Révolution de 1905: Il y a 120 ans, surgissaient la grève de masse et les conseils ouvriers

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Il y a 120 ans, une vague de grèves spontanées, d’une ampleur sans précédent, surgissait en Russie avec une spectaculaire irruption de colère ouvrière et une conscience de classe aiguisée qui inaugurait une forme de lutte d’une qualité désormais nouvelle pour le prolétariat : celle de la grève de masse. Cette irruption des masses a été une source d’inspiration pour les révolutionnaires de l’époque qui en ont tiré les leçons essentielles pour la lutte de classe, comme le firent Rosa Luxemburg, Trotski et Lénine qui combattaient alors les réformistes avec acharnement.

La révolution de 1905 témoigne aujourd’hui, alors que la classe ouvrière n’a pas encore retrouvé la conscience de sa force, alors qu’elle manque cruellement de confiance en ses capacités et son potentiel politique, de sa réelle puissance historique et de toute la créativité de son être : « cette première lutte générale et directe des classes déclencha une réaction d’autant plus puissante à l’intérieur qu’elle éveillait pour la première fois, comme une secousse électrique, le sentiment et la conscience de classe chez des millions d’hommes. Cet éveil de la conscience de classe se manifeste immédiatement de la manière suivante : une masse de prolétaires découvre tout d’un coup, avec un sentiment d’acuité insupportable, le caractère intolérable de son existence sociale et économique, dont elle subissait l’esclavage depuis des décennies sous le joug du capitalisme. Aussitôt se déclenche un soulèvement général et spontané en vue de secouer ce joug, de briser ces chaînes » (Rosa Luxemburg, « grève de masses, parti et syndicats »).

Cette expérience historique, bien qu’oubliée, reste une référence de tout premier ordre pour le prolétariat mondial, pour ses luttes et son futur révolutionnaire. Et c’est déjà ce que décelait Lénine à cette occasion qui était à l’époque un des rares à avoir su saisir le sens et la signification de l’émergence des premiers conseils ouvriers dans l’histoire, la « forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat ». Il s’agissait là ni plus ni moins que d’un mode opératoire du combat de classe initié dans la période d’apogée du capitalisme et qui deviendra celui de toute sa phase de déclin ; cela, jusqu’à la révolution prolétarienne future. La compréhension en profondeur de la signification des événements de 1905, prélude à l’Octobre rouge de 1917, était bel et bien une des conditions de la prise du pouvoir en Russie.

Aujourd’hui, le manque de perspective pour la grande masse des ouvriers qui reprennent le combat après plus de trois décennies d’atonie, tend à réduire son action aux contingences immédiates. En ce sens, mettre en lumière l’expérience des grands combats du mouvement ouvrier, comme le furent les événements de 1905 en Russie, reste vital pour alimenter la réflexion en cours, pour nourrir le processus de maturation souterraine de sa conscience, afin de le relier à nouveau à toute une mémoire historique. Car 1905 n’est pas le simple produit de l’éclatement d’un orage dans un ciel d’azur ! L’événement n’a pu surgir que du fait de toute une expérience antérieure, notamment de tout un processus de maturation souterraine, de digestion politique, d’une lente et longue réflexion qui a suivi de grandes luttes, en particulier à Saint-Pétersbourg et ailleurs durant les années 1890.

Aujourd’hui, même si le contexte est radicalement différent, une réflexion en profondeur tend également à se développer au sein de la classe ouvrière. Après 1968 et durant les différentes vagues de luttes qui ont suivi, celles notamment des années 1980, un pas décisif était nécessaire et il a malheureusement fait défaut : celui de la politisation des luttes. Aujourd’hui, c’est dans le contexte terriblement plus difficile de la décomposition que le prolétariat mène à nouveau une réflexion et qu’il doit parvenir à la réaliser, à hisser son niveau de conscience et sa détermination, sans quoi le capitalisme emportera toute l’humanité dans la barbarie et la destruction.

La grève de masse en 1905 n’était pas un phénomène isolé. Elle était accompagnée par des luttes dans toute l’Europe. Aujourd’hui, une nouvelle génération de prolétaires reprend aussi le chemin de la lutte partout dans le monde, notamment depuis les grèves de « l’été de la colère » en Grande-Bretagne en 2022. Cette génération appartient à toute cette chaîne de combattants qui nous relie aux premières luttes de notre classe, capable de développer sa conscience pour la hisser à un niveau supérieur. Ce processus non linéaire, avec des phases de développement, de reflux et des reculs, caractérise la lutte depuis l’aube du mouvement ouvrier. En republiant la série d’articles de la Revue internationale sur ce que fut cette révolution de 1905, nous espérons contribuer à ces efforts, ceux menés actuellement par la classe ouvrière. Favoriser un processus de maturation en profondeur, difficile, lent et heurté, pour tenter de renouer avec la perspective communiste, avec le combat révolutionnaire contre un monde capitaliste condamné par l’histoire.

– « Il y a 100 ans : la révolution de 1905 en Russie (I) », publié dans la Revue Internationale n°120

– « Il y a 100 ans, la révolution de 1905 en Russie (II) », publié dans la Revue Internationale n°122

– « Il y a 100 ans, la révolution de 1905 en Russie (III) – Le surgissement des soviets ouvre une nouvelle période historique », publié dans la Revue Internationale n°123

– « Il y a 100 ans, la révolution de 1905 en Russie (IV) – Le débat dans l’avant-garde », publié dans la Revue Internationale n°125

 

 

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Histoire du mouvement ouvrier