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Internationalisme no. 345

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Sommet de Copenhague: pour sauver la planète, il faut détruire le capitalisme!

“A Copenhague, la douche froide” [1], “Le pire accord de l’histoire” [2], “Copenhague s’achève sur un échec” [3], “Déception à Copenhague” [4]…, la presse est unanime, ce sommet annoncé comme “historique” a été un véritable fiasco !

Il n’y avait rien à attendre de ce sommet

Durant plusieurs semaines, les médias et les politiques ont enchaîné les déclarations grandiloquentes qui toutes affirmaient en substance : “l’avenir de l’humanité et de la planète se joue à Copenhague”. La fondation Nicolas Hulot avait ainsi lancé un ultimatum : “l’avenir de la planète et avec lui, le sort d’un milliard d’affamés […] se jouera à Copenhague. Choisir la solidarité ou subir le chaos, l’humanité a rendez-vous avec elle-même”. Il y avait ici une moitié de vérité. Les documentaires télévisés, les films (comme Home de Yann Arthus Bertrand), les résultats des recherches scientifiques montrent que la planète est en train d’être ravagée. Le réchauffement climatique s’aggrave et, avec lui, la désertification, les incendies, les cyclones… La pollution et l’exploitation intensive des ressources entraînent la disparition massive d’espèces. 15 à 37 % de la biodiversité devrait disparaître d’ici à 2050. Aujourd’hui, un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un tiers des amphibiens et 70 % des plantes sont en danger d’extinction [5]. Selon le Forum humanitaire mondial, le “changement climatique” entraînerait la mort de 300 000 personnes par an (dont la moitié de malnutrition) ! En 2050, il devrait y avoir “250 millions de réfugiés climatiques” [6]. Alors, oui, il y a urgence. Oui, l’humanité est confrontée à un enjeu historique et vital !

Mais il n’y avait aucune illusion à se faire, rien de bon ne pouvait sortir de ce sommet de Copenhague où 193 États étaient représentés. Le capitalisme détruit l’environnement depuis toujours. Déjà, au xixe siècle, Londres était une immense usine crachant sa fumée et déversant ses déchets dans la Tamise. Ce système produit dans l’unique but de faire du profit et accumuler du capital, par tous les moyens. Peut importe si, pour ce faire, il doit raser des forêts, piller les océans, polluer les fleuves, dérégler le climat… Capitalisme et écologie sont forcément antagoniques.

Toutes les réunions internationales, les comités, les sommets (tel celui de Rio de Janeiro en 1992 ou celui de Kyoto en 1997) n’ont toujours été que des cache-sexes, des cérémonies théâtralisées pour faire croire que les “grands de ce monde” se soucient de l’avenir de la planète. Les Hulot, Yann Arthus Bertrand, et autres Al Gore ont voulu nous faire croire qu’il en serait cette fois-ci autrement, que face à l’urgence de la situation, les hauts-dirigeants allaient se “ressaisir”. Mieux, ils devaient même comprendre qu’il s’agissait là d’une opportunité historique de changer en profondeur le capitalisme, en s’orientant vers une green economy capable de sortir le monde de la récession par une croissance durable et écologique ! Pendant que tous ces idéologues brassaient de l’air, ces mêmes “hauts-dirigeants” affûtaient leurs armes éco… nomiques ! Car là est la réalité : le capitalisme est divisé en nations, toutes concurrentes les unes des autres, se livrant sans répit une guerre commerciale et, s’il le faut, parfois militaire. Un seul exemple : le pôle Nord est en train de fondre. Les scientifiques y voient une véritable catastrophe écologique. Les États y voient, eux, une opportunité d’exploiter des ressources jusqu’ici inaccessibles et d’ouvrir de nouvelles voies maritimes libérées des glaces. La Russie, le Canada, les États-Unis, le Danemark (via le Groenland) se livrent actuellement une guerre diplomatique sans pitié. Le Canada a même commencé à poster des armes à sa frontière dirigées dans cette direction ! Capitalisme et écologie sont bel et bien antagoniques.

Et ils voulaient nous faire croire que, dans ce contexte, les États-Unis et la Chine allaient accepter de “réduire leur émission de CO2”, c’est-à-dire limiter leur production ? D’ailleurs, cette notion de “limitation des émissions de CO2” est en elle-même révélatrice de ce qu’est le réchauffement climatique pour le capitalisme, une arme idéologique pour mener la concurrence. Chaque pays veut fixer les objectifs qui l’arrangent : les pays d’Afrique veulent des chiffres très bas, qui correspondent à leur production, pour mettre des bâtons dans les roues aux autres nations, les pays d’Amérique du Sud souhaitent des chiffres un peu plus élevés, et ainsi de suite pour l’Inde, les États européens, eux-mêmes divisés entre eux, la Chine, les Etats-Unis…

La bourgeoisie ne parvient même plus à sauver les apparences

Le seul élément peut-être surprenant de ce fiasco de Copenhague est que tous ces chefs d’État n’ont même pas réussi à sauver les apparences. D’habitude, un accord final signé en grande pompe fixe quelques vagues objectifs à atteindre un jour et tout le monde s’en félicite. Cette fois, il s’agit officiellement d’un “échec historique”. Les tensions et les marchandages sont sortis des coulisses et ont été portés au devant de la scène. Même la traditionnelle photo des chefs d’États s’auto-congratulant bras-dessus, bras-dessous, et affichant de larges sourires d’acteurs de cinéma, n’a pu être réalisée. C’est tout dire !

En fait, la récession ne contraint pas les chefs d’État à saisir la “formidable opportunité” d’une green economy mondiale mais ne peut au contraire qu’attiser les tensions et la concurrence internationale. Le sommet de Copenhague a fait la démonstration de la guerre acharnée que sont en train de se livrer les grandes puissances. Il n’est plus l’heure pour eux de faire semblant de bien s’entendre et de proclamer des accords (même bidons). Ils sortent les couteaux, tant pis pour la photo !

Jamais le capitalisme ne sera “vert”. Demain, la crise économique va frapper encore plus fort. Le sort de la planète sera alors le dernier des soucis de la bourgeoisie. Elle ne cherchera qu’une seule chose : soutenir son économie nationale, en s’affrontant toujours plus durement aux autres nations, en fermant les usines pas assez rentables, quitte à les laisser pourrir sur place, en réduisant les coûts de production, en coupant dans les budgets de la prévention l’entretien, ce qui signifiera aussi plus de pollution et d’accidents industriels. C’est exactement ce qui s’est déjà passé en Russie dans les années 1990, avec ses sous-marins nucléaires laissés à l’abandon et la Sibérie polluée au point d’en faire mourir une large proportion de ses habitants.

Enfin, une partie de plus en plus grande de l’humanité va se retrouver dans la misère, démunie, sans nourriture ni logement. Elle sera donc plus vulnérable encore aux effets du changement climatique, aux cyclones, à la désertification.

Il est temps de détruire le capitalisme avant qu’il ne détruise la planète et ne décime l’humanité !

Pawel (19 décembre)

 

1. Sur le site de Libération le 19 décembre.

2. Idem.

3. Sur le site du Figaro le 19 décembre.

4. Sur le site du Monde le 19 décembre.

5. https://www.planetoscope.com/biodiversite [2]

6. www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-rechauffement-climatique-vers-30000-morts-an-chine-2-c-19468 [3]

"Capitalism : a love story", un aperçu

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Le nouveau film de Michael Moore, “Capitalism: Love Story” est sorti fin septembre, élevé au rang de polémique «anti-capitaliste». Le film contient quelques descriptions très émouvantes d'ouvriers confrontés à des saisies d'hypothèques et à des fermetures d'usines. Il y a des séquences sur l'occupation d'usine de Chicago en décembre dernier. Quand les ouvriers parlent, ils confirment ce que nous écrivions dans Internationalism à ce moment-là, que les ouvriers ne veulent pas perdre leurs emplois, qu'ils veulent se battre pour leurs emplois. C’était les syndicats et les politiciens qui soulignaient que les travailleurs devraient obtenir ce à quoi ils avaient «légalement» droit, qui se montait à 6000$ comme indemnités de congé et de licenciement.

L'évêque de Chicago est venu voir les ouvriers et leur a dit qu'il était lui-même fils de métallurgiste, et qu'il comprenait que leur lutte était juste. Il les a bénis et leur a donnés la communion. Beaucoup de séquences du film montrent d'autres ouvriers, venus individuellement ou en famille apporter de la nourriture aux travailleurs en lutte, en signe de solidarité.

On y voit également un groupe de 20 ou 30 personnes de la communauté de Miami déclarant nulle une expulsion et ramenant la famille expulsée dans sa maison. Un représentant de la banque arrive, leur dit qu'ils enfreignent la loi, et ensuite neuf véhicules de police arrivent. Il y a beaucoup de cris et de discussions, le banquier et les policiers finalement s'en vont et la famille reste dans la maison. (A la fin du film, dans le défilement du texte, nous lisons que la famille a été autorisée à rester définitivement dans sa maison).

Le film est bourré des singeries de Michael-Moore-au-centre-de-l'histoire. Ces singeries incluent Michael Moore essayant de rencontrer le président du conseil d'administration de GM, ou essayant de mettre le conseil entier d'AIG ou tout le monde à la bourse des valeurs de NY sous arrestation citoyenne, ou plaçant une bande jaune de scène de crime autour de la Bourse, ou conduisant un camion blindé jusqu'à la Banque d'Amérique et annonçant qu'il est là pour récupérer les 10 milliards de dollars de renflouement.

Le grand problème, c'est la politique de Moore. Son attaque du capitalisme est largement provocatrice, mais pas réelle. C'est comme s'il avait décidé de renverser toutes les accusations hystériques de la droite à propos du «socialisme» d'Obama. La crise dévastatrice globale de 2008 est attribuée aux politiques de dérégulation de Reagan commencées dans les années 1980 et poursuivies dans les années Bush I, Clinton et Bush II, et par la reprise de facto du gouvernement US par Goldman Sachs, qui a favorisé les politiques bénéfiques à sa compagnie, au détriment des contribuables et de ses concurrents. En d'autres termes, le réel problème ne serait pas une crise économique généralisée du capitalisme, mais plutôt la cupidité de quelques personnalités de l'élite politique et financière. C'est vrai, Moore dit que le capitalisme est mauvais, et interroge même trois ou quatre catholiques qui déclarent que Jésus aurait été contre le capitalisme, mais dans les faits, son opposition au capitalisme n'est qu'une opposition au capitalisme dérégulé. Il inclut des scènes de manifestations de quelques douzaines de personnes en provenance de groupes gauchistes comme « Answer Coalition » contre les renflouements d'entreprises ou les saisies, les décrivant comme le début d'un mouvement de masse anti-capitaliste aux USA.

Il semble dubitatif quant à l’appréciation d’Obama, qu'il voit comme quelqu'un qui, avec ses appels au changement, fait trembler ceux de Wall Street ayant répondu à sa campagne, précise t’il, par leur contribution. Il dénonce tous les conseillers économiques d'Obama comme partisans de Goldman Sachs, mais lui est encore amouraché d'Obama.

Dans la vision de Moore, l'alternative contre le capitalisme, c'est la démocratie. Il interroge le sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders, qui se prétend avocat du socialisme démocratique, défini comme le gouvernement au service des classes moyenne et ouvrière, pour protéger leurs droits. Moore a trouvé une scène perdue du discours de 1944 de Franklin Delano Roosevelt (FDR) sur l'état de l'Union un mois avant sa mort, dans lequel FDR appelait à une seconde déclaration sur les droits des Américains après la guerre, qui appelait non au socialisme ou à la destruction du capitalisme, mais à un capitalisme d'Etat du genre Etat-Providence:

-le droit à un travail utile et rémunérateur dans les industries, les magasins, les fermes ou les mines de la nation;

-le droit de gagner assez pour accéder à l'alimentation, à l'habillement et aux loisirs;

-le droit pour chaque fermier d'élever et de vendre sa production contre une rémunération qui lui permette de faire accéder sa famille à une vie décente;

-le droit pour chaque homme d'affaires, grand ou petit, de commercer dans une atmosphère de liberté, à l'abri de la concurrence déloyale et de la domination des monopoles, que ce soit sur le sol américain ou à l'étranger;

-le droit de chaque famille à un logement décent;

-le droit à des soins appropriés et la possibilité d'atteindre une bonne santé et d'en jouir;

-le droit à une protection efficace contre les craintes économiques de la vieillesse, de la maladie, de l'accident et du chômage;

-le droit à une bonne éducation.

Moore se lamente sur le fait que FDR est décédé avant d'avoir pu créer cette société merveilleuse aux USA, mais il dit que dans la période d'après-guerre, les USA ont envoyé des hommes de FDR en Europe et au Japon, où pendant la reconstruction de l'Italie, de l'Allemagne et du Japon, aussi bien que d'autres pays d'Europe, cette vision de la société a été mise en application. Exactement comme il l'avait fait dans Sicko, il idéalise le salaire social du capitalisme d'Etat européen comme un but glorieux pour les Américains. En aucun cas, l'anti-capitalisme de Moore ne pourrait détruire l'Etat capitaliste ou mettre en œuvre le contrôle de la classe ouvrière sur les moyens de production. Au lieu de cela, il transformerait l'Amérique en une sorte de France, Allemagne, Japon ou Norvège qui sont des sociétés capitalistes où la classe ouvrière doit lutter pour se défendre contre l'exploitation. Moore termine le film en appelant chacun à le rejoindre dans le combat pour cette société avec une version vulgarisée de l'Internationale, qui avait plus l'air de Bobby Darin chantant Mack the Knife que d'un chant révolutionnaire.

Jerry Grevin/20.09.09

En Belgique, chez Opel et chez AB InBev, le même combat, le même sabotage syndical

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Jeudi 21 janvier, deux infos sociales sont à la une des journaux: «Opel Anvers : coup de massue pour l’emploi. La direction de GM Europe a annoncé son intention de fermer Opel Anvers et de procéder au licenciement collectif des 2.600 personnes qui y travaillent. Quelque 5.000 emplois au total sont menacés.» (Le Soir, 21/01) et d’autre part «Un accord sauve AB InBev de la procédure Renault. Les médiateurs sociaux et la direction d’AB InBev sont finalement parvenus jeudi, après une troisième réunion de conciliation, à un cadre de négociation, mettant ainsi un terme à la procédure Renault, à la grande satisfaction des syndicats.»

Apparemment, voilà deux situations contradictoires: l’entreprise brassicole Anheuser-Busch InBev suspend à l’appel des syndicats la procédure de licenciements annoncés (près de 300 en Belgique et 800 en Europe sur les 8.000 employés) et assure le paiement menacé des travailleurs, alors que l’usine automobile Opel Anvers, elle, ferme! L’action syndicale aurait-elle été mieux menée à AB InBev qu’à Opel Anvers? Ou est-ce que le retrait des mesures chez AB InBev n’est qu’une tactique consciente de la bourgeoisie afin de ne pas accumuler au même moment des plans de restructurations risquant de développer une colère et une combativité des ouvriers dépassant l’emprise des syndicats? En réalité, les deux conflits constituent des indices complémentaires d’une même réalité sociale : autant pour la classe ouvrière, pour qui il est capital de saisir comment mener la lutte dans cette période de crise ouverte, que pour la bourgeoisie, qui veut veiller à ce que son bras droit, les syndicats, arme de maintien de l’ordre social reste le plus longtemps crédible au sein de la classe exploitée. Imposer l’application des mesures de restructurations à AB InBev en même temps que la fermeture d’Opel aurait fortement amoindri l’image et la confiance envers les syndicats qui dans les deux cas ont été à l’avant-plan des actions menées pour soi-disant «sauver» l’entreprise. La «victoire» syndicale chez AB inBev permet de contrebalancer l’idée d’une «défaite» syndicale chez Opel Anvers et renforce l’illusion que c’est derrière les syndicats que la classe ouvrière doit lutter. La manifestation nationale de 30.000 affiliés syndicaux à Bruxelles du 29 janvier 2010 pour la défense de l’emploi, organisée par les syndicats en front commun, n’avait d’autre but que d’enfoncer dans la tête des travailleurs que les syndicats sont les véritables défenseurs des intérêts de la classe ouvrière et que sans eux, rien n’est possible.

Les enjeux de la situation sociale

Les emplois d’AB InBev seront-ils maintenus? Rien n’est moins sûr! Tout fait penser que la suspension temporaire des mesures de licenciements s’applique à la règle: «reculer pour mieux sauter». Déjà, au début du conflit, cette idée de suspension du plan avait été émise par la direction: «..la direction …avait aussi proposé de suspendre temporairement le plan afin de pouvoir discuter de façon approfondie de sa raison d’être durant le week-end avec les syndicats…» ( Le Soir 15/01/10). Des illusions similaires sur une solution positive pour les travailleurs avaient été répandues chez Opel. La vente annoncée d’Opel par GM à un consortium d’entreprises, soutenu par divers gouvernements européens devait assurer un nouvel avenir à Opel Anvers et à ses travailleurs. On sait depuis ce qu’il est advenu de ce mirage!

Fondamentalement, AB InBev n’a pas d’autre choix que de répondre aux exigences des lois implacables du marché capitaliste: diminuer et rationaliser les frais de production au moyen de plans de restructuration pour faire face à la baisse de sa vente (en Belgique, sur les 9 premiers mois de 2009, les volumes vendus par AB InBev ont baissé de 1.7%) et pour faire front à la concurrence des autres grands producteurs de bière. Le lancement de la «procédure Renault» par InBev en dit déjà long sur l’avenir de l’usine. Cette loi, promulguée un an après le désastre social de la fermeture en février 1997 de l'usine Renault de Vilvorde, «doit rendre plus contraignante l'obligation de tenir un dialogue social consistant avant toute décision de licenciement collectif». Mais en réalité, «Dans la pratique, l'obligation de consultation sociale est plutôt formelle alors que tout est déjà ficelé… ", explique Pieter De Koster, avocat associé chez Allen & Overy…." (Mis en ligne le 20/11/2006 . Le Soir). Bref, tout comme à Opel Anvers, les dés sont jetés pour l’avenir d’AB InBev. A plus ou moins long terme, ce sont de nouvelles restructurations qui s’annonceront avec des licenciements à la clé. Et de nouveau, les syndicats seront sollicités pour étouffer dans l’œuf la colère et la combativité qui s’exprimeront dans les rangs ouvriers. De nouveau, de par leurs manœuvres, ils contribueront à asséner un nouveau coup de massue sur la tête des ouvriers, qui renforcera le découragement et la résignation comme le montrent les réactions des ouvriers d’Opel aujourd’hui.

Les mêmes tactiques syndicales chez Opel et à AB InBev

Des stratégies syndicales différentes? Quelle a été l’orientation de la politique syndicale lors de l’annonce de la faillite de GM?: «Quand GM est déclaré en faillite et qu’une restructuration drastique s’annonce pour Opel Europe, les syndicats prennent le devant de la lutte en déclarant vouloir lutter jusqu’au bout pour le maintien de l’usine. Leur action consiste en fait en du lobbying avec les patrons, la région flamande et l’Etat fédéral auprès de GM et l’Etat allemand pour démontrer que l’usine anversoise est «au moins aussi performante que ses concurrentes allemandes», pour faire respecter les «règles de la concurrence européenne». Ils n’hésitent pas à opposer la qualité de leur combat aux mouvements «incontrôlés» chez Ford l’année passée: «on est respectable et avec une vision à long terme», «en Belgique, on n’en est pas à séquestrer les patrons comme en France» écrivions-nous dans notre presse en novembre 2009 (Internationalisme n°344: «Faut-il soutenir les actions de protestations syndicales?»)

En quoi cette stratégie diffère-t-elle de celle menée par les syndicats à AB InBev? En rien, sinon que cette fois-ci, les syndicats ont bel et bien séquestré la direction locale de l’entreprise sur le site liégeois pendant quelques heures, à l’exemple cette fois-ci des tactiques de leurs confrères français. Tout comme à Opel, ils ont pris les devants pour appeler, main dans la main avec les gouvernements régionaux et l’Etat fédéral, au sens des responsabilités de l’entreprise, mettant en avant les critères de rentabilité performants du groupe brassicole mondial n°1 AB InBev : «le groupe se porte bien. Il fait des plantureux bénéfices. Et en plus, nos parts de marché sont en croissance en Belgique. Quelle est la nécessité de restructurer?», déclare Marc Sparmont, syndicaliste Setca (socialiste) (Le Soir.be 8/01/2010). Déclaration suivie quelques jours plus tard par celle de la ministre de l’emploi, Joelle Milquet, offusquée de voir cette entreprise «envisager de licencier aussi facilement un nombre de personnes alors qu’elle réalise des bénéfices… l’annonce des licenciements n’a pas du tout été faite pour des raisons liées à la crise mais bien pour diminuer le coût du travail») (Le Soir.be 15/01/2010) et renforcée par le discours du ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS): «InBev remet le couvert et réduit l’emploi de 10% au niveau européen…la multinationale, elle, a gagné des parts de marché et ce, au plan local, grâce aux bonnes performances de Jupiler» (Le Soir.be 15/01/2010).

L’idée d’un capitalisme éthique qui s’opposerait au capitalisme prédateur est une dangereuse illusion visant à faire croire aux travailleurs qu’il existerait un capitalisme équitable. Or, le propre de toute entreprise capitaliste est de garantir son profit, d’accroître sa productivité en baissant les salaires, en augmentant la flexibilité, en fermant les divisions les moins rentables, en licenciant des travailleurs. Cette politique est pleinement soutenue par l’Etat et ses fractions politiques. En tentant de lier les travailleurs aux gouvernements nationaux ou régionaux, aux actionnaires ou aux directions ‘locales’, les syndicats les jettent consciemment dans la gueule du loup.

Quant à leurs actions sur le terrain, elles visent avant tout à désamorcer la colère des travailleurs, à enfermer leur riposte dans des actions inoffensives et démoralisantes. En effet, tout comme à Opel, les actions syndicales se sont concentrées sur :

-la prise en main totale et le dévoiement de la colère justifiée des ouvriers vers des voies de garage comme la prise en otage de la direction sur le site liégeois, les barrages filtrants, le blocage des trois brasseries concernés par les mesures (Jupille, Louvain, Hoegaarden);

-l’enfermement de la lutte dans l’usine et dans le secteur: des actions au sein des sites et l’extension au niveau des dépôts et de la distribution;

-la mise en place d’une fausse solidarité sans lendemain sous forme d’actions symboliques appelant à la sympathie du public: distribution gratuite de bière devant les grilles de l’entreprise, aux étudiants à Liège et aux passants, appel au boycott de la Jupiler, distribution de tracts d’appel à la solidarité et d’un acte de soutien des supporters des deux camps lors d’un match qui opposait le Standard à Anderlecht à Liège. On peut se demander dans quel état d’ébriété ces supporters, étudiants et autres ont pu offrir leur soutien!

- non pas le rejet des licenciements mais sur la revendication d’associer les syndicats au marchandage sur l’emploi.

Et lorsque le combat local est dans l’impasse, les syndicats font croire aux travailleurs déboussolés qu’ils doivent mettre tous leurs espoirs dans l’action du ‘front commun des syndicats européens de l’entreprise’, aussi bien chez Opel qu’à InBev. Ils instillent ainsi dans les esprits que la solidarité internationale des travailleurs se réduit à un marchandage entre délégations nationales pour trouver un équilibre ‘équitable’ dans les sacrifices sur le plan européen.

Nous concluions dans notre article d’Internationalisme n°344 concernant Opel: «En réalité, ce combat «exemplaire» n’est qu’un enfermement dans une voie sans issue corporatiste: «Wir sind Opel». Il n’est rien d’autre qu’un méprisable marchandage pour répartir équitablement les sacrifices, les victimes, les licenciements, tout en acceptant la logique de la rationalisation capitaliste». Nous pouvons aujourd’hui en dire autant pour le combat à InBev. La prétendue «victoire» à InBev tout comme le combat à Opel Anvers sont en réalité une défaite pour la classe ouvrière. Le retrait du plan de restructuration à InBev n’est pas le résultat d’une lutte réelle des ouvriers. C’est une stratégie menée de consorts entre le patronat et les syndicats pour contrecarrer ce qui représente un plus grand danger pour eux: voir la classe ouvrière, classe ennemie, prendre en mains sa lutte, organiser ses propres assemblées générales pour prendre des décisions sur le déroulement de sa lutte, organiser une véritable extension de sa lutte vers d’autres usines, d’autres secteurs en expliquant la nécessité d’une action commune, et ainsi développer une solidarité de classe capable d’établir un réel rapport de forces qui peut contraindre les patrons et l’Etat à reculer.

Pour le moment, la classe ouvrière est encore désemparée (voir article dans ce journal: Pourquoi autant d’attaques et si peu de luttes?) et s’en remet aux mains des syndicats lorsque sa colère explose. Mais l'aggravation de la crise économique contraindra la classe dominante à repasser à l'offensive et à mener des attaques simultanées encore plus désespérées contre les conditions de vie et de travail. Cela demande à la classe ouvrière, dès à présent, de tirer toutes les leçons du rôle des syndicats 1 et se réapproprier ses moyens de lutte pour transformer sa colère en une combativité qui paie et qui fera peur à sa classe ennemie: la bourgeoisie. Les révolutionnaires et les minorités combatives sont à ses côtés pour l’aider dans ce lent et difficile développement de la lutte.

H/29.01.2010

 

 

 

1 Lire dans notre presse: "Dans quel camp sont les syndicats ? [4]" (Internationalisme n° 340).

 

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en Belgique [5]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [6]

Hommage au camarade Anton Brenders (1922-2010)

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Nous évoquons Anton comme un combattant intransigeant de la classe, qui s'est opposé à l'exploitation dans la société qu’il a lui-même subie en usine et qui a contribué à la transmission de ses expériences à une nouvelle génération de révolutionnaires après 1968.

Il ne l'a pas fait tout seul: à côté de lui et avec lui, il y en avait beaucoup d'autres qui ont vécu des expériences similaires, pendant et après la deuxième guerre mondiale. Autour de cette communauté s'est développé un cercle de discussion vivant dans les années qui ont suivi la guerre. Il y a eu de nombreuses discussions politiques et philosophiques immédiatement après la guerre au sein de l'Institut Emile Vandervelde avec le professeur Flam, issu de la résistance au sein des camps de l'holocauste. Les heurts, également, avec la bureaucratie social-démocrate de Hoboken (une banlieue 'rouge' d'Anvers) et l'intégration des groupes de la résistance du PCB (Parti Communiste de Belgique) au gouvernement, ont constitué l'arrière-plan de la rupture politique définitive avec le stalinisme. Au début des années 1950, celle-ci a mené à des contacts avec le groupe de la Gauche communiste Spartacusbond aux Pays-Bas. Celui-ci a alors organisé d'intenses débats communs à Anvers. Il s'en est suivi une collaboration avec le Spartacusbond. Anton devint un fidèle collaborateur de leur journal, au travers des traductions qu'il faisait d'articles de la presse internationale de la Gauche communiste et d'anarchistes (parmi lesquels 'Révolution Internationale' après 1973).

Dans le conflit entre le Spartacusbond et le groupe conseilliste déchiré Daad & Gedachte, autour de 1964, il prit très consciemment le parti de Spartacusbond. Il trouvait en effet que les positions de D&G ne mèneraient qu'à la négation de toute activité politique en tant que groupe prolétarien, ce que la réalité a confirmé. Les tendances conseillistes de D&G ont en effet souvent eu une influence négative sur la survie des groupes prolétariens aux Pays-Bas et en Belgique. Y compris au sein de nos prédécesseurs directs: les Revolutionaire Raden Socialisten (Anvers), les Vrije Raden Socialisten (Gand) en Belgique, et Radencommunisme aux Pays-Bas se sont développés au travers d'une critique de l'attitude conseilliste de Daad & Gedachte au profit de la défense d'une intervention active de l'organisation révolutionnaire dans la lutte de classe.

Dans ce sens, c'est Anton qui a mis en contact notre groupe de jeunes Revolutionaire Raden Socialisten, issu du bilan politique de mai 68, avec Révolution Internationale en 1972-73. Il a alors apporté une contribution essentielle à notre orientation politique de 1972 à 1975, en attirant notre attention sur l'importance des analyses politiques de Révolution Internationale, (un des groupes fondateurs du CCI), ce qui a conduit en 1975 à notre adhésion au CCI en cours de formation. Très tôt, il attirait notre attention sur l'importance d'approfondir la question de l'écologie d'un point de vue marxiste. Depuis lors, il est toujours resté un véritable sympathisant de notre organisation.

Chez lui, on rencontrait régulièrement des visiteurs qui discutaient des sujets les plus divers. Ces dernières années, il vivait plus retiré en compagnie des dessins et des peintures rudes de Rik Schevernels (†1972), son meilleur ami et artiste prolétarien (qui fustigeait l'église, le stalinisme et les syndicats) et de ses livres et publications philosophiques et politiques. Nous lui sommes toujours reconnaissants de sa contribution à notre évolution politique.


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Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/pdf/F_ISME345.pdf [2] https://www.planetoscope.com/biodiversite [3] https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-rechauffement-climatique-vers-30000-morts-an-chine-2-c-19468/ [4] https://fr.internationalism.org/ri394/dans_quel_camp_sont_les_syndicats.html [5] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-belgique [6] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe