Panthéonisation de Manouchian: Un hymne patriotique contre la classe ouvrière

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Enfin, des résistants « communistes » (entendez par là : « stalinien ») font leur entrée au Panthéon ! Durant tout le mois de février, dans tous les médias, on a parlé que de cela en boucle et célébré « l’Union sacrée » autour de la tombe du « héros ». Pour les députés de gauche qui défendaient ce dossier depuis 2010, c’est la consécration : « un grand moment de consensus » selon le porte-parole de l’Élysée, une « juste réparation mémorielle » d’après le député PCF, Pierre Dharréville. Le gouvernement Macron se gargarise : c’est par lui que sera faite la reconnaissance officielle des hauts faits d’armes et du « soutien à la France » par des combattants du Parti communiste français. La droite et la gauche du capital se sont retrouvés main dans la main pour célébrer le « héros ».

Comme à chaque panthéonisation, le choix du panthéonisé n’est pas dû au hasard des convictions du Président en place. Non, ces campagnes idéologiques savamment orchestrées servent toujours les intérêts idéologiques de l’État bourgeois : la bourgeoisie renforce le bourrage de crâne nationaliste en martelant une propagande valorisant la défense de la « démocratie » et l’esprit de sacrifice « pour la Patrie »… Porter aux nues ce résistant mort pour la défense de la liberté capitaliste alors qu’il luttait contre le fascisme permet de jouer sur la corde sensible de l’héroïsme et de l’abnégation.

Macron peut aussi compter sur les célébrations autour du cercueil de Manouchian pour l’aider à discréditer le RN tout en tentant de rassembler un peu l’électorat autour de lui. Effectivement, le parti populiste de Marine Le Pen ne cesse de monter dans les sondages, tout comme bon nombres de partis populiste en Europe et dans le monde. Et c’est pourquoi Macron l’attaque sur un de ses points faibles : son histoire. La question centrale de cet événement est d’ailleurs très vite devenue : est-ce que, oui ou non, le RN, compte-tenu de son passé, doit participer à la cérémonie ? La panthéonisation s’inscrit dans toute une série de manœuvres visant à renforcer la propagande contre les partis populistes, comme on a pu le voir récemment en Allemagne avec les immenses manifestations contre le « fascisme ». (1)

Toute cette campagne puante n’a fondamentalement qu’un seul but mensonger : celui de faire rentrer dans la tête des ouvriers que l’on peut être « communiste et patriote », que l’on peut être « communiste et participer de son plein gré à la guerre ».

Le PCF, auquel a pleinement adhéré Manouchian, avait trahi depuis bien longtemps le camp prolétarien en passant à la contre-révolution stalinienne. En août 1936, il proclamait à propos de la guerre en Espagne : « Notre parti frère a prouvé à maintes reprises que la lutte actuelle en Espagne ne se déroule pas entre capitalisme et socialisme, mais entre fascisme et démocratie » (sic !) « Dans un pays comme l’Espagne […], la classe ouvrière et tout le peuple ont […] comme seule tâche possible […] non pas de réaliser la révolution socialiste, mais de défendre, de consolider et de développer la révolution bourgeoise démocratique ». (2)

Le PCF s’est prostitué au capital en amenant les ouvriers à s’enrôler dans la guerre, au service d’un bloc militaire capitaliste, au travers une campagne idéologique anti-fasciste assourdissante. En 1939, après la signature du Pacte Germano-Soviétique, le même PCF, obéissant à la même logique d’intérêts impérialistes, a changé de camps appelant « à la fraternisation avec les prolétaires d’Allemagne ». Tout cela, pour retourner sa veste une nouvelle fois après la déclaration de guerre de l’Allemagne à l’URSS qui elle-même s’est retrouvée du « bon côté », celui des Alliés…

C’est toute cette vilenie que symbolise Manouchian, ce « héros » du capital, instrumentalisé aujourd’hui par l’État : un digne représentant de la trahison du PCF en même temps qu’un pur produit du lavage de cerveau engendré par sa propagande de masse.

Refusons cette sinistre propagande patriotarde et cette nouvelle communion théâtralisée derrière le drapeau tricolore. Rappelons-nous que « les prolétaires n’ont pas de patrie » !

B.E., 25 mars 2024

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