Soumis par Révolution Inte... le
Le jeudi 18 janvier a eu lieu la plus grande grève de l’histoire de l’Irlande du Nord. (1) Malgré des conditions glaciales et des températures souvent en dessous de zéro, 170 000 travailleurs étaient mobilisés, des membres de seize syndicats, représentants 80 % du secteur public. Des marches et des rassemblements ont eu lieu dans les villes des six comtés, malgré toutes les divisions sectorielles qui ont affecté la classe ouvrière d’Irlande du Nord. Il y avait des piquets de grève devant les écoles et les hôpitaux, les gares et les dépôts municipaux, ainsi que dans de nombreux autres bâtiments publics. Presque toutes les écoles et établissements d’enseignement supérieur ont été fermés. Tous les transports publics ont été arrêtés. Le lendemain, vendredi 19, des centaines d’employés des transports, d’agents de nettoyage, d’assistants de classe et de conducteurs de véhicules de sablage, étaient en grève pour une deuxième journée.
En apparence, la raison de la grève (et l’explication donnée par les partis de gauche, de droite et du centre) tient uniquement au statut de l’Irlande du Nord. Au cours des deux dernières années, depuis les élections de 2022 au cours desquelles le Sinn Fein a remporté le plus de sièges, le Parti unioniste démocrate (DUP) a fait en sorte à ce qu’il n’y ait ni Assemblée ni Exécutif. Pour cette raison, toutes les revendications salariales dans le secteur public ont été déclarées impossibles car, selon le gouvernement britannique, seul le « gouvernement dévolu d’Irlande du Nord » peut autoriser des augmentations de salaire. En décembre, les conservateurs (Tories) ont proposé 600 millions de livres sterling pour les salaires du secteur public, le tout dans le cadre d’un programme de 3,3 milliards de livres sterling, mais à condition de mettre fin au blocage des Institutions.
En réponse, le DUP a accusé le secrétaire nord-irlandais Chris Heaton-Harris d’avoir tenté de les faire chanter, affirmant que l’argent devrait quand même être remis. Pendant ce temps, le Sinn Fein a affirmé que les travailleurs ne pourront être satisfaits que si l’Assemblée et l’Exécutif sont réactivés. Lors des rassemblements du 18 janvier, les dirigeants syndicaux étaient divisés entre blâmer le DUP ou le gouvernement britannique, ou les deux. Même si les syndicats étaient tous d’accord sur le fait que l’argent était là, la réalité est que les travailleurs luttent contre un système qui ne peut pas satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.
Bien que la grève ait été largement contrôlée par les syndicats et que les différentes fractions de la classe dirigeante profitent certainement du chaos politique en Irlande du Nord pour tenter d’entraîner les travailleurs derrière leurs querelles, ce mouvement ne sort pas de nulle part. En décembre, des grèves ont eu lieu dans tout le réseau de transport, bus et trains, durant quatre jours différents. Avant cela, en novembre, il y avait eu des grèves dans le secteur des transports et dans le personnel scolaire. Il est vrai que ces mouvements étaient également contrôlés par les syndicats, mais cela montre qu’il existe un réel mécontentement à l’égard des rémunérations des travailleurs. En Grande-Bretagne, il y a eu au moins quelques hausses de salaires, mais le gel des salaires en Irlande du Nord a encore aggravé la situation et les travailleurs ne peuvent plus supporter les effets de la « crise du coût de la vie ». Les luttes ont été engagées en raison d’une réelle détérioration des conditions matérielles des travailleurs, attaqués dans tous les pays. En cela, les luttes des travailleurs d’Irlande du Nord se situent dans la lignée de celles en Grande-Bretagne à partir de 2022, et des mouvements ultérieurs en France, aux États-Unis, au Canada et en Scandinavie. Elles expriment une rupture avec la passivité des trente années précédentes, et témoignent du potentiel de luttes plus approfondies dans le futur : celui du lien entre la classe ouvrière en Irlande, en Grande-Bretagne continentale et en Europe.
Car, 24 janvier 2024
1 Cela exclut évidemment l’action loyaliste imposée par les paramilitaires du Conseil des travailleurs d’Ulster en 1974 qui n’était pas une grève ouvrière… et n’était pas dirigée par un « conseil des travailleurs ».