Soumis par Révolution Inte... le
En cette fin d’année 2020, la crise sanitaire se poursuit inexorablement. Comme nous l’avons déjà affirmé, notre organisation se doit de poursuivre son intervention en direction du prolétariat et de ses minorités les plus politisées. En effet, il faut lutter contre l’isolement et l’atomisation que nous impose la bourgeoisie avec les mesures de confinement et de couvre-feu. Nous avons donc tenu le 21 novembre 2020 une nouvelle permanence en ligne, après celle qui s’était déroulée le 17 octobre 2020. Il faut se rappeler qu’il y avait quatorze personnes présentes à celle-ci, qui avaient manifesté en fin de permanence, une très forte volonté de poursuivre la discussion. Le 21 novembre, ce n’est pas moins de 22 personnes qui étaient présentes et ont participé au débat. La volonté de discuter avec le CCI, de clarifier et de comprendre l’évolution de la situation mondiale et historique trouve ainsi confirmation dans le nombre croissant de participants. La dynamique de la discussion allait fortement concrétiser cette première constatation.
Les questions, les interrogations et analyses et points de vue des participants ne sont pas, sur le fond, très différentes de celles soulevées dans la permanence du 17 octobre. Cependant, les interventions ont montré que celles-ci étaient abordées de manière plus profonde, plus argumentées que lors de la précédente permanence.
Un début de discussion très dynamique
La discussion a commencé par deux interventions sur le Ségur de la santé et le confinement, un camarade avançant l’idée qu’un tiers des Français seulement le soutienne. Le même camarade a également émis l’idée que la classe ouvrière n’aurait peut-être pas intérêt à soutenir le confinement car il ne diminue pas la misère : “Le confinement rend pauvre. Il permet le renforcement de l’État policier. Et enfin il n’y aurait pas de possibilité de voir la corrélation entre le nombre de décès et le confinement”. Des participants ont alors répondu que l’ensemble des bourgeoisies nationales ont été obligées d’avoir recours au reconfinement, qui correspond à des mesures face à l’épidémie, dignes du Moyen Âge. L’incurie, l’irresponsabilité croissante, une incapacité à gérer (plutôt mal d’ailleurs) la situation immédiate de la part des États furent autant d’éléments que plusieurs participants ont alors commencé à mettre en avant.
Le CCI est ensuite intervenu pour affirmer que la situation mondiale a connu une accélération de la décomposition sociale et de la crise économique d’une très grande gravité et portée historique. Nous avons réaffirmé que la pandémie et le confinement sont des conséquences de la décomposition qui s’est approfondie brutalement et violemment. C’est toute la société qui est ainsi considérablement affectée sur le plan de la crise économique, de la vie de la bourgeoisie et de la dynamique de la lutte de classe.
Par conséquent, une première partie de la discussion s’est centrée sur ce qu’est la phase de décomposition du capitalisme. Beaucoup d’intervenants ont soutenu l’analyse de fond du CCI pour caractériser la période historique ouverte depuis plus de trente ans. Certains camarades voulaient savoir pourquoi les sociétés de classes dans l’histoire avaient connu également des éléments de décomposition, et non pas une phase de décomposition comme dans le capitalisme. Ces questions fondamentales de la décadence et de la décomposition du capitalisme sont extrêmement importantes pour l’avenir de l’humanité et la lutte historique du prolétariat. Comprendre pourquoi cette phase de décomposition s’est ainsi imposée au cœur de la société capitaliste en décadence a donc fait partie intégrante de la discussion. Ces effets délétères et destructeurs sur la société ont été abordés à partir du développement de la pandémie et des réponses apportées par la bourgeoisie pour faire face à la crise sanitaire mondiale et à la crise économique majeure qui s’ouvre devant nous. Plusieurs interventions ont montré l’irrationalité grandissante qui frappe la classe bourgeoise, notamment sur le plan sanitaire. Mais aussi la montée en puissance du “chacun pour soi” dans la guerre économique et commerciale qui se profile.
Les questions centrales posées au cours de cette permanence
Cette question de la montée spectaculaire du “chacun pour soi” a alors entraîné des questionnements et des interventions centrées de manière sérieuse sur les thèmes suivants :
- Le capitalisme peut-il dépasser le cadre national ?
- Que signifie la remise en cause du multilatéralisme ?
- Quel rôle joue le populisme dans la tendance au repli sur soi visible notamment sur le plan économique ?
- La perte croissante de contrôle par les États capitalistes signifie-t-il un affaiblissement du capitalisme d’État ?
- À quoi renvoie le renforcement de la répression des États capitalistes ?
- Quel niveau de crise économique va-t-on connaître ? Comment va-t-elle affecter la vie et la lutte du prolétariat ?
Ces interrogations et interventions des participants sur ces sujets dans le cadre de la phase de décomposition du capitalisme étaient totalement en prise avec les efforts des révolutionnaires pour comprendre l’évolution de la situation historique. Nous avons soutenu clairement ces types de préoccupations politiques. En effet, toutes les interventions étaient préoccupées par la gravité de l’évolution de la situation mondiale. Et en premier lieu sur les conséquences de cette aggravation sur la lutte de classe. Face aux conséquences de l’aggravation des effets délétères de la décomposition, de la précarisation et du chômage de masse qui se profilent à l’horizon, comment le prolétariat va-t-il pouvoir réagir ? Le CCI n’a pas eu le temps de répondre à toutes ces questions au cours de la permanence. Cependant, nous avons commencé à favoriser et développer dans nos interventions, une réflexion en profondeur sur ces sujets, dans la continuité de la permanence du 20 octobre dernier. Sur le capitalisme d’État, nous avons mis en avant que celui-ci ne s’est pas développé dans la période ascendante du capitalisme, mais uniquement dans sa période de décadence. Cette tendance au développement du capitalisme d’État s’est imposée à toute la classe bourgeoise partout dans le monde. Comprendre pourquoi et sous quelles formes cette tendance ne pouvait que se renforcer tout au long de la décadence du capitalisme est une question très importante pour l’avenir de la lutte de classe, de ses minorités et ses organisations révolutionnaires. L’État capitaliste est le moyen par excellence permettant de préserver la domination de la classe bourgeoise sur l’ensemble des couches sociales de la société et en premier lieu sur la classe ouvrière. L’entrée du capitalisme dans sa période de décadence devient une entrave au développement possible, nécessaire et harmonieux de la civilisation humaine. L’État doit alors inéluctablement prendre en main toute la vie de la société de manière de plus en plus totalitaire. Il en va de la survie du capitalisme lui-même. Par exemple, comme l’ont montré les crises du capitalisme au XXe siècle, c’est l’État qui a mis en œuvre les moyens pour que le capitalisme ne se paralyse pas. De même, l’État capitaliste est en dernière instance le rempart permanent mais aussi ultime contre toute tentative de remise en cause révolutionnaire de la société capitaliste. En ce sens, l’exemple dans la situation historique actuelle du renforcement des moyens de coercition et de répression par les États a été mis en avant. Un camarade est intervenu pour montrer notamment que, face à l’épidémie et à la crise économique, “on laisse le pouvoir à l’État sur nos vies… il faut essayer de réveiller les gens… la dangerosité du virus est très faible… On nous cache quelque chose”. Ce qui faisait écho à une autre intervention qui mettait en avant que le pouvoir est aux mains des grands laboratoires pharmaceutiques. Il est vrai que la classe bourgeoise est une classe de menteurs. Marx avait souligné qu’une partie de l’idéologie dominante véhiculée par la classe bourgeoise et ses États n’a comme objectifs que le maintien de sa domination de classe. La bourgeoisie est sans aucun doute la classe la plus machiavélique de toutes les classes dominantes de l’histoire. Mais, selon nous, ces interventions nécessitent un approfondissement des questions suivantes : qu’est-ce que le capitalisme ? Qu’est-ce que l’État bourgeois ? Qu’est-ce que le capitalisme d’État ? Il est normal que les jeunes éléments en recherche des positions prolétariennes aient besoin de s’approprier ces questions fondamentales inscrites dans le patrimoine du mouvement ouvrier. Le CCI est intervenu pour expliquer que les institutions dont s’est doté progressivement le capitalisme après la fin de la Deuxième Guerre mondiale et pendant la période appelée de “mondialisation” a permis à la bourgeoisie de différer le développement des contradictions internes à l’économie capitaliste. Mais la bourgeoisie n’a pas pu supprimer une barrière infranchissable pour le capitalisme : la barrière de l’État-nation. Les coopérations internationales et autres institutions dont s’est doté le capitalisme après la Seconde Guerre mondiale pour limiter autant que possible la concurrence acharnée et la guerre économique permanente ont certes jusqu’à aujourd’hui pu freiner leurs effets les plus destructeurs. Mais les effets de la brutale accélération de la décomposition et de la crise économique mondiale viennent maintenant remettre en cause cette capacité avec tous les effets que cela va avoir sur les conditions de vie de la classe ouvrière.
Un autre participant a affirmé que : “les ouvriers pouvaient refuser le confinement”. Un autre lui a répondu que “la classe ouvrière n’avait pas le choix. S’ils avaient le choix, ils n’iraient pas dans les bus, les métros, sources de virus… C’est l’État qui a intérêt à ce que les prolétaires aillent travailler, même dans ces conditions. Les prolétaires eux sont tout simplement obligés d’y aller pour vivre”. La classe ouvrière vit dans des conditions qui lui sont imposées par la classe exploiteuse et ses États. C’est uniquement sur son terrain de classe, par des luttes défendant ses propres intérêts et s’orientant vers la perspective de la révolution communiste que le prolétariat peut s’opposer à la bourgeoisie.
Comment la classe ouvrière se défend-elle en tant que classe exploitée ? Comment peut-elle s’affirmer concrètement comme classe révolutionnaire dont dépend le futur de l’humanité ? Il sera nécessaire dans nos prochaines réunions publiques de revenir sur les grandes luttes historiques du mouvement ouvrier tel que la Commune de Paris en 1871, la révolution en Russie en 1917 ou, plus près de nous, la plus grande grève ouvrière en France en Mai 1968.
De manière plus immédiate, plusieurs interventions ont posé la question : où en est la lutte de classe ? Une participante a mis en avant que, malgré l’aggravation de la pandémie, “la classe ouvrière n’a pas été bernée”. Pour une autre participante, “la CGT a joué son rôle de détournement des intérêts de la classe ouvrière par rapport au Ségur de la santé”. Enfin, une autre intervention a souligné que “le 18 novembre dernier, il y avait une grève à l’Éducation nationale. Dans le secteur hospitalier aussi des grèves ont eu lieu”. Pour cette camarade, des mouvements ont surgi mais ils ne peuvent pas se développer actuellement. Sur la dynamique actuelle de la lutte de classe, malgré les préoccupations présentes dans la discussion, cet aspect très important n’a pas pu être suffisamment développé, faute de temps. Il apparaît nécessaire de revenir sur ces questions dans nos discussions ultérieures. Nous pouvons d’ores et déjà appeler tous ceux qui le souhaitent à lire nos nombreux articles dans notre presse internet et papier. Il est évident que nous ne devons pas sous-estimer l’impact profond de l’accélération de la décomposition sur la classe ouvrière. De même, il est essentiel de pouvoir analyser et comprendre la dynamique générale de la lutte de classe dans la période historique actuelle. Autant de préoccupations et de confrontations de points de vue que nous nous proposons de discuter dans nos prochaines permanences.
Cette nouvelle permanence a développé une discussion très riche avec une dynamique collective de débat, malgré le fait qu’elle s’est déroulée en ligne. Il faut souligner la volonté et la capacité des participants à s’écouter et se répondre mutuellement, avec sérieux et responsabilité. Dans notre tour de table, à la fin de la permanence, les participants ont affirmé avoir été très satisfaits de la discussion. Tous ont exprimé leur volonté de la poursuivre.
Un certain nombre de camarades ont souhaité explicitement que le débat se développe sur les thèmes suivants :
- Comment peut-on distinguer la période de décadence du capitalisme de sa phase ultime qui est celle de la décomposition ?
- Pourquoi les nations utilisent-elles le capitalisme d’État ?
- Le capitalisme peut-il dépasser le cadre national ?
- Comment comprendre la tendance au renforcement du totalitarisme étatique et le processus de perte de contrôle de la classe bourgeoise ?
- Quelle gravité peut atteindre la crise économique mondiale aujourd’hui et ses répercussions sur la vie de la classe ouvrière ?
- Dans quelle mesure l’accélération brutale de la décomposition du capitalisme affecte-t-elle la classe ouvrière ?
Le CCI salue à nouveau les préoccupations des participants pendant la permanence. Nous avons commencé à développer les analyses du CCI sur les questions centrales abordées. Mais comme l’ont demandé les participants, le CCI fera en sorte de poursuivre la discussion sur ces thèmes lors de nos prochaines permanences.
Nous encourageons également tous nos lecteurs à nous envoyer des courriers exprimant leurs questionnements, analyses, interrogations sur tous les sujets qui les préoccupent. Nous publierons ces courriers de lecteurs accompagnés si besoin de notre réponse, afin que le débat puisse aussi se poursuivre par voie de presse.
Le CCI remercie chaleureusement tous les participants qui ont animé cette permanence et informera publiquement de la date de la prochaine.
Albin, 28 décembre 2020