40 ans après l’arrivée du PS au pouvoir en 1981: La gauche est un ennemi mortel du prolétariat

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

Il y a 40 ans, le Parti socialiste (PS), avec François Mitterrand à sa tête, arrivait au pouvoir. À l’époque, tout le “peuple de gauche” avait été appelé à sabrer le champagne pour fêter l’arrivée inespérée d’un président avec qui la société française allait prétendument “changer”. 40 ans après, la gauche est très loin de faire rêver les masses ouvrières.

En 1981, la “force tranquille” incarnée par la gauche et la figure de son leader, devait, parait-il, transformer la vie et redonner du baume au cœur à la classe ouvrière qui avait subi la crise et de nombreuses attaques durant les années 1970 : entre la crise de la sidérurgie, l’inflation galopante et le “choc pétrolier” de 1973, la classe ouvrière avait pris de plein fouet les attaques contre ses conditions de vie et avait répondu par des luttes assez dures comme à Longwy et Denain. Mais de la relance de la consommation à la disparition du chômage, en passant par la semaine de 35 heures (sans diminution de salaire), l’élimination des inégalités sociales et l’abolition de la peine de mort, les promesses du PS étaient nombreuses, pleines d’un espoir illusoire.

Pour autant, la victoire de la gauche est demeurée à l’époque accidentelle. Elle était totalement à contre-courant de la tendance générale en Europe de maintenir la gauche dans l’opposition pour mener des attaques frontales et encadrer les luttes en sabotant la combativité ouvrière. Les dissensions de la bourgeoisie de droite ont très largement contribué à torpiller la candidature de Valéry Giscard d’Estaing. Comme nous l’écrivions dès juin 1981 : “Pour les présidentielles françaises, le PS avait tout fait pour que son candidat soit battu : il avait choisi Mitterrand alors que Rocard paraissait à l’époque le mieux placé pour battre Giscard ; sitôt désigné, le candidat Mitterrand était parti en voyage en Afrique et en Chine, comme si l’élection présidentielle ne l’intéressait pas. De son côté, le PCF, jusqu’au premier tour, avait également fait tout son possible pour que Giscard rempile. La gauche dans son ensemble avait donc, comme en 1978, “joué le jeu”, celui qui devait lui permettre de rester dans l’opposition. En l’occurrence, c’est la droite qui n’a pas joué le sien… l’effet “Chirac” est allé au-delà des espérances [de la bourgeoisie]. Le mécontentement des couches petite-bourgeoises capitalisé et amplifié par le chef du RPR a finalement privé au second tour Giscard d’une partie de son électorat habituel… Ce ne sont donc pas Mitterrand et la gauche qui ont gagné l’élection mais bien Giscard et la droite qui l’ont perdue”. (1)

La politique bourgeoise du PS et du PC

Si pendant quelques mois, l’augmentation des minima sociaux a pu faire illusion, le gouvernement PS/PC/radicaux de gauche allait rapidement montrer son vrai visage : augmentation des prix en cascade dans les transports, pour l’électricité et le gaz, répression directe face aux révoltes sociales dans la banlieue lyonnaise.

Les conséquences des premières mesures de François Mitterrand ne se font pas attendre. Tous les voyants sont au rouge. Dès 1982, les difficultés économiques et monétaires amènent le gouvernement à bloquer les salaires et aboutir au fameux “tournant de la rigueur” de 1983 sous le troisième gouvernement Mauroy, une expression aujourd’hui consacrée.

Autre promesse médiatisée à l’extrême, le symbole de l’abolition de la peine de mort est enfin adopté. La barbarie n’a, parait-il plus sa place en France. La belle affaire ! Si la guillotine disparaît, la mort sous les coups de la répression s’aggrave : de la mort de Malik Oussekine en 1986 à celle des indépendantistes kanaks de la grotte d’Ouvéa en 1988, la violence barbare de l’État sous la gauche n’a strictement rien à envier à la moindre dictature policière.

Déjà à l’époque nous écrivions : “Le gouvernement socialiste, gestionnaire responsable du capital français, troisième marchand d’armes de la planète qui naguère a été, avec son ancêtre SFIO responsable de la guerre en Algérie, qui aujourd’hui accélère son programme militaire à coups de sous-marins atomiques, de missiles nucléaires et de bombes à neutrons, se pose en moraliste. Tartuffe est au pouvoir !” (2)

La France s’arme “non pour faire la guerre mais pour qu’il n’y ait plus de guerre… uniquement parce que la supériorité militaire de l’URSS et le déséquilibre de la terreur est source de conflit” (Charles Hernu, ministre PS de la défense à l’époque). En effet, le PS au discours “pacifiste” multipliait les expériences nucléaires dans le Pacifique et n’hésitait pas à faire donner les barbouzes de l’État pour couler le Rainbow Warrior de Greenpeace en 1985. En Afrique, les croisades impérialistes se multipliaient : l’opération Manta au Tchad se mettait en place dès 1983-84 ; l’opération Épervier allait suivre dès 1986. S’agissait-il d’apporter la solidarité aux peuples africains plongés dans la guerre et le chaos ? Non évidemment, il s’agissait plutôt de garantir la défense du pré carré de la Françafrique. Si la “solidarité” s’exerce, c’est au profit du bloc impérialiste atlantique, en soutenant l’installation des fusées Pershing en Allemagne par exemple : “le pacifisme est à l’ouest, les euromissiles à l’est” (Charles Hernu en 1983). En engageant la France dans la guerre du Golfe aux côtés des États-Unis en 1991, la France poursuivait son œuvre guerrière au service d’une barbarie croissante.

Nous pourrions poursuivre à l’envi tout ce qui concerne les promesses faites à la classe ouvrière…

– Les 39 heures puis les 35 heures, la cinquième semaine de congés payés ? Il suffit de regarder la situation aujourd’hui et se rappeler que dès 1986, la loi sur la flexibilité du travail venait balayer l’illusion de la baisse du temps de travail et imposait une intensification des rendements, de la productivité, une exploitation accrue pour la classe ouvrière, une augmentation exponentielle du chômage de masse et de la précarité.

– La loi Auroux de défense des intérêts ouvriers dans l’entreprise ? Elle instaure de nouveaux droits pour les organisations syndicales, les délégués du personnel, les comités d’entreprise. Là encore, l’objectif majeur est de redynamiser la production en confortant la paix sociale, renforcer l’encadrement des syndicats.

– Sans parler de l’institution du forfait hospitalier promue par le ministre stalinien Ralite, la Contribution sociale généralisée (CSG), créée en 1990 pour abonder les caisses de sécurité sociale, a constamment augmenté (passant d’une taxation de 1,1 % à 9,20 % aujourd’hui) et s’applique aussi aux indemnités chômage et retraite.

Mitterrand, tremplin pour le FN

Face à la montée en flèche de l’extrême droite en France depuis des années, à ses conceptions populistes, xénophobes et racistes, il est bon de rappeler combien Mitterrand a su utiliser la carte du Front National (FN) pour son jeu politicien contre la droite, l’utiliser également pour crédibiliser tout un discours démocratique antifasciste. Même s’il n’évitera pas la défaite électorale de la gauche aux législatives de 1986, le rétablissement du scrutin proportionnel lors de ces élections avait permis à l’extrême droite de faire élire 35 députés FN. Elle avait ainsi obtenu droit de cité dans la vie politique française, institutionnalisée comme une force politique à part entière.

Loin d’être une bourde politique, ce tremplin offert au Front national se confirmera par la suite via l’ineffable Bernard Tapie, alors ministre de la ville, “invitant” divers responsables FN sur son yacht afin de sceller en sous-main des alliances électorales implicites pour faire barrage à la droite.

Même si l’évolution du populisme est ce qu’elle est aujourd’hui, même si le FN (RN maintenant) a fait du chemin sur la scène politique française au détriment de la gauche et du PS, n’oublions pas que c’est Mitterrand qui lui délivra le label de “parti politiquement correct”.

Le soutien indéfectible des organisations trotskistes à la victoire de Mitterrand

Tous ces rappels ne sont en rien une simple évocation de souvenirs du passé. Ils sont l’expression de leçons toujours actuelles et brûlantes : la bourgeoisie de gauche, tout comme celle de droite ou d’extrême droite, reste l’ennemie mortelle du prolétariat. Derrière les sirènes de la démocratie, de la défense des intérêts ouvriers, de la défense des “valeurs de gauche”, la bourgeoisie, du PS jusqu’à l’extrême gauche, n’ont jamais hésité à s’affubler des masques les plus hypocrites pour duper et attaquer la classe ouvrière, que ce soit en l’appelant à participer au cirque électoral, en l’appelant à faire barrage à l’extrême droite (comme elle s’apprête à le faire encore dans plusieurs mois).

La bourgeoisie peut compter sur le soutien de rabatteurs de premier plan, les organisations trotskistes de LO ou du NPA, pour faire valoir la défense démocratique de l’État et de la nation, pour faire valoir le “barrage au fascisme” danger suprême qui vaudrait toutes les unions sacrées, même conditionnelles. Ainsi, rappelons qu’en mai 1981, LO, le soi-disant “parti des travailleurs”, avec à sa tête Arlette Laguiller, avait su titrer son journal : “Pas de chèque en blanc… mais votez Mitterrand” et par conséquent soutenir sans complexe l’arrivée au pouvoir de la gauche. Cette organisation prouvait une fois de plus qu’elle ne se situait absolument pas dans le camp du prolétariat mais bel et bien à l’extrême gauche du capital, assumant pleinement son sale travail de dévoiement des luttes ouvrières sur le terrain bourgeois des élections et son propre rôle de rabatteur de la gauche. Depuis, les organisations gauchistes comme LO ont poursuivi leurs basses œuvres et nul doute que ces organisations seront encore à la manœuvre pour illusionner la classe ouvrière dans les prochains mois, saboter sa réflexion alors qu’elle tente péniblement de retrouver conscience et identité de classe.

Stopio, 5 mai 2021

 

1) “La crise politique de la bourgeoisie française”, Révolution Internationale n° 86 (Juin 1981).

2) “La gauche à l’œuvre”, Révolution Internationale n° 90 (octobre 1981).

Personnages: 

Rubrique: 

La gauche au pouvoir