Soumis par Révolution Inte... le
Partout dans le monde nous voyons des ouvriers rentrer en lutte… et de nouveau aujourd’hui apparaissent dans les manifestations des références à Mai 68.
Mais cette fois il faudra ALLER PLUS LOIN QU’EN 1968 !
Des luttes internationales en rupture avec la période précédente
Tous les camarades ont certainement vu dans les manifestations ce slogan qui est apparu dans plusieurs villes : "Tu nous mets 64, on te re-Mai 68 !" Cette référence à Mai 68 est le signe qu’il existe une réflexion souterraine dans la classe sur les leçons des luttes passées, ce qui se traduira tôt ou tard par de nouvelles avancées du mouvement.
Nous voulons contribuer à cette réflexion et cela tombe bien car c’est aujourd’hui un jour d’anniversaire. En effet, nous sommes le 13 mai 2023 et il y a tout juste 55 ans, le 13 mai 1968, des manifestations, d’une ampleur jamais vue, eurent lieu dans toute la France à l’appel des grandes centrales syndicales. Elles faisaient suite aux manifestations spontanées qui, le samedi 11 mai, avaient protesté énergiquement contre la répression extrêmement violente qu’avaient subie les étudiants la veille. Cette mobilisation oblige la bourgeoisie à reculer. Pompidou annonce que les forces de l’ordre seront retirées du Quartier latin, que la Sorbonne sera rouverte et que les étudiants emprisonnés seront libérés. Les discussions se multiplient partout, pas seulement sur la répression mais aussi sur les conditions de travail des ouvriers, l’exploitation, l’avenir de la société. Ces manifestations du 13 mai en solidarité avec les étudiants sont appelées par des syndicats qui sont dans un premier temps débordés et qui cherchent à reprendre le contrôle du mouvement.
Ces manifestations représentent un tournant, non seulement par leur ampleur mais surtout parce qu’elles annoncent l’entrée en scène de la classe ouvrière. Le lendemain, les ouvriers de Sud-Aviation à Nantes déclenchent une grève spontanée. Ils seront suivis par un mouvement de masse qui atteindra les 9 millions de grévistes le 27 mai. C’était la plus grande grève du l’histoire du mouvement ouvrier international. Partout on revendique, on s’indigne, on se politise, on discute, dans les manifestations, les assemblées générales et les comités d’action qui naissent comme des champignons.
Même si c’est en France que le mouvement est allé le plus loin, il s’inscrivait dans une série de luttes internationales qui ont touché de nombreux pays dans le monde. Ces luttes internationales étaient le signe d’un changement fondamental dans la vie de la société, elles marquaient une rupture avec la période précédente : c’était la fin de la terrible contre-révolution qui s’était abattue sur la classe ouvrière suite à l’échec de la vague révolutionnaire mondiale initiée par le succès de la révolution de 1917 en Russie.
Même si ce n’est pas avec la même ampleur, il se produit à nouveau aujourd’hui une telle rupture avec la période précédente. Partout dans le monde, on voit des ouvriers entrer en lutte contre des conditions de vie et de travail insupportables, en particulier contre l’inflation qui réduit les salaires comme une peau de chagrin. On lit sur les pancartes et les banderoles : « Trop c’est trop ! » au Royaume-Uni ; « Pas une année de plus, pas un euro de moins » en France ; « L’indignation vient de loin » en Espagne ; « Pour nous tous » en Allemagne.
Au Danemark, au Portugal, aux Pays-Bas, aux États- Unis, au Canada, au Mexique, en Chine et en ce moment en Suède où se déroule une grève sauvage chez les conducteurs de trains de banlieue à Stockholm ; dans de nombreux pays, ce sont les mêmes grèves contre la même exploitation, comme le résument très bien les ouvriers anglais : « La vraie galère : [c’est] ne pas pouvoir se chauffer, manger, se soigner, se déplacer ! » La rupture à laquelle nous assistons aujourd’hui, c’est la reprise d’une dynamique de luttes internationales après des décennies de recul de la combativité et de la conscience dans la classe ouvrière. En effet, la faillite du stalinisme en 1989-91 avait été l’occasion de vastes campagnes idéologiques sur l’impossibilité d’une alternative au capitalisme, sur l’éternité de la démocratie bourgeoise comme unique régime politique viable. Ces campagnes ont eu un très fort impact sur une classe ouvrière qui n’avait pas réussi à pousser plus loin la politisation de ses luttes.
Révolution communiste ou destruction de l’humanité
Dans les manifestations en France, on a commencé à lire sur quelques pancartes le refus de la guerre en Ukraine, le refus de se serrer la ceinture au nom de cette économie de guerre : « Pas de sous pour la guerre, pas de sous pour les armes, des sous pour les salaires, des sous pour les retraites ».
Même si ce n’est pas toujours clair dans la tête des manifestants, seul le combat du prolétariat sur son terrain de classe peut être un rempart contre la guerre, contre cette dynamique autodestructrice, un rempart face à la mort que promet le capitalisme à toute l’humanité. Car, laissé à sa seule logique, ce système décadent va entraîner des parties de plus en plus larges de l’humanité dans la guerre et la misère, il va détruire la planète à coups de gaz à effet de serre, de forêts rasées et de bombes.
Comme le dit la première partie du titre de notre 3ème manifeste : « Le capitalisme mène à la destruction de l’humanité… » La classe qui dirige la société mondiale, la bourgeoisie, a en partie conscience de cette réalité, de cet avenir barbare que nous promet son système moribond. Il suffit de lire les études et travaux de ses propres experts pour le constater. Notamment le « Rapport sur les risques mondiaux » présenté au Forum économique mondial de Davos de janvier 2023 et que nous avons largement cité dans notre dernier tract [1].
Face à cette perspective accablante, la bourgeoisie ne peut qu’être impuissante. Elle et son système ne sont pas la solution, ils sont la cause du problème. Si dans les grands médias, la bourgeoisie cherche à nous faire croire qu’elle met tout en œuvre pour lutter contre le réchauffement climatique, qu’un capitalisme « vert » et « durable » est possible, elle sait très bien que ce sont des mensonges.
En réalité, le problème ne se limite pas à la question climatique. Il exprime la contradiction fondamentale d’un système économique basé NON sur la satisfaction des besoins humains mais sur le profit et la concurrence, sur la prédation des ressources naturelles et l’exploitation féroce de la classe qui produit l’essentiel de la richesse sociale : le prolétariat, les travailleurs salariés de tous les pays. Ainsi, le capitalisme et la bourgeoisie constituent l’un des deux pôles de la société, celui qui mène l’humanité vers la misère et la guerre, vers la barbarie et la destruction. L’autre pôle, c’est le prolétariat et sa lutte de résistance au capitalisme devant déboucher sur son renversement.
Ces réflexes de solidarité active, cette combativité collective que nous voyons aujourd’hui, sont les témoins de la nature profonde de la lutte ouvrière destinée à assumer une lutte pour un monde radicalement différent, un monde sans exploitation ni classes sociales, sans concurrence, sans frontières ni nations. « Soit on lutte ensemble, soit on finira par dormir dans la rue ! », confirment les manifestants en France. La bannière « Pour nous tous » sous laquelle a eu lieu la grève contre la paupérisation en Allemagne, le 27 mars, est particulièrement significative de ce sentiment général qui grandit dans la classe ouvrière : « nous sommes tous dans le même bateau » et nous luttons tous les uns pour les autres. Les grèves en Allemagne, au Royaume-Uni et en France s’inspirent les unes des autres. Par exemple, en France, les travailleurs du Mobilier national, avant l’annulation de la visite de Charles III, se sont explicitement mis en grève par solidarité avec leurs frères de classe en Angleterre : « Nous sommes solidaires des travailleurs anglais, qui sont en grève depuis des semaines pour l’augmentation des salaires ». Ce réflexe de solidarité internationale, même s’il est encore embryonnaire, est l’exact opposé du monde capitaliste divisé en nations concurrentes, jusqu’à la guerre. Il rappelle le cri de ralliement de notre classe depuis 1848 : « Les prolétaires n’ont pas de patrie ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Pourquoi faut-il aller plus loin qu’en Mai 68 ?
Mais nous ressentons aussi tous les difficultés et les limites actuelles de ces luttes. Face au rouleau compresseur de la crise économique, de l’inflation et des attaques gouvernementales qu’ils nomment « réformes », les ouvriers ne parviennent pas encore à établir un rapport de forces en leur faveur. Souvent isolés par les syndicats dans des grèves séparées les unes des autres, ils sont frustrés de réduire les manifestations à des marches-défilés, sans rencontres ni discussions ni organisation collective, souvent ils aspirent tous à un mouvement plus large, plus fort, plus solidaire et unitaire. Dans les cortèges en France, l’appel à un nouveau Mai 68 revient régulièrement.
Effectivement, il faut reprendre les méthodes de luttes qu’on a vu s’affirmer dans toute la période qui commence en 1968. Un des meilleurs exemples est celui de la Pologne en 1980. Face à l’augmentation des prix de l’alimentation, les grévistes portaient encore plus loin cette vague internationale en prenant en main leurs luttes, en se rassemblant en d’immenses assemblées générales, en centralisant les différents comités de grève grâce au MKS, le comité inter-entreprises. Ainsi dans toutes ces assemblées, les ouvriers décidaient eux-mêmes des revendications comme des actions à mener et, surtout, avaient pour souci constant d’étendre la lutte. Face à cette force, nous savons que ce n’est pas simplement la bourgeoisie polonaise qui avait tremblé mais celle de tous les pays.
En deux décennies, de 1968 à 1989, toute une génération ouvrière a acquis une expérience dans la lutte. Ses nombreuses défaites, ses victoires parfois, ont permis à cette génération de se confronter aux nombreux pièges tendus par la bourgeoise pour saboter, diviser, démoraliser. Ses luttes doivent nous permettre de tirer des leçons vitales pour nos luttes actuelles et à venir : seul le rassemblement au sein d’assemblées générales ouvertes et massives, autonomes, décidant réellement de la conduite du mouvement, en contestant et neutralisant le contrôle syndical dès que possible, peut constituer la base d’une lutte unie et qui s’étend, portée par la solidarité entre tous les secteurs.
Lors de la diffusion du dernier tract, un manifestant nous a exprimé son accord sur les méthodes de lutte qu’il fallait reprendre, mais il était sceptique sur le titre. « Aller plus loin qu’en 68 ? Si nous faisions comme en 68 ce serait déjà pas mal, nous a-t-il dit. » Si ! Il faut aller plus loin qu’en 68 car les enjeux ne sont plus les mêmes. La vague de lutte internationale commencée en Mai 68 était une réaction aux premiers signes de la crise et à la réapparition du chômage de masse. Aujourd’hui, la situation est autrement plus grave. L’état catastrophique du capitalisme met en jeu la survie même de l’humanité. Si la classe ouvrière ne parvient pas à le renverser, la barbarie va progressivement se généraliser.
L’élan de Mai 68 a été brisé par un double mensonge de la bourgeoisie : lors de l’effondrement des régimes staliniens en 1989-91, elle a prétendu que la faillite du stalinisme signifiait la mort du communisme et qu’une nouvelle ère de paix et de prospérité s’ouvrait. Trois décennies après, nous savons d’expérience qu’en guise de paix et de prospérité, nous avons eu la guerre et la misère, que le stalinisme est l’antithèse du communisme (comme hier l’URSS et aujourd’hui la Chine, Cuba, le Venezuela ou la Corée du Nord !). En falsifiant l’histoire, la bourgeoisie est parvenue à faire croire à la classe ouvrière que son projet révolutionnaire d’émancipation ne pouvait que mener à la ruine. Jusqu’à ce que le mot « révolution » lui-même devienne suspect et honteux. Mais dans la lutte, les ouvriers peuvent peu à peu développer leur propre force collective, la confiance en eux-mêmes, la solidarité, leur unité, l’auto-organisation. La lutte permet peu à peu à la classe ouvrière de se rendre compte qu’elle est capable d’offrir une autre perspective que la mort promise par un système capitaliste en décomposition : la révolution communiste. La perspective de la révolution prolétarienne va faire son retour dans la tête et les combats à venir. Cette fois l’idée de révolution de Mai 68 est en train de se transformer en enjeu pour l’humanité. Face au spectacle du capitalisme en décomposition où règne le « no future », nous proclamons : « L’avenir appartient à la lutte de classe ! »
Pour finir, il nous semble que la situation présente fait émerger un certain nombre de questions que nous avons essayé d’illustrer dans cet exposé :
- Les luttes ouvrières actuelles à l’échelle internationale représentent-elles une rupture avec la période précédente, une reprise de la lutte de classe qui va maintenant se développer ?
- Le monde capitaliste d’aujourd’hui est-il marqué par des phénomènes de décomposition sociale qui peuvent conduire à la destruction de l’humanité ?
- Quelles sont les principales faiblesses du mouvement actuel ?
- Pourquoi est-il nécessaire d’aller plus loin qu’en Mai 68 ?
Venez discuter des leçons de Mai 68 pour les luttes d’aujourd’hui !
Lille : le 13 mai à 15h00, au café « Waz », 54 rue des Sarrazins (Métro « Gambetta »).
Lyon : le 13 mai à 15H00, Salle 5, 1er étage, CCO Jean-Pierre Lachaize, 39 rue G.Courteline - Villeurbanne.
Paris : le 27 mai à 15h00, au CICP, 21ter rue Voltaire, 11e arrondissement (Métro « Rue des boulets »).
Marseille : le 27 mai à 15h00, Local « Mille Babords », 61 rue Consolat.
Nantes : le 13 mai à 15H00, Salle de la Fraternité, 3 rue de l'Amiral Duchaffault, 44100 Nantes, (Station de Tramway "Duchaffault", ligne 1).
Toulouse : le 13 mai, à 14H00, Salle Castelbou 22 rue Léonce Castelbou à Toulouse, (Métro "Compas Caffarelli").
[1] . Pour la discussion : Sur BFM TV, Robert Badinter tirait lui aussi la sonnette d’alarme : Si un hélicoptère s’écrasait sur l’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporija, la catastrophe serait encore pire que Tchernobyl.