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ICConline - avril 2016

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En défense du CCI et de l’organisation marxiste révolutionnaire (réponse à un ex-membre)

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Un ex-membre, Devrim, qui a quitté le CCI il y a environ trois ans, a par la suite fait un certain nombre de critiques à notre organisation.

Mon expérience dans le CCI de Devrim est parue d’abord sur le forum web anarchiste Libcom en 2012.1 C’était par définition un compte-rendu personnel, basé sur des anecdotes et des impressions sur la vie dans le CCI plutôt qu’une critique générale des principes politiques du CCI dans leur ensemble. Comme il ne pouvait y avoir d’argument sur des sentiments personnels, nous avons eu tendance à laisser passer les critiques, en particulier parce que Devrim avait déclaré qu’il ne voulait pas engager de débat sur ce compte-rendu. Il avait de toute façon quitté l’organisation sans justifier politiquement son départ.

Nous croyons maintenant que ces critiques personnelles demandent une réponse parce que les questions qu’elles soulèvent ont un intérêt général aujourd’hui, alors même que les conditions fondamentales du militantisme révolutionnaire sont remises en question, y compris parmi ceux qui se considèrent comme faisant partie de la Gauche Communiste.

Nous en sommes venus à réaliser que ce rapport personnel au CCI est supposé être une analyse politique en elle-même : une interprétation personnelle vue comme suffisante pour juger le CCI comme étant une organisation qui a fait son temps.

La vie et la mort des organisations révolutionnaires

La critique de Devrim l’a donc amené à répéter en plusieurs occasions sa conviction que le CCI allait mourir. Dans un e-mail à un membre du CCI en 2013, il a écrit, en réponse à la critique qu’il devrait partir des principes politiques du CCI : « Je pense que le point de vue selon lequel on devrait aborder les positions politiques d’une organisation appartient à la façon de penser d’un âge révolu. Le CCI va mourir, et il le fera, pas parce que les gens s’engagent ou réfutent ses positions politiques, mais précisément pour la raison opposée : parce que les gens ne veulent pas même se soucier de le faire. Bien sûr, cela renvoie à un problème plus général de dépolitisation au sein de la société, mais pour un observateur extérieur, il semble que le CCI essaie activement de boucler le cercle de son isolement.»

Le CCI mourra, affirme-t-il, non pas parce que ses positions politiques ou ses principes seraient erronés ou seraient devenus démodés et auraient besoin d’être remplacés par d’autres qui correspondent à l’évolution des besoins et des objectifs de la lutte de la classe ; il va plutôt disparaitre à cause d’un désintérêt général pour les positions politiques elles-mêmes. L’incapacité du CCI à s’adapter à ce désintérêt et à l’ennui actuel vis-à-vis de la politique dans la population et même chez ceux qui voudraient être révolutionnaires, et le fait qu’il insiste au contraire sur la défense et l’élaboration de ses principes politiques, conduira à son complet isolement et à sa disparition. C’est la pensée essentielle de Devrim.

Dans son rapport Mon expérience…, Devrim, fidèle à sa vision, ne « prend pas en compte les positions politiques » du CCI, mais donne une série d’impressions et d’opinions, pour la plupart négatives, sur la vie dans l’organisation, sur son processus d’intégration de nouveaux membres, sur son mode de centralisation et ses débats. Nous reviendrons sur certaines de ces questions plus loin dans cet article. Mais d’abord, nous voulons examiner à quel point les positions politiques et les principes sont importants dans la conception d’une organisation révolutionnaire.

Dans le passé, les partis et organisations marxistes ont fréquemment disparus, quelquefois à un âge relativement jeune. L’exemple le plus évident est l’effondrement brutal de la IIe Internationale en 1914, après que les principaux partis qui la constituaient aient trahi leurs principes politiques internationalistes, rejoint leurs bourgeoisies impérialistes et contribué à envoyer des millions d’ouvriers se massacrer entre eux dans les tranchées. La IIIe Internationale a péri aussi après l’adoption du slogan : « pour le socialisme dans un seul pays », puisqu’elle devenait un instrument de l’État russe et préparait la classe ouvrière au carnage impérialiste de la Seconde Guerre mondiale.2

Dans ces deux exemples majeurs du mouvement marxiste révolutionnaire, l’organisation a disparu à cause d’un abandon progressif des principes politiques, en particulier du plus important pour la classe ouvrière – l’unité et l’action internationales face à la guerre impérialiste ou face à ses préparatifs. Ces organisations marxistes sont donc mortes (au moins pour autant que les intérêts de la classe ouvrière étaient concernés) non pas du fait d’un échec à s’adapter à la tendance générale de la société, mais à l’inverse parce qu’elles s’y étaient adaptées en cédant à la pression de la bourgeoisie internationale et avaient abandonné les positions politiques prolétariennes. Nous pensons donc que la réalité est diamétralement opposée à la logique de Devrim. En fait, si nous utilisons l’histoire révolutionnaire comme guide, le CCI disparaîtrait vraisemblablement s’il abandonnait ou minimisait l’importance de ses positions politiques comme une façon de s’accommoder au désintérêt de la politique qui prévaut et s’il échouait à rester ferme et à développer théoriquement celles-ci et d’autres principes fondamentaux par crainte de se retrouver isolé. Nous tirons donc une conclusion opposée à celle de Devrim.

Si le mouvement marxiste révolutionnaire a connu des périodes de trahison et de mort organisationnelle comme celles déjà mentionnées, il peut aussi offrir des exemples magnifiques de ces périodes dans lesquelles les minorités marxistes ont souffert de l’isolement le plus brutal pour maintenir les positions politiques et créer une corde de sauvetage pour les nouvelles organisations révolutionnaires de l’avenir. Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg qui sont allés en prison (travaux forcés dans le cas de Liebknecht) et ont ensuite été assassinés à cause de leur combat internationaliste contre la Première Guerre mondiale, ont contribué à inspirer la Révolution d’Octobre et la formation de l’Internationale Communiste. Ou alors, les militants à peine connus de la Gauche Communiste qui se sont exposés (et en ont été souvent victimes) à la terreur à la fois de la Gestapo et des Résistants, pour défendre les principes internationalistes pendant la Deuxième Guerre mondiale, en maintenant en vie la tradition que nous défendons aujourd’hui.

Les organisations révolutionnaires d’aujourd’hui mériteraient difficilement l’appellation de « Gauche Communiste » si elles n’étaient pas capables de résister aux conditions relativement soft d’isolement qu’elles peuvent subir aujourd’hui face au dégoût général de la politique. Elles peuvent sûrement supporter la ridiculisation et l’ostracisme qui peuvent s’exercer sur les militants révolutionnaires aujourd’hui, quand on mesure les conditions terribles auxquelles ont été confrontés leurs prédécesseurs dans le passé.

La capacité de préserver et de développer une pensée politique révolutionnaire face à un isolement souvent extrême est importante pour évaluer si une organisation révolutionnaire mérite d’exister.

Le CCI mériterait donc de mourir en tant qu’authentique courant de la Gauche Communiste… s’il suivait les critiques de Devrim et sous-estimait l’importance des positions politiques en les prenant comme « façon de penser d’un âge révolu ». Le CCI se développe sur sa capacité à maintenir et développer les positions politiques appropriées pour la classe ouvrière dans la période actuelle et à venir. On reviendra aux conditions actuelles de la lutte de la classe ouvrière plus loin. D’abord, quelques observations générales sur l’importance des positions politiques.3

La révolution prolétarienne est politique

Marx, à la suite d’Aristote, le philosophe de la Grèce antique, a défini l’homme comme un animal politique : « L'homme est, au sens le plus littéral, un animal politique, non seulement un animal sociable, mais un animal qui ne peut se constituer comme individu que dans la société. » (Introduction générale à la critique de l’économie politique, 1857). Par extension, le terme « politique » a une signification générale (et va donc au-delà des machinations corrompues des partis de l’État bourgeois) : la tentative de l’homme de déterminer la direction de la société dans son ensemble et donc son propre futur.

Dans la longue histoire de la société divisée en classes, les masses exploitées ont été complètement exclues de sa direction politique. Cependant, dans le capitalisme, la dernière forme de société de classes, la classe ouvrière a été capable de s’imposer sur la scène politique et de former des partis politiques. Cette capacité d’exprimer ses intérêts sous une forme politique est en dernière instance un résultat du fait, qu’à la différence des classes exploitées précédentes, la classe ouvrière est une classe révolutionnaire qui porte en elle un mode de production entièrement nouveau pour remplacer le capitalisme.

La lutte de la classe ouvrière dans le capitalisme, quand elle est menée jusqu’à une conclusion couronnée de succès, mène au renversement de la bourgeoisie et à la dictature du prolétariat. L’acte politique suprême, l’arrivée au pouvoir politique de la classe ouvrière, est la condition pour l’établissement ultime d’une société sans classes – le communisme. Le développement de la conscience du prolétariat est la reconnaissance de ses intérêts politiques et historiques en tant que classe, exprimée, bien que non exclusivement, dans la formation de partis politiques. La classe ouvrière, ayant un besoin inné de mener la société au socialisme, doit s’unifier sur les définitions politiques de ce qu’elle est, de ce qu’elle doit faire en tant que classe. Les positions politiques sont les éléments constitutifs de la plateforme de l’organisation politique révolutionnaire – ce qui distingue les perspectives de la classe ouvrière des objectifs de la bourgeoisie et des autres classes dans la société. La nature précise de ce parti politique, quand il peut se former, le rôle qu’il joue dans la prise du pouvoir par le prolétariat, etc. a énormément évolué au cours des deux derniers siècles. Mais la conception marxiste de l’organisation révolutionnaire en tant qu’entité fondamentalement politique demeure.

C’est d’autant plus crucial quand on considère que la classe ouvrière, à la différence des classes révolutionnaires précédentes, ne peut pas construire une base de pouvoir économique dans la société existante, l’élaboration théorique et l’adoption de positions politiques prolétariennes deviennent donc d’autant plus vitales4. La formulation de positions politiques doit pour la même raison, précéder la prise réelle du pouvoir politique.

La classe ouvrière n’est donc pas simplement une catégorie économique ou sociologique au sein de la société bourgeoise, une classe exploitée comme les esclaves ou des serfs, mais surtout une classe historique avec un but révolutionnaire et donc une classe politique dans le sens le plus profond du terme. Le dédain pour l’importance centrale de la politique dans la lutte de la classe ouvrière, et pour les organisations qui affirment défendre ses intérêts, ne permet cependant pas d’éviter ou d’échapper aux pressions politiques, puisque la lutte entre les classes pour la direction de la société est invariablement un combat politique qui s’impose aux combattants qu’ils le veuillent ou non. L’apolitisme, en dépit de ses illusions d’y échapper, devient inévitablement politique... mais pas nécessairement d’une bonne façon. Au contraire, en raison de l’absence de positions et de principes clairs et développés, la démarche apolitique se met plutôt sous le joug des forces politiques dominantes de la classe au pouvoir.

Il n’y a nulle part de meilleur exemple que dans l’histoire de l’anarchisme et de ses tentatives d’apolitisme révolutionnaire. Dans les grands tests politiques de l’histoire, les anarchistes ont été pour la plupart incapables de résister aux pressions de la politique de la classe dominante et ont capitulé vis-à-vis d’elles, l’exemple le plus fameux étant celui de Pierre Kropotkine pendant la Première Guerre mondiale.

Kropotkine, Tcherkesoff et Jean Grave étaient les défenseurs les plus enthousiastes de la France : « ne laissez pas ces conquérants haineux balayer à nouveau la civilisation latine et le peuple français (…), ne les laissez pas imposer à l’Europe un siècle de militarisme ». (Lettre de Kropotkine à Jean Grave, 2 septembre 1914). C’est au nom de la défense de la démocratie contre le militarisme prussien qu’ils soutenaient l’Union Sacrée : « l’agression allemande a été une menace – réalisée – non seulement contre nos espoirs d’émancipation mais contre toute l’évolution humaine. C’est pourquoi nous, les anarchistes, nous, les antimilitaristes, nous les ennemis de la guerre, nous les partisans passionnés de la paix et de la fraternité entre les peuples, nous nous mettons du côté de la résistance et n’avons pas pensé séparer nos destinées de celles du reste de la population ». (Manifeste des Seize (le nombre de signataires, NdT), 28 février 1916.)5

Les principaux représentants de l’anarchisme se sont alignés derrière la politique de la classe dominante, comme l’ont fait les directions opportunistes des principaux partis sociaux-démocrates. Ces derniers ont abandonné les positions politiques internationalistes de la classe ouvrière ; les premiers, méprisant pour la plupart ces positions, ont découvert que leurs propres phrases qui sonnent bien mais creuses comme des coquilles vides sur la démocratie et l’émancipation, l’évolution humaine, contre la guerre, pour la paix et la fraternité, pouvaient être récupérées par la politique impérialiste de la bourgeoisie.6

Le dédain parmi les révolutionnaires eux-mêmes dans d’autres périodes comme celle d’aujourd’hui pour les positions révolutionnaires peut aussi être dommageable, même si elles sont moins décisives, en tendant à refléter, plutôt qu’à contrecarrer, la désorientation actuelle de la classe ouvrière.

Les positions politiques marxistes et la période actuelle

Devrim dit qu’il y a un problème de dépolitisation dans la société. Certes ! Mais quelles sont les caractéristiques particulières de la dépolitisation aujourd’hui qui affecte la classe ouvrière et ses minuscules minorités révolutionnaires ?

Depuis la résurgence de la lutte de classe au niveau historique en 1968, mettant fin à la longue époque de contre-révolution, la classe ouvrière a rencontré beaucoup de difficultés à développer sa lutte sur son propre terrain politique. Elle est largement restée sur la défensive et sous le joug de la social-démocratie, du stalinisme et des syndicats. La classe dominante, pour sa part, a été capable d’étaler sa crise économique croissante, de manœuvrer politiquement et intelligemment contre la menace de « ceux d’en bas ». Le blocage qui en a résulté entre les deux principales classes antagonistes de la société capitaliste a ouvert une période de décomposition sociale du capitalisme qui a mené à une désorientation profonde au sein de la classe ouvrière.7

La claire ouverture de la période de décomposition a été marquée par l’effondrement de l’URSS et cela a été délibérément utilisé par la classe dominante pour renforcer cette désorientation. Les énormes campagnes idéologiques de la bourgeoisie internationale depuis 1989 sur « la mort du communisme », du « marxisme » et sur « la fin de la classe ouvrière » en tant que force politique dans la société, ne sont pas fortuites. Les minorités marxistes comme le CCI, même si elles n’étaient en aucune façon polluées par le stalinisme, ont néanmoins subi pleinement la force de cette tentative de la classe dominante de dépolitiser la classe ouvrière et d’utiliser ainsi la décomposition sociale de son système pour infliger un coup sévère à son adversaire de classe.

Devrim, dans son témoignage personnel, Mon expérience…, exprime son accord avec l’analyse du CCI sur la décomposition sociale du capitalisme que nous avons brièvement résumée ci-dessus : « Personnellement, je pense que beaucoup de ce qui a été dit est une bonne description de la nouvelle période qui a commencé avec la chute de l’Union Soviétique, mais ce doit aussi être compris comme un moyen de justifier les erreurs qui sont présentes dans ‘ le truc’ sur les années de vérité (référence à l’analyse que la CCI a faite pour décrire les enjeux des années 1980).» Devrim n’analyse pas quelles sont les parties des Thèses sur la décomposition avec lesquelles il est d’accord ou quelles sont les parties avec lesquelles il est en désaccord, ou la nature des erreurs que nous sommes supposés avoir faites dans l’analyse des années 1980, pas plus qu’il n’explique ce qui ne va pas dans l’analyse des Thèses sur la décomposition et qui prouverait qu’elles sont un moyen de justifier cette dernière analyse.8

Néanmoins, nous pouvons déduire que Devrim ne suit pas les conclusions les plus importantes des Thèses selon lesquelles cette nouvelle période allait créer de nouvelles difficultés pour le prolétariat et donc pour ses organisations révolutionnaires :

« 13) En fait, il importe d'être particulièrement lucide sur le danger que représente la décomposition pour la capacité du prolétariat à se hisser à la hauteur de sa tâche historique. De la même façon que le déchaînement de la guerre impérialiste au cœur du monde "civilisé" constituait "Une saignée qui [risquait] d'épuiser mortellement le mouvement ouvrier européen", qui "menaçait d'enterrer les perspectives du socialisme sous les ruines entassées par la barbarie impérialiste en fauchant sur les champs de bataille (...) les forces les meilleures (...) du socialisme international, les troupes d'avant-garde de l'ensemble du prolétariat mondial" (Rosa Luxemburg, La Crise de la social-démocratie), la décomposition de la société, qui ne pourra aller qu'en s'aggravant, peut aussi faucher, dans les années à venir, les meilleures forces du prolétariat et compromettre définitivement la perspective du communisme. Il en est ainsi parce que l'empoissonnement de la société que provoque la putréfaction du capitalisme n'épargne aucune de ses composantes, aucune de ses classes ni même le prolétariat. » (Thèses sur la décomposition)

Devrim n’a pas tiré de cette analyse la conclusion que l’organisation révolutionnaire, en tant qu’émanation de la classe ouvrière, doit résister à ce processus de dépolitisation et explorer de la façon théorique la plus profonde toutes les implications de la nouvelle période pour le prolétariat comme classe politique, pour préparer son futur réveil qui est encore possible en dépit du poids négatif de la décomposition.

Il tire plutôt la conclusion opposée : si la société et la classe ouvrière ont été dépolitisées dans cette période, les révolutionnaires doivent s’adapter à cette dynamique en réduisant ou en gommant la signification des intérêts historiques du prolétariat et donc réduire leur préoccupation pour les positions politiques concernées et ajuster leur langage pour être acceptables. Mais ne serait-ce pas un retour aux façons éculées et à la théorie confuse de l’apolitisme anarchiste ?

Nous devons rappeler que la tendance actuelle à la dépolitisation dans la classe ouvrière n’est ni permanente ni totale, pas plus que la putréfaction capitaliste n’a atteint ses conclusions ultimes. Les contradictions du capitalisme mondial continueront à obliger les travailleurs à penser de nouveau en termes politiques, peu importe à quel point un tel processus de renaissance sera être long et difficile.

C’est pourquoi il continue à y avoir une petite minorité d’individus attirés par la politique marxiste. Aussi, nous ne pensons pas que Devrim parle pour toutes les personnes ou pour tous les « observateurs extérieurs » du CCI qu’il suggère être tous rebutés ou ennuyés par les positions politiques. Ce serait tragique si les organisations révolutionnaires, bien qu’encore minuscules, échouaient aujourd’hui à faire face au défi de cette tendance, à aller vers des positions politiques de classe, et n’arrivaient pas à donner à ces dernières un contenu historique, une consistance globale et une cohérence, ainsi que leurs fondements théoriques les plus profonds.

En ce sens, la prédiction de Devrim sur la disparition du CCI à cause de ses préoccupations pour les principes politiques prolétariens, exprime au contraire, à sa manière, la tendance actuelle du capitalisme en décomposition à la destruction de la conscience de classe et par conséquence des minorités révolutionnaires qui essaient de la préserver et de l’enrichir.

La politique et la vie interne de l’organisation marxiste révolutionnaire.

Les considérations personnelles de Devrim dans : Mon expérience dans le CCI, ne traite pas des principes politiques de l’organisation, de sa plateforme et ne cite que très brièvement certains textes clefs d’analyse du CCI comme les Thèses sur le parasitisme et les Thèses sur la décomposition.

Ce rabaissement du cadre de l’existence du CCI est une conséquence logique de son idée, exprimée dans l’e-mail à un membre du CCI que nous avons cité au début de cet article, selon laquelle traiter de positions politiques dans la plateforme est l’expression de la pensée d’un âge révolu. Au lieu de cela, la mémoire de Devrim se focalise sur son expérience de la vie interne du CCI. Ici, de nouveau, il ne traite pas des principes politiques sous-jacents au fonctionnement interne du CCI, mais fonde ses critiques sur des impressions, des anecdotes personnelles et des ouï-dire (tels que « un membre de l’organe central m’a dit »… ou « J’ai entendu parler de cas où les intégrations ont pris des années. »)9

Néanmoins, un certain nombre de thèmes de base ressortent de son rapport critique qu’il serait intéressant de discuter d’un point de vue général.

  1. Les conditions pour être membre du CCI sont trop strictes et le processus d’intégration de nouveaux membres est trop long et trop exhaustif

« Le processus d’intégration au CCI est trop long et fastidieux… Fondamentalement, pour rentrer dans le CCI, vous devez être d’accord avec la plateforme et les statuts. J’ai entendu parler de cas au sein du CCI où ce processus a pris des années. Avec nous, cela a été plus rapide, mais c’était tout de même un processus de très longue durée… il semble que le CCI essaie activement d’éviter de recruter de nouvelles personnes10 en rendant l’intégration aussi difficile que possible. Le sentiment que j’ai eu a été que le centre ressentait que nous avions été intégrés trop rapidement, et qu’une partie du problème était que nous n’avions pas été d’accord avec eux sur certaines questions avant d’intégrer, en particulier sur les Thèses sur le parasitisme, mais aussi sur beaucoup d’autres. Cela représente une dichotomie pour le CCI parce que bien qu’être officiellement membre repose sur l’adhésion à la plateforme et aux statuts, il y avait de nombreux textes « supplémentaires » sur lesquels il était aussi suggéré de discuter. Mon sentiment est que dans le futur, le CCI insistera sur même plus d’autres textes, ce qui aura l’effet double, non seulement de rendre plus difficile de recruter des gens mais aussi signifiera qu’il y a moins d’idées neuves dans le CCI lui-même. »

  1. Le CCI est « trop fortement centralisé »

« Le CCI se voit comme une organisation unique internationalement centralisée, et pas comme une collection de différentes sections nationales. Ceci dit, la quantité d’intervention de l’organe central dans la vie de tous les jours des différentes sections m’a semblé non seulement être excessive mais absolument autoritaire.

Sur le sujet du rapport entre les membres de l’organisation, j’ai le sentiment que celui qui existe au sein du CCI sert à affaiblir l’initiative des membres individuel et des sections aussi, en encourageant une culture organisationnelle qui, à mon avis, est trop fortement centralisée.

Bien que je considère un niveau extrêmement élevé d’accord politique comme étant un critère pour être membre, il me semble encore que, dans le CCI, les ordres viennent d’en haut et sont transmis à la base. Ce processus, c’est mon sentiment, agit dans le sens de décourager l’initiative des membres de l’organisation dans leur ensemble et, malgré les protestations du CCI qui soutient le contraire, tend à être le reflet des relations hiérarchiques qui prévalent dans la société toute entière. »

  1. Il y a trop de discussion interne dans le CCI, qui demandent trop d’engagement politique…

« Il y a trop de ‘débat’ dans le CCI ce qui tend à rendre toute discussion réelle impossible. Cela mène à un problème, qui est que rien que suivre les affaires internes du CCI demande une quantité de temps que, j’imagine, beaucoup de gens dans d’autres organisations politiques consacrent à l’ensemble de leur activité politique… Tout doit être discuté en interne avant que ce soit présenté à l’extérieur… Je pense que ça donne l’impression que le CCI est composé d’une poignée de robots qui répètent la même chose comme des perroquets. Cependant, que cela puisse être vrai ou pas, c’est certainement une impression qu’ont beaucoup de gens en dehors du CCI, et que le CCI n’a cure de dissiper. La seconde est que le CCI produit un immense volume de textes, beaucoup d’entre eux, ayant déjà été discutés, ne sont même pas lus par tous ses membres. Il doit y avoir sûrement certaines personnes en dehors qui pourraient être intéressées par certains d’entre eux. »

… alors que la théorie du CCI est « trop cohérente »

« La théorie du CCI est un ensemble de travail impressionnant, surtout à cause de sa cohérence en profondeur. Tout s’emboite parfaitement, chaque bloc ayant sa place dans la structure entière. Pour ceux qui recherchent la cohérence théorique, cela peut être certainement très attractif, en particulier pour les nouveaux groupes, comme nous l’étions à l’époque, l’adoption d’un seul coup d’un travail théorique dans son ensemble peut être perçue comme profondément attirante plutôt que de faire un travail théorique rigoureux, ce qui est l’alternative. Le problème est cependant que c’est un château de cartes où chaque partie dépend des autres pour empêcher l’édifice de s’effondrer. »

Pris dans son ensemble, si vous enlevez de son point de vue personnel les impressions personnelles désobligeantes, les métaphores dénigrantes et pas mal de petits mensonges, ce que Devrim critique dans le CCI, c’est de trop être une organisation politique révolutionnaire : l’accord politique demandé pour devenir membre est trop élevé, le CCI est trop centralisé à l’échelle internationale, il y a trop de débats théoriques internes, il se démarque trop des autres tendances politiques, il exige trop de passion politique de la part de ses membres et finalement, il est trop cohérent théoriquement.

C’est vraiment trop flatteur pour une organisation révolutionnaire ! L’histoire du CCI montre qu’il a eu de nombreuses difficultés. Néanmoins, malgré toutes les erreurs et les insuffisances du CCI, être capable pour une organisation révolutionnaire de s’accrocher, pendant 40 ans, à la lignée de la gauche marxiste (celle de la Ligue Communiste, la Ière , IIe et IIIe Internationale et de la Gauche communiste, elle-même) ; de fournir une analyse approfondie de la période historique (la décadence du capitalisme) et également des principales caractéristiques de sa dernière phase de décomposition ; d’offrir une plateforme qui met en avant la perspective communiste ; de maintenir son indépendance vis-à-vis de la bourgeoise y compris de son aile d’extrême-gauche ; de fournir des analyses régulières de l’évolution de la situation internationale dans ses dimensions de la crise économique, des conflits impérialistes et de la lutte de classe ; d’intervenir d’une seule voix sur tous les continents (malgré sa petite taille) ; de donner naissance au niveau de discussion interne requis pour présenter ses débats de façon claire à l’extérieur ; de survivre à ses crises politiques internes et d’avancer…, tout cela au moins montre que les préoccupations de principes politiques tendent à soutenir une organisation révolutionnaire plutôt qu’à conduire à sa disparition.

Mais cette ténacité politique n’est pas notre seule réalisation politique. Finalement, la capacité que le CCI a montrée est un reflet du potentiel latent dans la classe ouvrière en tant que classe politique révolutionnaire, de sa capacité à devenir hautement consciente de ses buts historiques et à s’unifier autour de ses intérêts face à tous les obstacles qu’il y a eu et qui seront mis en travers de sa route.

Malgré tout, c’est cette capacité très politique que Devrim pense vieillotte et qui mènera à la disparition du CCI, une destinée, c’est ce qu’il sous-entend, qui devrait s’accélérer. La politique basée sur des principes détruit prétendument l’individu et l’initiative locale, décourage le développement d’idées neuves et isole l’organisation des sources extérieures d’inspiration et empêche donc sa croissance. En bref, le CCI restreint la liberté personnelle, la liberté individuelle nécessaire pour une organisation pleine d’énergie et qui grandit, comme le dit Devrim. Le processus d’intégration des nouveaux membres, le rôle des organes centraux, le cadre du débat interne et ses buts théoriquement cohérents, son attitude vis-à-vis des autres parties du milieu politique, sont, en un mot, autoritaires.

La liberté individuelle, du point de vue bourgeois et du point de vue prolétarien

Pour répondre à cette idée fausse que l’organisation marxiste révolutionnaire restreint la liberté de l’individu, nous devons essayer de clarifier quelques questions de façon à donner une certaine cohérence au problème.

Le désir de liberté, la capacité de forger sa propre destinée et d’être honnête avec soi-même est un des plus vieux besoins humains, un besoin intrinsèque à une espèce qui a la capacité d’être consciente d’elle-même et qui doit vivre en société. L’interaction entre les désirs les plus profonds de l’individu et les besoins des autres a toujours été un aspect fondamental de l’existence humaine.

Pendant une grande partie de l’histoire humaine précapitaliste, dominée par les classes et l’exploitation de l’homme par l’homme, le besoin spirituel de l’individu, de liberté personnelle et de contrôle sur son destin a été largement retourné contre lui par le spectre de « Dieu » et par les représentants auto-désignés de ce dernier sur terre qui, nullement par hasard, se trouvaient appartenir à la classe des propriétaires d’esclaves. La masse de la population qui produisait était enchaînée sur terre par la classe dominante et dans les cieux imaginaires par un tyran céleste.

La laïcisation et donc la politisation de la liberté personnelle et de la destinée, dans les révolutions bourgeoises – en particulier dans la révolution française de 1789-1793 – a été une étape fondamentale dans le progrès vers des solutions dans le monde réel de la liberté humaine. Mais c’est aussi parce qu’elle a ouvert la voie à la classe ouvrière pour s’imposer sur l’arène politique et se définir politiquement. Cependant, dans la déclaration des Droits de l’Homme de 1789, la bourgeoisie présentait sa liberté nouvellement gagnée comme une réalisation universelle qui profitait à tous. Cette tromperie résultait en partie de ses propres illusions et en partie des besoins de la bourgeoisie d’enrôler toute la population derrière ses drapeaux. Le concept de liberté restait une forme abstraite, mystifiée, qui cachait le fait que, dans la société capitaliste, les producteurs, tout en étant libres et égaux à leurs maîtres légalement, seraient alors enchaînés par une nouvelle forme d’exploitation, une nouvelle dictature. La bourgeoisie victorieuse a apporté avec elle la généralisation de la production de marchandises qui a accentué la division du travail, arrachant l’individu à la communauté. Les différentes formes du tissu social affrontaient l’individu comme une nécessité externe et faisaient de son semblable un concurrent. Paradoxalement, de cette atomisation et de cet isolement, a surgi la mystique de la liberté individuelle dans la société capitaliste. En réalité, seul le capitalisme était libre :

 "Dans la société bourgeoise, le capital est indépendant et personnel, tandis que l'individu qui travaille n'a ni indépendance, ni personnalité.

Et c'est l'abolition d'un pareil état de choses que la bourgeoisie flétrit comme l'abolition de l'individualité et de la liberté ! Et avec raison. Car il s'agit effectivement d'abolir l'individualité, l'indépendance, la liberté bourgeoises."

(Marx et Engels, Le Manifeste Communiste)

Le développement vivant, historiquement concret de la liberté individuelle dépend donc de la solidarité de la lutte prolétarienne pour l’abolition des classes et de l’exploitation. La liberté réelle n’est possible que dans une société où le travail est libre, ce qui sera le mode de production communiste, où l’abolition de la division du travail permettra le développement et l’épanouissement complet de l’individu.

La promotion de libertés politiques prolétariennes dont dépend cette transformation révolutionnaire de la société et que les organisations politiques communistes doivent défendre, implique nécessairement la lutte contre les revendications acharnées de liberté bourgeoise que la société capitaliste fait sans cesse naître.

  1. « Des conditions trop strictes pour être membre ».

Pour paraphraser le Manifeste Communiste : la bourgeoisie reproche aux conditions impérieuses du militantisme marxiste de restreindre la liberté de l’individu et ses initiatives. Avec raison. La prohibition des libertés et des initiatives individuelles bourgeoises visent sans aucun doute à cela.

Le principe politique d’opposition à la participation parlementaire, que le CCI partage avec le reste de la Gauche Communiste, empêche dans une grande mesure l’espèce de carriérisme et de prises de décisions hiérarchiques qui ont infecté les partis de la Deuxième Internationale et qui sont typiques de la vie politique bourgeoise. L’indépendance de principe vis-à-vis de l’appareil d’Etat bourgeois écarte la sorte d’ambition personnelle et d’aventurisme alimentés par l’attente d’argent facile qui anime les participants de la politique bourgeoise.

La lutte pour la liberté politique prolétarienne contre la liberté bourgeoise ne s’arrête pas là. Il y a ceux qui sont dégoûtés par le monde pourri de la politique bourgeoise, de gauche ou de droite, et qui veulent la combattre au sein d’une organisation révolutionnaire marxiste. Mais ils n’ont pas abandonné, au fond, le mot d’ordre vide et abstrait de « liberté individuelle » qui sert d’idéologie et de justification en dernier ressort au monde capitaliste.

Quand ils ne sont pas maîtrisés, ces restes de pensée bourgeoise conduisent, au sein de l’organisation, à une attitude de combat clandestin contre la prétendue rigidité des principes politiques prolétariens, la hiérarchie supposée de la centralisation, le « dogmatisme » du débat prolétarien, qui sont ressentis comme autant de restrictions des droits personnels, même si, superficiellement, on est d’accord avec ces vrais principes – la centralisaiton et la culture du débat. Cette attitude n’a pas d’alternative précise à proposer, pas de contours positifs distincts, mais se caractérise principalement par être contre, par le rejet de ce qui existe. Elle revendique le droit de ne pas attendre les décisions collectives, le droit de prendre des initiatives locales à l’encontre de celles du reste de l’organisation sans explication, le droit de ne pas être cohérent et surtout, de ne pas être tenu pour responsable de toute incohérence11.

Cette attitude anarchiste conserve la croyance bourgeoise dans la « liberté individuelle ». Elle rejette l’autorité des politiques capitalistes et l’exploitation mais finit aussi par rejeter tout autant l’autorité d’une alternative marxiste.

L’organisation révolutionnaire marxiste doit donc lutter aussi et se protéger contre cette défense creuse et plus diffuse de la liberté politique bourgeoise tout autant que contre son expression ouverte qu’on trouve dans les partis gauchistes et parlementaires.

Ce n’est pas par hasard, si dans l’histoire du mouvement ouvrier, la question de qui est et qui n’est pas un membre de l’organisation a pris une importance vitale. Au congrès de La Haye de la Première Internationale, les premiers jours ont été consacrés à la vérification de l’éligibilité des délégués, en particulier, parce qu’il y avait une cabale secrète au sein de l’organisation, l’Alliance de Bakounine.

Au Deuxième Congrès, du parti ouvrier social-démocrate de Russie en 1903, décisif pour sa constitution, une des principales divisions entre les bolcheviks et les mencheviks portait sur la définition de qui est membre, dans les statuts proposés.

Des conditions strictes pour être membres sont un moyen vital d’exclure à la fois les expressions classiques de la liberté politique bourgeoise comme l’aventurisme et le carriérisme, et les concessions à cette politique bourgeoise qui prennent la forme de l’opportunisme vis-à-vis des principes politiques généraux et qui favorisent la formation de cliques de personnes qui résistent à l’application rigoureuse des principes sur les questions organisationnelles.

Un manque de rigueur dans le processus d’intégration des militants est un bon moyen d’établir une hiérarchie au sein de l’organisation entre « ceux qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas » les positions et les analyses de celle-ci. Evidemment, il n’est jamais possible d’éliminer complètement les inégalités et les différences de capacité entre militants, mais le « recrutement » sur des bases insuffisantes est le meilleur moyen de les renforcer plutôt que de les atténuer.

  1. La centralisation et la conception non-hiérarchique de délégation

Tous les organismes ont besoin d’un certain niveau d’unité pour maintenir leur existence. C’est vrai dans la sphère politique comme dans les lois dialectiques de la nature. La centralisation est le principal moyen de garantir une unité complexe. C’est l’expression d’un argument universel fondamental : le tout est plus que la somme des parties. L’unité n’est pas le simple résultat de la collection ou de l’agrégation des différents constituants de l’ensemble. L’unité exige une autre qualité : la capacité de centraliser et de coordonner ces éléments par ailleurs disparates. Un orchestre a besoin d’un chef pour rassembler tous les musiciens, qui en retour, reconnaissent et respectent son rôle indispensable dans la création d’une œuvre d’art unifiée qui est qualitativement plus que le son de chaque instrument pris séparément.

Une organisation politique révolutionnaire est aussi plus qu’une collection d’individus qui se retrouvent en accord – elle exige aussi, de façon à se maintenir, une volonté d’unité et donc une volonté de centralisation de la part de chaque militant.

Le degré élevé de centralisation requis par les organisations politiques prolétariennes reflète le fait que le prolétariat n’a aucun intérêt économique ou politique différent en son sein, à la différence des autres classes. Cela exprime aussi un besoin important d’une classe exploitée : combattre le processus de division et d’atomisation que le travail salarié et la production généralisée de marchandises imposent au prolétariat et compenser l’absence de tout pouvoir économique pour consolider son combat.

La centralisation restreint nécessairement certaines initiatives individuelles – celles qui résistent au processus de centralisation et, à l’opposé, vont chacune dans une direction indépendante qui mène à une perte de cohésion et en définitive à la dissolution de l’ensemble. Mais la centralisation, au contraire, est entièrement dépendante des initiatives individuelles et de la diversité de tout l’organisme politique. La nature durable de la centralisation est précisément un résultat du besoin de résoudre collectivement des différences, de synthétiser les désaccords – la seule façon de resserrer l’ensemble et de l’enrichir dans une nouvelle unité.

Le concept marxiste de centralisation n’est donc pas monolithique. Il permet, en fait il exige, que les positions minoritaires s’expriment – avec pour objectif de gagner la majorité et qu’ainsi l’ensemble de l’organisation puisse s’orienter dans la bonne direction. La conception fédéraliste ou décentralisée selon laquelle la minorité ne devrait pas être ouverte à la critique, pas soumise à l’unité de l’organisation alors que le débat continue, est en fait autoritaire parce qu’elle signifie qu’une partie s’impose arbitrairement sur l’ensemble12.

La centralisation semble toujours être hiérarchique aux adeptes de la « liberté personnelle » parce qu’elle implique le principe de délégation. Les congrès, par exemple, qui formulent les buts généraux de l’organisation ne peuvent pas siéger de façon permanente et traiter l’énorme quantité des fonctions quotidiennes de l’organisation et, en particulier, son intervention au sein de la classe ouvrière. Ils doivent déléguer aux organes centraux la responsabilité de traduire leurs orientations dans la vie quotidienne de l’organisation. Mandater des organes centraux et la remise de leurs mandats par les organes centraux au congrès suivant pour être vérifiés sont une des marques d’authenticité des organisations politiques révolutionnaires marxistes.

Le principe de délégation et du maintien de l’unité pendant les débats sur des divergences n’est pas trop de centralisation, c’est la centralisation : le fluide vital de l’organisation révolutionnaire. L’hostilité vis-à-vis de ces principes représente finalement l’affirmation de la volonté unilatérale de l’individu ou d’une minorité par rapport aux intérêts de l’ensemble. C’est cela, et pas la centralisation, qui est autoritaire.

  1. Débat, diversité et recherche de cohérence

Un aspect intéressant du compte-rendu personnel de Devrim est qu’il critique le CCI parce qu’il y aurait trop de débats internes, donc, trop d’initiatives individuelles, de diversité, d’un côté, alors que de l’autre, il critique l’organisation comme étant trop cohérente théoriquement, où tout est à sa place, et ainsi, sans laisser aucune place pour l’initiative individuelle.

Devrim n’a cure de résoudre cette contradiction apparente dans son point de vue : qu’une organisation puisse être en même temps intensément autocritique et intensément unie13. En fait, il n’y a pas de contradiction entre ces deux aspects de notre fonctionnement – nous pensons qu’ils sont à la fois complémentaires et interdépendants.

La tradition de la Gauche Communiste, à laquelle appartient le CCI, a toujours été caractérisée par un esprit critique qui n’est pas seulement axé sur la bourgeoisie et la société capitaliste, mais aussi sur elle-même, ses propres partis et sur leurs concessions à la bourgeoisie, les erreurs d’analyse et les insuffisances d’approfondissement théorique face au changement de la période historique et au cours des événements. Les principes politiques que le CCCI défend, sont le fruit de longs efforts pour réexaminer et vérifier la véracité des principes ou de la conception de ces principes, ce qui a permis de nous faire découvrir des manques à la lumière de l’évolution continuelle de la réalité sociale et de la création de nouvelles situations, qui demandent de nouvelles réponses et de nouvelles analyses. La vision du CCI du rôle du parti ou de l’Etat dans la période de transition, par exemple, est le produit d’un long développement théorique tortueux au sein de la Gauche Communiste qui a requis des décennies de débats et de confrontation après la défaite de la Révolution d’Octobre.

Dans l’histoire du CCI lui-même, le débat interne a conduit au rejet des analyses jadis axiomatiques de la tradition marxiste comme la théorie du maillon faible de Lénine – le concept selon lequel la transformation révolutionnaire socialiste viendrait des pays périphériques du capitalisme. Le CCI est allé à l’encontre de cette vision en affirmant que c’était en Europe occidentale, avec les bastions les plus expérimentés de la classe ouvrière et devant faire face aux bourgeoisies les plus intelligentes, que réside la force centrale pour la révolution prolétarienne14. Une attitude critique constante vis-à-vis des acquis de la tradition marxiste à la lumière des nouveaux problèmes posés par l’évolution des événements est donc un aspect nécessaire de la théorie marxiste.

Cela implique que chaque militant prenne à cœur cette démarche, reconnaisse le besoin de penser par lui ou par elle-même, et refuse de prendre les choses pour argent comptant.

En même temps, la critique marxiste ne peut être qu’assez sévère et rigoureuse dans la mesure où elle implique la recherche d’une nouvelle cohérence. Ce n’est que la recherche de nouvelles synthèses qui soit enrichissent, soit démentent les anciennes et qui peut aller aux racines des choses. L’objectif marxiste est toujours de créer une vision unifiée politiquement et théoriquement qui trace « la marche » de la lutte de classe ouvrière parce que cette marche évolue avec le temps et les changements des conditions matérielles. La nécessité d’une conception théorique unifiée des intérêts du prolétariat est une contrepartie vitale de l’unité organisationnelle. L’unité théorique ou la cohérence, comme l’organisation centralisée, n’est pas la même chose que la soumission ou l’uniformité. Toute cohérence contient des contradictions potentielles. Et ces oppositions latentes amènent de nouveaux débats et, nécessairement, de nouvelles conclusions.

La diversité n’est donc pas un but en soi, la célébration des différences en elles-mêmes, comme les anarchistes le croient, mais le moyen d’une plus grande conscience du prolétariat en tant que classe révolutionnaire unifiée.

De la même façon, le but des débats dans l’organisation n’est pas de renforcer l’autorité d’un quelconque « leader » mais de permettre la plus grande clarté, la plus grande homogénéité au sein de l’organisation, ce qui signifie précisément combattre les conditions qui engendrent la nécessité de nouveaux « leaders ».

Le pouvoir des idées de l’organisation dans la classe ouvrière, qui doit se mesurer sur le long terme, n’existe pas grâce à la dilution de ses principes et de ses analyses ou à l’abandon de la cohérence, comme le pense Devrim, mais grâce à la plus grande concentration et à la plus grande profondeur de sa théorie.

Tout cela implique des exigences pour le militant révolutionnaire. Une des plus importantes est qu’il doit voir au-delà de son ressenti émotionnel et de ses impressions personnelles.

Mais tout le rapport de Devrim sur son expérience négative dans le CCI en reste aux premiers stades des impressions personnelles qui ne s’élèvent jamais au niveau d’un débat sur les principes politiques et organisationnels qui sont l’essence d’une organisation révolutionnaire marxiste.

Conclusion

Il n’y a pas de conception alternative détaillée de l’organisation révolutionnaire dans la critique de Devrim. Mais par déduction, sa critique du CCI veut dire que l’alternative devrait être qu’il soit moins strict dans ses intégrations de nouveaux membres, moins centralisé, qu’il laisse plus d’autonomie aux différentes parties de l’organisation. Il devrait passer moins de temps sur les débats théoriques internes, moins de temps à se démarquer des autres tendances politiques. Il devrait donner moins d’importance au développement collectif de positions politiques cohérentes et plus de poids aux impressions et aux sentiments personnels. En bref, l’organisation révolutionnaire devrait moins être une expression politique de la classe ouvrière et plus un reflet des envies de ses membres individuels.

Comme Devrim ne donne aucun modèle historique ou de référence sur ce à quoi ressemblerait une telle organisation, ou de comment elle éviterait les échecs passés basés sur le même manque de paramètres, son alternative semble extrêmement fumeuses et ses contours indéterminés.

En définitive, la critique de Devrim exprime une vision complètement différente du militantisme révolutionnaire de celle d’une approche méthodique marxiste. Alors que cette dernière voit le libre développement du militant comme un processus d’interaction avec ses camarades, c'est-à-dire, comme une question de solidarité organisationnelle, Devrim voit le révolutionnaire comme quelqu’un qui doit conserver son autonomie personnelle à tout prix, même si cela signifie quitter l’organisation et donc ses camarades.

Dans une période dans laquelle la classe ouvrière a besoin de retrouver son identité en tant que classe politique, la suggestion qu’une organisation politique révolutionnaire existante, celle qui peut fournir une perspective politique communiste valable, serait obsolète et devrait être remplacée par une alternative conçue de façon vague mais qui serait indifférente aux positions politiques – est vraiment dérisoire, pas seulement dérisoire mais néfaste.

Aujourd’hui, il y a des groupes et des individus qui planifient délibérément de détruire les organisations révolutionnaires et le CCI en particulier. Alors que Devrim n’est pas d’accord avec notre définition de ces éléments comme « parasites », il a néanmoins par le passé rejeté leur comportement et leur objectif comme étant « anti-classe ouvrière » – c’est, admet-il, une des raisons qui l’a attiré dans le CCI. Mais son attitude présente, exprimée dans sa critique personnelle, qui implique maintenant que le CCI ne vaut pas d’être défendu face à de telles attaques, ne peut, quelles que soient ses intentions, que stimuler les appétits destructeurs des parasites.

Sa préoccupation de « la liberté personnelle contre l’autorité » se trouve prise dans un no man’s land entre deux alternatives : la détermination politique du marxisme d’un côté et le pouvoir politique hostile de la bourgeoisie et de ceux qui se sont mis au service de cette dernière, de l’autre. En réalité, il n’y a pas de terrain neutre entre ces deux pôles politiques.

Lequel de ces deux camps doivent choisir les révolutionnaires authentiques est clair.

Como.

1libcom.org/library/my-experience-icc-devrim-valerian [1]

2 Nous voulons dire qu’elles sont mortes en tant qu’organisations du prolétariat, mais n’ont pas nécessairement disparu entièrement. Le parti social-démocrate d’Allemagne, par exemple, qui s’est uni à l’effort de guerre impérialiste avant 1914, existe encore aujourd’hui comme un des principaux partis bourgeois de l’État allemand. Nous ne faisons pas ici une comparaison stricte entre le CCI et sa faible influence et les IIe et IIIe Internationales. Mais, l’aspect central du positionnement politique pour la vie ou la mort des organisations révolutionnaires reste au fond complètement adapté à ces références historiques. Nous n’avons pas la place ici de prendre d’autres exemples moins connus.

3 Rien de cela n’implique que Devrim ait abandonné une position internationaliste ou d’autres positions fondamentales de la Gauche Communiste. Mais il ne lui a pas semblé utile de les réaffirmer dans ses impressions – probablement parce qu’il voit une telle prise de position comme relativement peu importante. Notre propos est plutôt de critiquer cette idée plutôt que de se préoccuper de savoir si de telles positions politiques sont le produit d’un âge révolu.

4 Parce que la théorie « devient une force matérielle dès qu’elle s’empare des masses », Marx, dans Une Contribution à la critique de la Philosophie du droit de Hegel, en parlant des masses de la classe ouvrière.

5 en.internationalism.org/2009/wr/325/anarchism-war1

6 D’autres anarchistes ont, bien sûr, dénoncé et combattu la guerre impérialiste en grande partie sur la base des mêmes phrases. Cela montre seulement que ces dernières ne sont pas suffisantes pour élaborer une position de classe claire à propos de la guerre impérialiste : pour l’élaborer, le marxisme et l’organisation marxiste révolutionnaire étaient et sont nécessaires.

7 Voir les Thèses sur la décomposition du CCI, Revue Internationale n°62, 1990.

8 Nous n’en déduisons pas que Devrim est personnellement incapable de développer une telle explication mais, que de son point de vue, il ne considère pas que c’est un effort valable puisque cela représenterait une préoccupation archaïque sur des positions politiques.

9 Ce serait trop fastidieux de les conter ici. Et de toute façon, cela nous conduirait à révéler chaque détail quotidien et personnel de la vie interne du CCI qui n’intéresse que les bavards… ou la police.

10 En fait, nous ne « recrutons » pas : c’est une vision militaire ou gauchiste. Devenir un militant est une des décisions volontaires la plus personnelle dans la vie de chacun.

1111 Cette conception négative de la liberté individuelle n’est pas sans rapport avec la vision du philosophe utilitariste John Stuart Mill qui a défini la liberté comme essentiellement due à une absence de contraintes. Marx a répondu dans la Sainte Famille dans sa bataille critique contre le matérialisme vulgaire français que l’homme n’est pas libre « par la force négative d'éviter telle ou telle chose, mais par la force positive de faire valoir sa vraie individualité », qui dépend du contexte social pour le faire.

12 « Rapport sur la structure et le fonctionnement de l’organisation révolutionnaire », point 3. Revue Internationale n° 33, en.internationalism.org/specialtexts/IR033_functioning.htm

13 Le compte-rendu de Devrim est suffisamment candide pour réfuter la vieille calomnie selon laquelle « le CCI supprime le débat interne ».

14 « Critique de la théorie des maillons faibles », Revue Internationale n °31, 1982, en.internationalism.org/ir/1982/31/critique-of-the-weak-link-theory

 

 

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • L'organisation révolutionnaire [2]

Rubrique: 

Défense de la Gauche communiste

Réponse aux ex-membres de notre section en Turquie

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En janvier 2015, les membres de la section du CCI en Turquie annonçaient leur démission de notre organisation : leur explication concernant ce départ fut publiée deux mois plus tard sous le nom d’un nouveau groupe nommé Pale Blue Jadal, avec pour titre : A propos de notre départ du Courant Communiste International. Dans l’article qui suit, notre but est de pointer ce qui nous semble être les questions principales que pose le départ de ces ex-camarades.

L’éditorial de notre premier numéro de la Revue Internationale, publié en 1975, établit clairement que le but du tout jeune CCI se définit ainsi : « Dans la période de crise générale, marquée par des convulsions et des bouleversements sociaux, une des tâches les plus urgentes et ardues qui se dresse devant les révolutionnaires est celle d’unifier et de souder ensemble les forces révolutionnaires qui émergent et qui sont aujourd’hui dispersées de par le monde. Cette tâche ne peut être entreprise qu’en la concevant dès le départ au niveau international. Ceci a toujours été une préoccupation centrale pour le Courant ». Pour une telle organisation, perdre un militant est un malheur. Perdre une section entière est un échec. Nous nous devons donc, pour nous même mais aussi pour tous ceux qui s’identifient avec la tradition de la Gauche communiste à la classe ouvrière en général, d’examiner cet échec avec un esprit critique impitoyable et d’exposer nos conclusions à nos lecteurs.

Cette nécessité est d'autant plus pressante au vu de la nature du texte écrit par nos ex-camarades de Turquie, que nous devons désormais appeler « Pale Blue Jadal » (PBJ). Il y a des points dans ce texte avec lesquels nous pouvons être d’accord, mais globalement on y trouve un tel fatras de demi-vérités, de distorsions, de récriminations et une telle confusion générale qu'il en devient à peine reconnaissable pour ceux d'entre nous qui ont vécu les événements qu'ils tentent de décrire, et cela doit certainement être complètement inintelligible pour qui que ce soit en dehors du CCI. Bien entendu, ceci n’empêchera pas le texte de BPJ d’avoir un certain effet : les couards y puiseront de nouveaux arguments pour nourrir leur scepticisme et nos ennemis (dont certains nous portent une haine qui relève plus du domaine de la psychopathologie que de la politique) y liront ce qu’ils ont envie d’y lire.

Pour répondre à chacune des accusations de PBJ, nous devrions entreprendre un examen approfondi, comparable à celui que fit Lénine du congrès du POSDR de 1903 dans Un pas en avant, deux pas en arrière, mais sur une période de presque dix ans : nous devrions citer en détails une masse de notes de conférences et de congrès, sans parler des correspondances et notes de réunion. Ceci serait trop long et mettrait à l’épreuve la patience de nos lecteurs. Et par-dessus tout, cela étalerait le fonctionnement interne de notre organisation au grand jour, ce qu’aucune organisation révolutionnaire de bon sens ne ferait aujourd’hui. Nous allons donc nous limiter à statuer sur notre cas de manière aussi claire que possible, et à corriger en passant, les erreurs et insinuations les plus flagrantes de PBJ.

L’opportunisme organisationnel

Commençons par un point d’accord avec PBJ : notre intégration du groupe EKS comme section turque du CCI fut un processus infesté par l’opportunisme. Nous ne proposons pas d’en analyser les raisons maintenant : il suffit de dire que nous avons essayé de forcer le rythme de l’histoire et cela est une expression classique de l’opportunisme.

« Forcer le rythme » à notre propre et modeste niveau, bien sûr : principalement, cela entraînait la décision de « précipiter » les discussions avec le groupe EKS qui était sur le point de devenir notre section en Turquie. En particulier, nous avions décidé de :

  • Réduire drastiquement le temps passé à des discussions organisationnelles avec les membres d’EKS avant leur intégration, avec l’argument que l’art de construire une organisation s’apprend essentiellement de l’expérience.

  • Intégrer EKS en tant que groupe avec les individus qui le constituaient. Bien que nos statuts traitent de cette question, cela présentait le danger que les nouveaux militants ne se perçoivent pas, d’abord et avant tout, comme des militants individuels d’une organisation internationale, mais comme membres de leur groupe d’origine.

Avec du recul, notre approche de la question organisationnelle était à la fois incroyablement cavalière et impardonnable. Qu’était EKS, après tout ? Comme PBJ le dit, c’était « simplement un regroupement de cercles d’amis politisés », et de plus, des cercles issus du milieu politisé étudiant petit-bourgeois. Autrement dit, c’était précisément le genre de cercle que Lénine décrivait en 1903. Compte-tenu de notre expérience passée, de notre conscience que nos propres faiblesses passées découlaient, pour une grande part, des origines du CCI dans le mouvement étudiant des années 60-70, comment avons-nous pu oublier à ce point que la principale question qui se posait à nous avec l’intégration du groupe EKS était précisément celle de transmettre notre expérience organisationnelle ? Comment avons-nous pu perdre de vue notre propre critique de l’inanité et de la précipitation des intégrations opportunistes qui ont été pratiquées dans le passé par la TCI  [3]1? En tant que telle, notre expérience avec la section en Turquie ne sert que de nouvelle confirmation – en admettant qu’elle ait été nécessaire – que cette critique est fondamentalement correcte et qu’elle s’applique à nous-mêmes aussi bien qu’aux autres.

L’article à propos de notre XXIe Congrès donne une réponse générale à ces questions : « Le Congrès a souligné que le CCI est toujours affecté par son ‘péché de jeunesse’, l’immédiatisme, qui nous a fait perdre de vue, de façon récurrente, le cadre historique et à long terme dans lequel s’inscrit la fonction de l’organisation ». Ces défaillances sont d’autant plus difficiles à dépasser qu’elles sont présentes dans l’organisation depuis ses origines1. Concrètement, cela ouvrait la porte à une illusion particulièrement répandue parmi des membres d’ EKS, suivant laquelle notre difficulté à faire passer nos positions parmi la jeune génération nouvellement politisée (en particulier par le média relativement nouveau du forum internet) était essentiellement une question de présentation2, et que nous pouvions augmenter notre influence en édulcorant notre insistance sur les principes organisationnels (ce que PBJ appelle « reconnaitre que nos traumatismes posent problème »). En conséquence, nous avons perdu de vue les fondements historiques et matérialistes de notre pratique organisationnelle incarnée par nos statuts, lesquels ne peuvent se comprendre que d’un point de vue historique, comme principes politiques3 et comme le résultat à la fois du mouvement ouvrier (les Internationales et les Fractions) et de notre propre expérience. Nous avons traité les statuts comme de simples « règles de comportement » et les « discussions » sur le sujet étaient bouclées en une journée (cela contraste avec les mois de correspondance et de discussion avec EKS sur les positions contenues par notre Plateforme). Il n’y a pas eu de discussion sur les « Commentaires sur les statuts » (un texte qui place nos statuts dans le contexte de l’expérience historique du mouvement ouvrier et du CCI lui-même), pas plus que sur les textes organisationnels de base. Nous n’avons pas non plus insisté pour que ces textes soient traduits en turc4.

Pour toutes ces raisons, nous le répétons, le CCI – et non les membres d’EKS – en porte l’entière responsabilité5.

Mais le résultat fut que l’attitude de la section turque à l’égard des statuts n’était pas celle de militants marxistes qui cherchent à comprendre et à mettre en pratique les principes qu’ils sous-tendent – ou si nécessaire d’argumenter l’idée qu’ils devraient être changés avec tout le débat international au sein de l’organisation que cela impliquerait : en pratique, c’était plus l’attitude du petit avocat de salon, sans scrupules, dont le seul intérêt est de disséquer chaque document pour le tourner à son propre avantage.6

« Nous devions partir »

Cela constitue, au final, la justification de PBJ pour leur démission : « nous devions partir ». Mais qu’est-ce que cela sous-entend exactement ? Après tout, les membres turcs n’étaient pas exclus, ni collectivement ni individuellement, pas plus qu’il n’y avait de sanction prise à leur encontre. Leurs « positions minoritaires » n’étaient pas étouffées – au contraire, ils étaient constamment poussés à exprimer leurs positions par écrit de manière à pouvoir les publier et les porter à la connaissance de l’ensemble de l’organisation.

Si nous essayons de dégager les points principaux du texte de PBJ, le tableau qui se dessine alors se compose des éléments suivants :

  • Le CCI souffre d’une « culture de l’accord », ce qui rend les débats difficiles. Là-dessus, nous pouvons être d’accord, au moins jusqu’à un certain point7. Nous reviendrons sur la « culture de l’accord » au sein de la section turque elle-même.

  • Les « vieux » militants essayaient d’imposer une « transmission unilatérale » de l’expérience aux jeunes.

  • « La section était dissoute ».

  • En bref, donc, « nous devions partir ».

Pour résumer, PBJ est la « gauche critique » du CCI, plus encore qu’il ne représente les « jeunes » qui refusent d’accepter la « transmission unilatérale », la « dictature » des vieux dont les « traumatismes » « posent problème ».

En effet, à peine quelques mois avant leur démission, la section s’est opposée à l’organisation avec une prise de position grandiloquente dans laquelle elle déclarait être « la gauche » au sein de l’organisation. Reprenons leurs propres mots et mesurons un instant ce que signifie être « la gauche » dans le contexte du CCI ?

De manière parfaitement consciente, le CCI déclare tirer ses origines de la Gauche communiste, mais plus explicitement, et d’autant plus en matière de questions organisationnelles, de la tradition de la Gauche communiste italienne. Qu’est-ce que cela signifiait, être une « fraction de gauche » du temps de la Gauche italienne, lors de la dégénérescence de l’Internationale communiste ? « La Fraction de Gauche se forme alors que le parti prolétarien dégénère sous l’influence de l’opportunisme, c’est- à- dire, par la pénétration de l’idéologie bourgeoise. Il est de la responsabilité de la minorité qui défend le programme révolutionnaire, de mener une lutte organisée pour sa victoire au sein du parti. (…) C’est la responsabilité de la Fraction de Gauche de continuer le combat au sein du parti aussi longtemps que demeure l’espoir de le redresser : c’est pourquoi, durant la fin des années 1920, et le début des années 30, les courants de gauche n’ont pas quitté les partis de l’IC, mais ils en furent exclus, souvent au moyen de sordides manœuvres ».8

En bref, la gauche se bat pour son organisation jusqu’au bout pour :

  • Convaincre, et étendre son influence dans l’organisation autant que possible ;

  • Sauver autant de militants que possible ;

  • Clarifier les raisons du déclin de l’organisation, pour eux-mêmes, pour les autres militants, et pour le futur.

Enfin, la gauche ne s’enfuit pas au premier signe de désaccord et d’opposition. Elle fait tout ce qui est possible pour rester dans l’organisation et pour défendre ses idées – jusqu’à son exclusion. Elle ne joue pas les saintes-nitouches en fuyant lamentablement.

La Fraction de la Gauche italienne se forma contre la dégénérescence de l’Internationale communiste lorsque les partis constituant celle-ci intégrèrent l’appareil politique de la classe dirigeante. Quels que soient nos défauts, ce n’est pas la situation du CCI et, d’ailleurs, la section en Turquie n’a pas fait de telle déclaration. Il n’y avait donc aucune raison de supposer que les nombreux désaccords exprimés par, ou au sein de la section puissent justifier la formation d’une « fraction » dans le CCI ; au contraire, nous pouvions espérer que la discussion ouverte au sein de l’organisation permettrait une clarification de ces désaccords, et peut être conduire à une position plus claire de l’ensemble de l’organisation.

Toutefois, le dernier point souligné reste valable. Il est de la responsabilité de la minorité au sein d’une organisation révolutionnaire de défendre ses positions aussi longtemps qu’elle en est capable, d’essayer au maximum de convaincre le reste de l’organisation de la validité de ses positions. Personne ne prétendra que c’est une chose facile – mais c’est l’unique moyen de construire une organisation révolutionnaire.

Pourquoi les camarades turcs ont-ils à ce point échoué ? Nous pouvons pointer deux principaux facteurs :

  • Le premier, et nous l’avions souligné en 2007 dans un texte sur la « culture du débat »9 qui posait la nécessité absolument vitale du débat au sein de l’organisation pour sa bonne santé interne : « La deuxième raison majeure pour que le CCI revienne sur la question de la culture du débat était notre propre crise interne au début des années 2000, caractérisée par le comportement le plus sournois que nous n’ayons jamais vu dans nos rangs (…) Une des conclusions à laquelle nous sommes parvenus est que la tendance au monolithisme a joué un rôle dans toutes les scissions dont nous avons souffert. Quand des divergences apparaissaient, certains membres ont commencé à affirmer qu’ils ne pouvaient pas travailler davantage avec les autres, et que le CCI était devenu une organisation stalinienne ou était dans un processus de dégénérescence. Ces crises ont éclaté en réponse à des divergences qui, en grande partie, auraient pu être parfaitement contenues au sein d’une organisation non monolithique, et dans tous les cas, devraient être discutés et clarifiés avant toute séparation ». Les camarades turcs se sentirent victimes de ce même « monolithisme de la minorité ».

  • Le second est que la conviction que l’organisation est une nécessité vitale, c’est une des pré-conditions pour que la gauche se battre jusqu’au bout plutôt que de quitter l’organisation en hâte. C’est précisément le problème dans le milieu politique aujourd’hui qui n’a pas d’expérience de la vie de parti (comme cela existait par exemple dans le parti bolchevik du temps de Lénine), pas d’expérience de l’agitation révolutionnaire par un parti avec une influence déterminante sur la lutte de classe. De plus, il est infesté non seulement par la vieille opposition conseilliste au Parti, mais plus largement, par une profonde suspicion contre toute forme organisée d’activité politique au-delà de celle de cercle en tant que tel. En fait, PBJ ne prend pas vraiment l’organisation au sérieux. C’est pour cela que PBJ est autant choqué par « les positions au sein de l’organisation qui développent l’idée que, si le CCI d’une manière ou d’une autre cessait d’exister, le parti ne pourrait pas être fondé, le prolétariat ne pourrait pas faire la révolution et le monde serait confronté à une inévitable ruine, [et] exprime l’espoir que nous ne serions pas seuls à poursuivre une activité communiste, s’il devait advenir une telle situation ». Nous devrions demander à PBJ : croyez-vous (comme vous deviez le croire lorsque vous avez rejoint le CCI) que l’existence d’une organisation politique révolutionnaire, internationale et centralisée, soit décisive pour le succès d’une future révolution ? Contrairement à certains, nous n’avons jamais prétendu être « le Parti », ni être le seul groupe au monde qui défend l’internationalisme prolétarien. Il y a trop peu de révolutionnaires dans le monde et, selon toute probabilité, cela sera encore le cas pour un bon moment. Le prolétariat a besoin de rassembler toutes les forces qu’il peut : l’existence d’une organisation révolutionnaire n’est pas une question d’individus mais un produit historique de la nature révolutionnaire du prolétariat. Comme Bilan l’avait souligné pendant la guerre d’Espagne dans les années 1930, s’il n’y a pas de parti – pas d’organisation politique reconnue comme sienne par la classe ouvrière internationale – il n’y a alors pas de révolution. Et pourtant, une telle organisation ne va pas surgir par un quelconque processus mystique de génération spontanée. Construire une organisation est immensément difficile et nécessite des années d’efforts laborieux, et pourtant, elle reste toujours fragile au point de pouvoir être démolie en quelques mois, ou même quelques semaines. Si le CCI, qui est aujourd’hui la plus grande organisation de la Gauche communiste10, venait à faillir dans sa tâche, qu’y aurait-il pour la remplacer ? Comment et sur quelles bases serait construite l’organisation internationale ? A ces questions, PBJ peut seulement répondre « nous espérons que nous ne serions pas seuls ». « L’espoir fait vivre », comme on dit, mais ici, la superficialité règne en maître.

Nous voulons conclure ce point en répondant à la prétendue « dissolution de la section turque ». Il n’y a pas de doute que des erreurs ont été commises des deux côtés, dans le processus qui a conduit au départ de la section ; il ne fait aucun doute qu’une certaine méfiance s’est développée et que nous avons été incapables de la dissiper11. Il n’est pas vrai, dans tous les cas, de suggérer que la section a été « dissoute ». Cette déclaration est basée sur deux points :

  • Premièrement, qu’il a été demandé à la section par une résolution de l’organe central, de remplacer ses propres réunions par la participation de tous ses membres (via internet) à des discussions avec d’autres sections du CCI.

  • Deuxièmement, qu’il a été demandé à la section de traduire tous ses articles en anglais et de les soumettre au BI avant de les publier.

Prenons-les dans l’ordre.

Comme dit le propre texte de PBJ, la participation des membres de la section turque à d’autres réunions était une tentative de casser le localisme dans lequel se retranchait la section – et qu’ils ne peuvent nier. Ce qu’ils ont oublié de mentionner, c’est que la même mesure était appliquée dans d’autres sections peu avant le congrès du CCI. Le but était d’ouvrir la vie locale des sections à la discussion internationale, pour faire rentrer de l’air frais et permettre à tous les camarades d’avoir une vision de la vie de l’organisation comme un tout, au-delà de leurs propres préoccupations immédiates, avant que les délégations n’arrivent au Congrès. À l’origine, cette mesure n’était pas prévue pour durer au-delà du Congrès lui-même. C’est par la suite – ce que PBJ oublie de dire à ses lecteurs-, une fois que la section turque était clairement en désaccord avec la mesure proposée (parce qu’ils ne la comprenaient pas), qu’elle a été retirée par l’organe central : la discipline communiste n’est pas une chose qui peut être imposée d’une manière bureaucratique.

En ce qui concerne la presse, nos statuts établissent sans ambiguïté que (même en Turquie) « les publications territoriales sont confiées par le CCI aux sections territoriales et plus spécifiquement à leurs organes centraux qui peuvent nommer des comités de rédaction à cette fin. Cependant, les publications sont l’émanation de la totalité du Courant et non des sections territoriales particulières. De ce fait, le B.I. (Bureau International) a la responsabilité d’orienter et de suivre le contenu de ces publications ». Étant donné que le BI en général ne parle pas turc et que la section – comme PBJ pourrait difficilement nier – n’était pas complètement en accord avec le reste du CCI sur toute une série de points (incluant par exemple l’analyse de la « révolte sociale » en Espagne, Égypte, Turquie et au Brésil), il n’était certainement pas irresponsable de la part du BI de demander que les articles lui soient soumis avant publication : dans tous les cas, le BI était pleinement dans ses droits statutaires en le demandant. Pour voir à quel point le BI avait raison, les lecteurs peuvent juger par eux-mêmes sur la base de l’article à propos du désastre de la mine de Soma, article dont PBJ souligne particulièrement qu’il n’a pas été publié. Dans cet article, nous lisons par exemple que « la mort d’ouvriers des chantiers navals ou de sur des sites de construction comme dans les guerres surviennent parce que la bourgeoisie souhaite consciemment qu’elles arrivent ; le massacre à Soma qui a été appelé accident, a été consciemment orchestré », et il poursuit en disant que « sur un champ de bataille ou sur leur lieu de travail, les ouvriers ont de la valeur s’ils meurent pour le capitalisme. » Même pour un spécialiste adepte du matérialisme vulgaire (et les membres de la section turque déclaraient à cette époque, être marxistes, nous régalant jusqu’à l’indigestion de leçons sur la « loi de la valeur »), c’est un sacré non-sens : les ouvriers ont de la valeur pour le capital s’ils produisent de la plus-value, ce qu’ils peuvent difficilement faire s’ils sont morts.

Loin de « dissoudre » la section, l’organisation avait tout intérêt à ce qu’elle participe à la vie internationale du CCI, incluant en particulier son congrès international. Certains auraient pu s’attendre à ce que « la gauche » saute sur l’occasion pour s’exprimer au congrès, d’autant plus que nos statuts exigent explicitement la surreprésentation des positions minoritaires. Mais pas pour PBJ : ses membres ont non seulement démissionné précipitamment avant le congrès, mais ont également rejeté notre invitation à y participer et à parler en tant que groupe extérieur. Ils étaient trop occupé par un « travail important » à faire – nous laissons nos lecteurs juger par eux-mêmes le résultat du « travail important » de PBJ sur leur propre site web. Après tout, « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange ».

La transmission de l’expérience

PBJ parlait beaucoup de prétendus « camarades conservateurs »12, qui « mettaient en avant que la génération de 68 devait transmettre son expérience aux jeunes de manière unidirectionnelle. Cette insistance présupposait que les jeunes camarades étaient dépourvus de toute expérience sur la question de l’organisation ». Que « les jeunes camarades étaient dépourvus de toute expérience sur la question de l’organisation » est un état de fait 13, mais il vaut la peine de reprendre cette question avec un peu plus de profondeur, ce que PBJ peine à faire.

« Chaque génération constitue un maillon dans la chaîne de l'histoire de l'humanité. Chacune d'elle fait face à trois tâches fondamentales : recueillir l'héritage collectif de la génération précédente, enrichir cet héritage sur la base de son expérience propre, le transmettre à la génération suivante de sorte que cette dernière aille plus loin que la précédente.

Loin d'être faciles à mettre en œuvre, ces tâches représentent un défi particulièrement difficile à relever. Ceci est également valable pour le mouvement ouvrier. La vieille génération doit offrir son expérience. Mais elle porte aussi les blessures et les traumatismes de ses luttes ; elle a connu des défaites, des déceptions, elle a dû y faire face et prendre conscience du fait qu'une vie ne suffit souvent pas pour construire des acquis durables de la lutte collective. Cela nécessite l'élan et l'énergie de la génération suivante mais également les questions nouvelles qu'elle se pose et la capacité qu'elle a de voir le monde avec des yeux nouveaux.

Mais même si les générations ont besoin les unes des autres, leur capacité à forger l'unité nécessaire entre elles ne va pas automatiquement de soi. Plus la société s'éloigne d'une économie traditionnelle naturelle, plus le capitalisme "révolutionne" de façon constante et rapide les forces productives et l'ensemble de la société, plus l'expérience d'une génération diffère de celle de la suivante. Le capitalisme, système de la concurrence par excellence, monte aussi les unes contre les autres les générations dans la lutte de tous contre tous. »14

Schématiquement, nous pouvons dire qu’il y a trois réactions possibles à ce besoin de transmission de l’expérience propre à toute société humaine :

  • L’autorité du Maître ne peut être remise en cause, chaque génération doit souvent s’approprier et répéter les leçons de la précédente. Ceci est l’attitude caractéristique des vieilles sociétés asiatiques, qui a infecté le mouvement prolétarien sous la forme bordiguiste caricaturale de dévotion à l’intouchable travail du Maître.

  • La contestation qui dominait dans le mouvement de la jeunesse des années 1960, condamné – parce qu’il échoua à apprendre de ses prédécesseurs – à répéter leurs erreurs dans leurs moindres détails.15

  • Enfin, nous avons l’appropriation critique, scientifique et marxiste de l’expérience du passé. Comme montrait un article précédent16, c’est cette capacité à s’approprier le travail et la pensée des générations précédentes et de les développer de manière critique, qui caractérisa l’émergence de la pensée scientifique dans la Grèce antique.

Les exemples d’une telle réappropriation critique par une nouvelle génération de militants ne manquent pas dans l’histoire du mouvement ouvrier. Nous pouvons citer celui de Lénine à l’égard de Plekhanov, ou plus frappant encore, celui de Rosa Luxemburg au regard de Kautsky et du SPD en général, aussi bien qu’envers les théories de Marx qu’elle a à la fois critiquées et développées dans L’accumulation du capital. Ces exemples nous montrent qu’une des préconditions pour la critique est précisément l’appropriation des idées de nos prédécesseurs, c’est-à-dire la capacité à les comprendre – et une capacité à comprendre est dépendante d’une capacité à lire (alors que la moitié de la section ne lisait d’autres langues que le turc, ceci était clairement une impossibilité physique). Ce n’est qu’après avoir compris les idées que l’on peut les critiquer, particulièrement dans le contexte d’une organisation où le but est de convaincre les autres camarades, en polémiquant avec eux, ce que les membres de la section turque n’ont pas réussi à faire. PBJ prétend que ce n’est pas vrai17. Et pourtant, ils auraient du mal à pointer un seul texte sur la question organisationnelle (en dehors de « l’infâme » position sur le parasitisme) qui soit en prise avec les documents de base du CCI, internes ou externes. Si nos lecteurs ont besoin de se convaincre de la vacuité de la compréhension organisationnelle de PBJ, nous les invitons à consulter le texte de Jamal (Text by Jamal [4]), un contributeur régulier sur le forum du CCI) que PBJ a publié sur son site web sans le moindre commentaire critique : il se lit comme une sorte de manuel pour manageur produit par le service des ressources humaines d’une nouvelle start-up.

Ce que signifie rejoindre le CCI

Maintenant, nous voulons faire un pas en arrière et revenir à notre citation au début de cet article. « Une des tâches les plus urgente et ardue qui se dresse devant les révolutionnaires est celle d’unifier et de souder ensemble les forces révolutionnaires qui émergent et qui sont aujourd’hui dispersées de par le monde ». Face aux défaillances du CCI (et nul ne le sait mieux que nous), il est bien trop aisé d’oublier combien une telle tâche est difficile et ambitieuse. Rassembler des militants de toutes les parties du monde, d’origines et de cultures très différentes, au sein d’une même association internationale capable de s’impliquer, de prendre part et de stimuler la réflexion du prolétariat mondial (fort de plusieurs milliards) afin qu’il s’unisse - non dans une homogénéité sans vie mais dans un tout où l’unité d’action se fonde sur la diversité du débat au sein d’un cadre politique accepté -, c’est une entreprise gigantesque. Certainement, nous sommes loin de la réalisation de nos ambitions – mais nous devons seulement inciter à prendre en considération combien nos ambitions sont différentes de la mentalité de cercle qui dominait EKS, comme ses membres le reconnaissent eux-mêmes.

En fait, les membres de la section turque n’ont jamais compris la différence fondamentale entre être un cercle et être des militants d’une organisation révolutionnaire, en particulier une organisation internationale. Ce n’est pas entièrement leur faute, dans la mesure où nous avons échoué à leur transmettre nos conceptions organisationnelles – en partie parce que, jusqu’un certain point, nous les avions nous-mêmes perdues de vue.

Nous avons déjà largement traité de la question que Lénine appelle « l’esprit de cercle »18. Nous nous contenterons ici de rappeler quelques points essentiels.

Tout d’abord, le cercle se caractérise par une adhésion basée sur un mélange d’amitiés personnelles et d’accords politiques. Il en résulte que les conflits personnels et les désaccords politiques sont amalgamés – une recette infaillible pour la personnalisation des arguments politiques. Il est peu surprenant que la vie de la section en Turquie ait été marquée par une série d’animosités personnelles amères conduisant à des divisions et à des périodes de « paralysie ».

Pour maintenir sa cohésion, le cercle se referme vis-à-vis de l’extérieur, comme une huître. Cela devient alors une recette de la personnalisation des antagonismes entre le cercle et le reste de l’organisation : « Sous le nom de ‘minorité’, des éléments hétérogènes se regroupent au sein du parti s’unissent, mus par le désir, conscient ou non, de maintenir leur relations de cercle, formes d’organisations préalable au parti ».19 L’esprit de cercle au sein d’une organisation mène à une attitude de « eux et nous », le  cercle contre les « organes centraux » ; le cercle perd complètement la vision de l’organisation comme un tout, et devient obsédé par les « organes centraux ». Un exemple que nous pouvons citer parmi bien d’autres est le texte écrit par un des membres de la section : Y a-t-il une crise dans le CCI ? ; la critique exprimée dans ce texte a été reprise et développée par une autre section qui y a également répondu, bien que cette réponse ait été complètement ignorée. Seuls « les organes centraux » sont jugés dignes de considération.

Le cercle maintient sa cohésion en s’opposant en bloc au reste de l’organisation, alors qu’il évite simultanément tout débat au sein du cercle sur ses propres divergences. Ceci était très flagrant dans le débat sur l’éthique et la morale engagé au sein du CCI où un camarade développait des arguments critiques (voir notes plus haut) qui étaient d’une certaine manière directement inspirés par les propres textes de l’organisation, alors qu’un autre mettait en avant une position qui bien plus redevable à Hobbes qu’à Marx – et pourtant, nous n’en avons jamais entendu la moindre critique de la part des autres camarades de Turquie20.

Un cas plus flagrant de cette fermeture au reste de l’organisation apparaît avec le débat sur les événements autour des manifestations massives de Gezi Park à Istanbul. D’après PBJ, « il a été dit que la section n’avait pas informé l’organisation de ses désaccords pendant le mouvement de Gezi alors qu’au plus chaud des événements, la section a eu une réunion avec les camarades du secrétariat pour tenter d’expliquer ses désaccords. » Il est certainement vrai qu’il y a eu une longue discussion entre les membres du secrétariat international et les membres de la section turque sur la modification éditoriale de leur article à propos des événements de Gezi. Il est également vrai que les membres du secrétariat international ont eu des difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de ces « désaccords », et cela pour une bonne raison : à la conférence de la section tenue peu après, il est devenu évident qu’il y avait au moins deux, sinon trois, différentes positions au sein de la section elle-même. Les membres de la section se sont engagés à écrire leurs différentes positions pour mener la discussion au sein de l’ensemble de l'organisation – nos lecteurs seraient étonnés d’apprendre que ces documents n’ont toujours pas vu le jour.

Les ex-camarades de Turquie restent encore silencieux sur un autre de leurs désaccords internes, à propos du « ton » de notre "Communiqué à nos lecteurs : le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois [5]". D’après PBJ, « néanmoins, les membres de la section dans l’organe central du CCI n’ont pas manqué de critiquer le ton extrêmement virulent du communiqué écrit en réponse à cette attaque. » Parfaitement vrai. Mais le texte oublie de mentionner que deux autres membres de la section ont trouvé le communiqué tout à fait approprié, et l’on dit sans ambiguïté pendant une réunion tenue en juillet 2014 avec des membres de la section en France.

Nous avons déjà mentionné (voir la note 6), l’insistance de L. et Devrim pour poursuivre leurs débats sur les forums sans aucune restriction. Ceci rappelle, une fois de plus, les paroles de Lénine : « Certains militants éminents des vieux cercles les plus influents, n’étaient pas habitués aux restrictions organisationnelles que le Parti doit imposer, sont mécaniquement enclins à confondre les intérêts généraux du Parti et leurs intérêts de cercle qui peuvent coïncider pendant la période des cercles. » Ils « brandissent naturellement l’étendard de la révolte contre les restrictions indispensables de l’organisation et ils établissent leur anarchisme spontané comme un principe de lutte (…) montrant des exigences en faveur de la ‘tolérance’, etc. »21

Où va Pale Blue Jadal ?

« Une image vaut mille mots », comme dit le proverbe, et cela est certainement valable pour PBJ. Grace à la magie technique d’internet, nous avons découvert que l’image que PBJ a choisie pour représenter le groupe vient directement du monde « sentimental hippiedom.22 »

Leurs « principes politiques » sont dénués de toute référence à la Gauche communiste, ou encore de tout héritage du passé. PBJ déclare être un nouveau groupe basé seulement sur lui-même, sur l’ignorance et sur un amalgame de ressentiments, de mécontentements et de loyautés personnelles23.

Il n’y a par ailleurs aucune référence à la décadence du capitalisme, qui est pour le CCI qu’ils viennent tout juste de quitter, le fondement matérialiste de ses positions politiques. PBJ ne fait aucune critique de ses fondements théoriques, pas plus qu’il n’a d’alternative à donner. Les membres de PBJ n’en ont peut-être pas conscience, mais en évacuant toute référence au passé et toute tentative de donner une base matérialiste à leurs positions, ils compromettent déjà le processus de « discussion politique » qu’ils prétendent avoir engagé.24 Dans la liste des sujets de discussions proposés dans la « feuille de route » de PBJ (qui devrait les tenir occupés pendant les vingt prochaines années au moins), il vaut la peine de remarquer la présence de « La question nationale au Moyen-Orient »... et l'absence complète sur le site de PBJ du moindre commentaire sur la situation concrète en Turquie, la continuité de la guerre d'Erdogan contre les Kurdes, la résurgence du nationalisme kurde et la crise des réfugiés syriens, l'attaque à la bombe de Suruç, etc., etc.

Nous avons dit plus haut que l'existence d'une organisation révolutionnaire internationale est une condition préalable pour la réussite du renversement du capitalisme. Si le prolétariat se montre un jour capable de « se lancer à l’assaut du ciel » (pour utiliser une expression de Marx), alors sa force décisive proviendra de ces pays munis d’une classe ouvrière forte et d’une certaine expérience historique. La Turquie, passerelle entre l’Europe et l’Asie, est l’un de ces pays et un mouvement prolétarien montant produira nécessairement une expression politique qui ne peut être fondée que sur l’héritage de la Gauche communiste. En tournant le dos à cet héritage, les membres de PBJ se disqualifient pour participer à une telle expression politique, et ceci est leur tragédie.

Terminons tout de même sur une note optimiste. Toute notre expérience passée indique que PBJ est condamné à suivre la voie des cercles précédents - ceux qui refusent d'apprendre de l'histoire (et vous ne pouvez pas apprendre de l'histoire, si vous ne savez rien à son sujet) sont condamnés à la répéter. Mais restons ouverts à la possibilité que nous pouvons avoir tort et que PBJ, en dépit de toutes les apparences, pourra encore produire quelque chose d'utile pour le prolétariat et pour la révolution. Pour ce faire, ils devront trouver leur chemin pour revenir vers l’héritage révolutionnaire théorique et organisationnel de la Gauche communiste.

CCI, novembre 2015

 

1 La TCI-Tendance Communiste Internationaliste (ex-BIPR-Bureau International pour le Parti Révolutionnaire) offre une autre illustration frappante de cette extrême difficulté à dépasser les erreurs qui sont, pour ainsi dire, installées dans les gènes de l’organisation : ces origines dans le profond opportunisme qui présidait à la création du Partito Comunista Internazionalista en 1943 [6] dont elle est issue, ont toujours hanté cette organisation depuis lors.

2 Bien entendu, il ne s’agit pas non plus de nier que nous avons fait des erreurs dans ce domaine également, en grande partie comme résultat de notre tendance au schématisme.

3 C’est pourquoi nos statuts font explicitement partie de notre plateforme et ils constituent une partie des bases sur lesquelles les militants sont intégrés dans l’organisation.

4 Le manque de traductions en turc est devenu critique uniquement lorsque la section (sans demander l’opinion à qui que ce soit d’autre sur le sujet) a intégré des nouveaux membres qui ne pouvaient pas lire l’anglais.

5 Le lecteur attentif aura remarqué que notre vision de l’opportunisme du CCI en matière d’organisation est très différente de celle de PBJ. Au risque d’éprouver la patience de nos lecteurs, nous voulons répondre brièvement à l’un des petits « mythes » de PBJ (pour reprendre leur expression) : selon lequel « l’exemple le plus évident de l’opportunisme dans le processus d’intégration de la section, était que des camarades en désaccord avec la plateforme et les statuts étaient acceptés dans l’organisation. » À quoi cela se réfère-t-il exactement ? En fait, il y avait deux désaccords possibles soulevés par le processus de discussion. Le premier était un désaccord de Devrim sur l’interdiction par nos statuts d’être membre d’un syndicat (étonnamment, PBJ ne voit visiblement rien de malhonnête dans le fait d’accepter d’intégrer dans une organisation un élément qui est en désaccord avec les positions de celle-ci … ), le second se réfère à une camarade qui était en désaccord avec l’interdiction par les statuts d’appartenir à toute autre organisation politique. Prenons ces désaccords un à un.

Exclure l’appartenance à un syndicat vise toute concession à « l’entrisme » (l’idée qu’il serait possible d’influencer positivement les syndicats de l’intérieur, ou bien que l’on pourrait intervenir « plus efficacement » en étant membre d’un syndicat) ou au « syndicalisme rouge » selon sa variante bordiguiste, ou encore à son cousin, le syndicalisme révolutionnaire. Toutefois, les statuts l’autorisent pour des exceptions dues à des « contraintes professionnelles ». Cette disposition fut ajoutée pour prendre en compte les travailleurs des industries « closed-shop » (système d’affiliation obligatoire aux syndicats, NdT), où l’appartenance à un syndicat est une condition d’embauche – une situation très courante dans les années 1970 en Angleterre, mais aussi dans quelques industries dans d’autres pays (par exemple, l’industrie française de l’imprimerie lorsqu’elle était complètement dominée par la CGT). L’objection de Devrim était que les travailleurs pouvaient être forcés, pas nécessairement dans un « closed-shop » à se syndiquer pour accéder à la sécurité sociale, à un système de protection sociale ou d’assurance ou d’autres avantages critiques tels que la représentation légale dans une dispute personnelle ; à aucun moment (à notre connaissance), aussi bien aujourd’hui qu’à l’époque de l’argumentation de Devrim, cela ne fut en faveur de l’entrisme ou bien en faveur du syndicalisme révolutionnaire, et nous avions considéré (comme nous le lui avions expliqué) que les cas qu’il citait, dans les conditions des années 2000, tombaient dans la définition de ce que l’on nomme « des contraintes professionnelles ».

Dans le second cas, la camarade en question participait à un groupe de femmes et était réticente à l’abandonner. Nous avons demandé de quelle sorte de groupe il s’agissait. Elle a expliqué qu’il s’agissait d’un groupe de femmes qui se rencontraient pour discuter spécifiquement des problèmes de femmes (politiques et sociaux) et préféraient le faire sans la présence des hommes – ce qui est parfaitement compréhensible dans les conditions d’un pays tel que la Turquie. Ce groupe – pour autant que nous pouvions comprendre – n’avait pas de plateforme politique, ni même d’ordre du jour politique en tant que tel ; sur cette base, nous avons conclu qu’il ne s’agissait pas d’un groupe politique tel que défini dans les statuts mais plutôt d’un groupe de discussion et qu’en conséquence, non seulement nous ne pouvions avoir d’objection à sa participation mais qu’au contraire, nous considérions cela comme une partie de l’intervention de l’organisation.

6 Nous nous limiterons à un seul exemple. Selon nos statuts, le débat au sein de l’organisation est rendu public seulement lorsqu’il a atteint un degré de maturité tel que, premièrement, l’ensemble de l’organisation soit consciente des débats et de leurs implications, et deuxièmement, qu’il était possible de l’exprimer avec une clarté suffisante pour qu’il contribue à cette clarification et non à la confusion. Ces dispositions, rappelons-le, sont dans les mêmes statuts auxquels tous les membres d’EKS ont adhéré. Quoi qu’il en soit, deux d’entre eux ont continué à débattre entre eux en public sur divers forums internet qu’ils avaient l’habitude de fréquenter, sans jamais, à aucun moment, penser nécessaire de tenir informé le reste de l’organisation que ce soit de leur intervention ou de leurs désaccords. Lorsqu’il leur a été montré que c’est en contradiction directe avec à la fois la lettre et l’esprit des statuts, ils ont répondu que les statuts avaient été écrits avant l’existence d’internet, et que ces règles pouvaient uniquement être applicables à la presse imprimée.

Maintenant bien sûr, quelqu’un pourrait parfaitement argumenter sur ce point – mais ce que l’on ne peut pas faire, quand on accepte les statuts d’une organisation comme le CCI, c’est de tout simplement les ignorer lorsqu’ils ne nous conviennent pas et de tenter de se justifier a posteriori en pinaillant sur la différence entre la presse imprimée et la presse électronique.

7 L’article sur le Congrès parle de « dimension intellectuelle » de la crise du CCI et de la lutte nécessaire contre le « routinisme, la superficialité, la paresse intellectuelle, le schématisme, … ». Mais les membres de PBJ, peuvent-ils honnêtement prétendre être eux-mêmes à l’abri de ces défauts ?

8 Revue Internationale n° 90, La fraction italienne et la Gauche Communiste de France [7], voir également le « Rapport sur la Fraction » pour le XXIe Congrès du CCI.

9 Revue Internationale n° 131, La culture du débat : une arme de la lutte de classe [8].

10 Plus important encore, le CCI est actuellement la seule organisation dont les positions viennent de la synthèse des principales avancées des différents courants de la Gauche communiste. Les autres groupes s’identifient exclusivement soit à la Gauche germano-hollandaise, soit à la Gauche italienne.

11 PBJ mentionne une réunion du Bureau international dans laquelle le droit de participation du délégué de la section turque a été remis en question par une des autres délégations. Ceci était assurément une sérieuse erreur de la part de la délégation en question, mais aussi un indicateur de cette atmosphère de méfiance qui s’est développée dans l’organisation – mais comme PBJ le met en avant, l’idée que le délégué de la section turque ne devrait pas être admis a été fermement rejeté par le BI, comme étant contraire à nos statuts et à notre conception de l’organisation.

12 PBJ est très habitué à la « personnalisation » qui était supposée caractériser notre approche. Pourtant, tout au long de leur texte, les militants sont décrits comme étant « expansionniste s» ou « conservateurs », complètement indépendamment des arguments politiques invoqués. Laissons PBJ se préoccuper de la poutre dans leurs yeux, avant de se soucier de la paille dans les yeux des autres.

13 Certains militants de la section turque avaient une longue expérience organisationnelle avant de rejoindre le CCI… dans des sectes gauchistes. Mais quelles que soient les intentions conscientes de ces membres, ces groupes sont fondamentalement bourgeois et en tant que tels, ils sont profondément imprégnés de l’idéologie bourgeoise : c’est notre expérience avérée – confirmée à la lettre par PBJ – que, pour un ex-gauchiste, être militant dans une organisation communiste signifie avant tout désapprendre toutes les attitudes et pratiques acquises dans le gauchisme. Ceci est bien plus difficile que de venir au communisme sans expérience antérieure.

14 La culture du débat, 2007, op. cit

15 Dans la chanson Les bourgeois du chanteur belge Jacques Brel, trois étudiants se moquent du ridicule des « bourgeois » provinciaux… jusqu’à ce qu’eux-mêmes vieillissent et se retrouvent devant la police pour se plaindre de l’intolérable insolence des jeunes étudiants. Brel aurait pu écrire pour Joschka Fischer, Daniel Cohn-Bendit et tous les autres leaders politiques issus du mouvement étudiant de 1968.

16 Notes de lecture sur marxiste et science [9] (disponible uniquement en anglais).

17 Selon PBJ, « l’affirmation selon laquelle un texte interne sur l’éthique écrit par un membre de la section ignorait les textes écrits auparavant par l’organisation sur ce sujet était une autre légende parce que le texte en question ét)ait en fait écrit en réponse au texte d’orientation de l’organisation sur cette question. » En retour, nous pouvons citer une réponse au texte en question que PBJ a publié trop précipitamment : « Une précondition pour la ‘culture du débat’ est qu’il devrait y avoir un débat : cela signifie que les positions opposées doivent se répondre. Bien que le texte de L. commence par une brève citation du texte sur « Marxisme et éthique [10] » sur la définition de l’éthique et de la morale, et nous dit que ‘de ces définitions découlent toute une série de confusions, et de nombreuses autres erreurs’, ceci est l’unique endroit dans son texte où il fait référence à Marxisme et éthique, nous sommes laissés dans l’obscurité sur ce que sont exactement ces ‘erreurs et confusions’, et de quelle manière elles sont le résultat des idées avancées dans Marxisme et éthique. De plus, il est clair pour nous que des parties du texte de L. sont en accord ou sont directement inspirées par Marxisme et éthique, et pourtant, ces zones d’accord ne sont pas plus claires. »

18 Notamment dans La question du fonctionnement de l’organisation dans le CCI [11], Revue Internationale n° 109

19 Lénine, Un pas en avant, deux pas en arrière, cité dans le texte sur le fonctionnement organisationnel.

20 Pour donner une idée de l’influence de la philosophie de Hobbes de ce texte, nous en citons ce court passage : « La relation entre les êtres humains est une relation inégale. Cette inégalité découle de la valeur d’usage et de la valeur d’échange produite par les êtres humains [visiblement ici l’auteur n’a pas conscience des dizaines de milliers d’années de l’histoire de l’humanité où la valeur d’échange n’existait pas]. Cette réelle base matérielle détermine complètement les relations humaines de tout temps [l’objection bourgeoise classique à la possibilité du communisme]. Et cette inégalité produit une tendance à dominer. Pour les êtres humains, cette tendance émerge de la survie dans des conditions naturelles. De manière primordiale, c’est la tendance de chacun pour assurer sa propre survie ». Autrement dit, l’homme est un loup pour l’homme et la société humaine, c’est la guerre de chacun contre tous, comme l’énonçait Hobbes, etc. etc.

21 Citation de Lénine.

22 Ceux que cela intéresse peuvent trouver l’original ici : markhensonart.com/galleries/new-pioneers. Elle est accompagnée de l’édifiant texte suivant : « Le drame épique de la vie, de la mort, de la guerre, de la paix et le droit inaliénable de choisir est représenté dans un immense panorama. Des réfugiés sortent d'une zone de guerre, un pionnier arrive à un mur de graffitis où les choix sont rayés. Nous voulons tous vivre en paix, mais en quelque sorte, beaucoup sont attirés par des valeurs qui sont totalement différentes et la guerre semble être la seule option pour une humanité devenue folle. Les pionniers et les réfugiés vont, eux, vers un nouveau monde de la conscience éveillée. »

23 Il vaut la peine de noter qu’un camarade, dans sa lettre de démission, n’exprime absolument aucun désaccord politique avec l’organisation.

24 Nos lecteurs peuvent juger des limites dans lesquelles PBJ est engagé dans un processus de discussion et de clarification d’après leur refus, suite à notre invitation pour participer au dernier congrès du CCI, soit au titre de membres de l’organisation soit comme éléments extérieurs à celle-ci.

 

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