Depuis 2007, la France avait pour président un homme, Nicolas Sarkozy, d’un mépris, d’une arrogance et d’une bêtise sans bornes. Son amour affiché pour l’argent, ses discours d’une extrême violence à l’encontre des jeunes des banlieues ou des immigrés, ses provocations, sa propension à ne parler que de lui… Tout cela et bien d’autres choses avait créé un profond sentiment de rejet et d’exaspération dans l’ensemble de la population. Bref, c’est sans surprise que les élections présidentielles viennent de consacrer sa défaite. Son remplaçant, le socialiste François Hollande, s’est d’ailleurs appuyé presque essentiellement sur cet anti-sarkozysme pour gagner. Se gardant bien de toutes promesses de lendemains qui chantent, sous-entendant même que l’austérité (nommée hypocritement “maîtrise des budgets” ou “réduction des déficits”) serait un axe majeur de sa gouvernance, Monsieur Hollande s’est contenté de se présenter comme un futur président “normal”, un président qui évitera les provocations inutiles et les fautes de goût. Et cela a effectivement suffi à sa victoire. C’est dire si le dégoût envers Nicolas Sarkozy était profond.
Cela dit, ce serait commettre une erreur grave de ne voir dans ce changement de couleur du pouvoir que le rejet d’une personnalité, aussi antipathique soit-elle. Et il serait tout aussi faux d’espérer une politique plus humaine et plus juste de la gauche maintenant à la tête de l’Etat français.
Il suffit de porter quelques instants son regard par delà les frontières hexagonales pour s’en convaincre. Partout en Europe ces derniers mois, quand une échéance électorale se présente, le pouvoir en place est vaincu, qu’il soit de droite ou de gauche. En Grèce, au Portugal, en Irlande, en Espagne, en Italie, en Finlande, en Slovénie, en Slovaquie..., tous les gouvernements ont été éjectés et remplacés. Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis 2007 et l’aggravation considérable de la crise économique mondiale, les gouvernements en place mènent partout, dans tous les pays, la même politique ravageuse faite de “sacrifices”. Il n’y a là aucune différence entre la droite et la gauche, excepté peut-être le discours, la couleur du paquet cadeau emballant ces “réformes”. En Grèce, au Portugal et en Espagne, de 2007 à 2011, les “socialistes” au pouvoir ont matraqué les ouvriers, au travail ou au chômage, à la retraite ou encore sur les bancs des universités. Ils ont imposé mois après mois des mesures toujours plus drastiques, attaquant ainsi sans vergogne les conditions de vie.
Mais il y a un second point commun à toute l’Europe concernant ces changements systématiques de gouvernance. Le remplaçant ne connaît pas d’état de grâce. Immédiatement, il mène à son tour une politique d’austérité brutale et immédiatement il est confronté au mécontentement. La crise économique n’est pas un choix du Capital, elle s’impose à lui ; elle est le fruit d’un système mondial malade et obsolète. Le capitalisme est aujourd’hui en déclin comme l’ont été avant lui l’esclavagisme à l’époque de la décadence romaine ou le féodalisme à l’époque de l’absolutisme. La “crise de la dette” n’est qu’un symptôme 1. Tous les élus, quelle que soit leur tendance politique et quel que soit leur pays, doivent donc appliquer les mêmes orientations : réduire les déficits, éviter la faillite en… attaquant impitoyablement les conditions de vie et de travail. Il n’en sera pas autrement avec le très socialiste François Hollande.
Les élections qu’organisent les Etats ne sont qu’un moment où les “citoyens” choisissent celui qui va gérer au mieux les intérêts de la nation. Elles s’inscrivent dans la cadre du système alors qu’aujourd’hui, pour mettre fin à la paupérisation croissante de la population mondiale, il n’y a qu’un seul chemin : celui de la lutte révolutionnaire. Le capitalisme, ce système inhumain et malade, doit être remplacé par un monde sans classe ni exploitation, sans profit ni compétition. Un tel monde ne peut être bâti que par les masses, les masses de travailleurs, chômeurs, retraités, jeunes précaires… unies et solidaires dans la lutte. Si des votes peuvent engendrer un vrai changement, ce sont ceux que nous organisons, nous les exploités, à main levée, dans nos assemblées générales pour décider ensemble, collectivement, comment nous devons nous battre contre les Etats et leurs représentants.
Pawel (6 mai)
1 Nous ne pouvons ici dans le cadre de cet article expliquer pourquoi le capitalisme est un système décadent qui ne peut mener l’humanité que vers toujours plus de misère et de guerres. Nous renvoyons nos lecteurs aux multiples articles traitant ce sujet sur notre site Internet, en particulier au texte “La crise de la dette, pourquoi ?”.
Les élections présidentielles occupent l’espace médiatique depuis des mois. Au lendemain de ce scrutin, quelles en sont les principales leçons ?
Qui a gagné ? Les travailleurs, les exploités ? Certainement pas ! Contrairement à ce que prétend le PS, sa victoire n’est pas la nôtre. Les expériences de la gauche au pouvoir sont sans appel : seuls ou dans le cadre de la cohabitation, les gouvernements de gauche successifs depuis 1981 et sous l’ère Mitterrand ont appliqué sans discontinuer des plans de rigueur, de licenciements, ou des gels de salaire sans le moindre état d’âme. Et avec l’accélération de la crise mondiale, ceux-ci seront même beaucoup plus rudes encore. Les prolétaires vont subir dès demain les coups redoublés de l’austérité assénés cette fois par la gauche au pouvoir ! L’euphorie et l’illusion d’une victoire seront sans doute comparables à celles qu’avait provoquées l’élection de Mitterrand en mai 1981 mais la période a changé : elle sera de très courte durée et les effets de cette “gueule de bois” vont se dissiper dès le lendemain des législatives. Il n’y aura pas cette fois le moindre “état de grâce”. Car l’ampleur de la crise mondiale va faire très vite l’effet d’une douche froide (voir notre éditorial). Et les exploités d’aujourd’hui le seront encore bien davantage demain !
Dans ce cirque électoral, dopé par une polarisation et un matraquage médiatique intense, le scrutin du premier tour a clairement démontré l’ampleur des illusions électorales (à peine 20,5 % d’abstentions), en particulier dans les jeunes générations (19 % chez les 18-25 ans) même si celle-ci progresse dans les grandes agglomérations, chez les ouvriers et les employés.
Il est vrai aussi que la polarisation autour du score de Marine Le Pen à 18 %, ralliant plus de 6 millions d’électeurs, soit le plus grand nombre de voix jamais atteint par le FN, traduit la montée générale du populisme qui n’est que le produit des effets d’une décomposition sociale grandissante et du désarroi, d’un no future de beaucoup face à un avenir bouché.
Du moins, nous dira-t-on, cette élection aura permis que “Sarko dégage”. S’exprime ainsi surtout l’illusion dans cette élection d’avoir choisi “le moins pire”. Ce sentiment s’est même renforcé dans l’entre deux tours face aux discours nauséabonds de Sarkozy et sa drague effrénée envers les électeurs de la candidate d’extrême-droite présentée tantôt comme “compatible avec la République” (Sarkozy), tantôt comme une “interlocutrice plus présentable que son père” (dixit le ministre Longuet). Sarkozy n’a pas hésité à emprunter sans vergogne l’arsenal idéologique ultra-populiste du FN, tiré des égouts de la société, sur l’immigration et l’insécurité… ce qui a de quoi écoeurer. Cela a finalement été un puissant repoussoir, y compris pour bon nombre des électeurs potentiels de la droite “modérée” et du “centre” 1.
Mais dire que le choix s’est porté sur le “moins pire”… pas sûr, car de toutes façons, tant que l’enfer de l’exploitation capitaliste subsistera, les lendemains seront toujours pires.
C’est pourquoi les exploités n’ont rien à gagner en participant au grand cirque électoral où chacun d’entre nous se retrouve atomisé, impuissant, isolé... précisément dans l’isoloir. Au contraire ! Car c’est là que nos exploiteurs et leur gouvernement parviennent à nous démobiliser du seul terrain où nous pouvons nous affirmer, nous retrouver et nous reconnaître comme une force sociale collective, unie, solidaire, capable de remettre leur pouvoir en cause : la lutte de classe ! A la veille des législatives, nous devons réaffirmer avec énergie que les prolétaires n’ont rien à faire sur le terrain électoral, qui est par excellence celui de notre ennemi de classe.
Si le PS se retrouve aujourd’hui au pouvoir, le candidat Hollande n’a, contrairement à l’époque de l’élection de Mitterrand en 1981, fait aucune promesse inconsidérée : aucune remise en cause d’ensemble sur la réforme des retraites (le principal “acquis” dont se vante Sarkozy), renforcement annoncé des effectifs de la police et des mesures de sécurité, engagement à poursuivre la politique de son prédécesseur sur la restriction des flux migratoires et les expulsions des immigrés clandestins, maintien des camps de rétention, etc. Il n’y a, sur le fond, pas de vraies différences entre le programme du PS et celui de l’UMP 2.
Le discours de Sarkozy au Trocadéro, qui était le 1 mai anti-syndical, a en réalité permis de lancer une campagne de réhabilitation des syndicats comme pôle oppositionnel 3. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie française sait parfaitement que les syndicats vont devoir jouer un rôle crucial d’encadrement des luttes à venir. Les mois futurs vont être marqués par de lourdes attaques, surtout que les syndicats ont discrètement passé des accords avec le patronat et le gouvernement pour bloquer l’annonce de tous les nouveaux plans de licenciements prévus dans de très nombreuses entreprises (chez PSA, notamment à Citroën-Aulnay, chez sous-traitants de l’automobile, à Air France, à la SNCM, dans les télécoms, chez Areva, à Carrefour, dans le secteur bancaire et beaucoup d’autres...). Et cela jusqu’à la fin des élections législatives, donc pour que soit respectée “la paix sociale” pendant la période électorale. Tous savent donc bien que des annonces tomberont durant les vacances estivales. De même, les syndicats et le patronat (MEDEF) ont décidé en avril d’un commun accord de suspendre les négociations avec le gouvernement jusqu’après les présidentielles (elles devraient reprendre “discrètement” dès le 13 mai) sur les accords de “compétitivité/emploi” qui vont porter un sérieux coup de canif dans les règles des contrats de travail. En effet, ces “accords” prévoient une flexibilité accrue du temps de travail et des salaires. Il est prévu que cette plus grande “souplesse” puisse permettre aux entreprises d’ajuster le temps de travail et les salaires à la conjoncture sans l’accord individuel du salarié et de déroger à la durée légale de travail, en échange de la vague promesse d’un maintien des emplois.
De même, la percée électorale de Mélanchon et de son Front de Gauche (bien qu’elle reste inférieure à la prévision des sondages), ne représente pas une réelle alternative sur le plan électoral, car il s’agit d’une mayonnaise montée artificiellement autour de la vieille sauce stalinienne, historiquement condamnée à jouer un rôle d’appoint qui, en plus, n’a fait que rabattre purement et simplement “sans conditions” ses voix vers Hollande pour “barrer la route à Sarko”. Néanmoins, cette fraction est appelée à jouer un autre rôle de premier plan tout à fait essentiel pour l’appareil bourgeois.
Il est clair que dans l’après-élection, il y aura des luttes face à la recrudescence très forte des attaques. Et le Front de Gauche de Mélenchon, comme le NPA du candidat Poutou et LO de la candidate Arthaud, le savent bien. C’est pour cela qu’ils se présentent comme une gauche oppositionnelle, parlant tous trois à l’unisson d’un “troisième tour social”, et mettant en avant la pression sociale à venir. Ils ont martelé comme jamais le message qu’ils seront bel et bien présents dans ces luttes. Le but est clair : les luttes ouvrières ne doivent surtout pas se développer librement, en-dehors du contrôle idéologique des syndicats et des gauchistes.
A aucun de tous ceux-là nous ne devons faire confiance. Nous devons prendre en mains nous-mêmes nos luttes, qui sont le seul moyen de nous défendre et d’imposer la défense de nos intérêts propres en créant un rapport de forces pour pouvoir abolir les rapports d’exploitation.
W. (6 mai 2012)
1 dont M. Bayrou, représentant de ce centre mou toujours acoquiné et rallié traditionnellement aux gouvernements de droite que les discours très “bleu Marine” de Sarkozy a rejeté dans les bras de Hollande.
2 C’est d’ailleurs pourquoi les “commentateurs” des médias aux ordres ont tellement insisté, notamment lors du fameux “débat télévisé de l’entre-deux tours sur “l’agressivité de la confrontation” et sur les différences de “personnalité entre les deux candidats.
3 Alors qu’en réalité Sarkozy a reçu pendant ces cinq années très régulièrement tous les syndicats, CFDT et CGT en tête, officiellement ou pas, à l’Elysée.
En Europe, la violence de la crise économique et des politiques d’austérité entraîne une paupérisation accrue de la population. Selon l’organisme statistique officiel européen, Eurostat, 16,4 % de la population de l’Union européenne (80 millions de personnes) vivent désormais sous le seuil de pauvreté en 2010 1, les plus touchés étant les jeunes de moins de 25 ans 2.
Selon l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), “dans l’Union européenne, l’emploi des jeunes a reculé davantage que l’emploi total et l’activité économique entre 2007 et 2010. (…) Après quatre années, la crise s’est aussi traduite par une progression des emplois temporaires et des temps partiels, une augmentation du chômage et du chômage de longue durée, une hausse de la proportion des jeunes sans emploi et hors de toute forme d’éducation et de formation (les “NEET”) 3, et plus généralement par une importante dégradation de la situation économique et sociale des jeunes” 4. À tout ceci s’ajoute, dans certains pays comme le Royaume-Uni, le poids énorme de l’endettement privé des étudiants nécessaire au financement de leur formation et les difficultés de remboursement en découlant, faute d’emploi stable à la fin de leurs études. Cela a pour conséquence que, “confrontés à la dégradation du marché du travail, une partie des jeunes l’a quitté ou n’y est pas entré, ayant souvent cédé au découragement, soit en se réfugiant dans le système éducatif et en prolongeant leurs études, soit en restant inactifs.” Résultat, les jeunes quittent leur pays en espérant trouver loin de chez eux un emploi pour pouvoir vivre : “Les chiffres provisoires sont incertains, mais plusieurs sources confirment une forte émigration de jeunes, en particulier des diplômés. (…) En Italie, (…) on estime qu’il y a 60 000 jeunes émigrants chaque année, dont 70 % sont diplômés de l’université” 5.
Parmi tous les pays de l’UE, seule la jeunesse d’Allemagne est pour l’instant relativement épargnée par la paupérisation.
Question paupérisation de la jeunesse, la France se situe à un niveau médian, comparée aux autres pays de l’Union européenne. Concrètement, “sur quatre jeunes sur le marché du travail, un est au chômage, un second en emploi précaire et les deux derniers occupent un emploi normal. Et pour y parvenir ils ont, pour la plupart, dû accepter des stages ou des emplois temporaires. Même avec un diplôme, l’insertion dans l’emploi des jeunes est difficile. (…) Ainsi, 29 % des jeunes n’arrivent pas à se loger convenablement ou à se chauffer et 17 % ne parviennent pas à payer leurs factures et se retrouvent par dizaines de milliers en situation de surendettement. Avant 25 ans, les jeunes n’ont toujours pas droit à un revenu minimum, sauf conditions draconiennes” 6. Et la situation est encore pire pour les jeunes dans les “zones urbaines sensibles”, dont le taux de chômage officiel s’élève à 43 % !
Mais l’Irlande, l’Espagne et la Grèce sont actuellement les pays où les conditions de vie des jeunes se sont, de loin, le plus dégradées entre 2007 et 2011 : “Très forte baisse de l’emploi des jeunes, trop peu atténuée par une hausse de l’inactivité, provoquant hausse du travail précaire, explosion du temps partiel subi et du chômage, en particulier du chômage de longue durée, explosion de la proportion de jeunes pauvres ou en danger d’exclusion, forte émigration” 7.
La situation en Espagne est une illustration concrète de ce que signifie cette dégradation ; dans ce pays, “700 000 jeunes de 15 à 29 ans étaient au chômage mi-2007, soit un taux de 14 %, le plus bas des trente années précédentes. En un peu plus de trois ans, on est revenu aux niveaux les plus élevés connus : le nombre de jeunes chômeurs a atteint au 2 trimestre 2011 près de 1,6 million, soit un taux de chômage de 32 %. Le nombre de jeunes chômeurs de longue durée a été multiplié par six dans la période 2007-2011. Aujourd’hui, 42 % des jeunes chômeurs sont de longue durée, alors qu’ils n’étaient que 15 % en 2007” 8, et la dégradation de la situation au premier trimestre 2012 vient même de porter le taux de chômage officiel des moins de 25 ans au-delà de 52 % 9 ! En conséquence, “on assiste à un recul de la part des jeunes quittant le domicile de leurs parents : le taux de décohabitation s’est réduit de près de 5 % chez les 18-34 ans, descendant à 45,6 %. Cette baisse est encore plus accentuée chez ceux de à 29 ans, pour lesquels ce taux baisse de 10 %” 10.
Quelle est la réponse du gouvernement espagnol face à cette misère croissante ? Encore plus d’austérité ! Ainsi, suite aux mesures prises le 20 avril par le gouvernement conservateur, les étudiants devraient bientôt voir leurs frais d’inscription universitaire s’envoler, passant de 1000 à 1500 € en moyenne 11.
Ces dernières mesures du gouvernement espagnol touchent également les retraités, qui avaient jusqu’ici un accès gratuit aux médicaments et qui devront désormais payer, en fonction de leurs revenus, jusqu’à 18 € par mois pour s’en procurer 12.
De fait, même si, à l’échelle de toute l’UE, les vieux sont bien moins touchés que les jeunes par la paupérisation, leur situation se détériore dramatiquement dans les pays ayant déjà adopté de sévères plans d’austérité.
Ainsi, au Portugal, “près de 11 600 personnes sont mortes en février dernier, selon la Direction générale de la santé portugaise (DGS), soit 10 % de plus qu’à la même période l’année passée. La plupart des victimes avaient plus de 75 ans” 13. De nombreux médecins dénoncent les mesures d’austérité et leurs conséquences sur les maigres pensions : dénutrition liée à la hausse du prix de l’alimentation, hypothermie liée à la hausse du prix de l’électricité et aux tentatives de réduire les factures de chauffage, logements insalubres, incapacité de payer transports, frais hospitaliers et médicaments. Des vieux résument ainsi la situation : “Nous pouvons acheter soit de la nourriture, soit des médicaments, mais pas les deux” 14.
En clair, la bourgeoisie portugaise laisse désormais crever de faim, de froid et de maladie les vieux les plus misérables, ces improductifs d’un point de vue capitaliste, impossibles à exploiter. Et avec l’aggravation de la crise économique et l’austérité croissante en résultant, nul doute que cette pandémie de misère et de mort qui commence à frapper la vieillesse du Portugal se propagera bientôt en Europe.
Toutefois, les chiffres mentionnés ici sont en partie trompeurs. D’un côté, certains chiffres, comme ceux du chômage, sont systématiquement falsifiés par les organes étatiques chargés de les produire, via de complexes manœuvres statistiques. De l’autre, ces mêmes organes étatiques rassemblent dans le même panier statistique “les jeunes” ou “les vieux”, comme s’il s’agissait de catégories populationnelles non divisées en classes sociales. Il résulte de tout ceci qu’au sein des classes opprimées, qui représentent l’immense majorité de la population, la situation sociale est encore pire que ce que nous laissent entrevoir ces chiffres !
Mais gardons-nous de ne voir “dans la misère que la misère, sans y voir le côté révolutionnaire, subversif, qui renversera la société ancienne” 15.
La classe ouvrière, sa jeunesse en particulier, n’a pas l’intention de subir sans combattre. C’est ce qu’ont montré les mouvements sociaux qui ont parcouru la planète en 2011, au cours desquels les jeunes prolétaires, encore étudiants, déjà au travail ou au chômage, ont été parmi les éléments les plus combatifs 16.
Car chez les ouvriers, jeunes ou vieux, se développe progressivement la conscience que la possibilité d’une vie meilleure ne peut passer que par la lutte.
DM (29 avril)
1 Le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du revenu médian national. En France par exemple, ce seuil correspond à un revenu mensuel de 876 pour une personne seule, selon les estimations d’Eurostat.
3 NDLR : NEET (“Not in Education, Employment or Training”) signifie “ni étudiant, ni employé, ni stagiaire”.
4 Dossier de presse, no spécial 133 de la Chronique internationale de l’Ires, “Les jeunes dans la crise Principaux résultats”,
www.ires-fr.org/images/pdf/IresDossierConferencePresseLesJeunesdanslaCri... [3]
5 Idem.
7 “Les jeunes dans la crise”, op. cit.
8 Idem.
10 “Les jeunes dans la crise”, op. cit.
12 Idem.
14 Idem.
15 Karl Marx, Misère de la philosophie, http ://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/06/km18470615g.htm [8]
16 Sur ces luttes, voir en particulier fr.internationalism.org/ri431/2011_de_l_indignation_a_l_espoir.html [9]
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par notre nouvelle section au Pérou.
Depuis quelques temps, l’Etat péruvien développe une campagne contre le terrorisme, en particulier contre certains groupes affaiblis mais armés comme le Sentier lumineux. A l’origine, c’était une simple campagne pour affaiblir la tentative de légalisation d’une fraction de Sentier lumineux – le Movadef 1 – qui aspirait à participer au jeu politique avec les autres partis. Lorsque des groupes terroristes, comme ce fut le cas pour l’IRA en Irlande ou actuellement l’ETA en Espagne, tentent de s’intégrer “normalement” au cirque politique, les forces déjà établies au sein de l’Etat déchaînent toujours des campagnes de décrédibilisation, de démolition et de harcèlement pour que les nouveaux venus soient le plus affaiblis possible et ne puissent pas rentabiliser le prestige qu’ils ont acquis préalablement par la lutte armée. Quand les partis bourgeois s’allient, il est courant qu’ils se donnent au préalable le maximum possible de coup bas. Ce n’est en rien paradoxal : chacun tente de s’allier avec un “partenaire” le plus faible possible, car dans ce marchandage impitoyable, ne pas le faire reviendrait à s’exposer à être affaibli à son tour.
Mais après que la tentative de légalisation du Movadef n’ait pas abouti, voilà que la campagne de l’Etat s’attaque à présent à de supposées incursions et à de prétendus actes de violence de la part de SL (cela va des graffitis sur les murs aux voitures piégées, aux assassinats et aux séquestrations, etc.). Et avec le temps, nous voyons l’Etat commencer à faire le lien entre certains secteurs de la population et ce groupe terroriste, en particulier des secteurs comme l’industrie minière où les conflits sont chaque jour plus aigus, comme c’est le cas pour Conga à Cajamarca ou pour les mineurs illégaux de la forêt amazonienne par exemple. Pourquoi l’Etat invente-t-il ce lien ? Pourquoi l’Etat commence-t-il à lier les manifestations contre les mineurs avec le Sentier lumineux ?
La réponse est évidente : parce que cela permet d’exercer plus facilement une répression extrêmement violente, sous prétexte “que dans ces mouvements sont présents des membres infiltrés du Sentier lumineux”. L’Etat a déjà commencé cette répression contre les secteurs paysans appauvris qui luttent contre la pollution minière dans leurs villages, qui luttent pour leur survie. La campagne contre le Sentier lumineux sert à justifier la répression de l’Etat contre les mouvements de protestations et sont un clair avertissement aux mouvements qui apparaîtront dans le futur.
Cette campagne ne se prive pas non plus de tenter de faire un lien entre le communisme et le terrorisme. La lutte de la classe ouvrière n’a rien à voir avec le terrorisme et le terrorisme n’a rien à voir lui non plus avec la classe ouvrière, car le terrorisme est toujours l’ennemi et le destructeur de celle-ci. Les communistes rejettent donc ouvertement les méthodes et les visions du terrorisme, ses pratiques et ses positions sont antagoniques à celles de la classe ouvrière.
“Le terrorisme n’est en rien un moyen de lutte de la classe ouvrière. Expression des couches sociales sans avenir historique et de la décomposition de la petite bourgeoisie, quand il n’est pas directement l’émanation de la guerre que se livrent en permanence les Etats, il constitue toujours un terrain privilégié de manipulation de la bourgeoisie. Prônant l’action secrète de petites minorités, il se situe en complète opposition à la violence de classe qui relève de l’action de masse consciente et organisée du prolétariat” 2.
Le terrorisme est donc une pratique qui n’appartient en rien à la tradition du mouvement ouvrier. Le terrorisme ne permet pas un processus de critique ni de réflexion, il provoque au contraire la peur et l’angoisse ; comme dans un pays en guerre, les bombardements ne favorisent pas la réflexion ni la prise de conscience des raisons de la guerre, mais au contraire provoquent des exodes, des fuites de populations qui sont poussées au sauve-qui-peut, générant ainsi un recul et un obstacle pour la prise de conscience collective de la classe ouvrière.
Les pratiques terroristes (et celles du Sentier lumineux en particulier) n’expriment que le désespoir et la décomposition de la petite-bourgeoisie à travers les “actions exemplaires” de groupes élitistes, pratique qui est totalement à l’opposé de la violence de classe qui, elle, surgit comme action collective et consciente des masses en lutte pour la destruction du capitalisme, comme ce fut le cas lors de l’émergence des soviets dans la Russie de 1917. Les pratiques prolétariennes sont basées sur les assemblées générales, les décisions collectives, la pratique commune, et sur tout ce qui favorise les conditions qui permettent le développement de la conscience. La conscience de la classe ouvrière se forge dans la lutte collective et unitaire.
Nous rejetons donc la politique d’amalgame que la bourgeoisie et l’Etat péruvien, avec à sa tête le guignol Humala, mettent en place pour fourrer dans le même sac “terrorisme et subversion” ou toute autre expression du mécontentement ou de lutte contre l’ordre actuel. Leur fin n’est autre que celle de préparer le terrain pour justifier la répression sanglante contre la classe ouvrière au Pérou, dans un contexte de crise mondiale du capitalisme qui apporte avec elle son chapelet d’attaques et de coupes contre les conditions de vie de notre classe, provoquant des réactions d’indignation et de lutte.
Nous pouvons voir à quel point ces groupes terroristes sont étrangers à la classe ouvrière avec la récente séquestration de trente travailleurs de l’usine de gaz de Camisea. par un supposé groupe du Sentier lumineux, qu’ils voulaient échanger contre le “camarade Artemio” emprisonné. La capture du “camarade Artemio” et la légalisation du Movadef, jointes aux supposées attaques de ce groupe terroriste, servent de cheval de Troie à l’Etat pour préparer le terrain à une répression brutale de la classe ouvrière, qui a commencé à lutter dans d’autres parties du monde (Espagne, Grèce…) et dont la lutte se concrétisera aussi bien au Pérou que sur le reste du continent américain.
Internacionalismo-Pérou (avril)
1 Movadef : “Movimiento por Amnistía y Derechos Fundamentales” (Mouvement pour l’amnistie et les droits fondamentaux). Le Sentier lumineux, fondé en 1970, est un mouvement d’inspiration maoïste prônant la lutte armée et les actes terroristes. Sa “tactique de guérilla” a semé la terreur dans tout le pays et provoqué de sanglants massacres de population (environ 70 000 morts) tout au long des années 1980 et 1990 au Pérou, en particulier dans les campagnes et les villages d’où ils menaient leurs “actions” (NDLR).
2 Extrait des “Positions de base” du Courant communiste international.
Au cours des années 1990, le territoire de l’ex-Etat de Yougoslavie a été le théâtre d’une série de massacres horribles justifiés par l’idéologie du chauvinisme ethnique. La guerre dans les Balkans a plus rapproché la boucherie impérialiste du cœur du capitalisme qu’à n’importe quel moment depuis 1945. Les bourgeoisies locales ont fait tout ce qu’elles ont pu pour jeter leurs populations dans une haine inter-ethnique et nationaliste frénétique, condition d’un soutien ou d’une participation aux affrontements sanglants de la guerre en Yougoslavie.
Ces haines n’ont pas été éliminées par la paix précaire qui règne maintenant dans la région, aussi il est pour le moins réconfortant de voir des signes qu’il y a dans cette région des gens qui cherchent une issue dans le mouvement social contre le capitalisme et pas dans des rêves quelconques d’expansion nationale. Nous avons vu, par exemple, un certain nombre de luttes d’étudiants en Serbie et en Croatie, qui doivent être considérées comme une autre expression de la même tendance internationale que nous avons vue en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis avec les “indignados” et le mouvement des Occupy. Et maintenant, nous assistons au développement d’une minorité politisée authentiquement internationaliste dans ces deux pays, qui rejette ouvertement les divisions nationales et recherche la coopération avec tous les révolutionnaires internationalistes.
Une expression de ce nouveau mouvement est la déclaration du collectif de Birov en Serbie, qui a récemment émergé d’un noyau qui grandit (voir leur site web : www.birov.net [11] 1). Nous la publions ici. Il nous semble que le plus important dans cette déclaration, c’est la clarté et la façon directe de mettre en avant une série de positions de classe fondamentales :
– L’affirmation de la nature révolutionnaire de la classe ouvrière contre toutes les “mystifications post-marxistes” ;
– La nécessité de l’auto-organisation de la classe ouvrière en opposition aux syndicats définis comme organes de l’Etat capitaliste ;
– L’insistance sur le fait que les assemblées ouvrières et, par la suite, les conseils ouvriers, sont les instruments de la lutte de masse contre le capitalisme ;
– Le rejet de toutes les luttes de libération nationale et des guerres capitalistes, vu comme une “frontière” fondamentale “entre révolutionnaires et la gauche patriotique et social démocrate”.
– La caractérisation des soi-disant “Etats socialistes” comme des régimes capitalistes.
Les deux derniers points sont évidemment spécialement importants étant donné les récents conflits dans la région et l’utilisation croissante de la rhétorique nationaliste par la classe dominante.
Insister sur ces positions révolutionnaires est l’expression de la claire reconnaissance que le capitalisme n’est plus dans sa phase progressive et ne peut plus accorder de réformes permanentes, en d’autres termes, que c’est un système en déclin.
La déclaration fait aussi une observation intéressante sur la période de transition, en reconnaissant le problème du “frein” conservateur exercé par certains organismes semi-étatiques.
Il reste évidemment des domaines de discussion et de clarification entre internationalistes, par exemple sur la question de l’organisation des révolutionnaires, des perspectives pour la lutte de classe et de la signification de l’anarcho-syndicalisme aujourd’hui. Dans l’immédiat, nous pouvons saluer un réalisme plein de santé dans l’affirmation de la Déclaration selon laquelle “aucune organisation révolutionnaire ne peut être plus grande ou plus forte que ce que dicte la position générale actuelle des ouvriers”. Ces points et d’autres, sans doute, ne peuvent être éclaircis que qu’à travers le développement d’un débat ouvert et fraternel.
CCI (février 2012)
“S’il y a un espoir, il doit reposer sur le prolétariat” (George Orwell).
Conscients de la division en classes au sein du système capitaliste, de l’exploitation brutale dont nous sommes tous les victimes, de l’oppression de l’Etat qui rend cette exploitation possible et aussi de l’ordre militariste actuel insoutenable qui nous conduit inévitablement à la catastrophe, nous nous sommes organisés au sein de “Birov”, un collectif dont le but est de s’opposer radicalement à ces phénomènes sociaux et de mener à bien leur éradication totale à travers la lutte de classe.
Conscients que la classe ouvrière, en tant que classe la plus touchée par les contradictions sociales actuelles, détient le plus grand potentiel révolutionnaire, “Birov” organise des militants ouvriers, avec une conscience de classe, avec l’intention de répandre la conscience de classe au sein de la classe ouvrière, et d’orienter cette dernière vers la lutte des travailleurs organisés au moyen des conseils ouvriers. Nous rejetons toutes les mystifications “post-marxistes” sur la mort ou la non existence de la classe ouvrière qui nient donc la lutte de classe et le rôle crucial des ouvriers comme acteurs du changement révolutionnaire. Est membre de la classe ouvrière celui qui doit vendre sa force de travail au capital : un commis-boucher, un employé dans l’industrie du sexe ou une fille qui travaille dans une imprimerie le sont tout autant.
Les actions émancipatrices de la classe doivent reposer sur l’auto-activité des opprimés et sur des conseils ouvriers autonomes, se battant pour la perspective de créer une société autogérée, sans Etat, sans classe et sans les institutions non voulues de la société civile. Chaque nouvelle tentative de renverser la vieille société doit être dirigée vers l’organisation du système de conseils à l’échelle internationale, parce qu’il n’y a qu’un changement radical dans le rapport de force entre les classes qui puisse donner lieu à des transformations progressives des rapports sociaux. La forme des conseils érigée après la dissolution de la machine étatique traditionnelle et hiérarchique, n’est pas le but de la lutte révolutionnaire – à ce moment, la machine étatique ne peut exister que comme organe conservateur pendant la révolution, et l’auto-organisation comme l’émancipation finale de la classe ouvrière menaceront son pouvoir rapidement, tout autant que l’existence de cet ordre lui-même. Dans ce conflit imminent, les révolutionnaires doivent reconnaître dans les ouvriers organisés de manière autonome l’avant-garde révolutionnaire dans la bataille finale et décisive contre l’ordre ancien et pour une société de libres producteurs.
Ce n’est que l’opposition ouverte et sans restriction aux divisions créée par cette société qui libérera le potentiel subversif que recèle la lutte existante des ouvriers aujourd’hui. La lutte des travailleurs doit être axée sur les lieux de travail, où les ouvriers se reconnaissent comme producteurs, et où les différences de classe sont prévisibles et résolues dans leur essence. Nous rejetons le parti parce que complètement inadéquat pour l’organisation révolutionnaire de la classe ouvrière. Les vieux partis réformistes, qu’on nous rappelle avoir gagné des libertés politiques et des réductions d’heures de travail, n’étaient pas cela en premier lieu : leur principal objectif était une lutte pour des réformes économiques et politiques, dans laquelle une conscience anti-politique était encore à venir et qui tendait vers des formes traditionnelles et hiérarchiques de représentation.
Nous pouvons en conclure que “Birov” peut être caractérisé comme une organisation de propagande anarcho-syndicaliste. Elle s’adresse aux ouvriers en lutte et regroupe les anarcho-syndicalistes qui agissent en formant des regroupements de classe des éléments combatifs sur leurs lieux de travail. Ces groupes ne doivent pas être confondus avec des syndicats parce que leur but n’est pas de grossir en nombre mais de participer à des mouvements d’assemblée. Ils n’ont pas de structure formelle et de programme politique. Ces groupes se forment sur les lieux de travail où il y a déjà une tradition d’organisation ouvrière autonome et où un réseau d’ouvriers tend à continuer ses activités et à développer de nouvelles façons de lutter.
Nous considérons qu’aujourd’hui les syndicats ne peuvent pas avoir de programme politique qui ne soit pas réactionnaire et donc, la seule façon possible de s’organiser pour la masse des ouvriers ne peut être que les assemblées ; s’organiser massivement dans une organisation “permanente” n’est pas possible tant que la révolution n’est pas devenue un but immédiat. Les syndicats ont perdu, en tant qu’instruments de lutte pour des réformes et organisation économique séparée, leur raison d’exister dans des conditions dans lesquelles ils ne peuvent plus encore refléter les aspirations de la classe ouvrière. Ils ne sont rien de plus aujourd’hui qu’un instrument qui maintient la dépolitisation de la lutte des ouvriers au sein d’un cadre strictement limité. Ils représentent une sorte de prison pour la classe ouvrière, sans lesquels les ouvriers seraient libres d’exprimer leur tendance à l’auto-organisation. Les bureaucrates syndicaux payés et souvent corrompus, ne sont rien d’autre que des gardiens qui mettent en œuvre une autre sorte de répression de la classe ouvrière. Le capitalisme ne peut plus accorder de réformes durables : chaque lutte pour les intérêts immédiats et quotidiens du prolétariat, quand elles ne sont pas empêchées par les syndicats et les partis, évolue nécessairement vers une orientation révolutionnaire des masses et vers des actions contre les fondements répressifs et exploiteurs de l’ordre capitaliste. C’est pourquoi aujourd’hui, tout ce qui tend à dépolitiser la lutte des travailleurs et à la maintenir dans le cadre imposé par le système est nécessairement réactionnaire. Les affirmations selon lesquelles les organisations anarcho-syndicalistes devraient être “non idéologiques”, ne sont pas une alternative aux fausses divisions imposées par le capitalisme, mais ne sont qu’une réémergence de la vieille idée (inapplicable) sur une organisation économique séparée, et finissent le plus souvent dans la pratique, comme celles des réseaux gauchistes activistes qui reproduisent l’idéologie de la gauche nationaliste officielle. A l’opposé de ces affirmations, les organisations anarcho-syndicalistes sont des organisations de la classe combative et politiques : les seuls principes de l’anarcho-syndicalisme qui sont acceptés par tous les membres sont nécessairement politiques dans leur contenu.
Nous ne nous voyons pas comme une organisation qui tende nécessairement à grandir en nombre, une idée dont le résultat est souvent l’activisme radical, pas plus que nous ne nous considérons comme une espèce d’avant-garde de la classe ouvrière qui impose ses intérêts. Notre but est de développer une organisation qui sera capable d’intervenir dans la lutte des travailleurs. Nous partageons une accumulation d’expériences avec les ouvriers et à partir de là, nous pouvons accroître la capacité de la lutte ouvrière, contribuant ainsi à son extension et à son organisation ultérieure. Une telle relation crée une dépendance mutuelle et en conséquence, aucune organisation révolutionnaire ne peut être plus grande ou plus forte que ce que dicte l’actuelle position générale des travailleurs ; et c’est pourquoi nous n’avons pas peur de l’auto-organisation des travailleurs et d’une “perte de contrôle”, c’est au contraire notre but. En conséquence, la base de l’unification des groupes opprimés dans le capitalisme ne sera pas établie par un quelconque parti ou “front”, ni par un syndicat de masse, ou un groupe anarchiste qui agit dans une phase préparatoire, la phase de regroupement des forces révolutionnaires, mais par une lutte massive anti-capitaliste organisée à travers des conseils ouvriers sous l’aile desquels peut être seulement élaborée la vision émancipatrice. De plus, la meilleure façon d’exprimer la solidarité avec les groupes opprimés est le développement de notre propre lutte sur les lieux de travail et d’une éducation constante sur la question de l’oppression.
Nous condamnons comme complètement réactionnaires tout discours sur le caractère révolutionnaire des luttes de “libération nationale”. Faire un parallèle avec les mouvements nationaux révolutionnaires bourgeois est faux et dans cette période l’anti-nationalisme est une frontière entre les révolutionnaires et la gauche patriotique, social démocrate. Dans la société capitaliste d’aujourd’hui, chaque Etat est impérialiste et la croissance du sentiment d’appartenir à une nation ne peut être vue que comme un moyen de préserver l’ordre capitaliste qui est dans des conditions de crise permanente et de catastrophe imminente. Toute acceptation des discours populistes, nationalistes, ne peuvent que mener les ouvriers à une sanglante guerre impérialiste ; c’est le prélude à un tel moment historique, comme nous en avons été les témoins au début et au milieu du xx siècle.
En opposition totale aux idées du mouvement anti-guerre de la Première Guerre mondiale, l’idéologie soumet les ouvriers aux besoins de la bourgeoisie nationale et tout cela au nom de “l’anti-impérialisme” et de la “libération des peuples”. Les résultats sont visibles historiquement et peuvent être vus dans les “révolutions sociales” après la fin de la période révolutionnaire d’Octobre 1917, qui ont été victimes de l’instrumentation et de la suppression de toute forme d’auto organisation et ont débouché sur des régimes impérialistes totalitaires capitalistes d’Etat, ou du soi-disant “socialisme réel”.
L’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ou elle ne sera pas.
Belgrade, Serbie (octobre 2011)
1) Voir leur FAQ qui donne aussi plus d’explication de ceci et d’autres aspects de la politique du groupe.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par notre nouvelle section en Equateur.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Correa 1 en Equateur, les attaques contre la classe ouvrière n’ont cessé de pleuvoir, et se sont au contraire intensifiées. Le “corréisme” s’est révélé bien plus efficace que d’autres gouvernements dans sa besogne anti-prolétarienne. Le “corréisme” est ainsi la continuation de tous les gouvernements qui l’ont précédé depuis 1979, quand les militaires, associés aux partis de gauche comme de droite, se répartirent à huis clos les rôles dans le nouveau scénario destiné à gérer le mieux possible la crise du capitalisme enclenchée à la fin des années 1960 et qui s’est exprimé essentiellement à travers la fuite en avant dans l’endettement généralisé des Etats.
Face à l’impasse dans lequel se trouve le capitalisme décadent, marqué par une décomposition galopante qui rend le futur toujours plus incertain, même aux yeux des économistes les plus optimistes, la bourgeoisie ne peut que recourir avec une passion démente à l’endettement et à l’application de politiques économiques d’austérité qui ont comme conséquence de plonger la classe ouvrière dans la misère la plus noire.
L’Etat équatorien n’échappe pas à cette tendance, lui dont les exportations ont tendu à décroître ces trois dernières années. La prétendue santé de l’économie repose sur le montant des revenus nationaux en dollars, basés sur le prix du pétrole qui génère apparemment une expansion des revenus de l’ordre de 13 %. Il s’agit en réalité d’un mirage dû à ce que les réserves mondiales s’épuisent et que la spéculation se déchaîne, mais l’essentiel des mesures pour faire face à l’instabilité se trouve dans le serrage de ceinture des travailleurs. C’est ainsi que tend à disparaître la part de salaire indirect représentée par la réduction des dépenses de santé et d’éducation qui provoquent aussi des licenciements dans la classe ouvrière, comme le font Obama, Sarkozy, Angela Markel, Rajoy ou n’importe quel gouvernement dans le monde.
Correa, protégeant les intérêts de la classe dominante, impose des politiques de flexibilité de l’emploi, de licenciements brutaux, de gel des salaires, de suppression des conventions collectives tout en évitant le “traumatisme” des manifestations de rues… grâce aux enjolivements des discours axés sur la défense de la démocratie et de lois imposées au nom du “pouvoir populaire”.
Quelques exemples concrets de ce que nous venons d’avancer :
– le 30 avril 2008, l’imposition de “l’ordonnance n 8” destinée à normaliser la “Tercerización e Intermediación Laboral” a signifié le licenciement de 39 200 travailleurs, dont une partie seulement fut réembauchée par les entreprises où ils travaillaient auparavant, mais en sous-traitance ;
– à partir du 30 avril 2009 fut appliqué le “décret 1701” destiné à limiter les “privilèges” donnés par les conventions collectives signées par les fonctionnaires publics et l’Etat : des milliers de travailleurs furent aussitôt mis à la retraite anticipée et d’autres, après avoir subi des “évaluations” de leurs capacités, furent forcés de démissionner ; dans l’enseignement, pas moins de 2957 enseignants furent amenés à suivre ce “chemin de croix” ;
– dès le 7 juillet 2011 fut appliqué le “décret exécutif 813”, qui réformait la réglementation du service public et instituait “l’achat de démissions obligatoires2” ; 7093 postes ont ainsi été éliminés depuis 2011, sapant particulièrement le secteur de la santé qui a souffert le plus des licenciements.
Parmi la population active de l’Equateur (qui atteint 55,5 % de la population totale), 57 % n’a pas de travail stable, c’est-à-dire qu’elle est ballottée entre le travail informel (vendre n’importe quoi dans la rue), le travail précaire et la zone des traîne-misère privés de tout…
Mais même les travailleurs qui ont un travail fixe n’ont pas de revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Le salaire d’un travailleur “qualifié” (bac technique ou autre qualification professionnelle) est de 280 dollars par mois, celui d’un médecin issu de l’université après sept années d’études varie entre 500 et 700 dollars mensuels. Les seuls qui ont vu leurs salaires augmenter sont les forces de police. Correa a décrété une augmentation de salaires des militaires qui varie de 5 à 25 %. Aujourd’hui, un simple soldat issu des casernes d’instruction militaire, entraîné à tuer, touche un salaire de 900 dollars mensuels.
C’est là l’essence du “corréisme”, enveloppé dans cette aberration baptisée “révolution citoyenne”, qui fait partie de cette ignoble et abominable idéologie du “socialisme du xxi siècle” cher à Chavez.
Les promesses de Correa et des idéologues du “socialisme du xxiee siècle” ne sont pas des options valables pour les travailleurs, seule leur lutte peut tracer une perspective propre contenant un vrai futur.
Internacionalismo-Equateur (mars 2012)
1 Rafaël Correa Delgado, ancien professeur d’économie politique, formé en Europe et aux Etats-Unis, est issu du sérail de la bourgeoisie. Devenu conseiller du président puis ministre des Finances sous le régime Palacio, se présentant comme “chrétien de gauche et humaniste”, il se fait remarquer par sa brève “croisade” idéologique contre les diktats du FMI et de la Banque mondiale. Porté à la tête d’une coalition entre différents partis de gauche, il est élu au 2e tour des élections présidentielles d’octobre 2006 et se retrouve à la tête de l’Etat équatorien depuis mars 2007. Il réforme la Constitution et se fait réélire dès le 1er tour de nouvelles élections présidentielles anticipées qu’il a provoquées en avril 2009 (NDLR).
2 “Compra de renuncias obligatorias”, facilitant les licenciements.
La gravité de la situation à laquelle l’humanité est confrontée est de plus en plus évidente. L’économie capitaliste mondiale, après quatre décennies d’efforts pour amoindrir les effets de la crise ouverte, est en train de s’effondrer sous nos yeux. Et les perspectives posées par la destruction de l’environnement apparaissent à chaque enquête scientifique toujours plus sombres. La guerre, la famine, la répression et la corruption sont aussi le lot quotidien de millions de gens.
En même temps, la classe ouvrière et les autres couches opprimées de la société commencent à résister aux exigences du capitalisme pour plus de sacrifices et d’austérité. Révoltes sociales, occupations, manifestations et mouvements de grève ont surgi dans toute une série de pays de l’Afrique du Nord à l’Europe et de l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud.
Le développement de toutes ces contradictions et conflits confirme plus que jamais le besoin d’une présence active des organisations révolutionnaires, capable d’analyser une situation qui évolue rapidement, capable de parler clairement d’une voix unifiée au-delà des frontières et des continents, de participer directement aux mouvements des exploités et d’aider à clarifier leurs méthodes et leurs buts.
Il ne faut pas cacher que les forces du CCI sont extrêmement limitées en regard des énormes responsabilités auxquelles nous devons faire face. Nous voyons l’émergence au niveau mondial d’une nouvelle génération en recherche de réponses révolutionnaires à la crise de ce système. Il est essentiel pour ceux qui sympathisent avec les buts généraux de notre organisation de prendre contact avec le CCI et de faire leur propre contribution à cette capacité d’agir et de grandir.
Nous ne parlons pas seulement ici de rejoindre notre organisation, bien que nous reviendrons sur ce sujet. Nous donnons toute sa valeur à toutes sortes de soutien et d’assistance que tous ceux qui sont en accord général avec nos positions politiques peuvent offrir.
Premièrement, en discutant avec nous. En nous écrivant par courrier, e-mail, ou en prenant part à notre forum de discussion en ligne. En venant à nos réunions publiques et aux réunions organisées pour les contacts. En soulevant des questions sur nos positions, nos analyses, notre façon d’écrire, la manière dont fonctionne notre site web, etc.
Ecrivez pour notre site et nos journaux, que ce soit des comptes rendus sur des meetings auxquels vous avez assisté, ce qui se passe sur votre lieu de travail, votre secteur ou celui d’à côté, ou encore des articles plus développés, des contributions théoriques, etc.
Aidez-nous à traduire à partir de ou dans les différentes langues dans lesquelles nous écrivons : le CCI a différentes pages web de tailles variées en anglais, français, espagnol, allemand, hollandais, italien, portugais, hongrois, suédois, finlandais, russe, turc, bengali, coréen, japonais, chinois et philippin. Il y a toujours beaucoup trop d’articles à traduire dans toutes les langues, y compris certains des textes de base de notre organisation. Si vous pouvez traduire dans telle ou telle langue, faîtes-le nous savoir.
Participez à nos activités publiques : en vendant la presse dans la rue, en discutant et en distribuant notre presse et nos tracts aux piquets de grève, dans les manifestations et les occupations. Aidez-nous à intervenir dans les réunions politiques, allez-y vous-mêmes et défendez les idées révolutionnaires ; contribuez aux forums de discussion Internet dans lesquels nous participons régulièrement comme par exemple, pour la langue anglaise, sur libcom.org [13], ou www.revleft.space/vb [14] (1), www.red-marx.com [15], etc.
Si vous connaissez d’autres personnes qui sont aussi intéressées à discuter de la politique révolutionnaire et de la lutte de classe, mettez en place des cercles de discussion, des comités de lutte de classe ou des regroupements similaires, que nous serions très satisfaits à vous aider à démarrer et à y prendre part nous-mêmes.
Contribuez aux techniques et aux ressources techniques : photos, travaux d’art, informatique…
Aidez-nous à augmenter nos finances très restreintes en faisant des dons réguliers, en souscrivant à notre presse, en prenant des exemplaires supplémentaires de notre presse pour les vendre autour de vous, ou pour les déposer dans des librairies locales.
Nous saluons avec enthousiasme les demandes de camarades qui veulent élever leur soutien à l’organisation à un plus haut niveau en devenant membres.
Alors que chaque sympathisant ne rejoint pas l’organisation, nous pensons qu’en devenir membre signifie prendre part à l’histoire de la lutte de classe prolétarienne dans le plein sens du terme. Le prolétariat est par nature une classe dont la force réside dans sa capacité à l’organisation collective, et cela est particulièrement vrai pour ses éléments révolutionnaires, qui ont toujours cherché à s’unir dans des organisations pour défendre la perspective communiste contre l’énorme poids de l’idéologie dominante. Devenir membre du CCI permet aux camarades de participer directement à la réflexion et aux discussions qui traversent constamment l’organisation et de contribuer le plus efficacement à notre intervention dans la lutte de classe. Pour affûter les analyses et la politique de l’organisation, la place la plus utile d’un militant individuel est de se trouver en son sein, car pour l’organisation dans son ensemble, ses membres sont une source irremplaçable sur laquelle elle peut compter et à travers laquelle elle peut développer son activité à une échelle mondiale.
Avant de rejoindre le CCI, il est essentiel pour chaque camarade d’avoir une discussion en profondeur sur nos positions politiques fondamentales, qui sont liées à une cohérence marxiste générale et contenues dans notre plate-forme, afin que ceux qui vont être membres le deviennent avec une véritable conviction et soient capables d’argumenter nos positions politiques parce qu’ils en ont une réelle compréhension. Il est également important de discuter de nos statuts organisationnels et d‘être en accord avec les principes et les règles de base qui guident notre fonctionnement : comment nous sommes organisés au niveau local, national et international, le rôle des congrès et des organes centraux, comment nous conduisons nos débats internes, ce qui est attendu des membres en termes de participation dans la vie de l’organisation, etc. L’approche de base contenue dans nos statuts peut être lue dans ce texte : “Rapport sur la structure et le fonctionnement de l’organisation révolutionnaire” (2).
En ce sens, nous vivons dans la tradition du parti bolchevik, selon lequel un membre était quelqu’un qui, non seulement était en accord avec le programme du parti, mais le défendait activement à travers les activités de l’organisation, et était donc prêt à adhérer à sa méthode de fonctionnement incluse dans ses statuts.
Ce n’est pas un processus d’une nuit et cela prend du temps et de la patience. Contrairement aux groupes gauchistes, trotskistes ou autres, qui se réclament faussement du bolchevisme, nous ne cherchons pas à “recruter” à tout prix, et donc à avoir des membres qui ne sont rien de plus que des pions dans le jeu d’une direction bureaucratique. Une réelle organisation communiste ne peut fleurir que si ses membres ont une profonde compréhension de ses positions et de ses analyses et sont capables de prendre part à l’effort collectif pour les appliquer et les développer.
La politique révolutionnaire n’est pas un hobby : elle implique un engagement à la fois intellectuel et émotionnel pour faire face aux exigences de la lutte de classe. Mais ce n’est pas non plus une activité de moine, coupée de la vie et des inquiétudes que connaît le reste de la classe ouvrière. Nous ne sommes pas une église, cherchant à réguler chacun des aspects de la vie de nos membres, en façonnant des fanatiques incapables de pensée critique. Nous n’attendons pas non plus que chaque membre soit “expert” de tous les aspects de la théorie marxiste, ou d’entrer dans nos rangs avec des techniques hautement développées d’écriture ou des talents d’orateur. Nous reconnaissons que les camarades, les individus, ont des capacités variées dans différents domaines. Nous travaillons sur le principe communiste que chacun contribue selon ses moyens – que c’est la tâche du collectif de renforcer toutes les énergies individuelles de la façon la plus efficace.
La décision d’entrer dans une organisation révolutionnaire n’est pas à prendre à la légère. Mais rejoindre le CCI signifie devenir une partie de la fraternité mondiale luttant pour un but commun – le seul but qui offre un réel futur pour l’humanité.
CCI (novembre 2011)
1) En particulier sur ce dernier le forum de la Gauche communiste [16].
2) Paru dans notre Revue internationale no 33 (disponible sous forme papier sur demande ou à consulter sur notre site Internet [17]).
C’est à la grande joie de notre organisation et de ses militants que viennent d’être constituées deux nouvelles sections du CCI, au Pérou et en Equateur.
La constitution d’une nouvelle section dans notre organisation est toujours pour nous un évènement de la plus grande importance. D’une part, parce qu’elle constitue une vérification supplémentaire de la capacité du prolétariat mondial, malgré ses difficultés, à secréter des minorités révolutionnaires à l’échelle internationale et, d’autre part, parce qu’elle participe du renforcement de la présence dans le monde de notre organisation.
La fondation de ces deux nouvelles sections du CCI intervient dans une situation où le prolétariat commence à récupérer, depuis 2003, de la longue période de recul dans sa conscience et dans sa combativité qu’il a subie à partir des événements de 1989 1. Cette récupération s’est traduite par un ensemble de luttes démontrant une conscience croissante de l’impasse dans lequel se trouve le capitalisme et par l’émergence, à l’échelle internationale, de minorités internationalistes qui recherchent le contact entre elles, se posent de nombreuses questions, recherchent une cohérence révolutionnaire et débattent des perspectives pour développer les combats de classe. Une partie de ce milieu se tourne vers les positions de la Gauche communiste et certains de ses éléments ou groupes viennent rejoindre notre organisation. C’est ainsi qu’en 2007 était créé un noyau du CCI au Brésil 2. En 2009, nous saluions la création de deux nouvelles sections du CCI aux Philippines et en Turquie 3.
Ces deux nouvelles sections sont aussi le produit de l’effort soutenu de toute notre organisation et de ses militants afin de participer à la discussion et à la clarification politique, de tisser des liens partout où il existe des groupes ou éléments en recherche, qu’ils se destinent ou non à entrer dans notre organisation.
Nos nouvelles sections étaient, avant de nous rejoindre, des groupes d’éléments en recherche qui, soit se sont tournés d’emblée vers la clarification politique autour des positions du CCI comme en Equateur, soit proviennent de différents milieux politiques comme au Pérou. Dans un cas comme dans l’autre, elles se sont développées à travers la discussion avec d’autres forces politiques et dans les discussions systématiques avec le CCI, de sa plateforme en particulier. Par ailleurs, elles ont eu à cœur de prendre position sur les évènements majeurs de la situation internationale et nationale 4. Aujourd’hui, elles continuent d’évoluer dans un milieu riche de contacts.
Basées en Amérique du Sud, ces deux nouvelles sections viennent renforcer l’intervention du CCI en langue espagnole, et sa présence en Amérique latine où le CCI était déjà présent au Venezuela, au Mexique et au Brésil.
L’ensemble du CCI adresse un chaleureux et fraternel salut à ces deux nouvelles sections et aux camarades qui les constituent.
CCI (avril 2012)
1 L’effondrement du stalinisme qui avait donné lieu au développement de campagnes de la bourgeoisie identifiant frauduleusement, une nouvelle fois, le communisme et le capitalisme d’Etat tel qu’il s’était développé dans les pays de l’Est suite à la dégénérescence de la révolution russe.
2 Lire “Salut à la création d’un noyau du CCI au Brésil !”. http ://fr.internationalism.org/ri381/salut_a_la_creation_d_un_noyau_du_cci_au_bresil.html [18]
3 Lire “Salut aux nouvelles sections du CCI aux Philippines et en Turquie !”.
http ://fr.internationalism.org/icconline/2009/philippines-turquie [19]
4 Certaines de ces prises de position ont été publiées dans Action Proletaria, organe du CCI en Espagne, et dans ICC on line sur notre site en langue espagnole.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article d’Internasyonalismo, organe du CCI aux Philippines.
“Travailleurs de tous les pays, unissez vous !” C’est la vérité et la réalité dans le système capitaliste. Nous, les travailleurs, n’avons ni intérêt national, ni nationalité à laquelle nous raccrocher, et nous nous défendons en tant que classe internationaliste. Où que nous soyons dans le monde, nous sommes exploités et opprimés par le capital et l’Etat national.
Le patriotisme et l’intérêt national ne servent qu’une classe particulière. L’histoire nous a appris que la souveraineté, le patriotisme et l’Etat ne servent que les intérêts de la bourgeoisie, pour contrôler et exploiter la classe ouvrière et le reste des masses laborieuses.
Le bras de fer actuel aux Iles Spratly entre les bourgeoisies philippine et chinoise, toutes deux revendiquant pour leurs les ressources de cette riche petite île, s’accompagne de déclarations de “souveraineté nationale” et “d’intégrité du territoire”. Des appels à “l’unité nationale” et à la “défense du territoire national” retentissent. Les médias bourgeois empoisonnent maintenant les esprits des masses laborieuses, en inculquant qu’en tant qu’appartenant à la même race et à la même nation, les capitalistes et les ouvriers seraient des frères et des alliés.
La bourgeoisie a injecté aux ouvriers des deux pays “l’amour de la mère patrie” pour diviser les travailleurs, les faire se combattre et s’entre-tuer.
Le conflit à propos des Iles Spratly n’est pas le fait exclusif de la Chine et des Philippines. D’autres pays, comme le Vietnam, la Thaïlande et la Malaisie1 se querellent avec elles et le Brunei2 s’est joint à la revendication de cette île riche en ressources. Le fondement, pour chaque pays, réside dans leur longue histoire d’agression coloniale et pas de leur “souveraineté nationale”.3
Amasser plus de profit est la principale motivation de chaque bourgeoisie nationale qui se dispute les Iles Spratly. Qui que ce soit qui l’emporte dans la confrontation actuelle, ce ne sont pas les masses laborieuses de Chine et des Philippines qui y gagneront quelque chose, mais le gouvernement, les bureaucrates et les capitalistes.
Une autre raison importante, c’est l’intérêt impérialiste des bourgeoisies nationales en présence ; l’archipel de Spratly est une plate-forme qui peut être stratégique pour une base militaire, raison majeure pour laquelle la Chine, le Vietnam, Taiwan et les Etats-Unis se le disputent. Il y a eu des frictions et des conflits armés pendant des décennies entre la Chine et le Vietnam (aujourd’hui allié des Etats-Unis).
En clair, cette tension à propos des Iles Spratly fait partie de la rivalité impérialiste entre la Chine et les Etats-Unis en Asie. C’est une nécessité pour l’ambitieuse Chine impérialiste d’étendre son territoire du fait de la crise globale du capitalisme. La puissance impérialiste numéro un, les USA, le sait, et fait tous ses efforts pour renforcer et conserver ses positions en Asie.4
Malgré la concurrence naturelle entre les différentes factions capitalistes, les capitaux nationaux sont unis pour attaquer la classe ouvrière.
Tant que l’idéologie nationaliste/patriotique empoisonne les travailleurs, la coopération diplomatique et économique entre les pays en conflit continue5. Tandis que des secteurs de la population de ces parties en conflit restent assujettis à ces disputes sur la souveraineté nationale 6, leurs capitalistes et leurs bureaucrates étatiques ont le champ libre et s’en frottent les mains comme leurs concurrents aux Philippines, en Chine, aux Etats-Unis, avec une seule préoccupation : comment renforcer leur emprise économique sur la population. En d’autres termes, ils discutent de comment intensifier leurs attaques contre le prolétariat.
La bourgeoisie nationale des pays en conflit exploite et opprime à fond les travailleurs. Des centaines de milliers de travailleurs en Chine ont déclenché des grèves sauvages ou ont participé à des manifestations presque chaque jour contre leur Etat et les capitalistes. Il y a des grèves au Vietnam à cause des bas salaires et de l’absence de protection sociale. Les ouvriers philippins sont confrontés et soumis à la même réalité. Les difficultés des prolétaires du “tiers monde” ne sont pas différentes de celles de leurs frères/sœurs dans les pays du “premier monde”, en particulier aux Etats-Unis.
L’objectif principal et central de chaque capital national est d’attiser les braises de façon à favoriser chez les masses le mécontentement à l’égard des nations étrangères qui “piétinent notre droit souverain”.
C’est la classe capitaliste, qu’elle soit locale ou “étrangère”, le premier et véritable ennemi de la classe ouvrière.
Nous ne devons pas soutenir les appels à la “souveraineté nationale” et à la “défense du territoire national” de notre bourgeoisie nationale. Ce qui est vrai derrière ces appels, c’est que la bourgeoisie est souveraine pour exploiter et opprimer encore plus la classe ouvrière ; c’est le terrain du capital d’amasser encore plus de profit à partir du travail non payé.
Nous devons au contraire unir à la fois les travailleurs philippins et chinois avec nos frères et sœurs de classe dans le monde pour renverser nos “propres” bourgeoisies nationales. Nous devons condamner le tapage incessant de nos gouvernements et les menaces de guerre ; guerre qui ne ferait qu’aggraver nos conditions de vie et nous jeter dans la plus extrême pauvreté, la mort, la destruction de biens et la division entre nous.
Nous savons que, dans le conflit actuel, aucune des parties en conflit n’a pas la capacité ni l’intérêt de déclencher une agression et confrontation militaire de grande ampleur 7. Néanmoins, la propagande sur une guerre possible peut attirer et amener des secteurs de la population qui sont relativement peu conscients à soutenir leur bourgeoisie nationale locale contre une bourgeoisie étrangère. L’objectif principal et central de la bourgeoisie nationale de Chine et des Philippines est d’empoisonner les esprits des masses laborieuses avec l’idéologie et la ferveur nationaliste.
Camarades, ouvriers philippins et chinois, ne nous laissons pas abuser par ces propos d’union nationale, par les discours doucereux et la propagande venimeuse de notre “propre” gouvernement ! Continuons notre lutte contre toutes les attaques du capital, contre notre classe, dans chaque pays ! Continuons à dénoncer la nature exploiteuse et oppressive de la classe capitaliste, locale ou étrangère. Nous devons renforcer notre unité en tant que classe.
“La souveraineté nationale” et “l’unité nationale” sont des chaînes qui nous attacheront pour toujours à notre esclavage salarié dans la prison capitaliste. Ce sont des manœuvres pour diviser la classe ouvrière partout dans le monde. Les mouvements qui suivent une ligne nationaliste sont des mouvements visant à affaiblir encore plus le mouvement prolétarien international.
Prolétaires de Chine et des Philippines, ce n’est pas notre intérêt et nous n’avons rien à gagner, quelle que soit la puissance impérialiste qui gagne et s’annexe l’archipel Spratly. Notre intérêt, c’est de nous libérer nous-mêmes de la pauvreté, de l’esclavage salarié. Notre intérêt, c’est d’en finir avec le capitalisme et de construire une société libérée de l’exploitation et de l’oppression. Nos ennemis, ce sont les gouvernements de Philippines, de la Chine impérialiste et de tous les pays impérialistes 8.
Le capitalisme est la cause des guerres à l’époque de l’impérialisme. La seule garantie pour l’humanité de connaître une paix durable, c’est la destruction du capitalisme.
Travailleurs du monde entier,
unissez vous !
A bas la classe capitaliste,
locale ou étrangère !
Renversons “nos” gouvernements nationaux et l’idéologie nationaliste !
A bas la Chine et les Etats-Unis
impérialistes !
A bas le système impérialiste
mondial !
Internasyonalismo (28 avril)
1) http ://www1.american.edu/ted/SPRATLY.htm
2) http ://en.wikipedia.org/wiki/Spratly_Islands_dispute
3) En plus des territoires reconnus par le droit International, les Philippines revendiquent la possession de Scarborough Shoal depuis l’époque de la colonisation espagnole. (http ://globalnation.inquirer.net/34031/ph-sovereignty-based-on-unclos-principles-of-international-law [20]) tandis que le Vietnam le fait depuis l’ère de la colonisation française. La Chine impérialiste réclame des droits sur des bases analogues. (en.wikipedia.org/wiki/Spratly_Islands [21]).
4) Dans le rapport de forces entre les impérialismes chinois et américain en Asie, la Corée du Nord est le seul allié de la Chine. La conséquence n’est pas que les Etats-Unis soit le premier ennemi en Asie et que les autres pays rivaux et concurrents soient des “ennemis secondaires” ou des “alliés tactiques”. Le premier ennemi du prolétariat mondial est la bourgeoisie mondiale.
5) Les relations économiques entre les Philippines et la Chine s’élargissent continuellement, et il en va de même entre la Chine et les Etats-Unis . En fait, la Chine est le plus grand créancier de l’Oncle Sam.
Sources : (www.mb.com.ph/articles/346111/robust-philippineschina-trade-relations [22]), (http ://www.census.gov/foreign-trade/balance/c5700.html [23]). (http ://money.cnn.com/2011/01/18/news/international/thebuzz/index.htm [24]l.
6) Des hackers de Chine comme des Philippines détruisent des websites de leurs pays “ennemis”.
7) Le conflit de l’archipel Spratly a vu plusieurs petits accrochages militaires entre le Vietnam et la Chine, contrôlés par les deux pays de façon à ne pas exploser dans une guerre à grande échelle puisque leur seul objectif est de porter plus haut l’idéologie nationaliste de leur pays. Entre la Chine et les Philippines, il y a une possibilité d’une confrontation militaire à petite échelle, annoncée avec des roulements de tambour par les forces armées des Philippines, des Etats-Unis et de la Chine. Les médias chinois se sont récemment fait l’écho de cette menace entre la Chine et les Philippines.
8) Le mouvement maoïste philippin aide la bourgeoisie philippine dans sa campagne pour l’idéologie nationaliste au sein des travailleurs philippins. Les maoïstes s’en tiennent fermement à la tactique contre révolutionnaire de “choisir le moindre mal” ce qui s’exprime clairement dans les déclarations de leurs organisations légales, à propos des frictions entre la Chine et les USA.
Cependant, il n’y a pas que le mouvement maoïste à penser ainsi, tout le reste des organisations de gauche colle à la même tactique qui a fait faillite.
Nous publions ci-dessous la traduction du tract diffusé par nos camarades de World Revolution, section du CCI en Grande-Bretagne, à l’occasion de la manifestation du 28 mars.
Le 28 mars, des milliers d’enseignants seront en grève à Londres contre les “réformes” gouvernementales sur les retraites.
Les conditions de retraites sont attaquées pour tous les travailleurs de tout le service public. En fait avec la “granny tax” (taxe sur les personnes âgées) contenue dans le dernier budget, tous les retraités sont touchés de plein fouet. Pourquoi les syndicats n’ont pas décidé d’appeler aujourd’hui tous ces secteurs attaqués à la grève ? C’est tout aussi vrai pour l’ensemble du privé, là où un nombre grandissant d’ouvriers ne peuvent même pas espérer une quelconque sorte de retraite du tout.
Non. De plus en plus d’ouvriers se trouvent confrontés au gel des salaires, à des conditions de travail aggravées – s’ils ont un travail. Plus de 20 % des jeunes entre 16 et 25 ans sont en réalité au chômage.
Non. Ces conditions sont celles que les ouvriers trouvent partout dans le pays.
Non. Les mesures d’austérité brutales qui sont imposées à la classe ouvrière et à toute la population en Grèce, au Portugal et en Espagne, où les salaires et les retraites ont déjà été directement diminuées, et où des centaines de milliers de postes de travail sont “éliminés”, montrent à quel point on nous ment à tous, car la crise de ce système est mondiale et définitive.
Il y a beaucoup de raisons. Le sentiment dominant qu’il n’y a pas d’alternative, le faux espoir que les choses vont aller mieux, le manque de confiance sur comment prendre les choses dans nos propres mains.
Ce manque de perspectives et de confiance en nous signifient que ceux qui prétendent faussement représenter nos intérêts – surtout nos représentants syndicaux “officiels” – peuvent se permettre de nous diviser en secteurs, catégories innombrables, qu’ils peuvent nous appeler à des journées de grève séparées, annuler des grèves si la justice le décide, et nous emprisonner dans la législation syndicale qui fait que nous combattons avec les mains liées dans le dos.
Oui, si nous allons au-delà des divisions professionnelles et syndicales, et si nous nous réunissons dans des assemblées ouvertes à tous les travailleurs.
Si nous ignorons les lois sur les votes à bulletins secret et utilisons ces assemblées pour rendre effectives les décisions sur comment lutter.
Si nous ignorons les lois syndicales interdisant les “piquets de grève secondaires” et utilisons massivement des délégations pour appeler d’autres ouvriers à rejoindre la lutte.
Si nous nous ouvrons aux ouvriers précaires, aux étudiants, aux chômeurs, aux retraités.
Si nous utilisons les manifestations, les occupations et les assemblées de rue non pas pour écouter passivement des discours d’experts mais pour échanger des expériences de lutte et discuter de comment la poursuivre et l’élargir.
Si nous redécouvrons notre identité de classe – une classe qui partout, dans tous les pays, a les mêmes intérêts et le même but : le remplacement de ce système pourri par une communauté réellement humaine.
CCI (23 mars)
Le président malien Amadou Toumani Touré (ATT) a été renversé le 22 mars par une poignée de soldats quasi-inconnus qui, n’ayant pas les moyens de contrôler le pays, a dû laisser les rebelles (nationalistes et islamistes) s’emparer de toute la région nord du Mali et y semer la terreur, provoquant le déplacement forcé de plusieurs centaines de milliers de personnes. En réalité, ce coup de force n’a fait qu’accélérer le chaos d’un Etat corrompu et en déliquescence depuis bien longtemps. Par ailleurs, le coup d’Etat s’est déroulé dans un contexte de luttes d’influence et dans une zone qui est le théâtre de trafics en tous genres, notamment d’armes et de drogue, où des groupes criminels (mafieux islamiques et autres) se disputent le marché de la prise d’otages et de la spoliation de migrants. Mais surtout, le Mali est le maillon faible d’une région en décomposition accélérée par les tensions impérialistes qui se déroulent dans la grande région du Sahel, en particulier à travers la guerre qui a ravagé la Libye dont les effets n’ont pas tardé à se faire sentir jusqu’à Bamako.
“En Libye, le gouvernement de transition peine à surveiller les stocks d’armes et à contrôler ses frontières. En septembre, la découverte de la disparition de plus de 10 000 missiles sol-air avait créé la panique sur la scène internationale. (…) Parallèlement, les combattants touaregs embauchés comme mercenaires et armés par Kadhafi sont rentrés dans leurs pays, au Niger et au Mali, après la chute du régime libyen, en août dernier. Depuis janvier 2012, les insurgés touaregs du Mali, issus du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) prennent d’assaut les villes du nord armés de mitrailleuses lourdes et d’armes antichars, relancent un combat vieux de plusieurs décennies pour la création d’un Etat touareg indépendant” (The National, in Courrier international du 11/04/12).
Plus que le Soudan et le Tchad, le Mali constitue aujourd’hui le principal marché d’armements de cette région où tueurs et barbouzes viennent s’approvisionner et échanger leurs “marchandises”, notamment à Gao et Tombouctou. Mais plus sombre encore pour l’avenir du Mali est le fait qu’en plus d’être le “grand marché” des criminels professionnels, ce pays est aussi convoité pour ses matières premières. Outre l’or dont il est l’un des premiers producteurs, le Mali est sur le point de devenir un exportateur de brut et son futur marché est d’ores et déjà le théâtre de rivalités intenses entre des grands vautours bien connus comme Total, GDE-Suez, Tullow Oil, Dana Petrolieum, CNPC, Repsol, etc. En clair, il s’agit des sociétés euro-américaines et chinoises épaulées par leurs Etats respectifs dans la bagarre qu’elles mènent pour le contrôle et l’exploitation des matières premières maliennes.
“Impossible (par exemple) de ne pas noter que le récent coup d’Etat est un effet collatéral des rébellions du Nord, qui sont elles-mêmes la conséquence de la déstabilisation de la Libye par une coalition occidentale qui n’éprouve étrangement ni remord ni sentiment de responsabilité. Difficile aussi de ne pas noter cet harmattan kaki qui souffle sur le Mali, après être passé par ses voisins ivoirien, guinéen, nigérien et mauritanien ” (Le Nouveau Courrier, in Courrier international du 11/04/12).
Loin d’apporter la “paix” et la “démocratie”, l’intervention des forces impérialistes de l’OTAN en Libye n’a fait qu’étendre le chaos et accélérer la décomposition des Etats de la région. En effet désormais pas moins de 12 pays sont touchés par les conflits guerriers et les trafics se déroulant dans une zone vaste de 9 millions de kilomètres carrés.
“La boutade en forme de prévision stratégique, lancée naguère par Jean-Claude Cousseran, ancien patron de la DGSE : “L’Afrique sera notre Afghanistan de proximité”, est désormais prise au sérieux. Ne serait-ce qu’en découvrant la banale mais sinistre comptabilité des opérations menées par des groupes islamistes radicaux au Nigeria, en Somalie, en Libye, dans les pays du Sahel et au Mali. (…) Au Quai d’Orsay, l’équipe Juppé s’inquiète pour les otages français et l’avenir des régions et des Etats menacés. A l’état-major, on établit des plans d’intervention, au cas où des chefs africains, l’ONU, voire l’OTAN, décideraient de faire “quelque chose…” Et les services de renseignements, eux, sont en liaison constante avec les officiers français en mission au Mali et les membres du Commandement des opérations spéciales en poste au Burkina, au Niger et en Mauritanie. (…) L’objectif recherché par ces groupes combattants (…) peut aboutir à créer une immense zone grise en Afrique sahélienne, sous la bannière de la religion, où des bandes criminelles tirent profit des différends violents entre partisans de l’islam, tribus nomades, groupes salafistes, rescapés d’Al-Qaida, soldats perdus des combats contre le printemps arabe Avec pour résultat le risque d’une décomposition des Etats” (le Canard enchaîné du 11/04/12).
En effet, l’impérialisme français panique face au développement du chaos au Mali et s’apprête donc à intervenir pour tenter de préserver ses intérêts directement menacés dans cette région du Sahel. En fait, au-delà de ses intérêts économiques et stratégiques, la France cherche à récupérer ses ressortissants pris en otages par des groupes armés (islamiques). Rappelons que l’armée française mène une véritable guerre dans cette zone au nom de la “lutte contre les groupes terroristes islamiques (AQMI)”, tantôt en Mauritanie, tantôt au Niger et la dernière intervention militaire dans ce dernier pays a provoqué plusieurs morts.
Tandis que les Etats-Unis fournissent conseillers et matériels militaires aux mêmes pays, toujours au nom de la “lutte antiterroriste” et de la “sécurisation” de la région, d’où d’ailleurs les liens très étroits que Washington a pu établir avec les différents réseaux maliens.
De leur côté, les puissances rivales locales jouent aussi leurs propres cartes. Ainsi, l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali avaient décidé d’organiser leur propre état major commun dont le siège se trouve à Tamanrasset (en territoire algérien). Mais en réalité, c’est le chacun pour soi qui domine chez tous les gangsters et de ce fait les alliances ne tiennent jamais très longtemps, se faisant et se défaisant selon le rapport de force du moment et le “gain” immédiat.
“Des ruines de l’Etat malien vient surgir un document de trois pages classé “très sensible”. Il s’agit d’une note remise en février dernier au président Amadou Toumani Touré. Elle s’intitule “La Mauritanie et l’appui secret aux rebelles d’Azwad”. A sa lecture, l’ancien général (ATT) a dû comprendre que sa fin était imminente. Ses services de renseignement l’avertissent, avec force détails, des contacts étroits noués entre les Touaregs, qui viennent de repartir sur le sentier de la guerre et le régime voisin d’Ould Abdelaziz. Le tout nouveau Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), recevrait une “aide matérielle” de Nouakchott. (…) Au moment où des représentants du MNLA ouvrent un bureau d’information à Nouakchott, d’autres sont reçus à plusieurs reprises au Quai d’Orsay. Une simultanéité qui ne doit sans doute rien au hasard. La Mauritanie, grande alliée de la France dans la région, n’aurait pas prêté main forte aux indépendantistes touaregs, sans l’aval, même tacite, de son mentor. (…) Le MNLA, toujours selon la note secrète, s’engagerait à combattre Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqumi). Une priorité pour la Mauritanie et la France, qui reprochent au président Touré sa mollesse envers les djihadistes. (…) Stupéfaction en Occident et au Sahel : les insurgés touaregs, considérés comme les meilleurs remparts contre Aqmi, combattent aux côtés des islamistes. Après avoir subi l’un de leur pires revers en Afrique, les autorités françaises avouent leur impuissance. “On a un vrai problème, lâche un haut responsable. Les Maliens sont incapables de reconquérir ce qu’ils ont perdu. Et envoyer l’armée française ? Personne n’y songe. La Françafrique, c’est fini !”” (le Nouvel observateur daté du 12/04/12)
En effet, l’Etat français visait à la fois à préserver ses intérêts globaux dans la région et faire libérer ses otages entre les mains des groupes liés à Aqmi. Et, au final, il s’est fait “rouler dans la farine” par des minables et obscurs petits groupes mafieux avec lesquels il magouillait souterrainement tout en apportant publiquement son soutien au président malien ATT. Aujourd’hui, l’impérialisme français est totalement paralysé par l’amateurisme dont il a fait preuve dans cette affaire et risque de perdre sur tous les tableaux.
Outre leur présence militaire dans toute la région en ayant négocié et obtenu des accords de coopération militaire avec tous les régimes, les Américains avaient à la fois l’oreille du président renversé et du chef des putschistes.
“Le camp de DJCORNI, où s’est réfugié ATT le 21 mars, est à deux pas et sous la quasi protection de l’ambassade américaine- laquelle avait, si l’on en croit les télégrammes révélés par Wikileaks, alerté depuis Washington sur l’état de déliquescence du haut état-major malien et sur le climat de corruption qui régnait dans l’entourage proche (y compris familial) du président. Les gardes du corps qui ont protégé le chef déchu pendant sa fuite ont été formés par les célèbres Navy Seals de l’US Army. Et le capitaine putschiste Amadou Sanago fait volontiers étalage de ses stages aux Etats-Unis : la base aérienne de Lackland (Texas) ; Fort Huachua (Arizona), spécialisé dans le renseignement ; l’école des officiers de Fort Benning (Géorgie). Plus un séjour chez les Marines, dont il porte le pin’s sur sa vareuse. Bref, on savait les Américains très implantés et très informés sur le Mali. Sans doute mieux que les Français. On en a la confirmation” (Jeune Afrique du 7/04/2012).
Il est doit être clair que la France n’est pas étrangère au renversement du régime d’ATT et que la cause principale se trouve dans le lien établi entre ce dernier et les Etats-Unis qui font tout, là encore, pour évincer Paris de son ex-pré carré.
Voilà un pays en état de délabrement avancé gouverné par des bandes corrompues en lutte avec divers charognards, mafieux islamistes ou bandits de grand chemin en compagnie des puissances impérialistes en quête d’influence et de matières premières qui déguisent leurs projets de boutiquiers capitalistes “en plans de sécurisation” de la zone. Et pendant ce temps-là, les populations, elles, crèvent de faim et de misère, ou se font carrément massacrer par les uns et les autres.
Amina (17 avril)
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/pdf/ri_432.pdf
[2] https://www.inegalites.fr/La-pauvrete-en-Europe-etat-des-lieux
[3] http://www.ires-fr.org/images/pdf/IresDossierConferencePresseLesJeunesdanslaCrise.pdf
[4] https://www.inegalites.fr/Inegalites-les-dix-dossiers-du-president-de-la-Republique
[5] http://www.liberation.fr/economie/2012/04/27/la-note-de-l-espagne-degradee-le-chomage-au-zenith_814777
[6] http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202023447118-austerite-l-espagne-s-attaque-a-la-sante-et-a-l-education-315023.php
[7] http://www.infosud.org/spip.php?article10049
[8] https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/06/km18470615g.htm
[9] https://fr.internationalism.org/ri431/2011_de_l_indignation_a_l_espoir.html
[10] https://fr.internationalism.org/tag/5/242/perou
[11] http://www.birov.net
[12] https://fr.internationalism.org/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[13] https://libcom.org/
[14] https://www.revleft.space/vb/
[15] http://www.red-marx.com
[16] https://www.revleft.space/vb/group.php?groupid=9
[17] https://fr.internationalism.org/french/rinte33/structure_et_fonctionnement_organisation_revolutionnaire.htm
[18] https://fr.internationalism.org/ri381/salut_a_la_creation_d_un_noyau_du_cci_au_bresil.html
[19] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/philippines-turquie
[20] https://globalnation.inquirer.net/34031/ph-sovereignty-based-on-unclos-principles-of-international-law
[21] https://en.wikipedia.org/wiki/Spratly_Islands
[22] http://www.mb.com.ph/articles/346111/robust-philippineschina-trade-relations
[23] http://www.census.gov/foreign-trade/balance/c5700.html
[24] https://money.cnn.com/2011/01/18/news/international/thebuzz/index.htm
[25] https://anakbayannynj.wordpress.com/2012/04/19/us-intervention-not-china-is-the-greatest-threat-to-peace-security-in-the-philippines-bayan-usa/
[26] https://fr.internationalism.org/tag/5/62/chine
[27] https://fr.internationalism.org/tag/5/243/philippines
[28] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[29] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[30] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/afrique