L’État français, marchand de canons au pays de l’or noir

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

Un contrat « historique » ! C’est par cette formule rebattue que la ministre des Armées, Florence Parly, décrivait la vente de 80 avions de chasse Rafale (Dassault) et de 12 hélicoptères Caracal (Airbus) le 3 décembre dernier, lors de la tournée du président Macron dans les pétromonarchies du Golfe. Résultat de cette vente : 16 milliards d’euros. Une goutte d’eau pour l’État français, troisième plus gros marchand de mort au monde en 2020, d’après le dernier classement en date du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Avec 7,9 % des parts de marché, la France est toujours loin derrière les principales puissances impérialistes que sont les États-Unis (36 %) et la Russie (21 %), mais elle a néanmoins « gagné » deux places, avec des ventes en hausse de 72 % par rapport à la période 2010-2014. C’est que les puissances impérialistes régionales, au premier rang desquelles l’Égypte du maréchal al-Sissi, l’Arabie saoudite et les autres États de la péninsule arabique, sont très demandeuses du matériel militaire français pour écraser les opposants ou massacrer les populations civiles au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Dernière victime en date : la population yéménite. Comme l’explique le média en ligne Disclose, « depuis 2015, les Émirats arabes unis sont régulièrement accusés de crimes de guerre au Yémen ». (1) 28 millions des Yéménites vivent quotidiennement sous les bombardements de la coalition saoudienne, 8 300 civils ayant perdu la vie suite aux frappes de cette même coalition, dont 1 283 enfants. (2) Ces chiffres, datant de 2019, sont donc bien loin de la sordide réalité et n’évoquent pas les victimes de la famine, du manque d’eau potable et des maladies qui trouvent ainsi un terrain fertile pour aggraver une situation déjà catastrophique.

Derrière le masque de la protection de l’emploi : le visage hideux du militarisme semeur de morts

Mais aux yeux de l’État français, ces morts lointaines ne sont qu’un simple prix à payer pour une industrie florissante pourvoyeuse de 200 000 emplois directs et indirects, d’après ces chiffres de 2019. C’est autant que le secteur de la production automobile. C’est dire que les dirigeants bourgeois s’en donnent à cœur joie pour tenter de culpabiliser, d’accuser les opposants à ces ventes d’armes de condamner des dizaines de milliers de travailleurs au chômage. Dans un article de 2015 où nous condamnions déjà ce système semeur de morts, nous écrivions : « Aux dires de tous les idéologues patentés, de gauche comme de droite, cette industrie guerrière serait une véritable “bouffée d’oxygène” pour une économie en crise. En réalité, outre la perte sèche et le gaspillage que la production d’armement génère du point de vue du capital global, cette question de l’emploi n’est ici qu’un alibi hypocrite, une sordide feuille de vigne destinée à masquer les objectifs guerriers de l’impérialisme français ». (3) Les marxistes ont toujours cherché à révéler la véritable nature de l’État bourgeois. Comme l’écrivait Rosa Luxemburg, « Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse  ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu’elle est. Ce n’est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l’ordre, de la paix et du droit, c’est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l’anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l’humanité qu’elle se montre toute nue, telle qu’elle est vraiment ». (4) Mais la critique intransigeante du militarisme n’a rien de commun avec les cris d’indignation de nos « naïfs » démocrates et autres gauchistes de tous poils.

Les habituelles pleurnicheries des gauchistes et des démocrates

Les organisations de défense des droits humains, comme la FIDH ou la LDH ont sauté sur l’occasion pour pourfendre la realpolitik française, insensible aux « violations du droit international des droits humains et du droit international humanitaire ». (5) Mais le droit humanitaire international revendiqué par la LDH fut déjà celui qui considéra comme conformes aux principes de la légalité les procès de Moscou entre 1936 et 1938 ; ce fut celui qui justifia les interventions armées (et leur inévitable cortège de massacres de civils, femmes et enfants compris) au nom du « droit d’ingérence ». Si nos démocrates humanistes bourgeois jouent ici pleinement leur rôle de caution morale d’un capitalisme en putréfaction, il n’en faudrait pas pour autant oublier les gauchistes, nos prétendus « marxistes » et autres « communistes » « révolutionnaires » ! Ainsi, par exemple, le journal Révolution permanente du Courant « Communiste » « Révolutionnaire » (CCR) déplore « au milieu des congratulations et des cocoricos, un silence assourdissant et pas un mot invitant à la modération (sic) des politiques autoritaires menées par la pétromonarchie ». Misère de la fausse naïveté gauchiste… Face à toutes ces larmes de crocodile, il importe plus que jamais de revendiquer clairement et avec intransigeance la seule position véritablement prolétarienne et révolutionnaire. Le socialiste Jean Jaurès, qui pourtant défendait une position réformiste dans le mouvement ouvrier de l’époque disait, à juste titre, que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». Un capitalisme pacifiste et humaniste est une contradiction dans les termes et une imposture. Il n’y a qu’une seule solution pour le prolétariat mondial, tant des pays centraux que des périphéries : le renversement par une révolution mondiale du capitalisme et l’instauration d’une société communiste sans classes et fraternelle où les luttes impérialistes ne seront plus qu’un lointain souvenir.

Pache, 21 décembre 2021

 

2) « Cartographie d’un mensonge d’État », Disclose (15 avril 2019).

3) « Ventes de Rafales français : l’illustration d’un système qui sème la mort », disponible sur le site internet du CCI (28 juin 2015).

4) Rosa Luxembourg, La Brochure de Junius (1915).

5) « Ventes d’armes : France et Émirats arabes unis, partenaires dans les crimes commis au Yémen ? », ldh-france.org (14 décembre 2021).

Personnages: 

Récent et en cours: 

Rubrique: 

Tensions impérialistes