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Révolution Internationale n° 435 - septembre 2012

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Face à la terreur et à l’austérité, l’avenir appartient à la lutte de classe !

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Le grand écran de fumée provoqué par la surmédiatisation des jeux Olympiques cet été a momentanément occulté la réalité des attaques sur les conditions de vie, la répression et le développement du chaos guerrier. En Syrie  (1), au Mali et sur nombre de points chauds, les civils continuent d’être les otages et victimes de guerres impérialistes sanglantes. Partout, la terreur capitaliste impose son ordre dans le sang et la misère. A peu près au moment où Valls lançait brutalement ses flics pour chasser les Roms, la police de l’ANC en Afrique du Sud tirait à bout portant en rafales dans le ventre des ouvriers des mines de platine  (2). Partout, le capital en faillite généralise et banalise l’horreur, continue d’étaler sa barbarie au grand jour !

Aucun pays n’est épargné par la crise économique qui alimente en même temps l’explosion du chômage  (3). En Europe, le taux dépasse déjà le seuil des 10 % et frappe particulièrement les jeunes qui ne peuvent désormais plus s’insérer dans un appareil productif sursaturé. En Espagne et en Grèce, c’est plus de 50 % des jeunes qui se retrouvent sans travail (4)  ! Désormais, une grande partie de la population est dans un état de paupérisation absolue, sans logement, uniquement préoccupée par les moyens d’assurer sa propre survie et vivant dans la terreur des pressions policières. En Espagne, par exemple, dans 1 700 000 foyers, personne ne travaille ni ne perçoit plus la moindre indemnité ! Dans certaines régions les plus sinistrées, comme l’Andalousie, 35 % des familles des grandes villes vivent en dessous du seuil de pauvreté (5).

Les expulsions se multiplient et, face aux contestations, la répression policière s’amplifie.

Ce n’est pas un hasard non plus si l’Allemagne autorise désormais l’intervention de l’armée sur son sol, s’empressant aussitôt d’avertir que “ce n’est pas dirigé contre les manifestations” ! Sans commentaire…

La réalité de la récession

Dans ce contexte de crise économique aiguë, la France en récession doit faire face elle aussi à des vagues de licenciements et de multiples plans sociaux. L’annonce en juillet de la suppression de 8000 postes chez PSA à Aulnay-sous-Bois et dans différents établissements n’est qu’un avant-goût de ce qui se prépare. Le secteur automobile est touché de plein fouet. Avec une baisse d’environ 10 % des ventes en Europe, il devient clair qu’il y a surcapacité et que l’avenir se présente très sombre partout. On annonce aussi 5000 suppressions de postes pour les télécommunications chez Alcatel Lucent, idem à Air France, le géant de la pharmacie Sanofi met sur la sellette 2000 salariés, la grande distribution, dont Carrefour, entrevoit de supprimer des milliers de postes... sans compter tous les sous-traitants touchés et les nombreuses PME qui disparaissent chaque jour en France. L’idée du “redressement productif” est une mascarade. Elle cache en réalité la simple volonté de la bourgeoisie française de résister à son recul sur un marché mondial saturé, face à une concurrence exacerbée. C’est d’ailleurs le sens de sa volonté sous-jacente de sacrifier en grande partie l’automobile pour se recentrer sur d’autres secteurs industriels vitaux. Comme le faisait Sarkozy en son temps, lorsqu’il promettait de “sauver des emplois” dans la sidérurgie, le nouveau gouvernement prétend qu’“une solution sera proposée pour chaque salarié” ! Ce mensonge, comme les précédents, permet de gagner du temps pour tenter de faire avaler la pilule.

Partout, que les gouvernements soient de droite ou de gauche, nous voyons le capital opérer des choix drastiques et obéir à une même logique d’attaques massives : fermetures d’usines, d’hôpitaux, salaires gelés (quand ils ne sont pas tout simplement supprimés...), fonctionnaires non remplacés, pensions diminuées, âge du départ à la retraite repoussé, pression fiscale accrue et hausse du coût de la vie.

Que valent, dans un tel contexte, les discours sur la “justice sociale” du gouvernement Hollande ? Rien, si ce n’est une nouvelle imposture ! Il faut ajouter que le chauvinisme, savamment entretenu par la bourgeoisie nationale et ses médias, derrière le soutien à ses athlètes aux JO enveloppés dans le drapeau tricolore, a constitué un véritable enfumage pour masquer l’austérité et tenter de préserver la paix sociale. De l’union nationale autour des jeux sportifs au “patriotisme économique” proclamé par les ministres Ayrault et Montebourg, les discours officiels incitent à un même “sacrifice” soi-disant juste et pour tous, au “dépassement de soi”, pour soutenir la compétitivité de “l’économie nationale”.

Les premières mesures symboliques du gouvernement, comme la baisse de 30 % des salaires des ministres (qui restent plus que très confortables), la retraite à 60 ans pour quelques dizaines de milliers de salariés, le barouf autour de la taxation des 75 % devant compenser la baisse de l’ISF pour les plus riches, le “coup de pouce” au SMIC (22 euros par mois !), etc., ne sont que des cosmétiques, de la poudre aux yeux destinés à “légitimer” les attaques en cours et à justifier d’avance celles bien pires en préparation contre tous les prolétaires. Cela, au nom de “l’effort juste” !

Vers des attaques massives

Car, derrière les beaux discours hypocrites du gouvernement, cherchant à faire diversion face à l’explosion du chômage, ces attaques sont déjà une réalité. L’été, comme toujours, a été un moment privilégié pour augmenter les prix sur le dos des classes exploitées : ceux des biens de première nécessité, du gaz, de l’électricité et des carburants (même si des effets d’annonce du gouvernement prétendent y remédier) sont déjà facturées. Comme nous l’avons vu, c’est surtout au niveau de l’emploi que la situation s’est très fortement dégradée. En juin 2012, on comptait 41 600 demandeurs d’emploi en plus. Les 295 100 radiations représentent 65 % des “sorties” de Pôle Emploi et on enregistre une multiplication des stages-parking, en hausse de 24 % en un an ! Le chômage de longue durée s’est lui aussi accru de plus de 21 % durant la même période ! Et ces chiffres ne prennent pas en compte les 1 312 400 foyers réduits au RSA, ni le million de sans-droits, etc. En réalité, c’est plus de 8,5 millions de demandeurs d’emploi, au bas mot, qu’il faudrait compter aujourd’hui  (6).

Et la situation ne peut que s’aggraver ! Les budgets de la majorité des ministères, jugés “non prioritaires”, sont en effet partout revus à la baisse par le gouvernement Ayrault. Le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux de l’ère Sarkozy est non seulement maintenu, mais renforcé, puisqu’il passe à deux fonctionnaires sur trois ! Ce ne sont pas les quelques milliers de postes d’enseignants recréés qui permettront de compenser les pertes ni de redresser la situation de précarité croissante. De grosses coupes claires sont déjà programmées en coulisse dans les collectivités territoriales. De nombreux postes de fonctionnaires dans les mairies, les petites communes, les départements et les régions, sont appelés à disparaître.

Par ailleurs, le gouvernement, qui se vante d’avoir supprimé la “TVA sociale” au nom de la “justice”, se prépare à une mesure aussi injuste que douloureuse : la hausse de la CSG, impôt sur l’impôt, inventée par la gauche elle-même et l’ancien ministre Michel Rocard. Il s’agira là d’une mesure transitoire en attendant une “réforme de la fiscalité” qui ne fera que plomber encore davantage le portefeuille des ménages. Mais les attaques ne s’arrêtent pas là. La question des retraites sera remise sur la table au printemps 2013. Et ce ne sera certainement pas pour une amélioration ! De même, la question du coût de la force de travail et de la flexibilité sera traitée dans l’esprit de ce qui est déjà en œuvre un peu partout ailleurs, comme en Allemagne, avec la profusion de petits boulots à 400 euros par mois. Aux États-Unis, par exemple, les salaires dans le secteur automobile ont déjà été divisés par deux pour des conditions de travail aggravées. Nous avons là un avant-goût de ce qui nous attend ! Et pour mettre en œuvre ces attaques, le gouvernement socialiste pourra compter sur toutes les forces politiques “critiques” de la bourgeoisie : de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, en passant par toutes les forces syndicales.

Un partage du travail contre les ouvriers

Alors que le gouvernement prépare ces nouvelles attaques, l’opposition lui facilite le travail en multipliant les critiques par une surenchère démagogique. Mais dans le dispositif politique anti-ouvrier, ce sont surtout les syndicats et l’extrême-gauche, de Lutte ouvrière à Mélanchon, qui s’avèrent les plus utiles pour mystifier et encadrer la classe ouvrière en cherchant à la museler, comme on a pu le vérifier au moment de l’annonce des suppressions de postes à PSA. Le gouvernement était parfaitement au courant des intentions de la direction Peugeot. Les propos du ministre demandant une “expertise” n’étaient que pure hypocrisie, polarisant les responsabilités exclusivement sur la famille Peugeot et sa “mauvaise stratégie” : Hollande déclarait le 14 juillet que le plan social était “inacceptable en l’état” et qu’il devait être “renégocié”. Les syndicats, comme chiens de garde de l’ordre établi, ont alors emboîté le pas exprimant leur volonté d’obtenir “des preuves des difficultés avancées par le constructeur”. Le syndicat SUD, qui appelait à une “grève illimitée” à Aulnay, éteignait sa mèche en demandant en même temps l’appui du gouvernement pour “mettre en place un plan d’ensemble de la filière automobile assurant l’avenir et maintenant tous les emplois du secteur”. Un véritable écho au discours de Montebourg, pour qui “la nation doit se rassembler autour de la défense de PSA”, souci également partagé et appuyé par le Front de gauche patriotard de Mélanchon.

La délégation de la CFDT se vantait du “soutien du ministre” alors que la CGT, plus radicale face aux méfiants, entérinait l’isolement : “on ne peut compter que sur nous-mêmes” (7)  ! Mais dans cette partition, tous les syndicats, dont le SIA (syndicat maison), étaient hostiles à la grève et jouaient au maximum la division. Le SIA, par exemple, opposait les ouvriers en distinguant les “traîtres”, les “jaunes”, les “islamistes”. Les syndicats ont tout fait pour éviter la grève au moment où le gouvernement n’avait aucun intérêt au déclenchement de conflits sociaux.

Le pompon revient aux militants de Lutte ouvrière qui, comme éléments radicaux de la CGT, proclamaient qu’“une grève illimitée serait une erreur tactique” et qu’il valait mieux attendre le mois de septembre après les vacances ! S’il est vrai que l’annonce de la fermeture durant les vacances a été un choix délibéré de la direction pour profiter de la démobilisation estivale, la pratique de LO a été dans le sens de la renforcer en essayant de tuer dans l’œuf toute volonté des plus combatifs en appelant à défendre “l’unité syndicale”, enfermant ceux qui voulaient réellement se battre dans un vague projet de “comité de lutte” qui visait à les isoler davantage  (8).

Il n’y a pas d’illusions à avoir, le gouvernement est parfaitement préparé face à la colère ouvrière et bénéficie d’une complicité sans faille de toutes les composantes radicales de la gauche, syndicales et d’extrême-gauche !

Si cette préparation de la bourgeoisie et les attaques au niveau mondial rendent plus difficile le combat de la classe ouvrière, il existe néanmoins des signes qui montrent que le prolétariat, comme classe internationale, n’est pas prêt à se résigner  (9). Si le chemin vers de futures luttes massives est encore long et difficile, il se poursuit, en exprimant de plus en plus clairement le besoin de solidarité ou en faisant surgir des regroupements de minorités plus conscientes. Cette maturation en profondeur constitue un pas nécessaire pour préparer les luttes massives de demain.

WH, 25 août

1) Voir notre article sur la guerre en Syrie (p. 4)

2) Voir nos articles sur le massacre de Marikana (p. 1) et la traque des Roms (p. 5).

3) HP a ainsi prévu de supprimer 27 000 postes, Nokia 10 000, Sony 10 000 également, RWE, deuxième groupe de services aux collectivités en Allemagne, prévoit de supprimer 5000 emplois supplémentaires en Europe, le groupe japonais d’électronique Sharp va en supprimer 5000 autres dans le monde..., la liste est très longue.

4) Voir le tract diffusé par la section du CCI en Espagne (p. 3).

5) www.liberation.fr [2].

6) http ://www.agoravox.fr [3]

7) www.leparisien.fr/economie/plan-choc-de-psa-montebourg-invite-la-famille... [4]

8) Le Prolétaire no 503.

9) Voir nos articles sur la lutte des classes dans le monde (pages 2 et 3).

 

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Lutte de classe

En Afrique du Sud, la bourgeoisie lance ses policiers et ses syndicats sur la classe ouvrière

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Le 16 août, au-dessus des mines de Marikana, au Nord-Ouest de Johannesburg, 34 personnes tombaient sous les balles de la police sud-africaine qui en blessait 78 autres. Plusieurs centaines de manifestants étaient également interpellées. Immédiatement, les images insoutenables des exécutions sommaires faisaient le tour du monde. Mais, comme toujours, la bourgeoisie et ses médias édulcoraient le caractère de classe de cette grève, la réduisant au sordide affrontement entre les deux principaux syndicats du secteur minier, et jouant la vieille partition du “démon de l’apartheid”.

L’Afrique du Sud n’a pas été épargnée par la crise mondiale

Malgré des investissements de plusieurs centaines de milliards d’euros destinés à soutenir l’économie, la croissance est atone et le chômage massif” (1). Le pays a fondé une partie de sa richesse sur l’exportation de produits miniers tels que le platine, le chrome, l’or et le diamant. Or, ce secteur, qui représente près de 10  % du PIB national, 15 % des exportations et plus de 800 000 emplois, a subi une forte récession en 2011. Le cours du platine, dont l’Afrique du Sud possède 80  % des réserves mondiales, s’effondre ainsi depuis le début de l’année.

Les conditions de vie et de travail des mineurs, déjà particulièrement pénibles, se sont fortement dégradées : payés un salaire misérable (environ 400 euros mensuels), logés dans des taudis, plongés souvent 9 heures au fond de mines surchauffées et asphyxiantes, ils subissent désormais les licenciements, les arrêts de production et le chômage. L’Afrique du Sud a ainsi été le théâtre de nombreuses grèves. En février, la plus grande mine de platine du monde, exploitée par Impala Platinum, avait déjà été paralysée six mois par une grève. C’est cette dynamique que le gouvernement dirigé par le président Zuma, successeur de l’emblématique Nelson Mandela, de concert avec les syndicats, a voulue enrayer. Car le développement des luttes en Afrique du Sud participe pleinement des réactions de la classe ouvrière à l’échelle internationale face à la crise mondiale.

Le massacre de Marikana, un piège tendu par les syndicats

C’est dans ce contexte que, le 10 août, 3000 mineurs de Marikana décident d’arrêter le travail pour réclamer des salaires décents, soit l’équivalant de 1250 euros : “Nous sommes exploités, ni le gouvernement ni les syndicats ne sont venus à notre aide [...]. Les sociétés minières font de l’argent grâce à notre travail, et on ne nous paie presque rien. Nous ne pouvons pas nous offrir une vie décente. Nous vivons comme des animaux à cause des salaires de misère” (2). Les mineurs entament aussitôt une grève sauvage sur le dos de laquelle deux syndicats, l’Union nationale des mineurs (NUM) et le Syndicat de l’association des mineurs et de la construction (AMCU), vont s’affronter violemment pour défendre leurs intérêts réciproques tout en enfermant les ouvriers dans la souricière de l’affrontement avec la police.

La NUM est un syndicat complètement corrompu et inféodé au pouvoir du président Jacob Zuma. La compromission ouverte de ce syndicat et son soutien systématique au parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), a fini par le discréditer aux yeux de nombreux travailleurs. Cette perte de crédit a conduit à la création d’un syndicat au discours plus radical issu de ses propres rangs : l’AMCU.

Mais tout comme la NUM, l’AMCU ne se soucie aucunement des mineurs : après une campagne de recrutement physiquement très agressive, le syndicat a profité de la grève pour que ses gros bras puissent en découdre avec ceux de la NUM. Résultat : dix morts et plusieurs blessés sur le compte des mineurs. Mais, au-delà de la guerre de territoire, ces altercations inter-syndicales ont permis aux forces de l’ordre d’intervenir, de provoquer un nouveau bain de sang, et de faire un exemple pour endiguer la dynamique des luttes ouvrières.

En effet, après plusieurs jours d’affrontement, Frans Baleni, secrétaire général de la NUM, avait évidemment beau jeu d’en appeler à l’armée : “Nous appelons au déploiement d’urgence des forces spéciales ou des forces armées sud-africaines avant que la situation soit hors de contrôle” (3)... et pourquoi pas un bombardement aérien sur la mine, Monsieur Baleni ? Mais le piège était déjà refermé sur les travailleurs. Dès le lendemain, le gouvernement envoyait des milliers de policiers, des véhicules blindés et deux hélicoptères (!) pour “rétablir l’ordre”, l’ordre bourgeois, bien sûr !

D’après plusieurs témoignages qui, vu la réputation des forces de répression sud-africaines, sont probablement authentiques, la police a passé son temps à provoquer les mineurs en tirant sur eux avec des flash-balls et des canons à eau, en envoyant des grenades lacrymogènes et des grenades incapacitantes, sous le prétexte mensonger que les grévistes possédaient des armes à feux.

Le 16 août, évidement, vu la fatigue et l’excitation alimentée par les “représentants syndicaux”, qui avaient – heureux hasard des circonstances – soudainement disparu de la circulation ce jour-là, quelques mineurs ulcérés osèrent “charger” (sic) les flics avec des bâtons. Comment ? La vile canaille “charge” les forces de l’ordre ? Quelle insolence ! Mais que pouvaient donc faire plusieurs milliers de flics, avec leurs armes à feux, leurs gilets pare-balles, leurs véhicules blindés, leurs canons à eau, leurs grenades et leurs hélicoptères face à une horde de 34 “sauvages” qui les “chargent” avec des bâtons ? Tirer dans le tas... “pour protéger leur vie” (4).

Et cela donne les images absolument écœurantes, insoutenables et monstrueuses que nous connaissons. Mais, si la classe ouvrière ne peut qu’exprimer son indignation face à une telle barbarie, elle doit comprendre que la diffusion de ces images avait aussi pour objectif de la mystifier en soulignant combien les prolétaires des pays “vraiment démocratiques” ont de la chance de pouvoir défiler “librement” derrières les banderoles syndicales. C’est également un avertissement implicite jeté à la face de tous ceux dans le monde qui osent se dresser contre la misère et le système qui l’engendre.

La bourgeoisie tente de dénaturer le mouvement

Immédiatement après le massacre, des voix s’élevaient dans le monde entier pour dénoncer le “démon de l’apartheid” et multiplier les déclarations compassées. La bourgeoisie veut désormais donner au mouvement une dimension mystificatrice en déplaçant le questionnement vers des problèmes ethniques et nationalistes. Julius Malenna, exclu de l’ANC en avril, s’est ainsi régulièrement déplacé à Marikana pour dénoncer les compagnies étrangères, réclamer la nationalisation des mines et l’expulsion des “grands propriétaires terriens blancs.”

S’enfonçant dans l’hypocrisie la plus crasse, le président Jacob Zuma déclarait devant la presse : “Nous devons faire éclater la vérité sur ce qui s’est passé ici, c’est pourquoi j’ai décidé d’instaurer une commission d’enquête pour découvrir les causes réelles de cet incident.” La vérité la voici : la bourgeoisie essaye de duper la classe ouvrière en masquant la lutte des classes sous les traits mystificateurs de la lutte des races. Mais la ficelle est un peu grosse : n’est-ce pas un gouvernement “noir” qui a répondu à l’appel d’un syndicat “noir” en déployant ses policiers ? N’est-ce pas un gouvernement “noir” qui fait tout son possible législatif pour contenir les mineurs dans des conditions de vie indignes ? N’est-ce pas un gouvernement “noir” qui emploie les policiers issus de l’époque de l’apartheid et vote des lois les autorisant à “tirer pour tuer” ? Et ce gouvernement “noir”, n’est-il pas issu des rangs de l’ANC, le parti dirigé par Nelson Mandela, célébré dans le monde entier comme le champion de la démocratie et de la tolérance ?

La grève s’étend

Dans la nuit du 19 au 20 août, espérant pousser l’avantage, la direction de Lonmin, entreprise qui exploite la mine, ordonnait aux “3000 employés en grève illégale de reprendre le travail lundi 20 août, faute de quoi ils s’exposent à un possible licenciement” (5). Mais la colère et les conditions de vie des mineurs sont telles qu’ils adressèrent un refus explicite à la direction, préférant s’exposer aux licenciements : “Est-ce qu’ils vont virer aussi ceux qui sont à l’hôpital et à la morgue ? De toutes façons, c’est mieux d’être mis à la porte parce qu’ici, on souffre. Nos vies ne vont pas changer. Lonmin se fiche de notre bien-être, jusqu’à maintenant, ils ont refusé de nous parler, ils ont envoyé la police pour nous tuer” (6). Tandis que Lonmin devait rapidement reculer, le 22 août, la grève s’étendait, avec les mêmes revendications, à plusieurs autres mines, exploitées par Royal Bafokeng Platinum et Amplats.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, il est encore impossible de savoir si les grèves glisseront sur un terrain de conflit inter-racial ou continueront à s’étendre. Mais, ce qu’a explicitement montré le massacre de Marikana, c’est la violence d’un État démocratique. Noirs ou blancs, les gouvernements sont prêts à tous les massacres contre la classe ouvrière.

El Generico, 22 août

 

1) Le taux de chômage s’élevait officiellement à 35,4 % à la fin de l’année 2011.

2) Cité dans le Monde du 16 août 2012.

3) Communiqué du NUM du 13 août 2012.

4) Déclaration de la police après le massacre. Le porte-parole de la police a même osé affirmer : “La police a été attaquée lâchement par un groupe, qui a fait usage d’armes variées, dont des armes à feu… Les policiers, pour protéger leur vie et en situation de légitime défense, ont été obligés de répondre par la force.”

5) Communiqué de Lonmin du dimanche 19 août 2012.

6) Cité sur www.jeuneafrique.com [6], le 19 août 2012.

 

 

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Une même classe, un même combat

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Partout, la classe ouvrière paie la note de l’accélération de la crise mondiale du capitalisme à travers une terrible dégradation de ses conditions de vie et de travail. Partout, elle subit les coups de boutoir des attaques de chaque bourgeoisie nationale : paupérisation, chute des salaires, chômage massif, plans de licenciements, précarité, réduction des budgets sociaux… Malgré le poids de l’idéologie démocratique, les manœuvres de division, l’encadrement syndical de ses luttes, la répression directe comme en Afrique du Sud, et les obstacles multiples que dresse la bourgeoisie devant elle, la classe ouvrière ne se résigne pas. Au contraire, elle tend à démontrer son unité et sa solidarité.

Afin de contribuer à rompre l’isolement et le black-out que les médias aux ordres font peser sur les luttes du prolétariat, nous tenons à mettre en évidence quelques unes des mobilisations récentes et significatives du prolétariat mondial qui témoignent du caractère international de la lutte de classe.

Espagne

Alors que de nouvelles mesures d’austérité dictées par l’UE sont annoncées et que le gouvernement Rajoy a décidé de supprimer l’aide de l’État au secteur du charbon, prélude à la fermeture prochaine de toutes les mines restantes, les principaux syndicats (CCOO, UGT) avaient organisé, pour contrer la mobilisation massive des 30 000 mineurs en grève depuis le mois de mai, une marche sur Madrid, le 11 juillet. Elle devait servir d’enterrement de première classe au mouvement des mineurs. Mais d’autres travailleurs ont rejoint cette marche à la recherche de solidarité. Les jours suivants, des rassemblements spontanés ont regroupé des ouvriers du secteur public, mais aussi du secteur privé, pour manifester devant les sièges des partis bourgeois, en-dehors de l’encadrement syndical. La classe ouvrière est donc en train de digérer ses combats antérieurs et de mettre l’unification et la solidarité au cœur de ses luttes.

Portugal

Dans cet autre pays au cœur de la tourmente européenne, où les plans de rigueur se succèdent à un rythme effréné et où le chômage touche officiellement 15  % de la population, une grève des dockers a paralysé les principaux ports le 14 août (notamment ceux de Lisbonne Aveiro, Figueira da Foz, Setubal et Sines) pour protester contre un projet du gouvernement de mettre en place des contrats de travail temporaires ou intermittents et de favoriser la précarisation des emplois. La moitié des salariés du secteur portuaire risquent ainsi de perdre leur travail.

Norvège

Environ 10  % des 6515 employés du secteur pétrolier s’étaient mis en grève le 24 juin pour réclamer des hausses de salaires et le droit de partir à la retraite à 62 ans. La Norvège est le premier producteur de pétrole et de gaz naturel en Europe et cela constitue la 8ème richesse industrielle du monde. Brandissant aux côtés des grands groupes pétroliers, la menace du blocage à l’accès des plateformes offshore en Mer du Nord, le gouvernement “travailliste” a décrété au bout de 15 jours, le 7 juillet, la fin de la grève tout en convoquant une commission d’arbitrage. Cette manœuvre s’est opérée suite à une odieuse campagne idéologique présentant les ouvriers du secteur pétrolier comme des “nantis” et des “privilégiés”, alors que leurs conditions de travail, baptisées “antichambre de l’enfer”, sont parmi les plus pénibles et les plus dangereuses du monde, les exposant pendant de nombreuses heures au froid ou aux tempêtes. Malgré leurs protestations de pure forme et la menace de reprendre la grève dans quelques mois, les syndicats, ont appelé les ouvriers à la reprise immédiate du travail.

Argentine

Les employés du métro de Buenos Aires ont fait grève durant 10 jours, paralysant l’activité de la capitale du 3 au 13 août. Il s’agit de la plus longue grève du métro argentin depuis sa création en 1913. Les salariés demandaient une hausse de salaire de 28  % alors que la hausse annuelle du coût de la vie galope à 25  % par an. Au bout du compte, les syndicats ont appelé les travailleurs à suspendre leur grève, après la “concession” d’une augmentation salariale limitée à 23  %. Mais ce conflit sur un terrain revendicatif a surtout été exploité et dénaturé par la bourgeoisie et ses médias pour, d’une part, tenter de diviser les ouvriers entre employés et usagers du métro et, d’autre part, pour polariser l’attention sur un conflit interne à la bourgeoisie, opposant la présidente Cristina Kirchner de “centre gauche” au maire de “droite” de Buenos Aires, Mauricio Macri. Celui-ci avait signé en janvier dernier un accord de principe pour assumer la gestion du métro, incombant jusque là à l’État. Dans la foulée, il décide de doubler le tarif des tickets de transport. Par la suite, le sieur Macri, mettant en avant le non-respect par l’État de plusieurs clauses du contrat et notamment le mauvais état des wagons et l‘absence d’entretien du réseau, a décidé de renoncer à la gestion du métro. Le gouvernement a alors fait adopter par le Congrès une loi transférant à la ville la gestion du réseau, tandis que le parlement autonome de la capitale votait de son côté une loi transférant l’administration du métro à l’État. Et ce sont les travailleurs, non seulement les employés du métro, mais tous les prolétaires usagers des transports en commun, qui ont fait les frais de cette guerre entre deux clans bourgeois, avec la complicité active des syndicats et leur sale boulot de division.

Turquie

Le secteur des transports est un secteur crucial pour le capitalisme. Pour cette raison, le transport aérien a une grande signification. Un mouvement de grève lancé par le personnel naviguant de la compagnie aérienne nationale, la Turkish Airlines, a paralysé les 29 et 30 mai, le grand aéroport d’Istambul, avec des centaines de vols annulés et d’importants retards. La durée du travail dans le secteur des transports aériens peut en effet s’élever à 16 ou 18 heures par jour en Turquie ! Certaines compagnies obligent même les équipages en cabine à dormir dans la même pièce pour réduire le coût du travail quand ceux-ci sont en dehors de leur résidence. Les navigants doivent ainsi travailler pendant de longues heures en n’ayant dormi que 2 ou 3 heures avant, au mépris de leur santé, de leur vie sociale et de leurs besoins humains. Avant que la grève n’éclate, le ministre de l’industrie avait lancé une véritable provocation en menaçant d’interdire le droit de grève “dans des secteurs stratégiques comme les transports”. Les syndicats, qui n’avaient pourtant rien fait quand des centaines de travailleurs avaient été licenciés à l’aéroport Sabiha Gokeen à Istanbul, ou quand on les avait contraints à travailler davantage d´heures pour des salaires de misère, ont adressé un message “urgent” aux travailleurs les appelant à “exercer leur droit de grève”. Et les travailleurs ont effectivement déclenché une grève “illégale” le 29 mai, ce qui a servi de prétexte aux licenciements par Turkish Airlines. Ainsi, lors d’un piquet de grève, 305 grévistes, essentiellement des femmes, recevaient ce SMS sur leur téléphone portable leur signifiant simplement : “votre contrat de travail a été annulé”. Tout cela démontre que ces attaques de la bourgeoisie ont été menées main dans la main avec les syndicats.

Il était nécessaire, pour les travailleurs, de lutter non seulement contre l’administration de Turkish Airlines et le gouvernement, mais aussi contre les syndicats dont ils étaient membres. Ainsi, l’Association du 29 mai, formée par les travailleurs des compagnies aériennes en tant qu’organe de lutte indépendant des syndicats, a déclaré, à l’image de la Plate-forme des Ouvriers en lutte qui a surgi suite à la lutte de Tekel : “l’administration du syndicat Hava-Is, dont nous sommes membres, a joué un grand rôle dans le fait que cette protestation justifiée ait été déclarée “illégale” en ne prenant même pas la responsabilité d’une action à laquelle ils avaient appelé eux-mêmes. Les patrons de Turkish Airlines comptent bien tirer profit de cette situation pour éliminer des employés et les rendre quasiment esclaves. Est-ce que l’administration de Havas-Is manquait à ce point d’expérience qu’elle ne pouvait prévoir ce qui allait se passer quand elle a laissé des centaines de ses membres seuls face à l’administration de Turkish Airlines ? Quelle sorte de mentalité syndicale cela reflète t-il ?”

La gauche bourgeoise a mené une campagne déplorant le manque de soutien des travailleurs au président du syndicat tandis qu’elle présentait l’Association du 29 mai comme les “diviseurs de la lutte”. Tout au contraire, mettant l’accent sur l’importance de la solidarité, l’Association du 29 mai n’a cessé de pousser à étendre la lutte pour défendre les intérêts de la classe ouvrière toute entière et à l’organisation d’assemblées ouvertes à tous les prolétaires.

Égypte

Plus de 23 000 salariés de la plus grande entreprise de textiles d’Égypte se sont mis en grève, dimanche 15 juillet, en réclamant une revalorisation de leurs salaires. L’usine de la société nationale Mir Spinning and Weaving, à Mahalla dans le delta du Nil, a déjà connu en 2008 des manifestations qui ont déclenché une vague de grèves à travers le pays, considérée par beaucoup comme le catalyseur du soulèvement qui a abouti à la chute d’Hosni Moubarak en février 2011. Sept mille grévistes de Misr Spinning and Weaving ont organisé un sit-in dans l’usine en réclamant une hausse des salaires de base, le renvoi de responsables corrompus et l’amélioration des conditions dans l’hôpital rattaché à l’entreprise. De nombreux salariés égyptiens, encouragés par le soulèvement du début 2011, ont fait grève ces derniers mois dans l’espoir d’obtenir des augmentations et une amélioration de leurs conditions de travail. La majeure partie de ces mouvements sociaux ont pris fin, mais certains arrêts de travail continuent d’être observés de temps à autre. Des manifestations ont lieu devant le palais présidentiel au Caire depuis l’élection de Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans. Nombre de ces rassemblements portent sur les questions du chômage et des salaires.

Tunisie

La ville de Sidi Bouzid, berceau du “printemps arabe” et du mouvement qui a conduit à la chute du président Ben Ali, a connu le mardi 14 août une grève générale extrêmement suivie et une manifestation “pour la liberté d’expression et contre la répression”, rassemblant environ 2000 personnes : les protestataires réclamaient la libération d’une quarantaine de personnes arrêtées dans la région depuis fin juillet lors de manifestations contre les difficultés sociales et les coupures d’eau et d’électricité. La population locale, et plus globalement du bassin minier attendent toujours l’aide promise. Il y a ceux qui attendant le versement d’indemnités à tous les proches des victimes du soulèvement de janvier 2011. Il y a aussi ceux qui ne supportent plus les coupures d’eau ou d’électricité récurrentes et ceux qui désespèrent d’être au chômage. C’est la misère et le chômage qui ont d’ailleurs été au cœur du soulèvement de décembre 2010. Depuis, la situation n’a pas changé et les manifestations comme les conflits sociaux se sont multipliés ces dernières semaines dans le pays, face à un gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahda. Une manifestation rassemblant plusieurs milliers de personnes a également eu lieu à Tunis le 13 août pour la protection du droit des femmes.

Arno, 31 août

 

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Lutte de classe

Les manifestations au Japon sont une expression indignée face à la barbarie capitaliste

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Depuis le mois d’avril, une tempête de même nature que celle initiée par le “printemps arabe”, qui avait encouragée ailleurs une multitude de mobilisations de populations “indignées” dans le monde (Espagne, Grèce, États-Unis, Canada, etc.), souffle sur l’archipel japonais. Et comme pour bon nombre de ces mouvements, nous assistons de nouveau à un véritable black-out de la part de la bourgeoisie et de ses grands médias aux ordres. Au Japon même, en dehors des lieux cristallisant le mécontentement, c’est un silence identique à celui des autres moyens d’information démocratiques occidentaux. Ainsi, par exemple, une manifestation de plus de 60 000 personnes, à Tokyo, a pu être complètement occultée aux yeux du grand public. Selon les termes même d’un journaliste japonais “indépendant”, M Uesugi, “au Japon, le contrôle des médias est pire que la Chine et semblable à l’Égypte” (1).

Ces manifestations, de quelques centaines de personnes en avril, passant rapidement à quelques milliers par la suite, ont débouché sur une véritable vague de colère qui s’est amplifiée. Ainsi, au début du mois de juillet, affluant des diverses contrées (région de Tohoku – nord-est –, île de Kyushu  – sud –, Shikoku – sud-est –, Hokkaido – nord –, Honshu – centre-ouest –), les protestataires ont convergé en nombre à proximité du parc Yoyogi à Tokyo pour investir la rue. Rapidement, une “manifestation monstre” atteignait près de 170 000 mécontents. On n’avait pas vu pareille manifestation contre les conditions de vie depuis les années 1970. La dernière en date, d’une relative ampleur, en 2003, était contre la guerre en Irak.

Le facteur déclencheur de ce mécontentement est lié au traumatisme de Fukushima, à la forte indignation face aux mensonges des autorités nippones et à leur volonté de poursuivre un programme nucléaire kamikaze. Le dernier plan national prévoyait la construction de 14 nouveaux réacteurs d’ici 2030 ! Suite à la catastrophe de Fukushima, le gouvernement n’a pas trouvé mieux pour “rassurer” et préparer son plan que de dire aux populations : “Vous n’allez pas être affectés immédiatement. (...) Ce n’est pas grave, c’est comme prendre l’avion ou subir des rayons”. Quel cynisme ! Il n’est pas étonnant que la population très en colère demande “l’arrêt du nucléaire”, à commencer par la centrale d’Hamaoka, à 120 km de Nagoya, située sur une zone de subduction fortement sismique.

Outre la massivité qui a été une surprise pour les organisateurs eux-mêmes, on retrouve le même rôle dynamique joué par Internet, par twitter et la nouvelle génération, en particulier les étudiants et les lycéens. Pour bon nombre, il s’agissait de leur première mobilisation. Parmi les manifestations quasi-hebdomadaires qui se sont succédées, certaines ont été organisées par des lycéennes de Nagoya via les réseaux sociaux et par une nébuleuse de groupes antinucléaires (2). Des critiques fusent de partout sur le Web, les vidéos se multiplient et les sites alternatifs s’étoffent. Un peu à l’image du blog d’un ancien ouvrier de la centrale d’Hamaoka, dénonçant les mensonges sur la prétendue “sécurité” des installations nucléaires, les esprits s’animent. Un étudiant à Sendai (Nord-est), Mayumi Ishida, souhaite pour sa part “un mouvement social avec des grèves” (3). Ce mouvement exprime ainsi en profondeur l’accumulation des frustrations sociales liées à la crise économique et à l’austérité brutale. En cela, ce mouvement au Japon se rattache bel et bien aux autres expressions de ce mouvement international des “indignés”.

Des gens très en colère n’hésitent donc plus à prendre la parole, même s’il est difficile d’en rendre compte faute d’informations précises.

Bien entendu, comme partout ailleurs, ce mouvement présente de grandes faiblesses, notamment des illusions démocratiques et des préjugés nationalistes marqués. La colère reste largement canalisée et encadrée par les syndicats et surtout, en l’occurrence, les organisations antinucléaires officielles. Des élus locaux frondeurs, par leur démagogie et leurs mensonges, réussissent encore souvent à entraîner derrière eux des mécontents en les isolant les uns des autres, en poussant à des actions stériles, exclusivement focalisées contre tel ou tel projet de l’industrie nucléaire et surtout contre le Premier ministre “fusible” Naoto Kan.

Malgré ces nombreuses faiblesses, ce mouvement au Japon est symboliquement très important. Il démontre non seulement que son isolement relatif des autres fractions du prolétariat (lié à des facteurs géographiques, historiques et culturels) tend en partie à être dépassé (4) mais aussi que toute la propagande nauséabonde des médias bourgeois sur la prétendue “docilité” des ouvriers japonais repose sur des préjugés destinés à briser l’unité internationale des exploités.

Progressivement, les ouvriers du monde entier commencent à entrevoir la force sociale qu’ils sont potentiellement capables de représenter pour le futur. Peu à peu, ils apprennent que la rue est un espace politique qu’il leur faudra investir par une lutte solidaire. Ils pourront alors retrouver, au Japon comme ailleurs, dans l’élan d’une force révolutionnaire internationale, les moyens de détruire le capitalisme et de construire une société libérée de l’exploitation et ses barbaries. Il s’agit là d’un long, très long chemin, mais c’est aussi et surtout le seul qui mène vers le règne de la liberté.

WH, 21 juillet

 

1) http ://blogs.mediapart.fr/edition/japon-un-seisme-mondial/article/201111/fukushima-occuper-tokyo-des-manifestations-de-ma [8]

2) http ://www.slate.fr/story/37717/japon-antinucleaire [9]

3) www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Japon-manifestations-anti-nucleaires-monstres_3637-2097031_actu.Htm ?xtor=RSS-4&utm_source=RSS_MVI_ouest-france [10]

4) Voir notre série publiée en 2003 sur l’histoire du mouvement ouvrier au Japon, in Revue internationale nos 112 [11], 114 [12], 115 [13].

 

 

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Lutte de classe

Espagne : La pire des attaques à nos conditions de vie, comment riposter ?

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Voici un tract avec lequel notre section en Espagne dénonce la pire attaque contre les conditions de vie de la classe ouvrière, une attaque qui paraîtra pourtant “légère” en comparaison à celles qui vont venir. C’est aussi une analyse de la situation, qui essaie d’apporter des solutions aux dernières luttes.

En 1984, le gouvernement du PSOE (Parti socialiste, de gauche) imposa la première Réforme du travail ; il y a tout juste trois mois, le gouvernement actuel du PP (Parti populaire, de droite) a mis en place la plus grave des Réformes du travail connue jusqu’ici. En 1985, le gouvernement du PSOE fit la première Réforme des retraites ; en 2011, un autre gouvernement de ce même PSOE en imposa une autre. Pour quand la prochaine ? Depuis plus de 30 ans, les conditions de vie des travailleurs ont empiré graduellement, mais depuis 2010 cette dégradation a pris un rythme frénétique et, avec les nouvelles mesures gouvernementales du PP, elle a atteint des niveaux qui, malheureusement, sembleront bien bas lors des futures attaques. Il y a, par-dessus le marché, un acharnement répressif de la part de la police : violence contre les étudiants à Valence en février dernier, matraquage en règle des mineurs, usage de balles en caoutchouc utilisées, entre autres, contre des enfants. Par ailleurs, le Congrès est carrément protégé par la police face aux manifestations spontanées qui s’y déroulent depuis mercredi dernier et qui s’y sont renouvelées dimanche 15 juillet...

Nous, l’immense majorité, exploitée et opprimée, mais aussi indignée ; nous, travailleurs du public et du privé, chômeurs, étudiants, retraités, émigrés..., nous posons beaucoup de questions sur tout ce qui se passe. Nous devons tous, collectivement, partager ces questionnements dans les rues, sur les places, sur les lieux de travail, pour que nous commencions tous ensemble à trouver des réponses, à donner une riposte massive, forte et soutenue.

L’effondrement du capitalisme

Les gouvernements changent, mais la crise ne fait qu’empirer et les coupes sont de plus en plus féroces. On nous présente chaque sommet de l’UE, du G20, etc., comme la “solution définitive”... qui, le jour suivant, apparaît comme un échec retentissant ! On nous dit que les coupes vont faire baisser la prime de risque, et ce qui arrive est tout le contraire. Après tant et tant de saignées contre nos conditions de vie, le FMI reconnaît qu’il faudra attendre… 2025 (!) pour retrouver les niveaux économiques de 2007. La crise suit un cours implacable et inexorable, faisant échouer sur son passage des millions de vies brisées.

Certes, il y a des pays qui vont mieux que d’autres, mais il faut regarder le monde dans son ensemble. Le problème ne se limite pas à l’Espagne, la Grèce ou l’Italie, et ne peut même pas se réduire à la “crise de l’euro”. L’Allemagne est au bord de la récession et déjà, il s’y trouve 7 millions de mini-jobs (avec des salaires de 400 €) ; aux Etats-Unis, le chômage part en flèche à la même vitesse que les expulsions de domicile. En Chine, l’économie souffre d’une décélération depuis 7 mois, malgré une bulle immobilière insensée qui fait que, dans la seule ville de Pékin, il y a 2 millions d’appartements vides. Nous sommes en train de souffrir dans notre chair la crise mondiale et historique du système capitaliste dont font partie tous les Etats, quelle que soit l’idéologie officielle qu’ils professent –“communiste” en Chine ou à Cuba, “socialiste du xxie siècle” en Équateur ou au Venezuela, “socialiste” en France, “démocrate” aux Etats-Unis, “libérale” en Espagne ou en Allemagne. Le capitalisme, après avoir créé le marché mondial, est devenu depuis presque un siècle un système réactionnaire, qui a plongé l’humanité dans la pire des barbaries (deux guerres mondiales, des guerres régionales innombrables, la destruction de l’environnement...)  ; aujourd’hui, depuis 2007, après avoir bénéficié de moments de croissance économique artificielle à base de spéculation et de bulles financières en tout genre, il est en train de se crasher contre la pire des crises de son histoire, plongeant les États, les entreprises et les banques dans une insolvabilité sans issue. Le résultat d’une telle débâcle, c’est une catastrophe humanitaire gigantesque. Tandis que la famine et la misère ne font qu’augmenter en Afrique, en Asie et en Amérique latine, dans les pays “riches”, des millions de personnes perdent leur emploi, des centaines de milliers sont expulsées de leur domicile, la grande majorité n’arrive plus à boucler les fins de mois ; le renchérissement de services sociaux ultra-réduits rend l’existence très précaire, ainsi que la charge écrasante des impôts, directs et indirects.

L’Etat démocratique c’est la dictature de la classe capitaliste

Le capitalisme divise la société en deux pôles : le pôle minoritaire de la classe capitaliste qui possède tout et ne produit rien ; et le pôle majoritaire des classes exploitées, qui produit tout et reçoit de moins en moins. La classe capitaliste, ce 1 % de la population comme le disait le mouvement Occupy aux États-Unis, apparaît de plus en plus corrompue, arrogante et insultante. Elle cumule les richesses avec un culot indécent, se montre insensible face aux souffrances de la majorité et son personnel politique impose partout des coupes et de l’austérité... Pourquoi, malgré les grands mouvements d’indignation sociale qui se sont déroulés en 2011 (Espagne, Grèce, Etats-Unis, Egypte, Chili etc.), continue-t-elle avec acharnement à appliquer des politiques contre les intérêts de la majorité ? Pourquoi notre lutte, malgré les précieuses expériences vécues, est si en dessous de ce qui serait nécessaire ?

Une première réponse se trouve dans la tromperie que représente l’Etat démocratique. Celui-ci se présente comme étant “l’émanation de tous les citoyens” mais, en vérité, il est l’organe exclusif et excluant de la classe capitaliste, il est à son service, et pour cela il possède deux mains : la main droite composée de la police, des prisons, des tribunaux, des lois, de la bureaucratie avec laquelle elle nous réprime et écrase toutes nos tentatives de révolte  ; et la main gauche, avec son éventail de partis de toutes idéologies, avec ses syndicats apparemment indépendants, avec ses services de cohésion sociale qui prétendent nous protéger..., qui ne sont que des illusions pour nous tromper, nous diviser et nous démoraliser.

A quoi ont-ils servi, tous ces bulletins de vote émis tous les quatre ans ? Les gouvernements issus des urnes ont-ils réalisé une seule de leurs promesses ? Quelle que soit leur idéologie, qui ont-ils protégé ? Les électeurs ou le capital ? À quoi ont servi les réformes et les changements innombrables qu’ils ont faits dans l’éducation, la sécurité sociale, l’économie, la politique, etc. ? N’ont-t-ils pas été en vérité l’expression du “tout doit changer pour que tout continue pareil” ? Comme on le disait lors du mouvement du 15-Mai : “On l’appelle démocratie et ça ne l’est pas, c’est une dictature mais on ne le voit pas.”

Face à la misère mondiale, révolution mondiale contre la misère !

Le capitalisme mène à la misère généralisée. Mais ne voyons pas dans la misère que la misère ! Dans ses entrailles se trouve la principale classe exploitée, le prolétariat qui, par son travail associé – travail qui ne se limite pas à l’industrie et à l’agriculture mais qui comprend aussi l’éducation, la santé, les services, etc. –, assure le fonctionnement de toute la société et qui, par là même, a la capacité tant de paralyser la machine capitaliste que d’ouvrir la voie à une société où la vie ne sera pas sacrifiée sur l’autel des profits capitalistes, où l’économie de la concurrence sera remplacée par la production solidaire pour la pleine satisfaction des besoins humains. En somme, une société qui dépasse le nœud de contradictions dans lesquelles le capitalisme tient l’humanité prisonnière.

Cette perspective, qui n’est pas un idéal mais le fruit de l’expérience historique et mondiale de plus de deux siècles de luttes du mouvement ouvrier, paraît cependant aujourd’hui difficile et lointaine. Nous en avons déjà mentionné une des causes : on nous berce avec l’illusion de l’Etat démocratique. Mais il y a d’autres causes plus profondes : la plupart des prolétaires ne se reconnaissent pas comme tels. Nous n’avons pas confiance en nous-mêmes en tant que force sociale autonome. Par ailleurs, et surtout, le mode de vie de cette société, basé sur la concurrence, sur la lutte de tous contre tous, nous plonge dans l’atomisation, dans le chacun pour soi, dans la division et l’affrontement entre nous.

La conscience de ces problèmes, le débat ouvert et fraternel sur ceux-ci, la récupération critique des expériences de plus de deux siècles de lutte, tout cela nous donne les moyens pour dépasser cette situation et nous rend capables de riposter. C’est le jour même (11 juillet) où Rajoy a annoncé les nouvelles mesures que quelques ripostes ont immédiatement commencé à poindre. Beaucoup de monde est allé à Madrid manifester sa solidarité avec les mineurs. Cette expérience d’unité et de solidarité s’est concrétisée les jours suivants dans des manifestations spontanées, appelées à travers les réseaux sociaux. C’était une initiative, hors syndicats, propre aux travailleurs du public ; comment la poursuivre en sachant qu’il s’agit d’une lutte longue et difficile ? Voici quelques propositions :

La lutte unitaire

Chômeurs, travailleurs du secteur public et du privé, intérimaires et fonctionnaires, retraités, étudiants, immigrés, ensemble, nous pouvons. Aucun secteur ne peut rester isolé et enfermé dans son coin. Face à une société de division et d’atomisation nous devons faire valoir la force de la solidarité.

Les assemblées générales et ouvertes

Le capital est fort si on laisse tout entre les mains des professionnels de la politique et de la représentation syndicale qui nous trahissent toujours. Il nous faut des assemblées pour réfléchir, discuter et décider ensemble. Pour que nous soyons tous responsables de ce que nous décidons ensemble, pour vivre et ressentir la satisfaction d’être unis, pour briser les barreaux de la solitude et de l’isolement et cultiver la confiance et l’empathie.

Chercher la solidarité internationale

Défendre la nation fait de nous la chair à canon des guerres, de la xénophobie, du racisme ; défendre la nation nous divise, nous oppose aux ouvriers du monde entier, les seuls pourtant sur lesquels nous pouvons compter pour créer la force capable de faire reculer les attaques du capital.

Nous regrouper

Nous regrouper dans les lieux de travail, dans les quartiers, par Internet, dans des collectifs pour réfléchir à tout ce qui se passe, pour organiser des réunions et des débats qui impulsent et préparent les luttes. Il ne suffit pas de lutter ! Il faut lutter avec la conscience la plus claire de ce qui arrive, de quelles sont nos armes, de qui sont nos amis et nos ennemis !

Tout changement social est indissociable d’un changement individuel

Notre lutte ne peut pas se limiter à un simple changement de structures politiques et économiques, c’est un changement de système social et, par conséquent, de notre propre vie, de notre manière de voir les choses, de nos aspirations. Ce n’est qu’ainsi que nous développerons la force de déjouer les pièges innombrables que nous tend la classe dominante, de résister aux coups physiques et moraux qu’elle nous donne sans trêve. Nous devons développer un changement de mentalité qui nous ouvre à la solidarité, à la conscience collective, lesquelles sont plus que le ciment de notre union, mais aussi le pilier d’une société future libérée de ce monde de concurrence féroce et de mercantilisme extrême qui caractérise le capitalisme.

CCI,16 juillet

 

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  • Espagne [15]

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Tract

En Syrie, les grandes puissances gesticulent, les massacres continuent

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Voilà plus d’un an et demi que les politiciens occidentaux de tous bords et les médias se penchent avec compassion sur le sort de la population syrienne. On n’entend plus partout que cette incessante litanie : Bachar el-Assad est responsable de “crimes contre l’humanité”. Et en effet, les tueries en règle opérées par le régime syrien s’accumulent avec une effrayante régularité et se sont même notablement accélérées cet été, malgré les appels de l’ONU à cesser les combats. “Droit dans ses bottes”, le dictateur de Damas poursuit une œuvre de mise au pas et de destruction de la “rébellion” syrienne avec détermination, déclarant récemment que “cela [la guerre actuelle] nécessite encore du temps” et que la vague d’exil est au fond “une opération d’auto-nettoyage de l’Etat, premièrement, et de la nation en général”.

Depuis le 15 mars 2011, selon l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme, on dénombre 23 000 morts. Et combien des 200 000 blessés resteront estropiés à vie, ou ne survivront pas à leurs blessures ? Il faut dire qu’Assad leur laisse peu de chances, puisque c’est jusque dans les hôpitaux qu’il bombarde et envoie ses troupes pour mieux écraser et terroriser. Al-Qoubir, Damas, Rifha, Alep, Deraâ, dernièrement Daraya, etc., toutes ces villes-martyres sont le symbole de la brutalité extrême qui se répand dans tout le pays.

S’ajoute à cela une situation de catastrophe humanitaire. Les vivres, le lait pour les enfants, les médicaments (quant aux soins, n’en parlons pas), l’eau manquent de façon catastrophique dans la plupart des villes et dans des régions entières. Les maisons sont détruites en masse et un grave manque d’abris se fait déjà sentir. Les coupures d’électricité durent souvent de 4 à 5 jours pour revenir à peine une heure comme à Alep.

Fuyant les combats et les exactions de l’armée d’Assad mais aussi de l’Armée Syrienne de Libération, de plus en plus pointée du doigt comme responsable de certains massacres, près de 300 000 personnes ont pris la route de l’exil. Que ce soit au Sud de la Syrie, vers le Liban et la Jordanie, au Nord vers la Turquie, et même en Irak, des masses de réfugiés s’agglutinent dans des camps de misère, dans l’attente désespérée de revenir un jour chez eux... où tout est détruit.

Au total ce serait plus de 2,5 millions de personnes, femmes, enfants, personnes âgées, qui sont selon l’ONU en “situation de détresse”.

Evidemment, ces chiffres alarmants sont un prétexte à verser des flots de larmes de crocodile pour les sensibles dirigeants de la planète. On pouvait par exemple entendre, entre autres, Fabius, ministre des Affaires étrangères français, clamer qu’il s’agissait d’une “situation intolérable et inacceptable”. On ne pourrait qu’applaudir des deux mains ces fortes paroles paraissant l’expression d’une révolte légitime devant tant d’horreurs, et accourir apporter son obole au fonds de l’ONU pour la Syrie, s’il ne s’agissait pas d’une lamentable et cynique mascarade.

Le 27 août dernier, François Hollande déclarait : “Je le dis avec la solennité qui convient : nous restons très vigilants avec nos alliés pour prévenir l’emploi d’armes chimiques par le régime [syrien] qui serait pour la communauté internationale une cause légitime d’intervention directe.” Cette intervention emboîtait le pas à celle de Barack Obama qui avait affirmé peu avant que cette question de l’utilisation des armes chimiques constituerait une “ligne rouge” et une raison d’envoyer des troupes contre l’Etat syrien. Autrement dit, tant que les tueries se font à l’arme “traditionnelle”, autrement dit “à la loyale” (!), ça va, c’est “honnête”, c’est de “bon aloi”. Mais attention à la “ligne rouge” !

La tartufferie infecte de la bourgeoisie se montre une fois de plus à l’envi dans cette situation dramatique. Ils menacent tous d’intervenir depuis de longs mois, pour ne pas être en mesure de faire quoi que ce soit, les passades diplomatiques se succédant les unes aux autres, plus hypocrites les unes que les autres. Et même s’ils intervenaient, ce ne serait en aucun cas pour soutenir la population mais pour ouvrir la porte à une nouvelle foire d’empoigne dont les Syriens feraient inévitablement les frais et cela ne constituerait qu’une escalade dans l’horreur.

Car cette guerre de prétendue “libération” ou de “lutte pour la démocratie” est une guerre impérialiste tout court, dans laquelle sont engagées toutes les puissances régionales et au premier chef les principales, Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne. L’implication et la responsabilité de tous ces gangsters ne se manifestent pas seulement par leurs gesticulations à l’ONU ou ailleurs, mais est déjà active par l’armement et/ou l’argent qu’ils fournissent aux deux camps syriens (1).

La question de la création d’une zone-tampon en Syrie à la frontière avec la Turquie, afin d’offrir un soi-disant abri aux dizaines de milliers de réfugiés qui affluent, et dont on nous rebat les oreilles, est une vaste fumisterie ; parce qu’elle ne serait pas viable du fait de l’opposition d’Assad, et nécessiterait quasiment la guerre ouverte avec Damas, justement du fait qu’il s’agirait d’une base arrière de presque tous les requins en présence, sous la bannière de la “défense de la paix” avec au bout du compte tout autant de risques pour les réfugiés. Il faut en ce sens se rappeler avec quelle attention l’ONU, et la France qui en était responsable, avait laissé massacrer des milliers de gens à Srebrenica en Bosnie en 1995 par les troupes de Milosevic.

Si l’ONU intervient, il faudra se souvenir de la sollicitude avec laquelle les Afghans ont été traités depuis 2001, puis les Irakiens, au nom de la lutte “contre le terrorisme” ou bien de celle “pour la démocratie”, et ce qu’il en reste : des champs de ruines et des millions de gens offerts en pâture aux bandes armées de telle et telle clique avec pour perspective la misère et une soumission aux volontés de chefs de guerre plus arriérés les uns que les autres.

Il faut encore se remettre en mémoire la sournoiserie et la violence qui ont présidé à l’établissement des protectorats français et britannique dans cette région du Moyen-Orient au moment de l’effondrement de l’Empire ottoman, lors de la Première Guerre mondiale, et de l’accord Sykes-Picot de 1916 qui était un dépeçage en règle de la Syrie et de l’Irak, sur fond de promesses “libératrices” aux Arabes, et de tueries récurrentes. La bourgeoisie est toujours pleine de bonnes intentions pour cacher ses véritables objectifs et ne peut que surenchérir de mensonges pour les réaliser.

Soyons certains d’une seule chose, c’est que ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux est l’expression, non pas seulement de la folie d’Assad, mais aussi de ce monde décadent. Et c’est sans ambiguïté, quelle que soit l’évolution de ce drame, le prélude à une aggravation sans précédent de la situation de tout le Moyen-Orient. Les conséquences en seront désastreuses, comme on le voit déjà avec l’extension actuelle du conflit au Liban.

Wilma, 31 août

 

1) Il faut souligner le culot de la Russie qui prétend livrer à Assad des hélicoptères de combat qui étaient en “réparation”, et celui des Etats-Unis qui prétendent ne fournir que “des moyens de communication”, bien qu’ils procurent notoirement à l’ASL des armes antichars par le biais de l’Arabie Saoudite, du Qatar et du Koweït. La France, qui vend des caméras thermiques à la Russie pour ses chars, et dont ne sont prétendument pas équipées les troupes syriennes, n’est pas en reste dans le registre de l’hypocrisie crasse.

 

 

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  • Moyen Orient [16]

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International

Pour les Roms, le changement, c’est maintenant ! ... et plus ça change, plus ça empire

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Comme son prédécesseur, le gouvernement socialiste a profité de l’été pour mobiliser ses flics contre les Roms. Les forces de répression se sont ainsi livrées à une véritable “chasse à l’homme” dans les banlieues de Lille et de Lyon. Rien de tel, en effet, que la période estivale, où les gens sont en vacances, pour utiliser la politique du “nettoyage au Kärcher” sans risquer de trop fortes oppositions de la part des populations !

Le fait que les socialistes poursuivent la même politique que l’UMP ne doit surprendre personne. Dans les années 1980, le gouvernement socialiste avait déjà instauré un véritable arsenal répressif contre les immigrés (1). L’association “La voix des Roms” a d’ailleurs pu ironiser sur le fait que le nouveau ministre de l’Intérieur Manuel Valls “pourrait porter les couleurs de l’UMP en 2017”. Il ne s’agit donc nullement d’une “trahison”, même si, pendant sa campagne présidentielle, François Hollande avait hypocritement déclaré : “On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution” (2).

En réalité, l’acharnement sur les populations fragiles, comme celle des Roms, très marginalisées et faciles à criminaliser, est une pratique généralisée de la bourgeoisie. Tous les gouvernements, partout, quelle que soit leur couleur politique, sont obsédés par “l’ordre public” et recherchent sans cesse des bouc émissaires face à la crise. Ainsi, presque au moment même où Valls et ses flics réprimaient en France, la police grecque engageait à Athènes une vaste opération de chasse aux migrants, baptisée “Xénos Zeus”, au cours de laquelle elle a arrêté 1595 personnes et interpellé 6000 autres. Tout cela pour criminaliser et rendre responsables de la situation sociale dramatique les sans-papiers qui sont, en réalité, les premières victimes de la crise économique ! C’est dans ce sens que le ministre grec Nikos Denias a tenu ces propos nauséabonds : “Au nom de votre patriotisme et de l’instinct de survie du citoyen grec, je vous demande de soutenir cet effort. La question de l’immigration illégale est l’un des grands problèmes du pays (!) avec celui de l’économie” (3). La violence de la police grecque a été telle qu’un Irakien traqué a même trouvé la mort.

La bourgeoisie italienne utilise les mêmes méthodes de chasse aux Roms : très régulièrement, des camps sont brutalement détruits à Milan et à Rome. En Allemagne, même si le passé nazi de ce pays impose une certaine discrétion, les 10 000 Roms qui avaient fui la guerre au Kosovo attendent, dans la crainte, d’être chassés car Berlin a décidé d’opérer des expulsions à hauteur de 2500 personnes par an. Même dans un pays “social” comme la Suède, où 80  % des Roms sont sans emploi, la simple mendicité est un prétexte à l’expulsion. Cinquante Roms on déjà été expulsés cette année (4). On pourrait multiplier les exemples où la terreur, la traque et le mépris sont la règle.

La mise “sous surveillance” de la France par la Commission européenne à propos de la “gestion” des Roms n’est donc qu’une pure hypocrisie, tout comme les propos mensongers et complices des politiciens qui adoptent les mêmes tactiques de communication pour mystifier les populations. Ainsi, Manuel Valls, qui prétend pourtant que sa politique n’a “rien à voir” avec la méthode de Nicolas Sarkozy, utilise exactement les mêmes propos défensifs que Bernard Kouchner lorsqu’il défendait l’ancien président pour couvrir des pratiques identiques : “Jamais le Président de la République n’a stigmatisé une minorité en fonction de son origine” (5). Un véritable copier-coller ! De même, Michel Rocard, à l’époque où œuvrait l’équipe Sarkozy, s’exclamait : “On n’a pas vu cela depuis les nazis !” En réponse, les mêmes prétextes à propos de “l’insalubrité”, de la “criminalité” et des “troubles à l’ordre public” étaient invoqués par la majorité au pouvoir.

En réalité, derrière les discours creux et hypocrites se cache la froide et insensible mécanique du capital. La classe ouvrière ne peut qu’exprimer son indignation et sa colère face à une telle inhumanité.

 

1) Loi Joxe, arrestation et reconduites aux frontières par charters entiers sous la houlette de la ministre Édith Cresson, etc.

2) Cité in www.ldh-france.org [17]

3) www.lepoint.fr [18]

4) www.rfi.fr/fr/europe/20100826-europe-expulsions-roms-sont-monnaie-courante [19]

5) Cité in RI no 415.

 

 

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Social

Cosmopolis, un réquisitoire poétique et radical contre le capitalisme

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Autant l’avouer, même parmi les cinéphiles acclimatés aux petites salles associatives, certains films sont propices aux cruels préjugés. Cosmopolis, de David Cronenberg, est un exemple parfait de ces remords qui vous saisissent tandis que vous patientez tristement dans la file d’attente qui conduit à la billetterie. D’emblée le titre a de quoi effrayer : référence directe à Metropolis de Fritz Lang, le film de Cronenberg éveille plus d’un doute sur la modestie de son réalisateur. Encore un film prétentieux à vingt millions de dollars sur la finance pourrie et les banquiers véreux ? La critique est d’ailleurs impitoyable : les spectateurs qui ont survécu à l’immonde bande-annonce quittent massivement les salles de cinéma avant la fin du film et les journalistes sont particulièrement virulents ; d’autres, ce qui est probablement pire, jouent les intellectuels verbeux sans visiblement rien comprendre. Et la présence à l’affiche de Robert Pattinson, à la fois acteur principal du film et coutumier des navets pour midinettes, n’arrange rien.

Mais qu’est-ce que Cosmopolis ? C’est d’abord un scénario baroque tiré d’un ouvrage du même nom. Le milliardaire Eric Packer n’a qu’un désir : aller chez son coiffeur ! A l’intérieur de sa limousine blindée, sur le long chemin qui le conduit vers son objectif insignifiant, le capitalisme s’effondre, la population se soulève, des émeutes éclatent. Dès le début du film, deux personnes pénètrent dans un café où le milliardaire s’est arrêté quelques instants. Des rats dans les mains, qui serviront d’ailleurs d’étalon monétaire imaginaire, ils crient les premières lignes du Manifeste communiste de 1848 : “Un spectre hante le monde !”… désormais celui du capitalisme. Mais rien ne semble détourner Packer de son objectif délirant, pas même l’abstraite et mystérieuse menace qui pèse sur lui.

Ce film est plus qu’une critique superficiellement radicale du capitalisme et de ses dérives, typique du cinéma, artistiquement excellent au demeurant, des années 1970. Packer est plus qu’un milliardaire cynique, bien plus qu’un trader diabolique, c’est un symbole, celui du capitalisme lui-même. La clef pour pleinement pénétrer le film est là : à la manière des personnages de Ana y los lobos, de Carlos Saura, illustrations de la composition sociale de l’Espagne franquiste, ceux de Cosmopolis sont des métaphores, des incarnations qui dépassent l’individu proprement dit. Packer verra ainsi défiler sa fiancée, incarnation du milieu artistique, la directrice des théories, un médecin, plein des illusions et des aveuglements des experts bourgeois pour qui tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, le garde du corps, image des forces de répression, un employé au chômage, prolétaire s’élevant difficilement à la conscience de sa force, ainsi qu’à l’inconsistance des banderilles flamboyantes de ce monde “mort depuis cent ans” et duquel il a pourtant tellement espéré : “Je voulais que vous me sauviez !”

Si le film sous-estime le rôle fondamental de l’État dans le capitalisme décadent, son auteur est néanmoins parfaitement conscient du caractère vain des fausses révoltes, des actions symboliques et inoffensives. Un individu, qu’on croit dans un premier temps être la mystérieuse menace, vient ainsi entarter Packer avec un gâteau à la crème. Sous les flashs nourris des photographes, une véritable simulation de bagarre s’ensuit. Après un discours ridicule, vantant ses faits d’arme insignifiants, l’entarteur n’a plus qu’à piteusement ajouter : “Bon, ben… on s’en va !” Loin des fanfaronnades pseudo-héroïques, pour Cronenberg, la révolution est une chose sérieuse, une confrontation violente, une mise à mort radicale de la société bourgeoise.

Mais le réalisateur paraît conscient des limites de l’exercice : comment dénoncer un monde à la dérive avec un film si coûteux, financé par une partie de ceux qui ont justement tout intérêt à le défendre ? Par l’intermédiaire de la fiancée de Packer, Cronenberg répond très honnêtement à cette question. Artiste très fortunée, elle se plait à jouer la déshéritée dans son taxi ou ses bars miteux, et se pique même de critiquer, superficiellement certes, son amant. Dans la chute, si elle décide de prendre publiquement ses distances, simule même la rupture, elle ne peut que continuer à soutenir secrètement le capitalisme. Elle cristallise ainsi toutes les contradictions de l’exercice qui, s’il est une critique vigoureuse contre le capitalisme, obéit malgré tout à ses lois. C’est l’occasion d’une réflexion intéressante sur l’art sous le règne des producteurs et autres vendeurs d’art.

Alors, comment expliquer la réception négative d’une large partie du public ? D’abord, le film est particulièrement dense. Un peu à l’image des œuvres de Stanley Kubrick, Cronenberg n’a rien laissé au hasard. Bien qu’il se soit appuyé sur l’ouvrage de Don De Lillo pour les dialogues, chaque scène, chaque phrase, chaque image donnent à réfléchir. Chaque détail est chargé de sens dans un tout cohérent. Il est vrai qu’un bagage politique sérieux et plusieurs visionnages sont nécessaires pour saisir l’ensemble des éléments du film, tant les références au mouvement ouvrier et à la littérature politique sont nombreuses, tant les détails sont signifiants. Mais il est vraiment rare, vu le prix d’une place de cinéma, que les spectateurs désertent les salles si massivement et si irrités avant la fin d’un film, fut-il mauvais. Il y a sans doute quelque chose de plus fondamental. Beaucoup de personnes ont probablement vu quelque chose qu’ils n’ont pas l’habitude de voir, une forme de claque qui les a peut-être heurtés dans leurs représentations immédiates. Cosmopolis n’est pas une simple démonstration rigoureuse, à laquelle il est possible de répondre par d’autres arguments. S’il s’agit bien d’une critique radicale du capitalisme, elle est d’abord poétique. La force des grands artistes, c’est de donner à leur œuvre une dimension émotionnelle qui pénètre naturellement l’esprit et vient, d’une façon ou d’une autre, titiller la froide mécanique de la raison. Que ces œuvres fassent fuir ou qu’elles enthousiasment, qu’elles heurtent ou qu’elles transportent, elles produisent quelque chose de difficilement explicable et de complexe : l’émotion.

El Generico, 31 juillet

 

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Cinéma

La liberté sexuelle est impossible dans le capitalisme

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Nous publions ici un article écrit par un de nos très proches sympathisants en collaboration avec des militants du CCI. Nous voulons saluer la volonté du camarade de contribuer aux discussions en cours et à la clarification d’une des questions sociales les plus brûlantes de notre époque – les “droits” des gays – d’un point de vue de classe. Nous voulons aussi exprimer notre avis sur ce que le camarade a choisi de cibler en écrivant cet article. Nous pensons qu’il est rafraîchissant d’aborder la question sous l’angle des émotions humaines. Nous sommes aussi d’accord avec la compréhension et l’argumentation politique du camarade. Nous invitons tous nos contacts proches à collaborer avec des militants du CCI pour écrire sur des questions qui aident à la clarification et à l’émancipation des pensées de la classe ouvrière.

Le “débat” sur le “droit” des gays ou des lesbiennes de se marier légalement et de bénéficier, grâce à cette reconnaissance légale, des avantages financiers attribués aux couples hétérosexuels mariés – le bénéfice allant au dernier survivant étant parmi les plus chaudement contestés – est depuis longtemps une de ces questions que la classe dominante sort périodiquement de son chapeau, pour en faire un thème à sensation, notamment en période électorale. Dans cet article, nous voulons mettre en évidence l’hypocrisie de la classe dominante, de gauche, du centre et de droite, qui traite de la question soit d’un point de vue “humaniste” – la gauche et le centre – soit avec une approche moraliste/religieuse, à droite. L’administration Obama aime se présenter comme “libérale” et “progressiste”, d’où ses appels à revenir sur les lois anti-mariage gay passées au niveau de certains États (tout récemment par référendum en Caroline du Nord), sans toutefois essayer de faire du mariage gay un “droit” constitutionnel. La droite a besoin de répondre aux craintes et à l’exagération de l’insécurité de sa base électorale particulièrement conservatrice, d’où le discours anti-mariage gay du candidat du Parti républicain, Mitt Romney. Tout le “débat” est en réalité un stratagème de l’administration Obama pour attirer la jeunesse et “les indépendants d’esprit” en plus de l’électorat gay et pousser Romney à se discréditer vis-à-vis des Évangélistes s’il ne réagit pas clairement et avec force contre le mariage gay. Le glissement encore plus à droite de Romney risque de lui aliéner le secteur indécis et indépendant de l’électorat. Il est clair que cette gesticulation légaliste est complètement hypocrite. Elle vise à utiliser une situation, qui est certainement vécue comme dramatique et humiliante par les gays et les lesbiennes, pour nourrir les divisions, l’animosité et autres incompréhensions pour un profit politique. De plus, l’opposition véhémente par moments au mariage gay exprimée par la droite ne doit pas nous faire croire que la légalisation d’un aspect de la vie personnelle contrarierait d’une certaine manière le système établi de l’exploitation capitaliste.

Aujourd’hui, si vous allumez la télévision et zappez sur n’importe quelle chaîne d’information importante, il y a toutes les chances que vous tombiez sur le “débat sur les droits des gays”. C’est intéressant de voir comment les médias bourgeois insistent sur les différences personnelles entre humains, en nous montrant où nous sommes le moins d’accord en tant que personnes. Mais la bourgeoisie et ses porte-parole dans la presse sont extrêmement hypocrites. Surtout quand la “partialité” est tellement désapprouvée dans le climat politique actuel. Maintenant, certaines fractions de la classe dominante affirment soutenir le mariage gay. Plus encore, elles affirment le faire avec un sentiment humaniste plus profond, se référant souvent à la lutte pour les droits des gays, comme à un combat pour “l’égalité” ou “les droits civils”.

Alors nous devons nous demander : “égalité” au nom de quoi ? Et pour quelles personnes dans la société ? “L’égalité devant le mariage” est-elle même une revendication adéquate de la classe ouvrière ? La liberté sexuelle est-elle-même possible dans le capitalisme ? En tant que travailleurs, nous devons répondre par la négative à toutes ces questions. Construire un monde libéré de l’homophobie et de l’hétéro-sexisme, dans lequel chaque individu est vu et traité comme un être humain plutôt qu’une catégorie est impossible dans le capitalisme.

Depuis quelques temps, des éléments de la classe politique bourgeoise plaident pour la reconnaissance du mariage entre même sexe. Leurs arguments sont souvent codés dans un langage qui interpelle les ouvriers. Ils disent que la légalisation du mariage entre même sexe améliorerait la qualité de vie des travailleurs homosexuels, puisqu’ils auraient accès à des avantages pour les assurances, le divorce, les droits de propriété, etc. Mais dans le capitalisme, les rapports humains sont réduits à une question d’échange. Les émotions ne sont que de simples produits de consommation et de finances pour la bourgeoisie. Nous pouvons voir ainsi le besoin de légaliser le mariage entre personnes du même sexe, mais qu’en est-il du concept du mariage lui-même dans le capitalisme ?

Marx et Engels ont écrit dans le Manifeste du parti communiste que “la bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité touchante qui recouvrait les rapports familiaux et les a réduits à de simples rapports d’argent”. Plus loin, ils continuent : “le prolétaire est sans propriété ; ses relations avec sa femme et ses enfants n’ont plus rien de commun avec celles de la famille bourgeoise. Sur quelle base repose la famille bourgeoise actuelle ? Sur le capital, le profit individuel. La famille n’existe, sous sa forme achevée, que pour la bourgeoisie.”

Ainsi, selon la définition de Marx et Engels du mariage dans le capitalisme, nous pouvons commencer à comprendre que “droits égaux devant le mariage” est un terme qui ne s’applique qu’à ceux qui peuvent s’offrir les avantages du mariage. Des droits qui ne s’appliquent qu’à des classes propriétaires, qu’aux gens qui peuvent s’offrir un mariage légal au départ. Le mariage concerne fondamentalement les droits de propriété et d’héritage. Il a défini historiquement quelles personnes la classe dominante juge dignes d’être propriétaires et même quels gens pouvaient eux-mêmes être possédés ! A l’origine bien sûr, mariage voulait dire possession de la femme et de ses biens par le mari. Aux yeux de la bourgeoisie, le mariage n’a rien à voir avec le respect mutuel et l’amour –  c’est une affaire de possession, d’appropriation et de droits de propriété.

Pourquoi avons-nous besoin que la bourgeoisie nous dise ce qu’est le mariage et avec qui on peut, ou pas, se marier ? Comme nous l’avons écrit auparavant dans Internationalism no 130 et dans d’autres articles de la presse du CCI, une société communiste sera au contraire “une société au-delà de la famille dans laquelle les rapports humains seront régulés par l’amour mutuel et le respect et pas par la sanction d’une loi d’État”.

L’État démocratique bourgeois et ses agents ne posent jamais des questions sur les droits des gays en terme de besoins humains. Quels sont les besoins des gays et des lesbiennes ? Ou même quels sont les besoins des êtres humains en général ? Il ne fait aucun doute que la répression des communautés gays soit réelle. Nous voyons l’homophobie, l’hétéro-sexisme, le patriarcat se manifester partout dans le capitalisme ; dire autre chose est simplement démenti. L’intimidation de la jeunesse gay et homosexuelle, par exemple, a récemment été qualifiée d’“épidémique” par les médias bourgeois. Beaucoup d’événements traumatisants au cours desquels des homosexuels ont été agressés conduisent à des dépressions et même, dans quelques cas, au suicide.

Est-ce que la bourgeoisie s’occupe de résoudre ces questions ? Quelle législation parlementaire ? Existe-t-il des lois, des amendements qui concernent ces problèmes sociaux ? Non ! Le débat est presque toujours enfermé dans le cadre de la religion ou du moralisme, surtout dans les médias à grande audience, et particulièrement dans la rhétorique de la classe dominante. Car tous les discours si vantés –  tout le charabia légaliste  – sur les “droits de l’homme”, qui sont approuvés par l’État capitaliste et reconnus sous couvert du droit, ne peuvent rien faire pour extirper la bigoterie religieuse et moraliste vieille de plusieurs siècles. Les gens religieux sont “blâmés” pour leur attitude arriérée, ce qui contribue à polariser sur cette atmosphère de chasse aux sorcières. Dans des situations comme celle-ci, légaliser le mariage entre personnes du même sexe ne peut qu’aider l’État capitaliste à apparaître comme une entité “juste” et “bienfaisante”.

Même s’il y a une once de sincérité dans le soutien de la classe dominante au mariage entre personnes du même sexe, cela vient de leur besoin de détourner l’attention des travailleurs et de les noyer dans le cirque de la politique électorale et du légalisme. Bien sûr, il est vrai que le soutien croissant à la liberté sexuelle fait partie du développement par l’humanité d’une plus grande compréhension scientifique et d’un plus grand sentiment de solidarité humaine générale. Mais la classe dominante n’en a rien à faire, et pourquoi s’en ferait-elle ? Si vous avez de l’argent, vos droits ne sont jamais menacés ou en débat. “L’égalité devant le mariage” n’est pas identique à une bonne relation ou à une égalité économique : elle revient à une domination de classe accrue par la bourgeoisie.

Les luttes sociales qui ne concernent que partiellement les problèmes fondamentaux du capitalisme, tout en étant l’expression de problèmes sociaux réels qui existent dans notre société, détournent la classe ouvrière de ses discussions et devoirs révolutionnaires. Nous avons déjà discuté de comment la bourgeoisie peut se fixer sur le débat sur les droits des gays, presque jusqu’à l’obsession. Mais cette fixation existe aussi chez les prétendus “révolutionnaires”.

Beaucoup de gens utilisent un langage exclusivement en direction des travailleurs, pour les “organiser” autour d’une question sociale large, qui traverse les classes. L’argument selon lequel les droits des gays nous rapprocheraient “d’une pleine égalité” est complètement hors de propos, un principe fondamental des communistes étant que l’égalité pleine et entière est impossible sous le capitalisme. Pourquoi les révolutionnaires lutteraient-ils pour se “rapprocher” d’une société égalitaire ? Nous devons nous dresser contre toutes les injustices du capitalisme à la fois ! Beaucoup de ces mêmes “révolutionnaires” qualifient les décisions électorales et légales en faveur du mariage gay de “victoires” pour les travailleurs. Mais ces victoires ne font rien d’autre que conforter le recours à la société civile bourgeoise.

Les politiques légalistes, démocratistes, n’ont rien à offrir à la classe ouvrière. La véritable émancipation de l’humanité ne peut venir que de la révolution de la classe ouvrière. Les travailleurs soutiennent toujours les gays et les homosexuels, surtout dans une société où ils sont considérés comme étrangers et ridiculisés de si terrible manière. Mais nous devons être vigilants à l’égard des campagnes bourgeoises qui entourent ces débats. Bien souvent, elle nous détournent et nous dévoient du but final : en finir avec toutes les formes de répression et d’exploitation de qui que ce soit sur terre.

Jam, 11 juin

 

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