LES FAUX-AMIS DES OUVRIERS

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"Vive la Pologne", "Bravo aux grévistes de Gdansk", "Salut à la remarquable maîtrise des ouvriers", "Solidarité a- vec le peuple polonais", rarement une lutte prolétarienne comme celle qui se déroule en Pologne n'aura reçu de gens comme Giscard, Schmidt, Jean-Paul II, Carter, "libéraux", "socialistes", "communistes", syndicalistes, gauchistes, une telle sol 1icitude.

Les ouvriers ne doivent pas se faire d'illusions : le mouvement de masse des travailleurs polonais n'a acquis â la cause des ouvriers tout ce beau monde qu'en apparence, fondamentalement pour leur prêcher la sagesse. Car les mobiles qui animent toutes les voix de ce chœur unanime son+, comme ils l'ont toujours été, totalement étrangers aux intérêts des ouvriers. Et cette "solidarité" ne fait qu'obscurcir les perspectives d'une réelle solidarité dans et par la lutte autonome du prolétariat dans tous les pays, en l'ensevelissant sous une avalanche de bénédictions de curés, de sollicitudes de bureaucrates, de conseils de "démocrates". Si les uns et les autres divergent souvent profondément quant aux motivations de leur "appui" ou de leur "compréhension", tous concourent à cacher les causes, les moyens et l'enjeu réel de la lutte des ouvriers de Pologne :

  • un Etat capitaliste aux prises avec la crise mondiale ; une bourgeoisie nationale qui tente de pressurer au maximum les ouvriers ;
  • une lutte ouvrière de résistance, spontanée et tendant vers une autonomie de classe et une remise en cause générale du système d'exploitation.

Sans parler de la droite qui appuie bien haut la "renaissance nationale" en Pologne, parce qu'elle voit dans T événement un affaiblissement de l'ennemi de l'Est, et rien de plus, la gauche quant à elle développe à son habitude une prétendue "défense des intérêts des ouvriers".

UN APPUI DU R. C.?

Il n'est pas besoin de chercher bien loin les raisons de l'appui du PC aux "revendications démocratiques" des ouvriers polonais. Face à un mouvement trop puissant pour être ouvertement dénoncé comme "réactionnaire", le PC manœuvre, comme il le fait toujours en pareille occasion, pour contrer le plus efficacement possible toute velléité d'autonomie de la classe ouvrière. Ici, le PC fixe pour but au prolétariat l'expropriation des patrons privés, pour défendre ce qui n'est, en fait, ni du socialisme, ni du communisme mais du capitalisme d'Etat. Aujourd'hui, avec une mobilisation massive d'ouvriers qui dévoile cette vérité, dans un pays où cet objectif est réalisé, le PC brouille les pistes en prétendant approuver les ouvriers polonais. Le PC rassure ceux qui douteraient des bienfaits de ce "socialisme" en montrant leur "droit" de se défendre "démocratiquement"...

En tait, cette acrobatie de propagande pour ne pas perdre le crédit du plus énorme mensonge de l'histoire du mouvement ouvrier - l'existence du "socialisme en un seul pays"-, ne saurait effacer les expériences tragiques répétées de ce qu'est la vraie nature de la politique "ouvrière" du PC : Chine 1927, Espagne 37, Allemagne de l'Est 53, Pologne 53-56-70, Hongrie 56, la liste est longue des massacres perpétrés directement contre les ouvriers soulevés contre l'exploitation par ces sinistres agents du capitalisme déguisés en "communistes" et authentiques fils de Staline, le boucher de plusieurs dizaines de millions de personnes en URSS.

Pour le PCF plus précisément, que les ouvriers se souviennent des bombardements de Sétif en Algérie après la guerre, qui firent plusieurs milliers de morts, sous un ministère PC, de l'appui aux "libérateurs" de 1'Armée Rouge en Hongrie 56, du soutien réservé ou du silence autour des répressions de Tchécoslovaquie 68, Pologne 70 et 76.

Non moins significative, et tout près de nous, la collaboration étroite de la CGT avec les forces de police au cours de la manifestation des sidérurgistes du 23 mars 1979 font aussi partie de ces épisodes qui doivent se graver dans la conscience des ouvriers, comme autant de preuves répétées de la nature totalement anti-ouvrière et bourgeoise de ce parti.

Les ouvriers doivent savoir qu'à 1' heure où la répression s'abattrait en Pologne, le PC sera là pour la justifier, ouvertement ou en la critiquant, cela selon les besoins de sa politique nationale du moment.

UN SOUTIEN DES "SOCIALISTES" ?

La gauche non stalinienne, quant à elle, lance de vibrants: "Vive la Pologne", trop heureuse de prouver la validité du rejet "du totalitarisme", de redorer le blason de la "démocratie", des "droits de l'homme", de l'"autogestion".

Les "revendications démocratiques" des ouvriers polonais sont présentées comme ces acquis de l'Ouest -"droit de grève", "syndicats libres"- la voie à suivre pour l'amélioration du sort de la classe ouvrière, là-bas à conquérir, ici à améliorer par le moyen syndical et parlementaire.

Mais que sont ces acquis pour le prolétariat : n'est-ce pas en Suède, "modèle socialiste", que l'ouvrier paie une amende de deux jours de salaire pour un jour de grève, lorsque la grève n'est pas la grève officielle du "syndicat socialiste" ? N'est-ce pas en Belgique, où le taux de chômage est un des plus élevés d'Europe que le syndicat "socialiste" embauche et licencie les ouvriers ? Les exemples sont multiples. Au fur et à mesure que la crise s'approfondit, la "démocratie" à la "socialiste" se révèle pour ce qu'elle est : un "luxe" des pays développés qui n'est qu'un paravent idéologique d'une réalité toujours plus rude pour les ouvriers. C'est dans cette impasse que la gauche "socialiste" voudrait voir se fourvoyer les ouvriers polonais.

Les attaques "socialistes" contre les régimes politiques de 1’Est n'ont rien à voir avec la lutte ouvrière : elles ne font qu'exprimer la défense du camp impérialiste occidental contre le camp impérialiste adverse.

En France, le gauchiste reconverti en présidentiable qu'est Rocard a dévoilé la signification profonde de la solidarité ouvrière à la sauce "socialiste" : se préparer à envoyer des navires au

large des côtes polonaises pour recueillir les "réfugiés" en cas d'intervention militaire russe... La solidarité, le soutien... par les "boat people" le rêve d'un alibi renforcé pour une mobilisation guerrière au nom de la "liberté", tous unis bourgeois et prolétaires, contre le bloc "totalitaire".

Cette racaille "socialiste" ou "sociale- démocrate" est empressée de trouver dans 1"opposition" ou la "dissidence" des pays de l'Est, ses pairs en ravalement de la façade démocratique du capitalisme décadent en crise ouverte. De ces gens-là, les ouvriers ne peuvent attendre que des mots creux et de la mitraille.

LA SOLIDARITE DES GAUCHISTES ?

Chez ceux qui se présentent "révolutionnaires", les "vrais comme des défenseurs" des ouvriers, les trotskystes, le soutien aux ouvriers polonais les plus "radical" : dénonciation du régime polonais, appui à toutes les revendications, aux comités de grève, aux "Conseils Ouvriers", solidarité de classe, etc.

La LCR commence par rappeler la légende du trotskysme, soi-disant la seule véritable opposition de toujours au stalinisme, avec pour "preuve" ...l'assassinat de Trotsky par des agents de Staline. Ce rappel de ces "médailles" en quelque sorte, ne vient que pour mieux faire passer, par ailleurs, l'idée que la Pologne est un pays "où le capital ne fait plus la loi" (Rouge), où donc finalement un simple changement du personnel politique suffirait pour que les ouvriers polonais bénéficient d'un "vrai socialisme".

L’OCI a d'ailleurs déjà trouvé cette relève dans le KOR, cette opposition bourgeoise et nationaliste à la bureaucratie en place.

LO est moins explicite, mais vient tout autant se ranger aux côtés de ses amis concurrents, sinon par ce qu'elle dit, du moins par ce qu'elle ne dit pas : des tartines sur l'organisation de la grève, pas une ligne sur la nature de classe du régime polonais contre lequel le prolétariat est en grève.

Quel que soit le verbiage "radical" de solidarité avec les ouvriers en Pologne, pour tous ces groupes, il y a quelque chose à défendre, des "acquis" pour les ouvriers dans les pays de 1' Est, une différence de nature avec ceux de l'Ouest.

Mais s'il existe des différences, il est vital pour les ouvriers de comprendre qu'elles résident dans le degré de développement, les modalités de nationalisation des entreprises capitalistes, le droit constitutionnel bourgeois, la répartition des zones d'influence des blocs impérialistes ; en rien au niveau de l'exploitation de la classe ouvrière, de la crise du système capitaliste, des nécessités, des moyens et des buts de la lutte.

Passés dans le camp de la contre-révolution avec leur participation â la 2è guerre mondiale dans l'un des camps impérialistes, abandonnant ainsi définitivement le terrain prolétarien, les trotskystes ne sont que des fractions plus “radicales" de la bourgeoisie de gauche ; ils en font une fois encore la preuve, s'il en était besoin, dans leur action et leur prise de position dans le mouvement des ouvriers polonais

Les ouvriers ne doivent jamais oublier que ces "socialistes" sont les petit-fils des Noske et Scheidemann, les massacreurs des ouvriers allemands en 1919-23, qui inaugurèrent une des plus sanglantes contre-révolutions de l'histoire ; les fils des Blum et autres embrigadeurs des ouvriers derrière leur bourgeoisie nationale pour aller s'entretuer contre leurs frères de classe dans la boucherie impérialiste ; qu' ils ont déjà été eux-mêmes les pourvoyeurs de chair à canon pour l'Indochine et l'Algérie.

Tout ce verbiage vient s'ajouter à l’inflation journalistique sur les événements de Pologne qui ne fait que noyer les véritables questions posées par les grèves ouvrières de Pologne et auxquelles le mouvement tente de répondre par lui-même, en pratique.

Au stade où elle en est, la lutte des ouvriers en Pologne a déjà constitué un jalon efficace de la lutte générale du prolétariat mondial, au plan de l'organisation autonome des ouvriers comme au plan de la conscience de l'enjeu du mouvement. La classe ouvrière doit prendre garde à tous ces faux amis qui conjuguent leurs efforts pour la maintenir sur le terrain de sa "spécificité" polonaise, de la défense de "sa" nation, du capital et de 1'exploitation.

M.G.

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