Cette victoire n’est pas la nôtre !

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Les célébrations du 80e anniversaire de la «Victoire en Europe», le 8 mai, de Londres à Moscou, donnent toujours lieu à des défilés militaires, afin que personne ne pense que la Seconde Guerre mondiale (comme celle de 1914-1918) était la «der des ders» …

 On nous dit que le prix de la liberté se paie par une vigilance éternelle et que nous devons donc être armés jusqu’aux dents et toujours prêts à nous enrôler pour la cause nationale. N’est-ce pas cela ?

On prétend que mai 1945 a été la victoire de la démocratie sur le fascisme, de la liberté sur la tyrannie et les massacres. Ce n’était cependant pas «tout à fait» la «Victoire» au Japon : les alliés démocratiques devaient encore commettre leurs propres massacres à Hiroshima et Nagasaki avec le largage des premières bombes atomiques, avec pour mission essentiel d’envoyer ainsi un avertissement à l’URSS, l’alliée d’hier et le nouvel ennemi totalitaire de demain. Ainsi, la Seconde Guerre mondiale fut immédiatement suivie par les préparatifs de la Troisième à travers une «Guerre froide» qui ne fut pas si froide que ça pour les millions de personnes brûlées et massacrées par les guerres par procuration sans fin entre les deux blocs impérialistes mis en place au lendemain de la Guerre mondiale. Telle fut la véritable nature des conflits sanglants en Chine, en Corée, au Vietnam, en Afrique et au Moyen-Orient au cours des quatre décennies suivantes.

La «Guerre froide» a pris fin avec l'effondrement du «bloc de l'Est» mais, privée d'un ennemi unificateur, l'alliance occidentale a aussitôt, à son tour, commencé à se déliter. Certaines de ses institutions officielles, comme l'OTAN, subsistent encore. Mais le nouveau régime à la Maison-Blanche entend «dire les choses telles qu'elles sont» : comme l'avait dit Lord Palmerston, il n'y a «ni amis ni ennemis permanents, seulement des intérêts nationaux permanents». C'est donc désormais «l'Amérique d'abord», Trump et ses collaborateurs s'employant à démanteler les derniers vestiges de l'ordre mondial d'après-guerre.

Dans la lignée de la propagande qui a récemment ciblé l'Europe, Trump veut rebaptiser le «Jour de la Victoire en Europe» : «Jour de la Victoire de la Seconde Guerre mondiale» ; tandis que le «Jour de l'Armistice» deviendra «Jour de la Victoire de la Première Guerre mondiale». Trump minimise ainsi la contribution des puissances européennes à la défaite de l’Allemagne nazie, insistant sur le fait que «nous avons gagné les deux guerres, personne ne pouvait nous égaler en termes de bravoure, de force et de génie militaire». C'est un nouveau coup de pied calculé dans la fourmilière des puissances européennes, de ces «profiteurs», qui n’ont pu être sauvés que par la bienveillance des Américains dans les deux guerres mondiales. Trump ne mentionne pas que l’aide américaine n’était pas exactement gratuite : les Britanniques, par exemple, payèrent jusqu’en 2006 leurs dettes de guerre aux États-Unis ; plus lourd encore : ils ont été obligés d’abandonner leur Empire pour faire place à la nouvelle hégémonie mondiale des États-Unis.

Pour ceux qui rejettent les rituels en l'honneur de l'État-nation et qui adhèrent encore au mot d’ordre du mouvement, «les prolétaire n'ont pas de patrie», peu importe qui prétend avoir apporté la plus grande contribution à la boucherie inter-impérialiste des deux guerres mondiales et de la guerre froide. Pour la classe ouvrière, 1945 ne marqua pas une victoire mais le fond d’une profonde défaite historique. En 1917-1918, les révolutions ouvrières en Russie, en Allemagne et ailleurs mirent fin à la Guerre et, pendant un bref intermède, laissèrent entrevoir la perspective d'un monde sans États-nations concurrents ni belligérants. Mais la révolution fut vaincue par les efforts conjugués de la social-démocratie, du fascisme et du stalinisme, et la Seconde Guerre mondiale s'acheva avec les deux camps impérialistes écrasant la moindre menace d'opposition de la classe ouvrière à la guerre. Après les grèves massives du nord de l'Italie en 1943, où des slogans contre la guerre firent leur apparition, la menace fut suffisante pour que Mussolini soit destitué par ses camarades fascistes et que Churchill suspende l'avancée de son armée depuis le sud de l'Italie pour «laisser les Italiens mijoter dans leur jus», ce qui signifiait permettre aux forces hitlériennes de mener la répression nécessaire contre les travailleurs. Puis vinrent les bombardements incendiaires de Hambourg, Dresde et Berlin, pour étouffer tout risque de révolte prolétarienne en Allemagne.

Aujourd'hui, le divorce entre les États-Unis et l'Europe, ainsi que la poursuite des massacres en Ukraine, s'accompagnent de nouvelles exigences de la part de nos dirigeants : être prêts à offrir vie et travail pour la défense nationale. Mais ils sont également conscients de la nécessité de nous le marteler sans cesse, précisément parce que la classe ouvrière se montre aujourd'hui bien moins disposée à consentir à des sacrifices qui ne peuvent jamais servir ses propres intérêts ; elle l'a notamment démontré lors des grandes vagues de grèves mondiales en mai-juin 1968 en France et en Italie en 1969, culminant en Pologne en 1980, et avec les mouvements de classe moins spectaculaires mais néanmoins profondément significatifs qui ont débuté avec l'«Été du mécontentement» en Grande-Bretagne en 2022 et qui se dessinent aujourd'hui dans le monde entier.

Notre seule victoire sera le renversement du capitalisme mondial !

Amos (6 mai)

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Défilés du « jour de la Victoire en Europe »