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ICConline - mai2012

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Chine : l’intensification des luttes ouvrières

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Au cours de la dernière décennie, le prolétariat en Chine et dans le reste de l’Asie du Sud-Est – Birmanie, Cambodge, Philippines, Indonésie, Thaïlande et Vietnam – s’est engagé dans une vague de grèves et de protestation contre l’exploitation capitaliste. Nous voulons nous concentrer ici sur la Chine et, pour ce faire, nous utiliserons largement les informations données par le China Labour Bulletin (CLB), la publication d’une organisation non-gouvernementale basée à Hong-Kong et en lien avec les groupes Human Rights et Radio Free Asia. Le Bulletin veut promouvoir l’idée d’un Etat chinois plus « équitable», et plaide, dans ce cadre, pour l’adoption par celui-ci de « syndicats libres ».

Dans une partie suivante, nous analyserons les récents éléments qui concernent la « République Populaire », y compris les tensions impérialistes, la décomposition et les intrigues autour du tout-puissant bureau politique du PCC.

La lutte de classe

Tout au long des dix dernières années, la classe ouvrière en Chine a été impliquée dans une vague de grèves et de protestations, où les ouvriers se comptaient par milliers, car la colère et la combativité s’accroissent sous le poids de l’exploitation capitaliste. Les grèves spontanées, à l’initiative des travailleurs eux-mêmes, portaient sur tous les tableaux : non-paiement des heures supplémentaires, non-compensation pour les déplacements, corruption des officiels, réduction des salaires et des pensions, dégradation des conditions de travail, augmentation des heures de travail, revendications sur l'éducation et la santé. En somme, toute la gamme des conditions de vie et de travail touchées par l’intensité de l’exploitation de l’Etat chinois. Bien que fortement séparées les unes des autres, ces grèves ont été l’expression d’une réelle dynamique et d’une force grandissante à tel point que le China Briefing du 29 novembre 2011 prévient les investisseurs qu’ils devront s’habituer aux conflits de travail.

Il y a quelques jours seulement, dans la ville de Chongqoing, l’ex-fief du patron du Parti en disgrâce, Bo Xilai, il y a eu des grèves – qui cette fois n’étaient pas liées à des manœuvres du bureau politique – contre les réductions de salaire et des retraites. Cette ville de 30 millions d’habitants du Sud de la Chine, comme beaucoup d’autres, est au bord de la banqueroute, un problème qui s’accroît (les faillites locales sont un gros problème pour le capitalisme, touchant aussi plusieurs Etats comme on le voit dans le monde entier -Etats-Unis ou Espagne par exemple). Contre la lutte à Chongqoing, les autorités, comme partout, ont stoppé les blogs qu’utilisaient les ouvriers pour communiquer entre eux et informer du black-out de l’Etat.

Le CLB du 5 mars 2012 écrit que les grèves et les manifestations se sont poursuivies à travers tout le pays au cours du mois de février 2012, la majorité d’entre elles ayant lieu dans les secteurs industriels, les manufactures et les transports, avec des revendications en grande partie pour des augmentations de salaires et contre la réduction des primes. Cinq mille ouvriers de Hanzhong Steel Co, à Shaanxi, au nord du pays, ont fait grève contre les bas salaires et la durée trop longue du travail. Plusieurs milliers de travailleurs ont quitté l’usine et sont partis dans les rues de la ville pour manifester. Le rapport indique que les ouvriers élisaient leur propres représentants. Le numéro de mars du Bulletin enregistre le plus grand nombre total de grèves depuis qu’il a commencé à tenir des comptes il y a quinze mois, et note l’accroissement du nombre de grèves pour réclamer des hausses de salaires et contre les délocalisations. Les escadrons anti-émeutes et les milices sont présentes de manière active dans beaucoup de ces luttes et , à côté de ceux qui ont été licenciés, nombre de militants ouvriers ont été « détenus » - mais le bureau de la Défense des Droits de l’Homme en Occident n'en souffle pas le moindre mot. En Chine, la répression et la surveillance sont évidemment la spécialité d’un Etat stalinien et, comme dans les régimes arabes, cet Etat utilise aussi des bandes de voyous armés qui sont payés et envoyés dans tout le pays pour être utilisés contre les travailleurs. Les dépenses pour la police « intérieure » assurant le maintien de l'ordre en Chine pour 2010 et celles prévues pour 2011 dépassent le budget de la défense « extérieure » – pourtant loin d'être négligeable.1

La force de travail des travailleurs migrants n’est plus docile

Au début du 21 siècle, des millions de jeunes travailleurs ruraux pauvres ont envahi les villes-usines du Sud de la Chine à la recherche de travail. Ces jeunes gens et ces jeunes femmes faisaient beaucoup d’heures pour un salaire vraiment très bas, dans des lieux souvent très dangereux et insalubres. En majeure partie, ils étaient comme des moutons envoyés à l’abattoir. C’est sur cette base que s’est édifié le « Miracle Economique Chinois ». Mais ce consentement forcé n’a pas duré très longtemps. Passée au feu de la lutte de classe, à la fin de la dernière décennie, la période de la force de travail bon marché et docile était vraiment finie. Un nombre significatif de travailleurs, encore jeunes mais plus avisés, mieux éduqués, plus confiants et combatifs, organisaient et menaient des grèves et des protestations. L’été 2010 a connu un sommet avec la vague de grèves dans le secteur manufacturier.e

Au milieu de la décennie, le ministre chinois des Ressources Humaines et de la Sécurité Sociale évaluait le nombre d’ouvriers migrants à 240 millions, y compris 150 millions qui travaillaient hors de chez eux, et à 70 % dans le secteur manufacturier. Même avec ces nombres, il y a eu une pénurie de main d’œuvre autour de 2005 et cette période a vu les luttes ouvrières faire un pas vers des luttes offensives et des revendications, avec des moments spécifiques très forts, encourageant matériellement d’autres à se battre pour leurs propres revendications. L’Etat chinois a enregistré 8000 « incidents de masse » (autrement dit, conflits de travail) en 2007 – la dernière fois que l’Etat a produit des données officielles2. Le CLB estime que ce phénomène s'est considérablement accru au cours des années et que les grèves ont pris une intensité différente. Par exemple, en août 2011, des milliers de travailleurs licenciés, victimes de restructuration de la National Petroleum Corporation de Chine, ont rejoint une manifestation de milliers d’ouvriers du pétrole en grève pour leurs propres revendications. C’était le signe que les occupations de rue, les blocages de route, les manifestations et les sit-in sur les places se développaient. Un autre aspect du développement des blogs sur la toile mentionné plus haut a été son utilisation dans la grève de Nanhai Honda en 2010, où des communications ont été établies et un petit regroupement d’ouvriers a été créé, appelé « L’unité, c’est la victoire ». Les autorités chinoises ont essayé de mettre fin à cette forme de communication sous le prétexte d’empêcher « les rumeurs non fondées ».3 Un des leaders de la grève à Honda a déclaré au New York Times qu’une minorité d’ouvriers, environ 40 en tout, avaient communiqué entre eux et s’étaient rencontrés avant la grève, pour décider de l’action et des revendications mises en avant. Lors de la grève à Pepsi Co en novembre2011, les ouvriers ont élu leurs propres délégués dans leurs assemblées générales. Malgré des augmentations de salaire offertes par la direction, ils ont étendu et fait durer leur action.4

Beaucoup de grèves se sont terminées par des augmentations de salaire et quelques revendications satisfaites, mais beaucoup n’ont pas abouti. Dans tous les cas, des ouvriers ont été licenciés et arrêtés. Et quand des augmentations de salaire étaient accordées, elles étaient souvent rapidement avalées par l’inflation qui est devenue un fléau majeur de l’économie chinoise. Les revendications salariales n’augmentent pas que dans la zone côtière, mais depuis 2010, dans l’arrière-pays, là où les travailleurs impliqués dans les actions ont leur famille, leurs amis, etc., créant la possibilité de nouvelles actions de grève en même temps que des mouvements sociaux, ce qui élargit donc le front du combat. Par ailleurs, très souvent, les travailleurs migrants installés dans d’autres villes ne reçoivent pas d’éducation de base et de prestations de santé, ni pour eux ni pour leurs enfants – que les employeurs devraient payer d'après la loi mais ne le font pas. Cela a ouvert un autre terrain de confrontation. On est bien loin de la situation d’il y a dix ans quand ces jeunes travailleurs venus des campagnes étaient utilisés et payés uniquement en fonction du bon vouloir de l’Etat chinois. Le chômage apparaît largement, la Fédération industrielle de Hong-Kong annonçant qu’un « tiers des industries possédées par Hong-Kong vont réduire les effectifs ou fermer », ce qui va toucher au minimum des dizaines de milliers d’ouvriers. Le CLB affirme que les travailleurs « n’avaient aucune confiance dans la Fédération des Syndicats de toute la Chine »5 et dans sa « capacité à négocier des augmentations de salaire décentes ». En conséquence, ils « ont pris leurs affaires en main et ont organisé tout un éventail d’actions collectives qui sont de plus en plus efficaces ». AFCTU (la Fédération syndicale) est clairement liée au Parti et constituée de ses membres et de ses cadres ; le CLB attire l’attention sur un grand problème auquel se confronte la classe dominante chinoise : le manque de syndicats efficaces pour contrôler et discipliner les travailleurs. L'encadrement syndical a une fonction répressive et peut mettre de l’huile sur le feu. Comme le remarque l’article du CLB sur la grève à Honda mentionnée plus haut : « Toute organisation ouvrière qui se développe pendant une lutte pour des revendications se dissout habituellement après que les revendications qui les avaient fait naître aient été satisfaites. » Le CLB, en bon défenseur de l'Etat, aimerait rendre ces organisations permanentes et les enfermer dans une structure de syndicats libres ayant des relations paisibles avec l’Etat. Les branches de l’ACFTU, telles qu’elles existent, sont quelquefois constituées exclusivement de managers , comme à l’usine Ohms Electronic à Shenzhen, où les douze managers sont tous des fonctionnaires syndicaux ! Dans un effort désespéré pathétique, qui montre aussi les limites de l’Etat stalinien, la Fédération syndicale de Shanxi a ordonné aux 100 000 responsables syndicaux de la province de rendre public leur numéro de téléphone de façon à ce que les ouvriers puissent les contacter !! Dans tout le pays, les branches de l’ACFTU ont renvoyé des travailleurs, enrôlé des briseurs de grève et appelé la police et la milice contre les travailleurs. Le syndicat fait complètement partie de l’appareil du Parti discrédité. La bourgeoisie, pas seulement en Chine mais internationalement, a besoin d’une structure syndicale renouvelée, crédible et souple et c’est là qu’interviennent le CLB et sa propagande pour des Syndicats libres. Nous pouvons le voir dans son appel à « une plus grande participation (des ouvriers) à des comités et à d’autres structures syndicales » et « à donner aux nouveaux employés des informations sur les activités du syndicat », comme après les luttes récentes à Foxcomm.

Les syndicats en Chine – à la différence de leurs frères sophistiqués à l’Ouest – ne voient même pas, en général, venir les grèves, les laissent de côté, ne les désamorcent pas ni ne les divisent. Cela a été le cas à l’usine automobile Honda à Foshan, dans le sud-ouest de la Chine, l’été dernier. Il a fallu deux semaines et une forte augmentation de salaire pour faire rentrer les ouvriers au travail. Kong Xianghong, un ex-travailleur, membre vétéran du Parti Communiste, et maintenant membre de l’ACFTU, a dit après la grève (et l'éruption ultérieure d'autres grèves qu’elle avait permis de déclencher) : « Nous avons réalisé le danger que notre syndicat se sépare des masses. » Kong a ajouté que la Chine avait besoin « de digérer les leçons des mouvements dans les pays arabes ».6

Pour la classe ouvrière en Chine, les luttes s’intensifient et pour la bourgeoisie, les problèmes s’accumulent. En ce qui concerne cette dernière, s’il y en avait la possibilité, et c’est douteux, de créer des syndicats libres, cela lui donnerait un plus grand moyen de contrôle. Pour les travailleurs, les leçons du syndicat libre, Solidarnosc en Pologne, sont que ces institutions peuvent être, de façon insidieuse, plus destructives pour la cause ouvrière que les relations subordonnées des syndicats au Parti et à l'Etat – qui au moins désignent clairement les syndicats pour ce qu’ils sont, des formations anti-ouvrières.

Baboon (15 avril)

 

1 Bloomberg News, 6.3.11

e There were an estimated 180,000 “incidents” in 2010, Financial Times, 2.3.11

2 CASS, Social Trends Analysis and Projection Topic Group, 2008-2009.

3 BBC News, 16.3.12.

4 World Socialist Web: “Signs of a new strike wave in China”.

5 A Decade of Change: The Workers' Movement in China 2000-2010”.

6 Washington Post, 29.4.11

 

Géographique: 

  • Chine [1]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [2]

Rubrique: 

Lutte de classe

La folie meurtrière du soldat Bales en Afghanistan reflète la folie du monde capitaliste

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Ces dernières semaines d’abominables actes de violence barbare ont choqué le monde. Début mars, le sergent américain Robert Bales s’est livré à des tirs frénétiques dans la province afghane du Kandahar. Il s'est rendu de maison en maison, tirant méthodiquement sur des civils afghans. En tout, il a tué 16 personnes, la plupart des femmes et des enfants. Mi-mars, il y a eu les meurtres commis par Mohammed Merah (voir RI 431). Ce dernier a déclaré vouloir se venger de l’interdiction de la burqa en France, de l’envoi de l’armée française en Afghanistan et de l’oppression des Palestiniens par l’État d’Israël.

La raison du délire meurtrier de Robert Bales est encore inconnue. Toutefois, il a perdu tout contrôle et, dans sa soif aveugle de destruction, il voulait lui aussi tuer le plus de gens possible.

Nous ne voulons pas dans cet article sembler nous apitoyer sur la trajectoire particulière de ce GI qui est sorti des clous du meurtre « légalisé » par les ordres de ses chefs. Pas plus que notre propos serait de balayer d’un revers de main les souffrances infinies que connaissent les populations victimes des multiples guerres dans le monde. Ce n’est pas une nouveauté que la guerre ouvre la porte grande ouverte aux pires exactions, collectives et individuelles. Toute l’histoire des sociétés de classe et au plus haut point celle de la bourgeoisie et du capitalisme débordent de témoignages en ce sens. Les deux guerres mondiales du 20e siècle, mais aussi toutes les autres horreurs et abominations qui ont jalonné la barbarie des massacres et qui se sont multipliés depuis 60 ans ont prouvé que cette tendance ne fait que s’accélérer. Nous voulons surtout illustrer à travers le soldat Bates (à l’instar de Mohamed Merah) jusqu’à quel point de décervelage les individus sont amenés dans un contexte de nationalisme exacerbé et soumis pieds et poings liés à la logique du meurtre planifié et justifié par et pour une idéologie de haine alimentée quotidiennement par tous les camps de la bourgeoisie.

« Je vais aider mon pays… »

Le New York Times a rapporté le 17 mars que Bales s’était engagé dans l’armée tout de suite après le 11 septembre. « Je vais aider mon pays » était sa justification. Cependant, quand il a été envoyé sur les champs de bataille, il est devenu conscient que la vie des soldats américains (comme celle de toutes les troupes de la FISA) était en danger 24 heures sur 24. Chaque jour, ils devaient s’attendre à une attaque à tout moment, la plupart par surprise, hideuses et criminelles. La veille de la tuerie, il avait été témoin d’une scène d’horreur au cours de laquelle un de ses collègues avait perdu une jambe sur une mine terrestre. Nous ne savons pas combien il avait vu de victimes civiles ou parmi les combattants ennemis, ni à combien de fusillades il avait participé. Le cas de Robert Bales n’est pas une exception.

C’est un fait avéré que la guerre crée des dommages psychologiques terribles. « Plus de 200 000 personnes (c'est-à-dire un cinquième de tous les vétérans de la guerre en Irak et en Afghanistan) depuis le début de la guerre dans ces pays, ont reçu des traitements dans les hôpitaux militaires – tous étant traités pour des troubles de stress post-traumatiques (SSPT). ‘USA Today’ a publié des données en novembre 2011 se référant à des archives de l’Association des Vétérans. Le nombre estimé de cas non répertoriés d’anciens combattants malades est probablement beaucoup plus élevé. (…) L’armée ne reconnaît que 50 000 cas de PTSD (Post Traumatic Syndrom Disorder»1.

Un tiers environ des soldats de la guerre du Vietnam sont revenus chez eux avec des troubles psychologiques très importants. Bien qu’il n’y ait eu que 1 % de la population qui ait servi dans l’armée américaine, les suicides des soldats représentent 20 % de tous les suicides. Presque 1000 vétérans font des tentatives de suicide chaque mois. Comme ils le disent: « C’est une horreur. La guerre change votre cerveau. Entre la guerre et la vie à la maison, il y un abîme. Vous changez, que vous le vouliez ou non. Une fois retourné chez vous, vous ne pouvez plus trouver un équilibre.»2

Le cas de Robert Bales en est une illustration : si on met le doigt dans le patriotisme et le nationalisme, on est happé par une machinerie de destruction, qui ne fait pas qu’endommager ou détruire la vie de l’ennemi et de sa population civile, mais les soldats eux-mêmes sont démembrés, mutilés mentalement et émotionnellement déstabilisés et profondément blessés. Alors que la classe dominante et ses idéologues embellissent les guerres, en parlant de « mission humanitaire », de « missions de stabilisation », la réalité sur le théâtre de la guerre est complètement différente. Sur le terrain de la guerre, les soldats sont précipités dans les abysses, dans lesquels leur méfiance initiale inévitable évolue en haine et paranoïa. S’ils n’étaient pas déjà enclins à l’usage facile de la violence avant leur engagement, ou s’ils n’étaient pas déjà psychologiquement instables, beaucoup d’entre eux reviennent chez eux profondément déstabilisés psychologiquement. Ce qui est dépeint comme une intervention « humanitaire » s’avère en réalité être l’exercice de la terreur sur la population, avec des humiliations et des tortures. Les soldats développent un sentiment de satisfaction/compensation s’ils peuvent abîmer ou détruire des symboles que la population locale a en haute estime, ou s’ils peuvent humilier des êtres humains directement et ouvertement. La population locale qui a été poussée dans une impasse ne ressent souvent rien d'autre que du mépris pour les « libérateurs » et, parmi elle, beaucoup peuvent être facilement mobilisés pour des attaques suicides. Bref, la machine à tuer tourne à plein régime.

Après tant d’expériences traumatisantes, le soldat Bales ne pouvait plus se dire « je veux aider mon pays » parce qu’il était particulièrement outré qu’après 4 campagnes, il ait été encore renvoyé en Afghanistan. Selon sa femme, les troupes auraient préféré être stationnées dans des pays plus paisibles, Allemagne, Italie ou Hawaï. Le corps et l’esprit de tant de soldats sont mutilés. La brutalité se développe. Une fois revenus à la maison, la plupart d’entre eux doivent faire face au chômage et au sentiment de n’être chez eux nulle part. L’exemple de la ville de Los Angeles est révélateur : « A Los Angeles, il y a beaucoup de vétérans sans domicile. Ils ont tout perdu : leur travail, leur partenaire, leur maison. Tout cela à cause de leurs troubles psychologiques et parce qu’ils ne reçoivent aucune aide. A peu près un tiers de tous les sans abris de Los Angeles sont des vétérans. » 3

NAPO, l'Association Nationale Britannique des Agents de Probation « estimait que 12 000 (engagés précédemment) sont en liberté surveillée et 8500 de plus derrière les barreaux en Angleterre et au Pays de Galles. Ce total de plus de 20 000 est plus du double du nombre d'engagés actuellement en service en Afghanistan. »4.

Aux Etats-Unis, le soldat Bales peut maintenant être condamné à la peine de mort. Au lieu de chercher et d’expliquer pourquoi le patriotisme et le nationalisme conduisent nécessairement à des orgies de violence et à la destruction de victimes, le système judiciaire américain qui en est l’instigateur, agit maintenant comme procureur et « juge ». Il veut se laver les mains de sa responsabilité, après que la guerre et l’armée ont tellement molesté les soldats que ceux-ci finissent par perdre leur contrôle et « s’effondrent ». Le « bien-être » des psychologues de l’armée n’a qu’un seul but : les soldats doivent être aptes au combat. Le psychologue et metteur en scène Jan Haaken a montré dans son documentaire « Mind Zone » quel rôle jouent les psychologues : « Nous ne sommes pas ici pour réduire le nombre de soldats. En cas de doute, les soldats sont déclarés aptes au combat, aussi longtemps qu’ils peuvent faire le travail.»5

Alors que la plupart des soldats (qui se voyaient au début comme participant à la « libération » du pays du joug des talibans) tout autant que la population locale subissent de grandes souffrances (physiques et psychologiques), le système lui-même est asphyxié par le fardeau économique de la guerre. Les Etats-Unis, qui ont déclenché la plus longue guerre de leur histoire, ont accumulé une dépense gigantesque pour celle-ci. « La facture finale s’élèvera au moins à 3,7 milliards de dollars, selon le projet de recherche « Costs of War » (Coûts de la guerre) de l’Institut Watson des Etudes Internationales de l’Université Brown. »6

La guerre, en tant que mécanisme de « survie » du système requiert sans cesse un prix plus élevé. La survie de ce mode de production décadent devient une affaire totalement irrationnelle.

Combattre la barbarie avec des moyens barbares ?

La spirale de la violence, la machinerie de destruction, qui éliminent tout ce qui est humain, ne peuvent être brisées avec les moyens du système capitaliste. Pour renverser ce système inhumain, le but et les moyens doivent être en harmonie l’un avec l’autre.

« La révolution prolétarienne n'a nul besoin de la terreur pour réaliser ses objectifs. Elle hait et abhorre l'assassinat. Elle n'a pas besoin de recourir à ces moyens de lutte parce qu'elle ne combat pas des individus, mais des institutions, parce qu'elle n'entre pas dans l'arène avec des illusions naïves qui, déçues, entraîneraient une vengeance sanglante. Ce n'est pas la tentative désespérée d'une minorité pour modeler par la force le monde selon son idéal, c'est l'action de la grande masse des millions d'hommes qui composent le peuple, appelés à remplir leur mission historique et à faire de la nécessité historique une réalité. » (Rosa Luxembourg, Que veut la Ligue Spartakus ? )

Dv (25 mars)

 

1 www.spiegel.de/politik/ausland/amoklaeufer-bales-litt-offenbar-unter-posttraumatischem-stress-a-822232.html [3]

2 www.tagesschau.de/thema/usa [4].

3 www.tagesschau.de/thema/usa [4].

4 https://www.dailymail.co.uk/news/article-1216015/More-British-soldiers-prison-serving-Afghanistan-shock-study-finds.html#ixzz1qEGoRWsa [5]

5 https://www.democracynow.org/2012/3/16/mind_zone_new_film_tracks_therapists [6]

6 www.reuters.com/article/2011/06/29/us-usa-war-idUSTRE75S25320110629 [7]

 

Géographique: 

  • Afghanistan [8]

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International

Prise de position sur les récentes grèves au sein de la Police Militaire au Brésil

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La grève de la Police Militaire 1 (PM) qui s’est déroulé dans plusieurs Etats du Brésil début 2012, même si ce n’est pas de manière simultanée, a eu des répercussions importantes : elle a touché les Etats de Maranhão, Ceará, Bahia, et s’est étendue à Rio de Janeiro. Le mouvement a atteint sa plus grande ampleur et force dans l’Etat de Bahia où plus de 3000 agents de la Force Nationale de Sécurité, de la Police Fédérale et principalement de l’armée ont dû être mobilisés pour y faire face. C'est essentiellement dans la capitale, Salvador, que la mobilisation a été la plus forte, les policiers en grève et nombre de leurs proches y ayant occupé l’Assemblée Législative.

Le gouvernement de Dilma Rousseff, suivant la ligne de son mentor Lula, a condamné le mouvement de grève en tant qu’atteinte à la démocratie et a ordonné la mobilisation de l’armée et de la Police Fédérale à Salvador, Rio et d’autres villes dans le but très clair de réprimer les manifestants. Jaques Wagner, gouverneur du Parti des travailleurs (PT) à Bahia, a été chargé de diriger les actions contre le mouvement de grève dans cet Etat.

Pour leur part, de hauts représentant du PT, du PCdoB, des gauchistes PSTU et du PSOL 2, ainsi que d’autres organisations de gauche et de droite se virent dans l’obligation de se prononcer "pour ou contre" le mouvement. Les deux premiers partis, progouvernementaux, prirent position contre le mouvement, le qualifiant de grave atteinte à l’État de droit et à la démocratie. De leur coté, les gauchistes du PSTU et du PSOL apportèrent leur soutien sans restriction aux policiers, les considérant comme des "travailleurs de la sécurité publique". La population, étant donnée la grande couverture médiatique donnée au conflit et face aux craintes d’une augmentation de la violence et des homicides, se trouva également confrontée au problème de décider si elle soutenait ou non le mouvement de la PM.

Cette grève de la PM qui n’est ni la première, ni certainement pas la dernière du secteur, exprime les difficultés de l’État brésilien pour préserver l’ordre et la cohésion au sein de ses corps de répression, affectés par la crise économique tant dans les conditions de vie de ses membres que dans son fonctionnement.

Le prolétariat et ses organisations de classe doivent être le plus clair possible sur cette grève de la PM et ce qu’elle représente pour les prochaines luttes qu’entamera le prolétariat brésilien, face aux attaques que la bourgeoisie assène, et qui s’accentueront avec l’approfondissement de la crise mondiale du capitalisme.

La crise capitaliste : cause principale du mouvement

La bourgeoisie brésilienne se glorifie de faire partie de l’élite des "pays émergents", positionnement atteint principalement durant les périodes du gouvernement de Lula ; de fait elle fait partie des pays du groupe appelé "les BRICs" 3. Tout comme ses partenaires, le Brésil est parvenu à occuper cette place grâce à l’exploitation et à la précarisation des conditions de vie du prolétariat, favorisées par un climat de "paix sociale" principalement obtenu grâce au contrôle exercé sur les masses prolétarienne par la gauche du capital, avec à sa tête le PT.

Les policiers, tout comme le reste de la population salariée, n’échappent pas à la pression constante qu’exerce le capital contre leurs conditions de vie : bas salaires, précarisation qui s’exprime à travers une détérioration accrue du salaire direct et social et des conditions de travail, etc. Cependant, les militaires, quel que soit leur grade dans la hiérarchie, en tant que membres de l’appareil de répression de l’État et donc rémunérés par celui-ci, en se mettant en grève, mettent en lumière les conflits et les contradictions au sein de la classe dominante. En effet, d’une part, celle-ci a besoin de pouvoir compter sur un corps répressif toujours apte à exercer la coercition et la violence contre le prolétariat quand celui-ci lutte pour ses revendications, même les plus basiques comme un salaire permettant de satisfaire les besoins élémentaires. Mais, d’autre part, ce sont pour la plupart des personnes recrutées au sein de familles du prolétariat qui, tout en constituant les éléments de première ligne dans la défense de la classe dominante, sont aussi ceux qui perçoivent les plus basses rémunérations parmi les personnel exerçant les fonctions quotidiennes liées à l’appareil répressif étatique (police, juges, tribunaux). Tout ceci provoque un énorme mécontentement propice à la grève.

Le récent conflit de la PM, en tant que mouvement revendicatif du secteur ayant eu la plus grande ampleur jusqu’à ce jour, a posé des problèmes certains à l’État brésilien. Les mesures répressives prisent par le gouvernement fédéral contre plusieurs dirigeants du mouvement, loin de calmer la situation, ont entrainé une plus grande radicalisation. Par ailleurs, les revendications de salaire accordées sont loin de correspondre aux aspirations initiales du mouvement. Ce qui était demandé : réintégration des policiers expulsés de la PM suite à la grève "historique" de 2001, incorporation des primes, paiement d’une prime de risque, rattrapage linéaire de 17.28% rétroactif depuis avril 2007 et révision du secours d’alimentation. Ce qui a été obtenu : proposition d’une augmentation de salaire de 6.5% et une nouvelle prime pour le travail en tant que policier destinée à augmenter progressivement jusqu’en 2014. Les policiers emprisonnés n’ont pas été amnistiés.

Le mouvement de grève de la PM est partie prenante de l’affaiblissement croissant de la capacité de la bourgeoisie à imposer son ordre, alors que certaines forces de répression vont devenir moins fiables au fur et à mesure de l’accentuation des contradictions de son système. L’approfondissement de la crise capitaliste et avec lui la mise en place des mesures d’austérité nécessaires, vont jouer un rôle de premier plan.

Les corps de police : au service de la bourgeoisie contre le prolétariat

C’est un fait que la grande majorité des éléments des corps de police, tout comme la majorité des salariés, ne possèdent pas de moyens de production et ne disposent que de leur force de travail pour survivre. Ils appartiennent aux couches les plus pauvres de la société et se mettent au service de l’État pour recevoir un salaire qui leur permet de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. On pourrait être amené penser que, du fait de cette similitude d’origine sociale et de condition salariée, les intérêts et revendications des policiers coïncident avec ceux du prolétariat qui se voit dans l’obligation de lutter et de se mobiliser contre les attaques du capital. Mais ce n’est pas le cas ; ce sont des mouvements qui se situent dans des camps ennemis.

L’origine sociale des policiers ne doit pas nous faire oublier qu’ils sont au service du maintien de l’ordre dominant avec comme fonction de réprimer et terroriser la population comme l’illustre ce qui suit : "Ces derniers mois abondent des nouvelles d’abus policiers, d’agressions gratuites envers la population, de viols, de répression violente de la PM lors de manifestations, en plus des traditionnels assassinats et tortures. La police brésilienne est celle qui assassine le plus au monde et ses crimes quotidiens ne font jamais l’objet d’enquêtes ni de poursuites… La PM est à l’Université de Sao Paulo (USP) pour réprimer les étudiants, tout comme elle le fit contre les manifestations à Piaui, Recife, Espirito Santo, etc." 4. On peut aussi voir cette même attitude dans la récente évacuation de Pinheirinho 5 et la menace d’évacuation de la communauté de quilombos (communautés descendant d’esclaves) de Rio do Macaco à Bahia, où la Police Militaire qui avait été en grève récemment, était en train de remplir sa fonction répressive conjointement avec la Marine.

C’est pourquoi il est nécessaire et fondamental pour la classe ouvrière et ses minorités révolutionnaires d’être le plus clair possible par rapport au caractère de classe des membres des corps de police et des corps répressifs en général. La position de classe des policiers n’est pas définie par le fait d’être des salariés mais parce qu'ils constituent la première force répressive utilisée par l’État, et de ce fait par le capital, pour affronter le prolétariat.

Cette distinction provient du fait que le prolétariat n’est pas constitué par la somme de tous les salariés, ni même par la somme de tous les exploités. Le prolétariat est une classe sociale dont les intérêts sont antagoniques à la classe des capitalistes, et ses luttes revendicatives sont un maillon dans la chaine des luttes en vue de son émancipation, ce qui les mène à une confrontation avec la bourgeoisie et son État. Quand un secteur du prolétariat lutte, ce n’est pas seulement le travailleur exploité qui est en train de lutter, c’est tout un secteur de la classe révolutionnaire qui est capable de développer sa conscience à travers son expérience de la force sociale qu’il représente dans le capitalisme.

Le policier, en décidant de vendre sa "force de travail" à l’État pour intégrer les organes de répression, met ses capacités au service de la bourgeoisie avec la mission spécifique de préserver le système capitaliste à travers la répression du prolétariat. En ce sens, il cesse d’appartenir à la classe des prolétaires. Quand un chômeur ou une personne qui cherche un emploi décide d’entrer dans la police, il accepte le "contrat" suivant : être fidèle au mandat de faire appliquer la loi et de maintenir l’ordre établi. Ceci le place contre tout mouvement social ou de classe qui affronte les intérêts du capital et son État. Ainsi, le fonctionnaire de police devient un serviteur de la classe dominante et, en tant que tel, se situe hors du camp du prolétariat. On sait bien que les membres des corps répressifs ne répriment pas seulement les travailleurs, mais aussi leurs propres voisins dans les quartiers où ils habitent.

Le récent conflit entre les corps de police et leurs directions est un conflit sur le terrain du capital. En effet, les membres des corps de polices demandent de meilleures conditions de salaire et de travail pour pouvoir mener à bien leur tâche et même pour le faire avec plus d’efficacité, c'est à dire, pour mener à bien leur tâche répressive dans le cadre de "paix sociale".

Dans ce sens, c’est une erreur d’appeler à la solidarité les différents secteurs de travailleurs salariés avec une grève de policiers de ce genre ; essentiellement parce que la fonction de la police réside dans la défense de l’État capitaliste. Le fait que les policiers soient recrutés au sein de la population pauvre ne modifie pas cette fonction, bien que cela puisse influencer d’autres aspects.

L’État, avec hypocrisie, s’affronte aux grévistes en les rendant responsables de l’augmentation de la criminalité et les accusant de laisser la population à la merci des criminels. Ainsi l’État s’organise pour attribuer aux corps de polices un rôle "social", "utile", comme par exemple la lutte contre la criminalité ; c’est la justification sociale de la nécessité de ces forces au service de l’État. Nous voyons ainsi comment les prolétaires et l’ensemble de la population sont conduits à apporter leur soutien pour renforcer les corps répressifs, justifiant le recrutement de plus de policiers ou le fait que ceux-ci puissent bénéficier de meilleurs équipements. La criminalité et la violence sociale sont en augmentation partout dans le monde du fait des propres contradictions du capitalisme et de la décomposition sociale qui n’affectent pas seulement les corps de police, mais aussi les hauts fonctionnaires de l’Etat et ses forces militaires 6.

Seul le développement de la lutte prolétarienne peut dissoudre les corps répressifs

Il existe des circonstances dans lesquelles les forces de l’ordre, principalement l’armée, peuvent être amenées à ne pas agir dans le cadre de la défense de l’État capitaliste. Ceci peut arriver au moment de luttes massives du prolétariat quand de larges secteurs de la population sont mobilisés, et que des secteurs des forces militaires refusent de réprimer les luttes ou mouvements sociaux, pouvant même aller jusqu’à s’unir aux secteurs en lutte et à s’affronter militairement aux troupes qui restent fidèle à la bourgeoisie. Dans ces cas-là, il existe la possibilité et la nécessité de soutenir et même de protéger ces membres des corps répressifs qui s’opposent ainsi aux ordres de répression de l’État.

L’accélération de la crise du capitalisme depuis 2007 qui est à l’origine de l’émergence des mouvements sociaux en Afrique du Nord et dans les pays arabes, ainsi que des mouvements comme celui des "indignés" en Europe essentiellement, ou "Occupy Wall Street" aux Etats-Unis, peut générer des situations où seront possibles des tentatives de fraternisation entre les soldats et les masses en mouvement. Cependant, de telles situations doivent être analysées avec beaucoup de précision politique pour éviter les comportements trop confiants comme nous l’avons vu lors des mouvements en Egypte, quand l’armée, simulant la sympathie avec le mouvement, a laissé faire le sale travail de répression brutale par la police. En fait, dans ce pays, comme nous le savons – et c’est beaucoup plus clair aujourd’hui -, le pilier du système c’est l’armée.

Les illusions démocratiques de ces mouvements et le fait que le prolétariat n’a pas été la classe qui en a pris la direction, les a rendus victimes des fausses sympathies des forces de l’ordre et des institutions bourgeoises et les a conduit à chercher des solutions qui aboutissent au renforcement du camp de la bourgeoisie. Ce n’est que dans des situations révolutionnaires très avancées, quand le rapport de force entre bourgeoisie et prolétariat sera favorable à ce dernier, que nous pourrons nous attendre à une situation de fraternisation avec les forces militaires, comme on l’a déjà vu dans le mouvement ouvrier.

Il y a eu des épisodes importants de fraternisation au cours de la Révolution russe d’Octobre 1917.  Trotsky en rend compte de manière brillante dans son œuvre Histoire de la Révolution Russe qui décrit et approuve l’attitude des ouvriers russes en févier 1917 envers les cosaques dont il affirme "qu’ils étaient fort pénétrés d'esprit conservateur" et qu’ils étaient "de perpétuels fauteurs de répression et d'expéditions punitives" ; et plus loin : "les cosaques attaquaient la foule, quoi que sans brutalité (…) les manifestants se jetaient de côté et d'autre, puis reformaient des groupes serrés. Point de peur dans la multitude. Un bruit courait de bouche en bouche : "Les Cosaques ont promis de ne pas tirer." De toute évidence, les ouvriers avaient réussi à s'entendre avec un certain nombre de Cosaques. (…) Les Cosaques se mirent à répondre individuellement aux questions des ouvriers et même eurent avec eux de brefs entretiens. (…) Un des authentiques meneurs en ces journées, l'ouvrier bolchevik Kaïourov, raconte que les manifestants s'étaient tous enfuis, en certain point, sous les coups de nagaïka de la police à cheval, en présence d'un peloton de Cosaques ; alors lui, Kaïourov, et quelques autres ouvriers qui n'avaient pas suivi les fuyards se décoiffèrent, s'approchèrent des Cosaques, le bonnet à la main : "Frères Cosaques, venez au secours des ouvriers dans leur lutte pour de pacifiques revendications ! Vous voyez comment nous traitent, nous, ouvriers affamés, ces pharaons. Aidez-nous !"  Ce ton consciemment obséquieux, ces bonnets que l'on tient à la main, quel juste calcul psychologique, quel geste inimitable ! Toute l'histoire des combats de rues et des victoires révolutionnaires fourmille de pareilles improvisations." 7

Le prolétariat et ses minorités révolutionnaires devons garder à l’esprit que, à plus long terme, il ne peut y avoir de victoires militaires sur la bourgeoisie sans désagrégation des forces répressives. La désagrégation sera le produit de plusieurs facteurs :

- La crise économique ;

- La pression de la lutte de classe, la perspective du pouvoir prolétarien s’imposant à la société comme une alternative à la bourgeoisie ;

- Dans ce contexte, le fait que les forces répressives soient essentiellement constituées d’éléments des couches exploitées ou pauvres de la société, les rend réceptives aux appels à la fraternisation de la part du prolétariat.

Il se peut que nombre de prolétaires, d’éléments et groupes politiques appartenant au camp du prolétariat au Brésil sympathisent ou se solidarisent avec la grève de la PM, étant donné que, d’une certaine manière, ils partagent avec la classe des travailleurs la situation de pénurie à laquelle nous soumet le capital. Il se peut même que certains appellent les travailleurs à prendre la grève des policiers comme exemple de lutte. Toutefois, une telle approche ne sert qu'à nuire à la conscience de la classe ouvrière et à affaiblir sa capacité à affronter la classe ennemie, étant donné que non seulement elle assimile la grève des policiers à un évènement qui appartient aux luttes du prolétariat, mais aussi elle alimente un manque de confiance dans les capacité du prolétariat brésilien à développer ses luttes sur son propre terrain de classe après des décennies de léthargie dues à l’action du PT, des autres partis de droite et de gauche du capital, et leurs syndicats.

Lorsque cette "vieille taupe" dont nous parlait Marx commence à secouer les fondations du capital brésilien, moment où, sans doute, il s’affrontera avec force aux corps répressif de l’Etat, sa lutte persévérante et tenace sur son terrain de classe pourra ouvrir le chemin à un affaiblissement de ces mêmes corps répressifs.

Le CCI (14/03/2012)

 

1 - Au Brésil la police est divisée entre la sphère fédérale et la sphère étatique (c'est-à-dire propre à chacun des différents États de ce pays). Dans la sphère fédérale, se trouvent la Police Fédérale, la Police Fédérale des Autoroutes (ou voies rapides) et la Police Fédérale Ferroviaire. Dans la sphère étatique se trouvent la Police Civile et la Police Militaire. La Police Civile est responsable des investigations et la Police Militaire est l’institution responsable de la sécurité publique et du maintien de l’ordre bourgeois. En plus de ces organisations policières, il y a la Garde Nationale qui est utilisée en cas d’urgence de "sécurité publique" ; elle est formée d’éléments entrainés et détachés de diverses organisations étatiques.

2 - PCdoB : Partido Comunista do Brasil, scission du Partido Comunista Brasileiro.

PSTU : Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado (Parti Socialiste des Travailleurs Unifié), de tendance trotskiste.

PSOL : Partido Socialismo e Liberdade (Parti Socialisme et Liberté) qui regroupe plusieurs tendances trotskistes.

3 - En économie, on utilise le sigle BRIC pour désigner l’ensemble : Brésil, Russie, Inde et Chine, qui se détache sur la scène mondiale en tant que "pays émergents". Source : es.wikipedia.org/wiki/BRICS [9]

4 - PCO. Grève de la PM : le gouvernement veut que la police réprime la population. Source : www.pco.org.br/conoticias/ler_materia.php?mat=34993 [10]

 

5 - OPOP. Nous sommes Pinheirinho : Soutien total et solidarité avec les habitants de Pinheirinho. Source : revistagerminal.com/2012/01/24/nos-somos-o-pinheirinho-todo-apoio-e-solidariedade-aos-moradores-do-pinheirinho

6 - Voir l’article de Revolución Mundial, notre section au Mexique, "L’insécurité sociale … Un motif supplémentaire pour lutter contre le capitalisme [11]". Revolución Mundial n° 125, noviembre-diciembre 2011.

7 Histoire de la Révolution russe. Ch. VII. "Cinq journées : du 23 au 27 février 1917". https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr07.htm [12]

 

Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [13]

Rubrique: 

International

URL source:https://fr.internationalism.org/content/icconline-mai2012

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/5/62/chine [2] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe [3] https://www.spiegel.de/politik/ausland/amoklaeufer-bales-litt-offenbar-unter-posttraumatischem-stress-a-822232.html [4] https://www.tagesschau.de/thema/usa [5] https://www.dailymail.co.uk/news/article-1216015/More-British-soldiers-prison-serving-Afghanistan-shock-study-finds.html [6] https://www.democracynow.org/2012/3/16/mind_zone_new_film_tracks_therapists [7] http://www.reuters.com/article/2011/06/29/us-usa-war-idUSTRE75S25320110629 [8] https://fr.internationalism.org/tag/5/121/afghanistan [9] https://es.wikipedia.org/wiki/BRICS [10] http://www.pco.org.br/conoticias/ler_materia.php?mat=34993 [11] https://es.internationalism.org/revolucion-mundial/201111/3241/la-inseguridad-social-un-motivo-mas-para-luchar-contra-el-capitalismo [12] https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr07.htm [13] https://fr.internationalism.org/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud