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IV - Démocratie / Fascisme : La même barbarie capitaliste ; La même orgie nationaliste

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De même que le nazisme ne doit pas être considéré comme forme d'organisation sociale différente (ou en dehors) du capitalisme, mais bien une des formes qu'a pu secréter celui-ci dans certaines circonstances particulières, de même la barbarie dans laquelle il s'est vautré n'est pas étrangère à celle qui caractérise le système comme un tout, notamment depuis son entrée en décadence au début du siècle, dans ce que le marxisme a appelé "l'ère des guerres et des révolutions".

Comme nous le mettons en évidence ci-dessous dans l'article Les crimes nazis, l'exploitation forcenée dans les camps et l'extermination massive des populations, des juifs en particulier, ne sont en rien des actes gratuits mais ont correspondu fondamentalement aux besoins du capital allemand qui ne s'imposait aucune limite pour développer l'effort de guerre. Ce sont là des traits du capitalisme décadent qui ont marqué les deux guerres mondiales, la multiplication des guerres locales et des génocides, les massacres en série et autres famines dévastatrices. Ces traits se sont encore accentués de façon caricaturale dans la période de décomposition de la société que nous vivons, avec la guerre du Golfe, les guerres dans l'ex-Yougoslavie, au Rwanda, au Timor, en Tchétchénie ...

En ce sens, contrairement aux mensonges colportés par les puisances dites démocratiques, victorieuses lors du deuxième conflit mondial, la barbarie a été au coeur des agissements des deux camps en présence, comme nous l'illustrons dans l'article Les crimes et massacres des grandes démocraties.

Dès la première guerre mondiale, tous les conflits résultent fondamentalement d'une situation où, le marché mondial ayant atteint des limites sévères à son élargissement, les différents capitaux nationaux sont en permanence poussés à se le repartager au moyen de la guerre. Cette réalité, nouvelle par rapport au siècle précédent, se trouve directement à l'origine de deux phénomènes dénoncés par le mouvement ouvrier dès le début du siècle : le militarisme et l'impérialisme, c'est-à-dire la constitution par chaque Etat d'énormes forces militaires sans commune mesure avec celles du passé, et la tendance croissante de leur politique internationale à s'appuyer sur la force des armes, sur la conquête, la rapine et la soumission de l'économie des autres nations. Or, tous les partis traîtres au mouvement ouvrier invoquent, pour le second conflit mondial, une nature différente de celle du premier, pour justifier leur engagement dans un camp impérialiste. En fait, ces partis ont été des acteurs majeurs de l'embrigadement du prolétariat dans la seconde boucherie impérialiste, et également, comme nous le rappelons dans l'article Le PCF parachève l'écrasement du prolétariat, certains d'entre eux ont été en pointe dans la diffusion du nationalisme le plus abject.

Les crimes nazis

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L'horreur abominable des crimes du nazisme a été décrite, dépeinte, étalée à satiété depuis la seconde guerre mondiale par la propagande du camp "démocratique" dans le but de dissimuler les propres exactions de ce dernier dans tous les conflits où il a été impliqué. Bien qu'aucune des exactions macabres du nazisme ne soit aujourd'hui inconnue du grand public, contrairement aux crimes des grandes démocraties, les révolutionnaires doivent dénoncer les crimes nazis comme une illustration irréfutable de la barbarie sans limite du capitalisme décadent. La première guerre mondiale avait signé l'irruption violente de cette barbarie avec ses 17 millions de morts. Depuis lors, elle a été surpassée par les exploits de la seconde (50 millions de morts) qui, loin de constituer une parenthèse dans l'histoire de ce siècle, se sont trouvés confirmés par les atrocités dans les guerres locales qui l'ont suivie sans discontinuité jusqu'à aujourd'hui.

Le fascisme n'est pas le produit de ses dictateurs mais le produit d'un système barbare

Selon une certaine interprétation de l'histoire, si le nazisme a été instauré en Allemagne c'est parce qu'il a existé des hommes comme Hitler qui ont su imposer leurs conceptions barbares au pays en gagnant les couches populaires à leurs idéaux macabres. Si effectivement Hitler a été un facteur actif dans l'instauration de ce régime, la raison en est d'abord qu'il était le plus apte à mettre en œuvre le programme correspondant aux nécessités économiques et politiques de la bourgeoisie allemande. La preuve en est, nous l'avons montré, que c'est la démocratie qui cède légalement le pouvoir à Hitler. Et si ce dernier bénéficie de l'appui du grand patronat, c'est bien parce que les sphères dirigeantes de la bourgeoisie pensent qu'il est le plus à même de défendre le capital national.

Un épisode significatif de cette réalité est le processus menant à l'élimination par Hitler des SA (Section d'Assaut) qui signe la volonté du Führer de se débarrasser de cette frange radicale et populiste des forces sur lesquelles il s'était appuyé au cours de son ascension politique, afin d'éviter tout débordement de sa part. Contrairement aux illusions des SA, il n'est nullement question pour Hitler de contester ou de porter atteinte de quelque manière que ce soit aux grandes figures de la bourgeoisie allemande à qui il doit son accession au pouvoir, de même que Mussolini avait dû remiser l'anticléricalisme des professions de foi du fascisme à ses débuts en Italie, afin de présenter une image plus respectable face à la grande bourgeoisie italienne. Le conflit entre les SA et Hitler se cristallise alors que l'aggravation de la situation économique en Allemagne met en situation ce dernier de devoir prouver la valeur de ses engagements populistes.

La population d'Allemagne qui voit cette année là le chômage diminuer, est cependant déçue par les promesses démagogiques d'Hitler non tenues. Hitler ne songe pas à heurter de front les intérêts de la grande industrie et des milieux financiers qui l'ont porté au pouvoir. Dès 1933, en conflit avec Röhm (chef des SA, les sections d'assaut), il déclare : "je réprimerai toute tentative de troubler l'ordre existant aussi impitoyablement que je materai la seconde révolution qui ne mènerait qu'au chaos". Il limoge un certain nombre de chefs nazis qui avaient essayé de prendre en main le contrôle des associations patronales et rétablit Krupp et Thyssen aux postes qu'ils occupaient[1]. Il liquide physiquement les SA et leurs chefs au cours de "la Nuit des longs couteaux" (le 30 juin 1934).

Les idéaux racistes, xénophobes et totalitaires du nazisme sont, du point de vue humain, une pure aberration. Ils sont, par contre, comme on va le voir, d'une grande utilité au service du capital national allemand. Hitler galvanisait le désir de revanche de l'Allemagne vaincue lors du premier conflit mondial et humiliée par le traité de Versailles. Le capital allemand avait besoin d'une main de fer capable de soumettre le pays aux exigences de la militarisation en vue de la prochaine guerre mondiale. De cela, d'autres hommes et formations politiques se réclamant de la démocratie étaient capables[2], mais c'est le programme de Hitler qui correspondait le mieux à la situation. En effet, la classe ouvrière ayant été laminée, il n'était plus nécessaire de l'immobiliser au moyen de la mystification démocratique rendant de ce fait superflu un régime démocratique. De plus, il s'agissait de rassembler par la contrainte toutes les fractions de la bourgeoisie.

Au service de cette entreprise, il fallait une idéologie. Celle-ci, à destination essentiellement de la petite bourgeoisie ruinée, allait prendre corps dans l'exaltation de la race aryenne et dans le racisme. La communauté juive en particulier allait être persécutée et mise hors la loi et bannie de la société. Face à la situation de crise économique aiguë, il fallait trouver des boucs émissaires et, là encore, les juifs furent la cible désignée. En particulier, l'élimination des artisans et petits commerçants juifs permettait de gagner au régime leurs concurrents "aryens" ruinés par la crise. En outre, la confiscation des biens des juifs (dont un nombre significatif appartenait à  la bourgeoisie ou à la petite bourgeoise aisée) permettait de remplir à bon compte les caisses de l'Etat.

La rationalité capitaliste de la xénophobie et de la purification ethnique

Dès le début de sa carrière politique, Hitler affiche la couleur de ses orientations idéologiques racistes, ultra nationalistes et anticommunistes. C'est ce qu'illustre le passage suivant de son discours de Munich du 22 juillet 1922 : "Le juif n'a jamais fondé aucune civilisation, bien qu'il en ait détruit des centaines. Il ne peut rien exhiber qui soit sa propre création (…) En dernier ressort, seul l'Aryen peut créer des Etats et les conduire sur le chemin de la grandeur future. Le Juif en est incapable. Et c'est parce qu'il en est incapable que toutes ses révolutions doivent être internationales. Elles doivent se répandre comme la peste. Déjà il a détruit la Russie ; aujourd'hui c'est au tour de l'Allemagne et, dans son envieux instinct de destruction, le juif cherche à supprimer l'esprit national des Allemands et à polluer leur sang"[3].

En cette période de crise et de contre-révolution, les juifs incarnent tout ce que le petit bourgeois exècre : le bouleversement social et le grand capital. Mais Hitler n'est pas seulement un tribun talentueux des idéaux racistes, il sait surtout faire de ceux-ci une arme idéologique au service de l'Etat. Les propos suivants échangés entre Hitler et Rauschning, après les pogromes de la nuit de Cristal des 9 et 10 novembre 1938, sont tout à fait significatifs de la manière dont il compte utiliser la haine des juifs : "Mes juifs sont les meilleurs otages dont je dispose. La propagande antisémitique est, dans tous les pays, une arme indispensable pour porter partout notre offensive politique. On verra avec quelle rapidité nous allons bouleverser les notions et les échelles de valeur du monde entier, uniquement par notre seule lutte contre le judaïsme. D'ailleurs, les juifs sont nos meilleurs auxiliaires. Malgré leur situation exposée, ils se mêlent partout, quand ils sont pauvres, au rang des ennemis de l'ordre et des agitateurs, et ils apparaissent en même temps comme les détenteurs patents et jalousés de capitaux formidables". Rauschning lui demande alors si la race juive devait être totalement anéantie. Hitler répond : "Non, au contraire, si le juif n'existait pas, il nous faudrait l'inventer. On a besoin d'un ennemi visible et non pas seulement d'un ennemi invisible. L'église catholique ne se contentait pas, elle non plus, d'avoir le diable. Elle avait aussi besoin d'hérétiques pour conserver son énergie combative." [4]

La terreur n'est pas seulement le moyen employé pour faire respecter l'ordre capitaliste et les contraintes du militarisme, elle est également mise au service de contraintes économiques par l'élimination de toute une partie de la population jugée indésirable du point de vue capitaliste. Dès le début du IIIe Reich, des milliers d'opposants au régime avaient été torturés ou supprimés par la Gestapo et les divers services de répression. Mais avec la guerre on en vint à exterminer des groupes d'hommes, de femmes et d'enfants qui n'avaient manifesté aucune opposition au régime. Un texte d'Hitler d'octobre 1939 autorisait certains médecins du IIIe Reich à décider de la mort de leurs patients jugés incurables.

Deux types de "justifications" étaient avancés à l'appui de cette décision. L'une relevait de l'eugénisme : il s'agissait d'améliorer la race en empêchant la propagation de maladies héréditaires. L'autre était d'ordre économique : les médecins devaient tenir compte aussi de la capacité de travail du malade[5].

En temps de crise, il existe toujours une partie de la population qui ne peut être employée pour faire fructifier le capital. D'où l'existence d'une surpopulation par rapport à ce critère de rentabilité. Les différentes méthodes envisagées et employées pour délimiter quelle partie de la population était excédentaire et comment s'en débarrasser montre la gradation dans la spirale sans fin de la barbarie.

Ainsi, la politique d'extermination ne s'est pas appliquée aux seuls juifs, mais également aux Tziganes, aux handicapés mentaux et aux malades incurables, aux populations slaves qu'il fallait éliminer par millions pour faire place aux colons de "bonne race".

Une nouvelle étape fut franchie lorsque, le 24 janvier 1939, Heydrich fut chargé par Hitler "de trouver une solution aussi favorable que possible à la question juive". Les deux méthodes adoptées à ce moment là furent l'émigration et l'évacuation.

Malgré les menaces d'anéantissement de la population juive en Europe en cas de guerre, formulées avec la même netteté dans plusieurs déclarations de Hitler à des diplomates étrangers en janvier-février 1939, les autorités nazies continuent à cette époque à pousser les juifs d'Allemagne à émigrer (contre paiement d'une forte "rançon") tandis que divers services élaborent des plans d'évacuation. En effet, la Grande-Bretagne ayant refusé d'accueillir les juifs en Palestine et les Etats-Unis sur le sol américain[6], les nazis envisagèrent, à partir de 1940, d'évacuer tous les juifs d'Allemagne à Madagascar. Le projet fut vite abandonné et Eichmann, chargé en vertu d'un décret de Goering du 31 juillet 1941 de toutes ces questions, regroupa les juifs des pays conquis en les concentrant dans l'ancienne Pologne.

C'est avec l'invasion de l'URSS qu'est inaugurée la politique d'extermination systématique de toute la population juive. En juin 1941, suivant les instructions de Hitler, Himmler ordonne au commandant du camp d'Auschwitz de construire des chambres à gaz.

Ainsi, 7.820.000 personnes furent déportées dans les camps de concentration. 700.000 seulement survécurent. Les autres furent éliminées volontairement ou succombèrent suite aux mauvais traitements, aux maladies, à l'exploitation forcenée.

La rationalité capitaliste de la terreur et de la barbarie

Le corset de fer sur la société destiné à la faire marcher d'un seul pas au service des objectifs impérialistes de l'Allemagne reposait en bonne partie sur l'utilisation de la terreur ouverte, comme dans les régimes staliniens, (les "démocraties", quant à elles, combinant habilement mystification démocratique et répression). Cette terreur doit s'exercer contre les opposants de tous ordres et être omniprésente afin d'éviter toute réaction de la part de ceux pour qui l'effort de guerre requiert le plus de sacrifices, sur les lieux de production et surtout sur le front.

Au sein du dispositif répressif, les camps de concentration occupent une place essentielle : "Les camps de concentration, créés en 1933, furent placés sous l'autorité de la Gestapo. Le lendemain des élections du 5 mars, selon la déclaration du consul américain à Berlin, la fureur de la populace se déchaîna sous forme d'agression de grand style contre les communistes, les juifs et toutes sortes d'autres personnes. Des bandes de miliciens rôdaient dans les rues, frappant les passants, brisant des vitres pour piller les étalages, allant même jusqu'au meurtre. Quant aux Allemands arrêtés par la Gestapo, "pour leur propre sécurité", on leur appliquait des procédés inqualifiables de brutalité et d'intimidation. Les victimes se chiffraient par centaines de mille"[7].

Avec la guerre et la nécessité pour l'Allemagne de faire régner son ordre sur les territoires occupés, les méthodes employées se sophistiquent et deviennent de plus en plus radicales. Destinés avant 1939 à accueillir les opposants intérieurs, les camps de concentration seront peu à peu transformés durant les hostilités en une gigantesque machine à tuer tous ceux qui sont soupçonnés de résistance en Allemagne ou dans les pays occupés ou vassalisés. Une instruction du général Keitel, du 12 décembre 1941, connue sous le nom de "Nuit et Brouillard", explique : "un effet d'intimidation durable ne peut être obtenu que par des condamnations à mort ou par des mesures telles qu'elles laissent la famille (du coupable) et la population dans l'incertitude quant au sort du détenu". C'est à cet objectif que répondait le transfert des détenus en Allemagne.

Les besoins en main d'œuvre se font sentir d'autant plus expressément que les difficultés militaires de l'Allemagne s'accroissent.

Au cours de l'année 1942, les camps de concentration changent de but. Ils vont acquérir désormais une fonction économique. Les camps deviennent un immense réservoir de matériel humain à bon marché, indéfiniment renouvelable et exploitable à merci. A partir de 1942, la gestion des camps sera remise entre les mains de Pohl, responsable de l'Office d'administration économique et, lors des conférences qui réunissent périodiquement les responsables de l'économie de guerre, la main d'oeuvre concentrationnaire entre en ligne de compte pour l'exécution des tâches fixées. De Mauthausen, de Ravensbrück, de Buchenwald, d'Auschwitz, les déportés sont envoyés dans toute une série de "kommandos", de camps annexes, d'usines souterraines où ils travaillent directement pour l'industrie de guerre.

Ainsi, le tiers au moins des ouvriers employés par les grandes sociétés, tels Krupp, Heinkel, Messerschmitt ou I.G. Farben étaient des déportés.

Le caractère de plus en plus expéditif et radical des moyens employés pour exploiter et se débarrasser de la population concentrationnaire témoigne des contradictions croissantes et insolubles dans lesquelles se trouve le capital allemand, en situation de plus en plus défavorable sur le plan impérialiste. Mais, arrivé à un certain stade, la barbarie acquiert sa propre dynamique qui n'obéit plus à aucune rationalité comme en ont témoigné toutes les expériences scientifiques auxquelles se sont livrés certains médecins allemands sur les déportés dans les camps et dont la description est inimaginable. C'est également ce qu'exprime "le sens artistique de certaines femmes SS qui collectionnaient les peaux de déportés tatoués avec lesquelles on faisait des abat-jour"[8] ou encore les "manies" du "professeur" August Hirt qui s'adressa en décembre 1941 à l'adjoint de Himmler, Brandt, afin d'obtenir, pour sa collection, "les crânes de commissaires bolchéviks juifs qui représentent le prototype de ces êtres inférieurs, repoussants mais caractéristiques"[9].

Les services rendus par le nazisme au camp démocratique : La répression de la classe ouvrière

Lorsque les armées nazies en déroute sont contraintes de reculer, il leur appartient d'assumer leur responsabilité de vaincu dans les territoires qu'elles abandonnent à l'administration de leurs vainqueurs. Ces responsabilités consistent en particulier à affaiblir la classe ouvrière, au moyen de la répression, de manière à ce qu'elle ne se soulève pas contre l'ordre capitaliste, comme ce fut le cas lors de la première guerre mondiale. C'est ainsi que la soldatesque nazie rendra de grands services à ceux qui pourtant étaient encore ses ennemis du camp impérialiste d'en face, et à l'ordre capitaliste comme un tout, en faisant le nettoyage là où existaient des menaces potentielles de soulèvement.

Pour sa part le camp allié s'était acquitté d'une mission équivalente à travers les bombardements massifs des populations civiles, et de la classe ouvrière en particulier, en l'Allemagne. Comme nous le développons dans l'article Les massacres et les crimes des grandes démocraties, "Ce n'est pas un hasard si les bombardements de terreur se sont systématisés au moment même où des grèves ouvrières éclataient en Allemagne et où, depuis la fin 43, les désertions au sein de l'armée allemande tendaient à s'amplifier".

En Italie, fin 42 et surtout en 43, des grèves éclatent un peu partout dans les principaux centres industriels du Nord. Lorsqu'à l’automne 43, après avoir débarqué en Sicile et occupé totalement et solidement tout le Sud de l’Italie, les Etats-Unis, sur les conseils de Churchill décident de "laisser l’Italie mijoter dans son jus", c'est bien pour laisser à l’armée allemande le soin de mater et briser la classe ouvrière, en occupant militairement tout le Nord de l’Italie et toutes ses grandes concentrations ouvrières (cf. Les massacres et les crimes des grandes démocraties [1]). C'est avec tout le zèle dont ils avaient déjà fait preuve que les corps spécialisés nazis s'acquitteront de cette mission à Naples.

C'est un scénario assez semblable qui se joue à Varsovie en juillet 44. Mais cette fois, c'est un autre allié, la Russie qui laisse faire l'armée allemande. Elle s'abstient d'intervenir en soutien au soulèvement de la population de cette ville, pourtant encouragé par les Alliés, contre l’occupation allemande. Le 30 juillet, toute la population se révolte alors que l'armée rouge se trouve aux portes de la ville. Les Alliés et l'URSS laisseront l'armée allemande écraser l'insurrection dans le sang, au terme de 63 jours de combats. Le bilan fut particulièrement lourd : 50.000 tués, 350.000 déportés en Allemagne, un million de personnes condamnées à l’exode et une ville complètement en ruines. Il n'était nullement nécessaire au régime hitlérien, d'un point de vue stratégique, d'inscrire cette "victoire" à son palmarès alors que ses armées étaient en pleine déroute. Ce faisant, en agissant de la sorte, il rendait un double service à l'URSS et au capitalisme comme un tout.

Le futur occupant, l'URSS, ne trouverait en effet devant lui qu’une population décimée et exsangue, et par conséquent peu capable de lui résister efficacement, ce qui n'était pas acquis au départ compte tenu du profond nationalisme anti-russe en Pologne. Par ailleurs, au sein de la population insurgée, la classe ouvrière avait un rôle prépondérant, et c'est elle qui s'est trouvée la plus exposée à la répression. Dans ces événements, elle ne se présentait pas sur le terrain de la défense de ses intérêts de classe, contrairement à la situation en Italie du Nord. Néanmoins, cette saignée dans les rangs ouvriers participait aussi des dispositions nécessaires pour limiter le plus possible les risques de surgissement prolétarien.

La barbarie nazie expression sans fard de la pourriture du capitalisme décadent

Si la barbarie nazie apparaît plus répugnante que celle des autres expressions du capitalisme décadent c'est parce que la barbarie de l'Etat démocratique est entourée de mille artifices et légitimations (défense des droits de l'homme, de la liberté) destinées à la rendre "acceptable". Contrairement à la propagande démocratique, celle du régime nazi revendiquait ouvertement et exaltait la violence barbare au service du nationalisme allemand et d'idéaux racistes. Cela tient au fait que, comme nous l'avons mis en évidence, dans les pays où s'instaure le nazisme, le prolétariat ayant été complètement laminé, la domination capitaliste n'a pas besoin des mystifications démocratiques pour s'exercer et maintenir son joug contre la classe ouvrière, ni ne connaît de limite à la mise en action de ses forces de répression.

C'est la raison pour laquelle le discours officiel des dirigeants nazis exprime on ne peut plus clairement et crûment la pourriture atteinte par le capitalisme décadent. En effet, même si ceux-ci présentent les traits de psychopathes sadiques et tyranniques, ils ne sont, en réalité, que le produit de la société bourgeoise décadente, et surtout ils ont été choisis en toute conscience, par la classe dominante et son "élite" pour diriger l'Etat.



[1] Sources : Guy Richard :"L'histoire inhumaine". L'industrie du meurtre collectif : Hitler et le IIIe Reich.

[2] Le SPD, qui a été le fer de lance de la défaite prolétarienne ouvrant la voie au fascisme, en bon serviteur du capital national, est tout à fait prêt à épouser dans sa propagande et son attitude politique, les thèmes nazis. Ainsi lorsque Hitler arrive au pouvoir en mars 33, donnant le signal dans toute l'Allemagne des violences antisémites, et que le premier camp de concentration destiné aux juifs et aux opposants est ouvert le 20 mars à Dachau, le 3 avril, "le SPD annonce sa rupture avec la IIe Internationale et désavoue les attaques de sa presse contre Hitler (…) Le 19 juin, le comité directeur du SPD décide d'éliminer les juifs de sa direction" (L'histoire inhumaine). C'est peine perdue pour ce parti passé dans le camp bourgeois en 1914. Après avoir rendu tant de services au capital, il ne lui est plus en cet instant d'aucune utilité. C'est pourquoi il sera balayé : "Le 22 juin, le SPD est interdit, tous les autres partis se dissolvent et, le 14 juillet, le NSDAP est érigé en parti unique". (L'histoire inhumaine)

[3] Sources : Guy Richard :"L'histoire inhumaine". L'industrie du meurtre collectif : Hitler et le IIIe Reich.

[4] Sources : Guy Richard :"L'histoire inhumaine". L'industrie du meurtre collectif : Hitler et le IIIe Reich.

[5] Sources : "Histoire de l'Allemagne contemporaine" ; Jean-Marie Argelès / Gilbert Badia ; Weimar – IIIe Reich ; L'extermination des "sous-hommes".

[6] Sources : Guy Richard :"L'histoire inhumaine". L'industrie du meurtre collectif : Hitler et le IIIe Reich.

[7] Une telle situation se reproduira à nouveau,  mais de façon beaucoup plus  cynique et significative de l'hypocrisie du camp impérialiste adverse, lorsque Joël Brandt tentera de faire conclure entre nazis et alliés un marché visant à faire libérer des juifs en échange de camions livrés à l'Allemagne. Preuve de leur intérêt pour la tractation, les nazis étaient disposés à libérer 100.000 juifs "gratuitement" avant toute livraison de camions, ce qui aurait permis aux alliés de sauver 100.000 personnes sans pour cela renforcer le potentiel de guerre ennemi. Les négociations échouèrent uniquement parce que le camp démocrate ne voulait pas s'encombrer de tous ces juifs qui représentaient pour lui le même problème qu'en Allemagne, des bouches inutiles supplémentaires à nourrir en temps de guerre. Comme le souligne notre article La co-responsabilité des "alliés" et des nazis dans "l'holocauste" (Chapitre I), la bourgeoisie "alliée" fut très discrète sur ces mêmes camps pendant la guerre elle-même, au point que ce thème fut absent de sa propagande guerrière. La thèse officielle prévalant encore aujourd'hui est qu'elle ne savait pas. Une telle thèse entre en contradiction évidente avec l'épisode Joël Brandt et le fait qu'il était impossible que les camps de concentration passent au travers des mailles des renseignements alliés, notamment ceux obtenus par son aviation. Il est évident que "les gouvernements alliés avaient été de leur côté informés par divers canaux dès 1942 (révélations faites par Gerstein, un SS, à un diplomate suédois, informations transmises à Allan Dulles en Suisse)." (Histoire de l'Allemagne contemporaine).

[8] Sources : Guy Richard :"L'histoire inhumaine". L'industrie du meurtre collectif : Hitler et le IIIe Reich.

[9] Sources : Guy Richard :"L'histoire inhumaine". L'industrie du meurtre collectif : Hitler et le IIIe Reich.

Les massacres et les crimes des grandes démocraties

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Le machiavélisme de la bourgeoisie, son art de la mise en scène, sa capacité à entraîner à la tuerie des centaines de milliers d’êtres humains, ne datent pas d’aujourd’hui. Les horreurs du Golfe ne sont de ce point de vue que la suite d’une longue série macabre.

Tout au long de la décadence du capitalisme, les "grandes démocraties" ont largement expérimenté ce type de scénarios et leur conclusion toujours sanglante, que ce soit à l’occasion de la situation toujours dangereuse qui prévaut dans le cas d’un pays vaincu à la fin d’une guerre, ou pour faire oublier ou tenter de justifier leurs propres crimes, en focalisant toute l’attention sur les crimes des "autres", en les "diabolisant".

De la première à la seconde Guerre mondiale

La liste des crimes et boucheries perpétrés par ces parangons du droit et de la morale que sont les vieilles démocraties bourgeoises est si longue qu’un numéro entier de cette revue y suffirait à peine. Rappelons pour mémoire la première boucherie mondiale où tous les protagonistes étaient des démocraties, y compris la Russie de 1917 du très "socialiste et démocratique" Kérensky et le rôle qu’y a joué la social-démocratie comme grand pourvoyeur de chair à canon. Cette dernière endossant résolument l’habit du boucher lors de la répression sanglante de la révolution en Allemagne en janvier 1919 où des milliers d’ouvriers périrent rien que dans la ville de Berlin. Souvenons-nous encore des corps expéditionnaires anglais, français et américains envoyés pour réduire à merci, par le sang, la révolution d’Octobre ; le génocide des Arméniens par l’Etat turc avec la complicité directe des gouvernements français et britannique ; le gazage des Kurdes par l’armée anglaise en 1925 ; etc. Au fur et à mesure que le système capitaliste s’enfonçait dans sa décadence, sa seule béquille, son seul moyen de survie fut de plus en plus la guerre et la terreur et ce tant dans les Etats "démocratiques" que "totalitaires". Mais dans le cadre forcément limité d’un article, nous nous attacherons tout d’abord à dénoncer ce qui constitue sans nul doute, avec la monstrueuse identification entre communisme et stalinisme, le plus grand mensonge de ce siècle : la nature de la seconde guerre mondiale, soi-disant "guerre de la démocratie contre le fascisme, guerre du droit et de la morale contre la barbarie nazie", comme l’enseignent encore aujourd’hui tous les manuels scolaires. Guerre où la barbarie aurait été essentiellement d’un seul côté, celui des puissances de l’Axe et où, dans le camp de nos vertueuses démocraties, la guerre n’aurait été que défensive et essentiellement, pour reprendre les termes actuels de la propagande bourgeoise, "une guerre propre".

L’étude de la seconde guerre impérialiste mondiale permet non seulement de mesurer l’énormité de ce mensonge, mais encore de comprendre comment, pendant et après la guerre du Golfe, la bourgeoisie démocratique a largement puisé dans l’expérience qu’elle a acquise durant cette période historique cruciale.

Les bombardements de terreur de la seconde Guerre mondiale sur la population allemande

Dès son arrivée au pouvoir en 1940, le chef du gouvernement de la plus vieille démocratie du monde, l’Angleterre, en même temps que le véritable dirigeant politique de la guerre, côté alliés, Sir Winston Churchill, met sur pied le "Bomber Command", noyau central des bombardiers lourds devant aller semer la terreur dans les villes allemandes. Pour justifier cette mise au point d’une véritable stratégie de la terreur, pour couvrir idéologiquement son lancement, Churchill utilisera les bombardements allemands massifs sur Londres et Coventry durant l’automne 1940 et celui sur Rotterdam en exagérant délibérément la portée de ce dernier. Les médias anglo-américains parleront de 30.000 victimes alors qu’il n’y en eut en fait qu’un millier. La couverture idéologique ainsi assurée, Lindemann, conseiller de Churchill peut en mars 1942 lui faire la suggestion suivante : "Une offensive de bombardements extensifs pourrait saper le moral de l'ennemi pourvu qu'elle soit dirigée contre les zones ouvrières des 58 villes allemandes, ayant chacune une population de 100.000 habitants" et il concluait en disant "qu'entre mars 1942 et le milieu de 1943, il devrait être possible de rendre sans abris un tiers de la population totale de l'Allemagne".  La bourgeoisie britannique adopte alors cette stratégie de terreur, mais dans toutes ses déclarations officielles, le gouvernement de sa gracieuse Majesté insistait sur le fait que le "Bomber Command ne bombardait qu'à des fins militaires et ne visait que des objectifs militaires, toute allusion à des attaques contre des zones ouvrières ou civiles étant rejetées comme absurde et attentatoire à l'honneur des aviateurs qui sacrifiaient leur vie pour la patrie" !

Première et sinistre illustration de ce cynique mensonge, le bombardement de Hambourg en juillet 43. L’utilisation massive des bombes incendiaires provoque la mort de 50.000 personnes, fait 40.000 blessés et ce, pour l’essentiel, dans des zones résidentielles et ouvrières. Le centre ville fut entièrement détruit et, en deux nuits, le nombre total de victimes fut à Hambourg égal au nombre de tués sous les bombardements, côté anglais, durant toute la durée de la guerre ! A Kassel, en octobre 43, près de 10.000 civils périrent dans une gigantesque tempête de feu. Face à certaines questions sur l’ampleur des dommages causés aux populations civiles, le gouvernement anglais répondait invariablement "qu'aucune instruction n'avait été donnée pour détruire des maisons d'habitation et que les cibles du Bomber Command étaient toujours des cibles militaires". Début 44, les raids de terreur sur Darmstadt, Könisberg, Heilbronn firent plus de 24.000 victimes chez les civils. A Braunshweig, perfectionnant leur technique au point qu’aucun mètre carré des zones d’habitations ne put échapper aux bombes incendiaires lâchées par les bombardiers, 23.000 personnes furent prises au piège du brasier gigantesque qu’était devenu le centre ville et périrent carbonisées ou asphyxiées. Cependant le black out était total et un général américain (les forces US commençant à participer massivement à ces "bombardements extensifs") déclare à cette époque : "A aucun prix nous ne devrions permettre aux historiens de cette guerre de nous accuser d'avoir dirigé des bombardements stratégiques sur l'homme de la rue". Quinze jours avant cette déclaration, un raid US sur Berlin avait provoqué la mort de 25.000 civils, ce dont était parfaitement au courant ce général. Les mensonges et le cynisme qui ont prévalu pendant toute la guerre du Golfe sont une longue et solide tradition de nos "grandes démocraties".

Cette stratégie de la terreur inspirée et dirigée par Churchill visait trois objectifs : accélérer la chute et la défaite militaire de l’Allemagne en sapant le moral de la population ; étouffer par le feu toute possibilité de révoltes et plus encore de surgissements prolétariens. Ce n’est pas un hasard si les bombardements de terreur se sont systématisés au moment même où des grèves ouvrières éclataient en Allemagne et où, depuis la fin 43, les désertions au sein de l’armée allemande tendaient à s’amplifier. Churchill, qui avait fait ses premières armes de boucher contre la révolution russe, était particulièrement attentif à ce danger. Enfin, en 1945, avant notamment la conférence de Yalta de février, il s’agissait de se placer, grâce à ces bombardements, en position de force face à une avancée de l’armée russe jugée trop rapide par Churchill.

Le déchaînement de barbarie et de mort entraîné par ces raids aériens dont les principales victimes étaient des ouvriers et des réfugiés, trouva son paroxysme à Dresde en février 45. A Dresde, il n’y avait aucune industrie importante, ni installation militaire ou stratégique et c’est cette absence qui fit de Dresde une ville refuge pour des centaines de milliers de réfugiés fuyant les bombardements et l’avancée de "l’armée rouge", aveuglés qu’ils étaient par la propagande démocratique des alliés, persuadés que Dresde ne serait jamais bombardée. Les autorités allemandes se laissèrent elles aussi aveugler par cette propagande puisqu’elles installèrent nombre d’hôpitaux civils dans cette ville. Cette situation était parfaitement connue par le gouvernement britannique, à tel point que certains chefs militaires du Bomber Command, émirent de sérieuses réserves quant à la validité militaire d’un tel objectif. On leur répondit sèchement que Dresde était un objectif prioritaire pour le premier Ministre et tout fut dit.

En bombardant Dresde les 13 et 14 février 45, la bourgeoisie anglaise et américaine savait parfaitement qu’il s’y trouvait alors près d’un million et demi de personnes dont un grand nombre de femmes et d’enfants réfugiés, de blessés et aussi de prisonniers de guerre. 650.000 bombes incendiaires tombèrent sur la ville produisant la plus gigantesque tempête de feu de toute la seconde guerre mondiale. Dresde brûla pendant huit jours, on voyait l’incendie à plus de 250 km. Certains quartiers de la ville étaient si brûlants qu’il fallut attendre plusieurs semaines avant de pénétrer dans certaines caves. Sur 35.000 immeubles d’habitation, seuls 7.000 restèrent debout, tout le centre ville avait disparu et la plupart des hôpitaux furent détruits. Le 14 février, 450 forteresses volantes américaines, prenant le relais des bombardiers anglais, déversèrent encore 771 tonnes de bombes incendiaires. Le bilan de ce qui fut sans conteste l’un des plus grands crimes de guerre de la seconde boucherie mondiale fut de 250.000 morts dont presque tous étaient des civils. A titre de comparaison, cet autre crime odieux que fut Hiroshima fit 75.000 victimes et les terribles bombardements américains sur Tokyo en mars 45 provoquèrent 85.000 morts ! !

Ordonnant le bombardement de Chemnitz les jours suivants, le commandement ne s’embarrasse plus d’aucune précaution oratoire. Il déclare aux aviateurs : "Vos raisons d'aller là-bas cette nuit sont d'achever tous les réfugiés qui peuvent avoir échappé de Dresde". Langage de bouchers s’il en fut, on peut mesurer à travers tout ceci qu’en termes de barbarie, la coalition anti-fasciste n’avait rien à envier aux nazis. Le 1er novembre 45, en 18 mois de bombardements, 45 des 60 principales villes allemandes avaient été quasiment complètement détruites. Au moins 635.000 civils périrent au cours de ces raids de terreur.

De même, en termes de cynisme et de mensonge éhonté, elle n’a pas non plus grand chose à envier à un Goebbels ou à un Staline. Face aux questions suscitées par ces terrifiants massacres, la bourgeoisie anglo-américaine répondit, contre toute évidence, que Dresde était un centre industriel et plus encore militaire très important. Churchill, quant à lui, ajouta d’abord que c’était les Russes qui avaient demandé qu’on effectue un tel bombardement, ce que tous les historiens s’accordent aujourd’hui à considérer comme faux, puis il tenta de rejeter la responsabilité sur les militaires, d’en faire une sorte de bavure ! ! Les travaillistes, ces chiens sanglants, ces tartufes immondes de la démocratie bourgeoise, enfourchèrent le même cheval de bataille pour tenter de se laver les mains d’une telle horreur. Le travailliste C. Attlee, qui avait succédé à Churchill, s’attira cette réponse du chef militaire du Bomber Command : "La stratégie de la force de bombardement critiquée par Lord Attlee fut décidée par le gouvernement de Sa majesté dont lui (Lord Attlee) a été un des chefs pendant presque toute la guerre. La décision de bombarder les villes industrielles fut prise, et prise avec une grande netteté, avant que je ne devienne commandant en chef du Bomber Command." La stratégie de la terreur fut une décision politique prise par l’ensemble de la bourgeoisie anglaise à laquelle s’est pleinement rallié cet autre "grand démocrate" qu’a été Roosevelt, qui, quant à lui, décida la fabrication de la bombe atomique. La barbarie démocratique a été pleinement à la hauteur de la barbarie fasciste et stalinienne. Les petits-fils de Churchill et Roosevelt que sont les Bush, Mitterrand et Major ont bien retenu leurs leçons pendant la guerre du Golfe, que ce soit en terme de massacre, de black out, de mensonges ou du cynisme le plus total[1].

Autre exemple de cette longue tradition démocratique consistant à masquer et justifier ses propres crimes et abominations en braquant tous les projecteurs sur d’autres crimes, d’autres horreurs : l’utilisation qui a été faite des camps de concentration pour justifier la barbarie de la boucherie impérialiste côté alliés. Loin de nous l’idée de nier la sordide et sinistre réalité de ces camps de la mort, mais la publicité obscène qui en a été faite depuis n’a rien à voir avec des considération humanistes et encore moins avec l’horreur légitime provoquée par une telle barbarie. La bourgeoisie, tant anglaise qu’américaine, savait parfaitement ce qui se passait dans ces camps. Et pourtant, chose étrange en apparence, elle n’en parle pratiquement pas pendant toute la guerre et n’en fait pas un thème central de sa propagande. Ce n’est qu’après la guerre qu’elle en fit l’axiome principal de sa justification de la seconde boucherie impérialiste mondiale et plus largement de la défense de la sacro-sainte démocratie.

La "démocratie" complice des massacres contre la classe ouvrière

La répression massive des populations kurde et chiite en Irak et la complicité totale dans ces massacres des "patries des Droits de l’Homme", peut se comparer jusqu’à un certain point avec l’attitude des Alliés durant la seconde guerre mondiale. Il ne s’agit pas ici de comparer des mouvements foncièrement bourgeois, dans lesquels les ouvriers ne jouent aucun rôle, si ce n’est celui de chair à canon, tel le mouvement nationaliste kurde, avec ce qui s’est passé en Italie où, en 1943, les ouvriers tendaient, du moins au début, à se tenir sur un terrain de classe. Mais une fois cette distinction fondamentale opérée, il s’agit de voir ce qu’il y a de commun dans l’attitude de la bourgeoisie démocratique entre hier et aujourd’hui.

En Italie

En Italie fin 42 et surtout en 43, des grèves éclatent un peu partout dans les principaux centres industriels du Nord. Partout on revendique pour un meilleur ravitaillement, de meilleurs salaires, et certains ouvriers appellent même à la constitution de conseils d’usine et de soviets, et ceci contre les staliniens du PCI de Togliatti. Le mouvement est d’autant plus dangereux pour la bourgeoisie que les ouvriers italiens immigrés en Allemagne se mettent eux aussi en grève et rencontrent souvent l’appui de leurs frères de classe allemands. C’est notamment face aux grèves ouvrières que fut prise la décision de renverser Mussolini et de le faire remplacer par Badoglio. Les Alliés, qui avaient appelé le peuple italien à se révolter contre le fascisme, débarquent alors en Sicile et à l’automne 43 occupent totalement et solidement tout le Sud de l’Italie. Mais, inquiets de cette situation potentiellement révolutionnaire, ils stoppent vite, sur la demande de Churchill, leur avance et restent cantonnés dans le Sud. Churchill, fort de son expérience de la vague révolutionnaire qui mit fin à la première guerre mondiale, craint comme la peste le renouvellement d’un semblable scénario. Il convainc alors les USA de "laisser l’Italie mijoter dans son jus", et ralentit sciemment la progression de l’armée alliée vers le Nord. Son but : laisser à l’armée allemande le soin de mater et briser la classe ouvrière, en occupant militairement tout le Nord de l’Italie et toutes ses grandes concentrations ouvrières. Il laisse ainsi délibérément l’armée allemande fortifier ses positions et l’armée alliée mettra 18 mois à conquérir l’ensemble de la péninsule. 18 mois pendant lesquels les ouvriers seront brisés par la soldatesque allemande avec la complicité objective des staliniens qui appellent à l’Union Sacrée derrière Badoglio. La sale besogne accomplie par les Allemands, les armées alliées pourront alors se poser en "libérateurs de l’Italie" et imposer tranquillement leurs vues en imposant la "Démocratie-Chrétienne" au pouvoir.

En Grèce

En Grèce, pays laissé à l’Angleterre dans le grand partage entre requins impérialistes, Churchill va aussi exercer ses talents de "champion de la liberté et de la démocratie". Des grèves et manifestations ouvrières éclatèrent fin 1944, grèves rapidement encadrées et dévoyées par les staliniens qui dominaient, via l’ELAS, toute la résistance grecque. L’ELAS va entraîner la population athénienne à affronter pratiquement à mains nues les tanks britanniques occupant alors la ville. Les tanks démocratiques de Sa Très Gracieuse Majesté rétablirent l’ordre dans le sang, au point qu’Athènes qui, jusqu’alors, vu sa qualité de ville historique, n’avait jamais été bombardée, fut bientôt une ville à moitié en ruine. Churchill dira au général anglais commandant les troupes : "Vous êtes responsable du maintien de l'ordre à Athènes, et devez détruire ou neutraliser toutes les bandes ELAS qui approcheront de la ville... L'ELAS essaiera bien entendu de pousser des femmes et des enfants en avant partout où la fusillade pourra être ouverte. N’hésitez pas cependant à agir comme si vous vous trouviez dans une ville conquise où se serait déclenchée une révolte locale." (A. Stinas Mémoires d’un révolutionnaire). Résultat : pris entre l’enclume stalinienne et le marteau démocratique, des milliers d’ouvriers périront.

En Pologne

Ce qui se passe à Varsovie peut encore plus directement être rapproché de la stratégie cynique employée par la bourgeoisie occidentale à la fin de la guerre du Golfe. L’"armée rouge" est aux portes de Varsovie, à 15 km de la ville le 30 juillet 44 ; éclate alors le soulèvement de la population de Varsovie contre l’occupation allemande. Depuis des mois, les Alliés et l’URSS n’avaient cessé d’exhorter cette population au soulèvement, promettant dans ce cas toute leur aide, et à la veille du soulèvement Radio Moscou appelait Varsovie à l’insurrection armée, en l'assurant du soutien de "L'Armée rouge". Toute la population se révolte alors et, dans un premier temps, cette insurrection populaire, dans laquelle les ouvriers jouèrent un grand rôle, bien que le poids de l’encadrement nationaliste soit très fort, réussit à libérer une bonne partie de la ville de l’occupation militaire allemande. La population se lance d’autant plus massivement dans cette aventure qu’elle est convaincue de recevoir rapidement de l’aide : "L'aide alliée à notre soulèvement paraissait aller de soi. Nous combattions l'hitlérisme, par conséquent nous avions le droit de supposer que toutes les nations unies dans cette lutte nous fourniraient un secours efficace... Nous espérions que les secours viendraient immédiatement." (Z. Zaremba : La Commune de Varsovie). Staline avait initialement prévu de rentrer dans Varsovie au tout début d’août : l’armée allemande était en déroute, et aucun obstacle militaire sérieux ne s’opposait plus à cette entrée. Mais devant l’insurrection et son ampleur, il change de plan et retarde délibérément l’avancée de l’armée russe qui va rester cantonnée aux portes de Varsovie pendant deux mois. Elle ne reprendra son avancée qu’une fois l’insurrection écrasée dans le sang par l’armée allemande, au bout de 63 jours. Il déclare froidement que "cette insurrection était réactionnaire et qu'il se dissociait d'une aventure imprudente et terrible dont les instigateurs étaient des criminels". (Z. Zaremba). Pendant tout ce temps, dans la ville, les troupes allemandes regagnent position après position, il n’y a plus d’eau et d’électricité, et les munitions, côté insurgés, se font de plus en plus rares. Les insurgés attendent toujours une aide de l’armée russe. Non seulement celle-ci ne vient pas, mais encore Staline les dénonce comme des "séditieux fascistes". La population attendait aussi de l’aide côté anglo-américain. Cette aide, au-delà de bonnes paroles affirmant "l’enthousiasme et la solidarité envers l’insurrection" des gouvernements britannique et américain, ne prendra que la forme dérisoire de quelques maigres parachutages d’armes, totalement insuffisants pour permettre de s’opposer à l’avancée des troupes allemandes et ne servant, de fait, qu’à accroître encore le nombre des tués et des blessés et à prolonger les souffrances vaines de la population de la capitale polonaise. En fait, Staline, devant l’ampleur de l’insurrection, décide, comme Churchill en Italie, "de laisser Varsovie mijoter dans son jus", dans le but évident d’avaler la Pologne sans rencontrer d’obstacle sérieux du côté de la population polonaise. En cas de succès de l’insurrection de Varsovie, le nationalisme se serait trouvé considérablement renforcé et aurait pu dès lors mettre de sérieux bâtons dans les roues des visées de l’impérialisme russe. Il inaugurait en même temps le rôle de gendarme anti-prolétarien, face à une menace ouvrière potentielle à Varsovie, qui lui fut dévolu et qu’il remplit avec zèle à la fin de la seconde guerre mondiale pour tout l’Est de l’Europe, Allemagne comprise. En laissant l’armée allemande écraser l’insurrection, il ne trouverait devant lui, ce qui fut le cas, qu’une population décimée et exsangue, donc peu capable de résister efficacement à l’occupation russe et ce sans avoir, de plus, à se salir lui-même les mains puisque les "hordes barbares nazies" faisaient le sale boulot à sa place.

Du côté anglo-américain, où l’on savait parfaitement ce qui se passait, on laisse faire, car Roosevelt avait tacitement laissé la Pologne à l’impérialisme russe, la population de Varsovie fut ainsi froidement sacrifiée sur l’autel des grands marchandages entre requins impérialistes. Le bilan de ce piège mortel lancé aux habitants de Varsovie par Staline et ses complices démocrates fut particulièrement lourd : 50.000 tués, 350.000 déportés en Allemagne, un million de personnes condamnées à l’exode et une ville complètement en ruine[2].

Vis-à-vis des événements de Varsovie, le cynisme de la bourgeoisie apparaît encore plus monstrueux si l’on se souvient que ce fut l’invasion de la Pologne qui décida l’Angleterre et la France à entrer en guerre pour sauver "la liberté et la démocratie en Pologne" !... Lorsqu’on compare la situation d’août 44 à Varsovie avec la situation de l’après-guerre du Golfe, et si on remplace les polonais par les kurdes, Hitler par S. Hussein et Staline par Bush, on retrouve le même cynisme impitoyable de la bourgeoisie et les mêmes pièges sanglants où la bourgeoisie, pour ses sordides intérêts impérialistes, tout en ayant partout à la bouche les mots de liberté, démocratie et Droits de l’Homme, condamne froidement au massacre des dizaines, des centaines de milliers d’êtres humains.

La seconde boucherie mondiale constitua pour la bourgeoisie une formidable expérience, pour tuer et massacrer des millions de civils sans défense, mais aussi pour dissimuler, masquer, justifier ses propres crimes de guerre monstrueux, en "diabolisant" ceux de la coalition impérialiste antagoniste. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les "grandes démocraties", malgré tous leurs efforts pour se donner un air respectable, apparaissent plus que jamais maculées des pieds à la tête par le sang de leurs innombrables victimes.

"Démocratie" et massacres coloniaux

"Le capitalisme est né dans le sang et dans la boue" comme le disait Marx, et les crimes et génocides qu’il a accomplis tout au long de la colonisation illustrent de façon saisissante ce monstrueux accouchement. "Transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires", "os des tisserands indiens blanchissant les plaines de l’Inde" (Marx), résultat de la colonisation britannique du continent indien, etc. La liste exhaustive de tous ces génocides serait elle aussi beaucoup trop longue pour le cadre de cet article. Par ailleurs, quelles que soit les terribles souffrances qu’il infligeait à l’humanité, le système capitaliste était pendant toute sa phase ascendante encore progressiste, car, en permettant le développement des forces productives, il développait en même temps, et la classe révolutionnaire, le prolétariat, et les conditions matérielles nécessaires à l’avènement du communisme. Plus rien de tel à "l’ère des guerres et des révolutions" marquant l’entrée en décadence d’un système devenu purement réactionnaire. Désormais, les massacres coloniaux n’étaient plus que le terrible prix du sang dû à la survie d’un Moloch menaçant maintenant jusqu’à la survie de l’espèce humaine. Dans ce cadre, les multiples crimes et massacres coloniaux commis par les "patries des Droits de l’Homme" que sont les vieilles démocraties bourgeoises n’apparaissent plus que pour ce qu’ils sont : de purs actes de barbarie[3].

Au sortir de la seconde boucherie mondiale, les vainqueurs et notamment ces trois vieilles démocraties que sont les USA, la Grande Bretagne et la France, promettaient au monde entier l’avènement partout de la liberté et de la démocratie, car n’était-ce pas pour elles qu’elles avaient consenti tant de sacrifices ? Voyons, puisque l’on a beaucoup parlé auparavant du rôle joué par les anglais et les américains, comment s’est comportée le troisième larron de cet inestimable trio du florilège démocratique, "la patrie par excellence des Droits de l’Homme" : la France.

En Algérie, 1945

En 1945, le jour même de la capitulation de l’Allemagne, le gouvernement très démocratique de De Gaulle, comprenant alors des ministres "communistes", ordonne à l’aviation française, dont le ministre était le stalinien Tillon, de bombarder Sétif et Constantine, où des mouvements nationalistes osaient remettre en cause la domination coloniale de la gracieuse démocratie française. Les victimes et blessés se comptèrent par milliers et certains quartiers populaires furent réduits en cendres.

A Madagascar, 1947

En 1947, le ministre de la France d'Outre-mer, le très "démocrate et socialiste" Marius Moutet, organise la terrible répression du mouvement indépendantiste malgache, en utilisant là encore l’aviation, relayée ensuite par les tanks et l’artillerie. De nombreux villages seront rasés, l’on expérimente là, pour la première fois, la sinistre tactique de jeter des prisonniers du haut des avions pour qu’ils s’écrasent sur des villages, et il y aura au total 80.000 morts ! !...

En Indochine

A peu près à la même époque, le même M. Moutet ordonne le bombardement de Haiphong en Indochine, sans déclaration de guerre préalable. Durant la guerre d’Indochine l’armée française se fait les dents, en systématisant la torture : gégène, baignoire, tout l’arsenal y est. Elle établira une règle des plus démocratiques en ordonnant que pour un soldat français tué, huit villages soient brûlés ! ! Un témoin raconte qu’en Indochine "l'armée française se comportait comme les boches le faisaient chez nous", et il ajoute que "comme à Buchenwald où l'on trouva une tête humaine coupée dans le bureau du commandant du camp, l'on trouvait le même semblable objet, servant de presse-papiers, dans nombre de bureaux d'officiers français." Décidément, encore une fois, la soldatesque galonnée démocratique n’a rien à envier à la soldatesque galonnée nazie ou stalinienne ! ! Et les "Viets" et leurs atrocités, dont la presse de l’époque faisait sa "Une" (rappelons au passage qu’en 1945 Hô Chi Minh aide les "impérialistes étrangers" à écraser la commune ouvrière de Saïgon, cf. notre brochure Nation ou Classe), ou plus tard le FLN en Algérie, étaient à bonne école et appliquaient les leçons fournies par la très démocratique armée française.

La guerre d'Algérie

Lors du début de l’insurrection et rébellion nationaliste algérienne, les "socialistes" étaient au pouvoir en France et le gouvernement comprenait alors Guy Mollet, Mendès-France et le jeune F. Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur. Le sang de tous ces "authentiques démocrates" ne fit qu’un tour et les pleins pouvoirs sont confiés à l’armée en 1957 pour rétablir "l’ordre républicain". Très vite les grands moyens sont employés, en représailles d’un attentat contre des colons ou l’armée, on rase des villages et des douars entiers, l’aviation mitraille systématiquement des caravanes. Deux millions d’algériens, soit près du quart de la population totale, furent chassés de leurs villages et zones de résidence, pour être parqués à la totale merci de l’armée dans des "camps de re-groupements" où, selon un rapport de M. Rocard, alors inspecteur des finances : "Les conditions sont déplorables et au moins un enfant meurt par jour". Très vite le général Massu et son complice Bigeard, devenu ensuite ministre de Giscard, se découvrent des talents de tortionnaires. La torture devient partout systématique et à Alger un mot devient vite célèbre, ce-lui de "disparu". Une bonne partie de ceux qui sont livrés à la soldatesque ne réapparaît plus jamais. Comme le souligne une note de l’inspecteur général Wuilhaume adressée à Mitterrand courant 1957 : "Les coups, la baignoire, le tuyau d'eau, l'électricité sont partout employés." "A Boulemane, comme dans beaucoup de petites villes des Aurès, la salle de torture fonctionnait jour et nuit... et il n'était pas rare qu'au mess des officiers on boive le champagne dans des crânes de fellagas (combattants du FLN)". En 1957 le secrétaire général de la préfecture d’Alger, P. Teitgen, dit à propos des tortures à l’avocat P. Vergès : "(...) Tout cela je le sais hélas et vous comprendrez bien que l'ancien déporté que je suis ne peut le supporter (et il va d'ailleurs démissionner). On se conduit parfois comme les Allemands se conduisaient", et il ajoute qu’il connaît toutes les villas d’Alger où l’on torture...

Cette déclaration d’un haut fonctionnaire est particulièrement intéressante car elle met en lumière, une fois de plus, l’incroyable duplicité de ceux qui nous gouvernent, et particulièrement des sociaux-démocrates. Ainsi G. Mollet dé-clare le 14 avril 57 à la fédération socialiste de la Marne : "Sans doute des actes de violence extrêmement rares ont été à déplorer. Mais ils ont été, je l'affirme, consécutifs aux combats et atrocités des terroristes. Quant aux actes de torture prémédités et réfléchis, je dis que si cela était ce serait intolérable. On a comparé à ce sujet le comportement de l’armée française à celui de la Gestapo. Cette comparaison est scandaleuse. Hitler donnait des directives qui préconisaient ces méthodes, tandis que Lacoste et moi avons toujours donné des ordres dans un sens absolument contraire." Ceux-ci prétendent tout ignorer, alors qu’ils sont parfaitement au courant de la situation, et que ce sont eux qui donnent les ordres. Comme dans toute bande de gangsters, il y a toujours ceux qui commanditent le crime, et ceux qui l’exécutent. On focalise toujours l’attention sur les "flingueurs", qui sont dans ce cas Massu et Bigeard, pour blanchir les véritables responsables, en l’occurrence la canaille social-démocrate qui est au pouvoir. La bourgeoisie française, "socialistes" en tête, a par la suite toujours présenté les massacres et atrocités commises en Algérie (par exemple, de 1957 à l’arrivée de De Gaulle au pouvoir en 1958, 15 000 enfants algériens disparaissaient chaque mois) comme étant l’oeuvre de militaires sanguinaires, outrepassant les ordres, mais celui qui a donné ces ordres est sans conteste le gouvernement "socialiste". Encore une fois, qui est le plus criminel : celui qui exécute le crime ou celui qui l’ordonne ?[4]

La bourgeoisie, dans sa version démocratique, s’est toujours acharnée à présenter ses crimes, dès que ceux-ci sont trop évidents qu’on ne peut plus les cacher, comme une bavure, un accident, ou comme l’oeuvre de militaires outrepassant la mission qui leur était dévolue. On l’a vu en France à propos de l’Algérie, on l’a vu aux USA à propos du Viêt-Nam. Tout ceci n'est que de sinistres tartuferies dont le seul but est de préserver le grand mensonge démocratique.

Pour perpétuer sa domination sur la classe ouvrière, il est vital pour la bourgeoisie de maintenir en vie la mystification démocratique, et elle s’est servie et continue de se servir de la faillite définitive du stalinisme pour renforcer cette fiction. Contre ce mensonge d’une prétendue différence de nature entre "démocratie et totalitarisme", toute l’histoire de la décadence du capitalisme nous montre que la démocratie s’est tout autant largement vautrée dans le sang que le totalitarisme, et que ses victimes se comptent par millions. Le prolétariat doit aussi se rappeler que jamais la bourgeoisie "démocratique" n’a hésité, pour défendre ses intérêts de classe ou ses sordides intérêts impérialistes, à soutenir et encenser les plus féroces dictateurs. Souvenons-nous du temps où les Blum, les Churchill, etc. ..., appelaient Staline "Monsieur Staline" et où celui-ci était nommé "l’homme de la Libération" !  Plus près de nous, rappelons-nous du soutien apporté à Saddam Hussein ou encore à Ceausescu, félicité par De Gaulle et décoré par Giscard d'Estaing. La classe ouvrière doit faire sien le fait que la démocratie, hier, aujourd’hui, et plus encore demain, n’a jamais été et ne sera jamais autre chose que le masque hypocrite avec lequel la bourgeoisie re-couvre le visage hideux de sa dictature de classe, pour mieux l’enchaîner et la réduire à merci.



[1] Les citations de cette partie sont tirées de :

- "La destruction de Dresde" de David Irving, Editions Art et Histoire d’Europe.

- "La seconde guerre mondiale" de Henri Michel, Editions PUF.

[2] "La Commune de Varsovie trahie par Staline, massacrée par Hitler" de Zygmunt Zaremba, Editions Spartacus.

[3] A propos de la différence entre la démocratie bourgeoise dans l’ascendance et la décadence du capitalisme on consultera utilement notre plate-forme et notre brochure "La décadence du capitalisme".

[4] "Les crimes de l’armée française" de Pierre Vidal-Naquet, Editions Maspéro. Alors que la bourgeoisie française essaye de présenter l’Algérie comme son dernier "pêché colonialiste", sous-entendu, elle aurait depuis les mains propres, d’autres massacres ont été perpétués depuis la guerre d’Algérie, notamment au Cameroun où de sanglantes exactions furent commises par l’armée française.


URL source:https://fr.internationalism.org/french/brochures/fascisme_democratie_IV.htm

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/french/brochures/fascisme_democratie_massacres_et_crimes.htm