, qui étaient bien souvent spontanées ou décidées au cours d’assemblées improvisées([1]).
En Grèce, une nouvelle grève générale en février a favorisé des manifestations massives dans tout le pays. Y ont participé les employés des secteurs public et privé, des jeunes et des vieux, des chômeurs; même des flics s’y sont joints. Les travailleurs de l’hôpital de Kilki ont occupé les locaux, appelé à la solidarité et à la participation de l’ensemble de la population, lançant un appel à la solidarité internationale([2]).
Au Mexique, le gouvernement a concentré le gros de ses attaques contre les travailleurs de l’enseignement, en attendant de les généraliser vers d’autres secteurs, dans un contexte de dégradation générale des conditions de vie dans un pays dont on dit par ailleurs qu’il est "blindé contre la crise". Malgré l’encadrement syndical extrêmement fort, les enseignants ont massivement manifesté dans le centre de Mexico([3]).
En Italie ont éclaté en janvier plusieurs luttes contre l’avalanche de licenciements et les mesures adoptées par le nouveau gouvernement: chez les cheminots, dans des entreprises comme Jabil ex-Nokia, Esselunga di Pioltello à Milan; FIAT à Termini Imerese, Cerámica Ricchetti à Mordado/Bologna; à la raffinerie de Trapani; chez les chercheurs précaires de l’hôpital Gasliani de Gênes, etc.; et, aussi, parmi des secteurs proches du prolétariat comme les camionneurs, les conducteurs de taxis, les bergers, pêcheurs, paysans… Cela dit, ces mouvements ont été très dispersés. Une tentative de coordination dans la région milanaise a échoué, restée prisonnière de sa vision syndicaliste([4]).
En Inde, que l’on considère communément avec la Chine comme "l’avenir du capitalisme", a éclaté une grève générale le 28 février, convoquée par plus de cent syndicats représentant 100 millions de travailleurs à travers tout le pays (mais qui n'ont pas tous été appelés à faire grève par leur syndicat, loin de là). Cette mobilisation a été saluée comme étant l’une des grèves les plus massives du monde à ce jour. Cependant elle a surtout été une journée de démobilisation, une façon de "lâcher la vapeur", en réponse à une vague croissante de luttes depuis 2010, dont le fer de lance a été celle des travailleurs de l’automobile (Honda, Maruti-Suzuki, Hyundai Motors). Ainsi, récemment, entre juin et octobre 2011, toujours dans les usines de production d’automobiles, les travailleurs avaient agi de leur propre initiative et n’avaient pas attendu les consignes syndicales pour se mobiliser, manifestant de fortes tendances à la solidarité et une volonté d’extension de la lutte à d’autres usines. Ils avaient aussi exprimé des tendances à l’auto-organisation et à la mise en place d’assemblées générales, comme lors des grèves à Maruti-Suzuki à Manesar, une ville nouvelle dont le développement est lié au boom industriel dans la région de Delhi. Au cours de cette lutte, les ouvriers ont occupé l’usine contre l’avis de “leur” syndicat. La colère ouvrière gronde, c’est pourquoi les syndicats se sont tous mis d’accord sur l’appel commun à la grève… pour faire face, unis, à… la classe ouvrière!([5]).
2011 et 2012: une seule et même lutte
Les jeunes, chômeurs et précaires ont été la force motrice des actions des Indignés et des Occupy en 2011, même si celles-ci ont mobilisé des travailleurs de tous âges. La lutte tendait alors à s’organiser autour d’assemblées générales, ce qui s’accompagnait d’une critique des syndicats, et n’avançait pas de revendications concrètes, se centrant sur l’expression de l’indignation et la recherche d’explications sur la situation.
En 2012, les premières luttes de riposte aux attaques des États se présentent sous une forme différente: leur fer de lance est constitué à présent par les travailleurs "installés" de 40-50 ans du secteur public, fortement soutenus par les "usagers" (pères de famille, parents des malades, etc.) et auxquels se joignent les chômeurs et la jeunesse. Les luttes se polarisent sur des revendications concrètes et la tutelle syndicale y est très présente.
Il semblerait alors qu’il s’agit de luttes "différentes" sinon "opposées", comme s’efforcent de nous le faire croire les différents medias. Les premières seraient "radicales", "politiques", animées par des "idéalistes n’ayant rien à perdre"; les secondes, par contre, seraient le fait de pères de familles imprégnés de conscience syndicaliste et qui ne veulent pas perdre "les privilèges acquis".
Une telle caractérisation de ces "deux types de luttes", qui occulte leurs tendances sociales communes profondes, a comme objectif politique de diviser et d’opposer deux ripostes nées du prolétariat, fruits de la maturation de sa conscience et exprimant un début de réponse à la crise, et qui doivent s’unir dans la perspective des luttes massives. Il s’agit réellement de deux pièces d’un puzzle qui doivent s’emboîter.
Cela ne sera cependant pas facile. La lutte où les travailleurs prennent une part de plus en plus active et consciente, en particulier dans les secteurs les plus avancés du prolétariat, devient une nécessité et sa première condition est un regard lucide sur toutes les faiblesses qui touchent le mouvement ouvrier.
Les mystifications
L’une d’elles est le nationalisme, qui affecte particulièrement la Grèce. Là, la colère provoquée par l’austérité insupportable est canalisée "contre le peuple allemand", dont la prétendue "opulence"([6]) serait à l’origine des malheurs du "peuple grec". Ce nationalisme est utilisé pour proposer des "solutions" à la crise basées sur "la récupération de la souveraineté économique nationale", vision autarcique que se partagent les staliniens et les néofascistes([7]).
La prétendue rivalité entre Droite et Gauche est une autre des mystifications avec lesquelles l’État essaie d’affaiblir la classe ouvrière. Nous pouvons particulièrement le voir en Italie et en Espagne. En Italie, l’éviction de Berlusconi, personnage particulièrement répugnant, a permis à la Gauche de créer une "euphorie artificielle" - "Nous sommes enfin libérés!" - qui a fortement joué dans la dispersion des ripostes ouvrières que nous avions pu voir au début des plans d’austérité imposés par le Gouvernement "technique" de Monti([8]). En Espagne, l’autoritarisme et la brutalité de la répression qui caractérisent traditionnellement la Droite ont permis aux syndicats et aux partis de gauche d’attribuer la responsabilité des attaques à la "méchanceté" et à la vénalité de la droite et de détourner le mécontentement vers la "défense de l’État social et démocratique". En ce sens, il existe une convergence des mystifications de ces forces traditionnelles de l'encadrement de la classe ouvrière que sont les syndicats et les partis de gauche et avec celles plus récemment déployées par la bourgeoisie pour faire face au mouvement des indignés, en particulier DRY ("Democracia Real Ya !" - "La démocratie réelle, tout de suite"). Comme nous l'avons mis en évidence, "la stratégie de la DRY, au service de l’État démocratique de la bourgeoisie, consiste dans le fait de mettre en avant un mouvement citoyen de réformes démocratiques, pour essayer d’éviter que ne surgisse un mouvement social de lutte contre l’État démocratique, contre le capitalisme".[9]
Le barrage syndical
En 2011, la bourgeoisie en Espagne a été surprise par le mouvement des Indignés, qui est parvenu, paradoxalement, à développer assez librement les méthodes classiques de la lutte ouvrière: les assemblées massives, les manifestations non encadrées, les débats de masse, etc.([10]) du fait même qu’il s’est mobilisé non sur le terrain des entreprises mais dans la rue et que les jeunes et les précaires qui en constituaient la force motrice étaient fondamentalement méfiants envers toute institution "reconnue" telle que les syndicats.
Aujourd’hui, la mise en place de plans d’austérité est à l’ordre du jour de tous les États, particulièrement en Europe, provoquant un fort mécontentement et une combativité croissante. Ces États ne veulent pas se laisser surprendre et, à cette fin, ils accompagnent les attaques de tout un dispositif politique qui rend plus difficile l’émergence de cette lutte unie, auto-organisée et massive des travailleurs qui pousserait plus loin les tendances apparues en 2011.
Les syndicats sont le fer de lance de ce dispositif. Leur rôle est d’occuper tout le terrain social en proposant des mobilisations qui créent un labyrinthe où toutes les initiatives, l’effort, la combativité et l’indignation de masses croissantes de travailleurs ne peuvent s’exprimer ou pataugent dans un terrain miné par la division.
Nous voyons clairement cela dans l’une des armes de prédilection des syndicats: la grève générale. Dans les mains des syndicats, de telles mobilisations sans lendemain, qui rassemblent souvent un nombre important d'ouvriers, coupent la classe ouvrière de toute possibilité de prendre en charge sa lutte en vue d'en faire un instrument d'une riposte massive aux attaques de la bourgeoisie. En Grèce ont été convoquées pas moins de seize grèves générales en trois ans! Il y en a déjà eu trois au Portugal, une autre se prépare en Italie, une grève – limitée au secteur de l'enseignement! - est annoncée en Grande-Bretagne, nous avons déjà parlé de la grève en Inde fin février et, en Espagne, suite à la grève générale de septembre 2010, une autre est annoncée pour le 29 mars.
La multitude de grèves générales convoquées par les syndicats est bien sûr un indice de la pression exercée par les travailleurs, de leur mécontentement et de leur combativité. Mais, pour autant, la grève générale n’est pas un pas en avant sinon une façon de "lâcher la vapeur" face au mécontentement social([11]).
Le Manifeste communiste rappelle que "Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs"; le principal acquis d’une grève se trouve dans l’unité, la conscience, la capacité d’initiative et d’organisation, la solidarité qui s'y manifestent, les liens actifs qu’elle permet de nouer.
Et ce sont ces acquis que précisément les convocations à la grève générale et les méthodes syndicales de lutte affaiblissent et dénaturent.
Les leaders syndicaux annoncent la grève générale et, dans un grand barouf médiatique de presse et de télévision, lancent de grandes proclamations invoquant "l’unité" mais, sur les lieux de travail, la "préparation" de la grève générale constitue en fait une immense manœuvre de division, d’affrontement et d’atomisation.
La participation à la grève générale est présentée comme relevant de la décision personnelle de chaque travailleur. Dans beaucoup d’entreprises, ce sont même les cadres de l’entreprise ou de l’administration publique qui les interrogent individuellement sur leur participation éventuelle, avec tout ce que cela suppose de chantage et d’intimidation. Voilà ce qu’il en est du droit de grève, "citoyen" et "constitutionnel"!
Cette manœuvre reproduit fidèlement le schéma mensonger de l’idéologie dominante selon laquelle chaque individu est autonome et indépendant, devant décider "en son âme et conscience" ce qu’il doit faire. La grève serait un autre de ces mille dilemmes angoissants que la vie nous impose dans cette société et auxquels nous devons répondre seuls dans le plus grand des désarrois: dois-je accepter ce travail? Dois-je profiter de telle occasion? Dois-je acheter tel objet? Pour qui vais-je voter? Est-ce que je vais faire grève? De ces dilemmes, nous sortons avec le sentiment d’être encore plus aliénés; c’est le monde de la concurrence, de la lutte de tous contre tous, du chacun pour soi, c'est-à-dire la quintessence de cette société.
Les jours qui précèdent la grève générale voient proliférer les scènes de conflits et de tensions entre travailleurs. Chacun s’affronte à d’angoissantes questions: vais-je faire grève sachant qu’elle ne donnera rien? Est-ce que je laisse tomber mes camarades qui font grève? Puis-je me payer le luxe de perdre un jour de salaire? De perdre mon emploi? Chacun se voit pris entre deux feux: d’un côté les syndicalistes qui culpabilisent celui qui n’y participe pas, de l’autre les chefaillons qui profèrent toutes sortes de menaces. C’est un véritable cauchemar d’affrontements, de divisions et de tensions entre travailleurs, exacerbé par la question du "service minimum" qui est une nouvelle source de conflits([12]).
Le monde capitaliste fonctionne comme une addition de millions de "libres décisions individuelles". En réalité, aucune de ces décisions n’est libre mais est esclave d’un complexe réseau de rapports aliénants: de l’infrastructure des rapports de production - la marchandise et le travail salarié - jusqu’à l’immense structure des rapports juridiques, militaires, idéologiques, religieux, politiques, policiers…
Marx disait que "la véritable richesse intellectuelle de l'individu dépend entièrement de la richesse de ses rapports réels"[13], ces derniers étant le pilier de la lutte prolétarienne et de la force sociale qui, seule, pourra détruire le capitalisme, alors que les convocations syndicales dissolvent les rapports sociaux et enferment les prolétaires dans l’isolement, l’enfermement corporatif, suppriment les conditions qui leur permettent de décider consciemment, le corps collectif des travailleurs en lutte.
C’est la capacité des travailleurs à discuter collectivement du pour et du contre d’une action qui leur donne leur force, car c’est dans ce cadre qu’ils peuvent examiner les arguments, les initiatives, les éclaircissements, prendre en compte les doutes, les désaccords, les sentiments, les réserves de chacun, dans ce cadre qu’ils peuvent prendre des décisions communes. C’est là la façon de réaliser une lutte où s’intègre le maximum de prolétaires avec leurs responsabilités et leurs convictions.
C’est précisément tout cela qui est jeté à la poubelle par les pratiques syndicales qui poussent à "oublier les parlottes" et les "sentimentalismes" au nom de la prétendue "force que donne le blocage de la production ou des services dans lesquels on travaille". La classe ouvrière tire sa force de la place centrale qu’elle occupe dans la production, du fait qu'elle produit la quasi-totalité des richesses que la bourgeoisie s’approprie. Ainsi, par la grève, les ouvriers sont potentiellement capables de bloquer toute la production et de paralyser l’économie. Mais, dans la réalité, l'arme du "blocage tout de suite" est souvent utilisée par les syndicats comme un moyen pour détourner les ouvriers de leur première priorité, développer la lutte à travers sa prise en charge et son extension[14]. Par ailleurs, dans la période de décadence du capitalisme, et de surcroît dans les périodes de crise comme celle que nous vivons, c’est le système capitaliste lui-même, avec son fonctionnement chaotique et contradictoire, qui se charge de paralyser la production et les services sociaux. Un blocage de la production - et d’autant plus de 24 heures! - est mis à profit par les capitalistes pour éliminer des stocks. En ce qui concerne les services, comme l’enseignement par exemple, la santé ou les transports publics, ce blocage est mis à profit par l’État pour faire s’affronter les travailleurs "usagers" à leurs camarades en grève!
Le combat pour une lutte unitaire et massive
Pendant les mouvements de 2011, des masses d’exploités avaient pu agir selon leurs propres initiatives et leurs aspirations les plus profondes, s’exprimer selon les méthodes classiques de la lutte ouvrière, héritées des révolutions russes de 1905 et de 1917, de Mai 68, etc. L’imposition actuelle de la tutelle syndicale rend plus difficile cette "expression libre" mais, cependant, celle-ci suit son cours. Contre la tutelle syndicale, commencent à surgir des initiatives ouvrières: en Espagne par exemple, nous en avons vu plusieurs expressions. Lors de la manifestation du 29 mars, à Barcelone, Castellón, Alicante, Valence, Madrid, des grévistes portaient leurs propres banderoles, formaient des piquets pour expliquer leur mobilisation, réclamaient le droit à la parole lors des meetings syndicaux, tenaient des assemblées alternatives… Il est significatif que ces initiatives s’inscrivent dans le même sens que celles qui se sont développées lors des événements en France en 2010 contre la réforme des retraites([15]).
Il s’agit de livrer le combat sur ce terrain piégé qui nous est imposé pour ouvrir la voie à l’authentique lutte prolétarienne. La tutelle des syndicats semble insurmontable mais les conditions murissent dans le sens de son usure croissante et, en conséquence, dans le sens du renforcement de la capacité d’autonomie du prolétariat.
La crise, qui dure depuis déjà cinq ans et menace de nouvelles convulsions, dissipe peu à peu les illusions sur une possible "sortie du tunnel", et révèle à son tour une préoccupation profonde quant au futur. La faillite croissante du système social devient de plus en plus évidente, avec tout ce que cela implique quant au mode de vie, aux rapports humains, à la pensée, à la culture… Alors que pendant la période où la crise n'était pas aussi aigüe, les travailleurs semblaient pouvoir suivre un chemin tout tracé à leur intention, malgré les souffrances souvent terribles qui accompagnent l’exploitation salariée, cette voie disparaît progressivement. Et cette dynamique est aujourd’hui mondiale.
La tendance qui s’est déjà exprimée en 2011 avec le mouvement des Indignés et des Occupy([16]) à prendre massivement la rue et les places est un autre puissant levier du mouvement. Dans la vie courante du capitalisme, la rue est un espace d’aliénation: embouteillages, foules solitaires qui achètent, vendent, gèrent, font des affaires… Que les masses s’emparent de la rue pour en faire "un autre usage" - des assemblées, des discussions massives, des manifestations - peut faire de celle-ci un espace de libération. Ceci permet aux travailleurs de commencer à entrevoir la force sociale qu’ils sont capables de constituer s’ils apprennent à agir de façon collective et autonome. Ils sèment pour l’avenir les premières graines de ce qui pourrait être le "gouvernement direct des masses" à travers lequel celles-ci s’éduqueront, se libèreront de tous les haillons que la société leur a collés au corps et trouveront la force pour détruire la domination capitaliste et construire une autre société.
Une autre des forces qui pousse le mouvement vers le futur se trouve dans la convergence de toutes les générations ouvrières dans la lutte. Ce phénomène s’est déjà vu il y a peu dans des luttes comme celle contre le CPE en France (2006)([17]) ou dans les révoltes de la jeunesse en Grèce (2008)([18]). La capacité de converger en une action commune de toutes les générations ouvrières est une condition indispensable pour mener à bien une lutte révolutionnaire. Lors de la Révolution russe de 1917, se côtoyaient dans le mouvement les prolétaires de tous âges, des enfants hissés sur les épaules des frères ou des pères jusqu’aux vieillards chenus.
Il s’agit d’un ensemble de facteurs qui ne va développer sa puissance ni immédiatement, ni facilement. De durs combats, animés par l’intervention persévérante des organisations révolutionnaires, ponctués de défaites souvent amères et de moments difficiles de confusion et de paralysie temporaire, seront encore nécessaires pour permettre la pleine éclosion de cette puissance. L’arme de la critique, une critique ferme des erreurs et des insuffisances, sera fondamentale pour aller de l’avant.
"Les révolutions prolétariennes, par contre, comme celles du XIXe siècle, se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer à nouveau, raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et de se redresser à nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts, jusqu'à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes crient: Hic Rhodus, hic salta ! C'est ici qu'est la rose, c'est ici qu'il faut danser!"([19]).
C.Mir (27-3-12)
[1] Cf. en espagnol Por un movimiento unitario contra recortes y reforma laboral (voir https://es.internationalism.org/node/3323); Ante la escalada represiva en Valencia (voir https://es.internationalism.org/node/3324).
[3] Cf. en espagnol "Nuestra intervención en las movilizaciones del magisterio en México".
[4] Cf. en italien https://it.internationalism.org/node/1147
[5] Cf. Journée de manifestation en Inde: grève générale ou pare-feu syndical; https://fr.internationalism.org/ri431/journee_de_manifestation_en_inde_g...
[6] Oubliant délibérément les 7 millions de “mini-jobs” (rémunérés à 400 euros mensuels) que supporte la classe ouvrière en Allemagne.
[7] Une minorité de travailleurs en Grèce prend conscience de ce danger, c’est ainsi que les travailleurs de l’hôpital occupé de Kilkis lancent un appel à la solidarité internationale, tout comme les étudiants et professeurs de la faculté de droit occupée d’Athènes.
[8] Qui n’est même pas passé par la mascarade électorale!
[9] Lire notre article, "Le mouvement citoyen "Democracia Real Ya!": une dictature sur les assemblées massives"; /content/4693/mouvement-citoyen-democracia-real-ya-dictature-assemblees-massives.
[10] La bourgeoisie n’avait pas réellement laissé le champ libre au mouvement, elle avait utilisé contre lui des forces "nouvelles" mais inexpérimentées, comme DRY. Cf. "Le mouvement citoyen "Democracia Real Ya!": une dictature sur les assemblées massives".
[11] Si l’on en croit “l’inquiétude” ou “la colère” des grands chefs d’entreprise ou des dirigeants politiques, la grève générale semble grandement les inquiéter et évoquerait quelque chose comme une "révolution". Mais l’histoire a largement démontré que tout ce battage n’est que pure comédie, au-delà de ce que tel ou tel personnage de la classe dominante croit réellement.
[12] Rappelons ce que nous disions dans l’article "Rapport sur la lutte de classe" publié dans la Revue internationale no 117 (2004): "En 1921, pendant l'Action de mars en Allemagne, les scènes tragiques des chômeurs essayant d'empêcher les ouvriers de rentrer dans les usines étaient une expression de désespoir face au reflux de la vague révolutionnaire. Les récents appels des gauchistes français à empêcher les élèves de passer leurs examens [pendant le mouvement du printemps 2003 en France], le spectacle des syndicalistes ouest-allemands voulant empêcher les métallos est-allemands -qui ne voulaient plus faire une grève longue pour les 35 heures- de reprendre le travail [pendant la grève des métallos en Allemagne en 2003] sont des attaques dangereuses contre l'idée même de classe ouvrière et de solidarité. Elles sont d'autant plus dangereuses qu'elles alimentent l'impatience, l'immédiatisme et l'activisme décervelé que produit la décomposition. Nous sommes avertis: si les luttes à venir sont potentiellement un creuset pour la conscience, la bourgeoisie fait tout pour les transformer en tombeau de la réflexion prolétarienne" (https://fr.internationalism.org/rinte117/ldc.htm).
[13] L’idéologie allemande, I "Feuerbach".
[14] Lire à ce propos notre article en deux parties, "Bilan du blocage des raffineries", écrit à propos du blocage des raffineries dans la lutte contre la réforme des retraites en France en 2010: https://fr.internationalism.org/ri418/bilan_du_blocage_des_raffineries_1ere_partie.html et https://fr.internationalism.org/ri420/bilan_du_blocage_des_raffineries.html.
[15] Cf. Revue internationale no 144, “Mobilisation sur les retraites en France, riposte étudiante en Grande-Bretagne, révolte ouvrière en Tunisie”, https://fr.internationalism.org/node/4524. De fait, ces luttes de 2010 ont préparé politiquement et dans la pratique le terrain pour l’évolution de la conscience de classe en 2011.
[16] Pour un bilan de ces mouvements, voir “De l’indignation à l’espoir", https://fr.internationalism.org/icconlinz/2012/2011_de_l_indignation_a_l...
[17] Cf. “Thèses sur le mouvement des étudiants”, Revue internationale no 125, https://fr.internationalism.org/rint125/france-etudiants
[18] Cf. “Les révoltes de la jeunesse en Grèce confirment le développement de la lutte de classe", Revue internationale no 136, https://fr.internationalism.org/rint136/les_revoltes_de_la_jeunesse_en_g...
[19] Marx, Le 18 de Brumaire de Louis Bonaparte, https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm.