Le Père Noël exploité par le Capital !

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Le mythe du Père Noël remonte à la nuit des temps. Noël fut autrefois une fête païenne destinée à célébrer le solstice d’hiver, avant que le christianisme n’en fasse le jour de la naissance du petit Jésus.

C’est à partir du XVIIIe siècle qu’est laïcisé en Europe, (d’abord en Allemagne, puis en France au début du XXe siècle), ce personnage joufflu et débonnaire qui, chaque année, descend du Ciel pour offrir des “joujoux” aux enfants. En 1863, aux Etats-Unis, Saint Nicolas (le Santa Claus des Flamands) endosse le costume rouge pour donner naissance à la figure du Papa Noël, avec sa hotte remplie de jouets. Il va partir à la conquête du monde avec son traîneau tiré par ses rennes nordiques (le Père Noël résidant en Laponie, paraît-il).

En France, l’exploitation commerciale du Père Noël commence avec le développement du capitalisme, à partir du milieu du XVIIIe siècle. Noël devient le jour sacré de la famille dans l’aristocratie, la bourgeoisie et la petite bourgeoisie (notamment chez les artisans).

À la fin du XIXe siècle, l’arrivée des grands magasins, (comme Le Bon Marché à Paris – “Au bonheur des Dames” d’Émile Zola), va propulser le Père Noël en star du capitalisme. Aux États-Unis, de nombreux patrons vont aussi récupérer ce personnage légendaire pour faire du profit (Colgate, Waterman,… et à partir des années 1920, Coca-Cola).

Au début des années 1920, le Père Noël devient le symbole des pères de famille tués sur le front pendant la Première Guerre mondiale. La bourgeoisie a ainsi introduit dans le monde imaginaire des enfants orphelins, ce gros Barbu joufflu censé prendre la place du papa “Poilu” disparu. De même, en 1946, la chanson populaire “Petit Papa Noël”, interprétée par Tino Rossi (un tube qui a fait le tour du monde en plusieurs langues), fut dédiée aux enfants dont les pères ont été sacrifiés sur l’autel du Capital pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Père Noël serait-il une ordure (comme l’affirme la célèbre pièce de théâtre) ?

C’est dans l’entre-deux guerres que le Père Noël devient véritablement populaire et commence à s’intéresser vraiment aux enfants de prolétaires en mettant dans leurs chaussons une orange (qui restera la friandise des pauvres jusque dans les années 1950). Le cynisme de la classe dominante n’a pas de limite : non seulement la bourgeoisie a envoyé au massacre des millions de très jeunes pères de famille, mais elle n’a eu aucun scrupule à les “récompenser” post mortem en offrant une aumône à leurs orphelins comme cadeau de Noël.

Après la guerre, grâce au plan Marshall, la bourgeoisie américaine a envoyé en France son Père Noël “made in USA” en remplissant sa hotte de bouteilles de Coca-Cola (symbole du développement économique de la première puissance mondiale et de l’expansion de son impérialisme).

Grâce au grand boom de l’industrie du jouet, le Ministre des PTT en France, Jacques Marette, a pu créer le “secrétariat du Père Noël” en 1962. Tous les enfants de France et de Navarre sont ainsi invités à écrire chaque année, dans leur fameuse Lettre au Père Noël, une liste de cadeaux dont ils rêvent et ce sont des fonctionnaires des PTT qui sont chargés de leur répondre.

À la fin de la période de reconstruction et des Trente Glorieuses, grâce aux mass media et au développement de la publicité, puis à la vente massive de télévisions en couleur, le Père Noël devient une vedette dont la hotte dégorge de cadeaux-marchandises.

Mais, là encore, le bon Papa Noël ne récompensera que les “enfants sages”, les plus “sages” étant bien sûr les enfants aisés de la petite et grande bourgeoisie. Ces inégalités se manifestent à l’école : les enfants pauvres des familles ouvrières côtoient des “enfants sages” qui ont eu la “chance” d’avoir été plus gâtés qu’eux par le Père Noël.

Le sentiment d’injustice se transmet ainsi, dès l’âge de 3 ans, grâce au Père Noël.

Aujourd’hui, malgré sa longue carrière au service de la classe exploiteuse, ce bonhomme rondouillard à la barbe blanche n’a même pas le droit de prendre sa retraite. Avec l’aggravation de la crise économique et de la guerre commerciale, le Capital lui impose encore plus de cadences infernales. Il est maintenant obligé d’aller jusqu’en Chine, le mythe du Père Noël ayant fait un tabac chez les enfants de l’Empire du Milieu. Fort heureusement, avec le décalage horaire, il pourra arriver à temps ! Le Père Noël est devenu une institution et un symbole du capitalisme décadent, y compris en Chine.

Ce n’est pas un pur hasard si, à moins de trois semaines de Noël, sur un rond-point occupé par des “gilets jaunes” (qui n’arrivent plus à boucler les fins de mois), on a pu voir une petite fille brandir une pancarte affichant le slogan : “Bonbons trop chers !”.

Marianne, 17 décembre 2018

Rubrique: 

Noël sous le capitalisme