Soumis par Internationalisme le
1. Cette "gauche socialiste "appelle tout d'abord les travailleurs à se mobiliser contre "l'arrogance des multinationales" et les "superprofits" de certains riches actionnaires : "Volkswagen supprime 4.000 emplois en Belgique et 20.000 en Allemagne. Pourtant, le groupe et ses actionnaires croulent sous l'argent" ; "Si des milliers de familles vivent dans l'angoisse aujourd'hui en Belgique, c'est notamment pour enrichir un peu plus la famille Porsche, 5e fortune allemande avec 5,1 milliards d'euros" (Solidaire/ PTB, 29/11). Comme si les entreprises belges ne rationalisent et ne délocalisent pas ! Comme si le fondement de la spirale de destruction économique et guerrière qui entraîne le monde aujourd'hui était les superprofits de quelques familles richissimes ! A travers de telles argumentations ces organisations occultent en réalité les véritables causes de la catastrophe qui touche notre monde. Le problème n'est pas l'avidité de quelques grigous mais la crise mortelle qui touche les fondements mêmes du mode de production capitaliste et révèle que celui-ci est historiquement dépassé. Ce que les licenciements massifs comme chez VW soulignent tragiquement, c'est précisément l'effondrement inexorable de ce système économique décadent dont la longue agonie va de pair avec une succession ininterrompue de catastrophes économiques et de massacres guerriers.
En mettant tout particulièrement en accusation les multinationales et les "grosses fortunes", ces groupes "gauchistes" instillent par la même occasion l'idée que la classe ouvrière doit presser l'Etat national d'agir en tant qu'allié potentiel des travailleurs : ainsi, à propos de VW, ils affirment que "si la multinationale ne revient pas sur sa décision, le gouvernement doit exiger le remboursement des avantages fiscaux accordés. Voire saisir le capital d'un milliard d'euros de son centre de coordination" (Solidaire 29/11). Cet Etat capitaliste qui impose l'austérité, réprime les luttes et attaque en permanence les conditions de vie de la classe ouvrière, celui qui licencie à la SNCB et à la poste, est donc présenté comme l'allié dont la classe ouvrière devrait attendre le salut !
2. Cette même "gauche socialiste" avance comme perspective le combat pour l'aménagement des conditions de travail et de vie au sein du système. Ainsi, le PTB appelle-t-il les ouvriers de VW à lutter pour l'imposition d'une nouvelle organisation de la production : "imposer une nouvelle répartition de la production dans le groupe", "une redistribution équitable des modèles et de la production sur les différents sites européens" (tract "touche pas à mon job"/ PTB). En d'autres mots, faire pression sur les patrons pour une "répartition plus équitable' de l'austérité, voire demander aux ouvriers d'autres pays d'accepter plus d'austérité "par solidarité" !!
D'autres semblent avancer des perspectives plus "radicales" : ils insistent sur la pression que la lutte doit exercer sur "les pouvoirs publics' afin de mettre en place une gestion de l'économie et de la reconversion pour le bien des travailleurs : "Des pouvoirs publics vraiment au service des intérêts des travailleurs prendraient en mains le site de Forest, maintiendraient tous les emplois et y réorienteraient la production sur base d'un débat de société sur la mobilité" (tract du MAS) ; "une politique qui renforce le contrôle des travailleurs et de leurs représentants dans les entreprises, afin que de vraies alternatives puissent être mises en avant. (...) reconversion de la production, sous contrôle des syndicats et des travailleurs" (tract du "Comité Autre Politique").
L'ensemble de ces propositions contiennent le même leitmotiv : les actions doivent exercer une pression en vue d'aménager le système, d'introduire des réformes en faveur des travailleurs. L'idée naturellement sous-jacente est que travailleurs et capitalistes sont fondamentalement dans le même bateau et qu'une pression suffisante sur les "riches" doit permettre de trouver un meilleur équilibre social et écologique. Avec de telles orientations, les "gauchistes" escamotent la crise historique du capitalisme et les vrais enjeux qui en découlent : la politique d'austérité des 30 dernières années tout comme la misère, les massacres guerriers et le chaos au niveau mondial ne sont pas le produit de la mauvaise volonté de 'riches actionnaires" mais d'un système économique et politique à la dérive. Il ne s'agit donc plus de réformer le capitalisme mais de le détruire avant qu'il ne détruise l'humanité. Car, pour sauvegarder ses privilèges, la bourgeoisie n'hésite pas à plonger la classe ouvrière dans la misère la plus noire, à l'utiliser comme chair à canon et à plonger l ‘humanité dans la pire barbarie.
3. Derrière leur langage radical, PTB, POS et MAS appellent fondamentalement à se battre pour renforcer l'Etat démocratique, qui serait un barrage protégeant les travailleurs contre les excès de la "logique néo-libérale". La classe ouvrière devrait défendre la "dimension sociale" de l'Etat démocratique contre les dérives néo-libérales et la pression sur les "instances publiques' permettrait de garantir ou de rétablir des conditions sociales acceptables et de réduire l'impact des restructurations : "diminution du temps de travail sans perte salariale dans les différentes usines du groupe" ; "Prépension à 55 ans pour tous" (tract "touche pas à mon job"/ PTB) ; "Le pacte de solidarité doit être ramené" (tract du mouvement syndicaliste de base 15DeBe/ Mo15De). Que cette défense de l'Etat démocratique soit posée au niveau belge ou même au niveau d'une "politique européenne qui limite le pouvoir des actionnaires et arrête la compétition entre -générations et entre pays" (tract du "Comité Autre Politique", mouvement pour une nouvelle gauche socialiste), l'image d'un Etat social protégeant le travailleur dans le cadre de la démocratie est de toute façon un leurre. Effectivement, ce sont bien les Etats capitalistes et leurs gouvernements qui, à coup de plans d'austérité et de pactes pour l'emploi, la compétitivité et les générations, augmentent la flexibilité et réduisent les conditions de vie de la classe ouvrière.
Non seulement, l'Etat démocratique serait censé protéger le travailleur ; il permettrait carrément, grâce à un "véritable plan de reconversion", d'accompagner une reconversion vers une société respectueuse de l'homme et de la nature : "La défense de l'emploi des travailleurs de ce secteur implique donc, à terme, sa reconversion dans la production de biens socialement utiles et écologiquement supportables. L'usine de Forest pourrait, par exemple, se consacrer à la production des véhicules de transport en commun et du matériel devant équiper le RER bruxellois ou lancer une initiative publique de production d'un véhicule sûr et écologique " (tract du POS). Cette proposition, au delà même de son caractère chimérique, illustre une fois de plus le caractère mystificateur et suicidaire de la perspective présentée par ces groupes aux travailleurs.
Bref, l'argumentation des groupes "gauchistes" vise à imposer l'idée que l'Etat, au lieu de se mettre au service des patrons, pourrait défendre les ouvriers, qu'il pourrait être un Etat-protecteur des salariés et non plus "au service du patronat". Rien n'est plus faux. Dans le capitalisme décadent, c'est en vérité l'Etat qui coordonne toutes les attaques de la bourgeoisie, c'est lui qui mène les attaques les plus générales qui touchent l'ensemble de la classe ouvrière : sur les retraites, sur la Sécurité sociale, contre les chômeurs. C'est lui qui décide quels secteurs économiques doivent être "restructurés". C'est l'Etat-patron qui donne l'exemple de la brutalité des attaques en réduisant massivement le nombre des ses fonctionnaires et en bloquant leurs salaires depuis des années. L'Etat ne peut être que le défenseur par excellence des intérêts de la classe bourgeoise et assurer en toutes circonstances la défense des intérêts du capital national contre la classe ouvrière.
4. Quant à l'organisation de la lutte, PTB, POS et MAS exhortent les travailleurs à faire pression sur "leurs" organisations syndicales et "leurs" délégués pour organiser le combat. Et ceci alors que les syndicats ont étouffé dès le début toute mobilisation ouvrière en renvoyant les ouvriers chez eux, ont enrayé toute velléité d'extension vers d'autres usines. Et, au moment même où ces saboteurs professionnels mettaient en place les conditions permettant de présenter la manif de solidarité comme une expression d'impuissance (cf. article ci-dessus), le MAS faisait hypocritement mousser parmi les travailleurs les illusions sur les syndicats : "Pourquoi ne pas mettre à profit le succès de cette manifestation pour annoncer une grève générale de 24 heures contre les innombrables restructurations" (tract du MAS).
Les syndicats n'en sont pas à leur coup d'essai : rappelons-nous simplement le "pacte de solidarité " il y a un an. "Mesures inacceptables" claironnait la FGTB en octobre ; mais malgré un ras-le-bol profond au sein de la classe ouvrière qui s'était en particulier exprimé par le rassemblement de 100.000 travailleurs à Bruxelles lors de la manif syndicale nationale le 28 octobre, cette même organisation annonçait sans sourciller en décembre : "suspension des actions et recherche d'autres moyens de pression plus ciblés (sic)" et le parlement d'adopter sans opposition en décembre le "pacte de solidarité" et le financement alternatif de la sécurité sociale. Comme l'agression contre les ouvriers de VW l'a démontré une fois de plus, laisser la défense des intérêts des travailleurs entre les mains des syndicats est la meilleure garantie pour une défaite totale. Depuis maintenant près de cent ans, les organisations syndicales ne défendent plus les intérêts des travailleurs mais sont les gardes-chiourme de la bourgeoisie dans l'usine. Et les groupes "gauchistes', par leur soutien critique à ces organisations, garantissent leur crédibilité en ramenant les travailleurs qui se posent des questions dans le giron syndical.
Ce positionnement des organisations "gauchistes" comme le PTB, le POS et le MAS n'est nullement ponctuel. Derrière un discours radical qui leur permet d'attirer les éléments déçus par le sabotage constant de la lutte par les syndicats et par la participation ouverte de la gauche traditionnelle à la politique d'austérité et de restructuration, les perspectives de combat et d'organisation qu'avancent ces groupes placent la lutte dans un cadre suicidaire qui ne peut mener qu'au découragement et orientent la solidarité vers des perspectives pourries qui conduisent à la résignation et l'acceptation des attaques. La radicalité apparente de leurs positions est donc un leurre visant à détourner les éléments en recherche d'une vraie alternative au capitalisme vers la défense de la démocratie et le combat pour des réformes, à détruire en fin de compte chez eux toute dynamique de prise de conscience.
Confrontée à la décrédibilisation des partis de gauche "classiques", la bourgeoisie a intérêt à engendrer de nouvelles forces crédibles pouvant prendre la relève ; des forces non décrédibilisées par l'exercice du pouvoir mais orientant, à travers un discours et une image plus radicale, la classe ouvrière vers les mêmes pièges du parlementarisme et du combat illusoire pour la réforme des structures de l'Etat bourgeois. Et de ce point de vue, les organisations "socialistes de gauche" comme le MAS, le POS ou le PTB font un excellent travail ... au service de la classe bourgeoise.
Jos / 01.01.2007
(1) Parti du Travail de Belgique, néo-stalinien.
(2) Parti Ouvrier Socialiste, représentant officiel de la IVe Internationale trotskiste.
(3) Mouvement pour une Alternative Socialiste, trotskiste dissident.