Marche contre l’antisémitisme en France: la bourgeoisie cherche à piéger le prolétariat sur le terrain du nationalisme

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S’il y a bien un événement que tous les médias ont commenté pendant plusieurs semaines, c’est sans conteste la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre. Lancée à l’initiative des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, elle a été présentée comme « transpartisane ». Elle a rassemblé toute la bourgeoisie… ou presque : les « Insoumis », ont préféré organiser un petit défilé en marge pour « dénoncer l’extrême-droite », apportant ainsi leur précieuse contribution à la propagande nationaliste et démocratique de l’État.

Il est clair que le nombre d’actes antisémites a explosé ces dernières semaines. Même s’il est évident que cela servira de prétexte à l’État pour renforcer davantage son arsenal policier, ces actes ignobles alimentent une ambiance de pogrom et de tensions communautaires. L’antisémitisme peut prendre la forme de théories du complot sur un prétendu contrôle des États ou de la finance par les juifs mais peut aussi s’exprimer par des actes violents, comme la profanation de sépultures ou les agressions.

Cela n’est malheureusement pas quelque chose de nouveau. Même avant l’arrivée du nazisme en Allemagne, des idées de cet acabit étaient légion, notamment en Europe de l’Est. Les révolutionnaires ont longtemps fait l’objet d’accusations de « judéo-bolchévisme ». Trotsky et d’autres militants Juifs ont ainsi fait l’objet de campagnes de dénigrement avec, pour point d’orgue, les pogroms antisémites lors de la guerre civile russe.

Désormais, derrière les expressions d’antisémitisme les plus sordides de l’ultradroite, ces idées sont répandues parfois de manière plus sournoise. Derrière le terme « d’anti-sionisme » se cache ainsi parfois une idéologie haineuse contre l’ensemble des juifs. Il est clair par exemple que l’Iran n’a pas hésité à brouiller les frontières entre opposition à la politique d’Israël et attaques antisémites pour servir ses intérêts impérialistes. Cet État n’hésite pas à cultiver des liens avec la clique de Dieudonné et Alain Soral. (1) Même le leader des prétendus « modérés » du Fatah (2) Mahmoud Abbas a utilisé à plusieurs reprises des clichés antisémites. (3) Ces propos sont du pain béni pour le gouvernement de Netanyahou qui n’hésitera pas à les montrer comme preuve du caractère criminel de la Palestine… alors que sa majorité au Knesset n’a eu aucun problème pour tenir des propos racistes de la pire espèce pour justifier le bombardement de civils.

Alors que l’antisémitisme revient en force, les discours les plus racistes se répandent dans la bouche des politiciens de tout bord et dans la presse. On a ainsi pu voir une partie de la bourgeoisie instrumentaliser les actes antisémites pour déchaîner une odieuse campagne anti-Arabe qui a abouti à la décente de nervis néo-nazis à Romans-sur-Isère, qui se sont senti pousser des ailes pour tabasser des Arabes.

Tous ces actes odieux provoquent une indignation légitime dans le monde entier. Néanmoins, la bourgeoisie les utilise pour faire tomber les ouvriers dans le piège de la défense des soi-disant valeurs « démocratiques » et justifier son soutien à la barbarie que déchaîne Israël à Gaza. C’est tout le sens de la « marche contre l’antisémitisme ». Cette marche fait immédiatement penser au rassemblement défendant la « liberté d’expression » après l’attentat contre les locaux de Charlie Hebdo en 2015.

La banderole « Pour la République, contre l’antisémitisme » donne le ton : on assiste en réalité à une instrumentalisation d’événements tragiques au bénéfice de l’Union Nationale, qui est en réalité un moyen d’attaquer la conscience de classe. En clair, l’État, ses partis et autres ONG ramènent le prolétariat sur le terrain de la défense de la nation et de la démocratie : celui de « l’union sacrée ».

Parmi les invités de cette marche, on peut compter de nombreux membres du parti au pouvoir Renaissance. Les récentes actions du gouvernement sur l’immigration, sur la répression à Mayotte ou encore ses discours sur la laïcité en dit long sur l’hypocrisie de leur présence. Il y avait également l’ancien Président Nicolas Sarkozy qui n’a pas hésité à faire appel aux services de Patrick Buisson pour ses idées rétrogrades. A cela s’ajoute la présence de Marine Le Pen et celle du trublion Eric Zemmour dont les sorties racistes n’ont pas besoin d’être rappelées.

Cette mascarade ne serait néanmoins pas complète sans le rôle des partis de gauche. Toujours en train de cultiver son image de « résistant » contre le « patronat », Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise ont refusé de participer à cette marche. Sa justification est la présence de partis d’extrême droite à la manifestation. Il s’est même fendu sur les réseaux sociaux d’une phrase qui ne cache pas la nature nationaliste de son point de vue : « Le rejet de l’antisémitisme est plus large en France. Ils l’ont rabougri et rendu ambigu. Le peuple français restera uni malgré ses dirigeants ».

En plus de reprendre le slogan de l’anti-fascisme cher à ses ancêtres staliniens et plus récemment des anti-populistes, « l’insoumis » n’a pas hésité à remplir son discours d’illusion sur les « luttes contre les discriminations ». Son parti a organisé un rassemblement alternatif pour « tous les combats antiracistes ». Non seulement LFI récupère à sa manière ces événements tragiques mais cherche aussi à utiliser une arme fréquemment utilisée contre la nouvelle génération de la classe ouvrière : les luttes sur un terrain bourgeois.

Mais l’élément le plus important de ces campagnes est la promotion de l’idée qu’il faudrait choisir un camp dans le conflit israélo-palestinien. La lutte contre l’antisémitisme est utilisée comme marque de soutien à Israël tandis que le soutien de certaines parties de la gauche à la Palestine est loin d’être un secret. Bien loin d’être réellement opposées, ces deux manifestations jouent un rôle complémentaire dans la confusion qu’elles instillent au sein du prolétariat. Le choix d’un camp impérialiste est une idée que les ouvriers doivent absolument rejeter. La seule réponse possible pour arrêter le carnage impérialiste est la lutte de classe et le refus de soutenir toute forme de nationalisme, peu importe sa forme.

Edgar, 1er décembre 2023

 

 

2Composante principale de l’OLP et membre de l’Internationale Socialiste

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Rubrique: 

Ni Israël, ni Palestine