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Internationalisme no.328

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Elections communales: Grand-messe démocratique pour masquer les mesures d'austérité

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Les élections communales du 8 octobre 2006 resteront dans l’histoire comme "La bataille d’Anvers". Des équipes de télévision venant de tous les coins de l'Europe étaient réunies dans "la capitale de l'extrême-droite" pour ce qu'on appelait un tsunami médiatique: le bourgmestre Patrick Janssens du SP.a social-démocrate serait-il à même de mettre un terme au succès populiste de l'hérétiqueVlaams Belang (VB)? Le cordon sanitaire autour de l'intolérable VB tiendrait-il le coup? Le 7 octobre, De Morgen titrait fièrement en première page: "Toute l'Europe se fixe sur Anvers". Le cri de guerre était: "Extrême-droite, No Pasaran!" soutenu par toute la société civile, les artistes Helmut Lotti, Wil Tura et Adamo jusqu'à Gorki, Zap Mama, Clouseau, Arno et dEUS qui se sont mobilisés à Anvers, Gand, Bruxelles et même Charleroi, pour entraîner essentiellement la jeunesse dans une campagne "pour plus de tolérance". Le lendemain, la télévision mondiale, "soulagée", pouvait annoncer que la mission avait réussi. La menace d'un "dimanche noir" qui apparaissait à l'horizon se transforma en "ferveur rouge qui a ranimé l'espoir" (De Morgen, 10.10.06). Patrick Janssens déclarait exalté: "Je constate qu'il est possible de contrer le VB en menant une politique positive". On parlait en termes superlatifs, on versait des larmes, on s'extasiait comme une grande famille devant les caméras, et ensuite a commencé la ronde des intrigues pour le partage des sièges échevinaux.

La campagne "présidentielle" polarisée du "démocrate" Patrick Janssens contre le "fasciste" Filip Dewinter semblait renvoyer au duel de 1936 à Bruxelles entre le Premier Ministre démocratique Van Zeeland, contre le dirigeant des rexistes Degrelle. Janssens a remercié également le bourgmestre social-démocrate d'Amsterdam Job Cohen, le contre pôle civique-démocratique du populisme, pour son rôle exemplaire en matière de "mesures positives" dans la politique des métropoles. Ainsi, Patrick Janssens était poussé en avant, comme champion de la "démocratie" et de "l'équité" contre l'intolérance et la haine, des mesures "positives" contre tout "négativisme".

En fait, la bourgeoisie peut parfaitement bien vivre avec une aile populiste de droite. Car le mécontentement contient une menace et la bourgeoisie préfère finalement, dans certaines limites, qu'il s'exprime par des votes VB plutôt que d'attiser la lutte de classe. Circonstanciellement, la bourgeoisie peut utiliser le populisme de droite, mais s'il prend trop d'ampleur, il risque de se retourner contre elle parce que des mandats importants se retrouveraient aux mains de politiciens "irresponsables" et "incontrôlables".

L'importance du populisme de droite a aussi tendance à décliner pour une autre raison: la bourgeoisie doit se préparer au changement du rapport de forces entre les classes et disposer ses armes politiques le plus favorablement possible face au prolétariat. Il y a une nouvelle génération, pour qui le mot "solidarité" prend de nouveau une signification. Tant que la lutte de classes n'éclate pas, la bourgeoisie préfère faire passer ses mesures d'austérité "en douce", furtives et sournoises, présentées comme "socialement équitables", prises par un appareil politique bourgeois recrédibilisé, alternant régulièrement sa composition politique. Ainsi, le langage débonnaire de la "tolérance" cache les dures attaques à venir.

La bourgeoisie doit alimenter l'illusion, surtout chez les jeunes, que la démocratie bourgeoise peut faire disparaître le mécontentement, résoudre les problèmes et le cas échéant les maintenir sous contrôle. Ainsi, la classe ouvrière est entraînée dans le faux choix entre populisme de droite et démocratie bourgeoise, et donc loin du combat sur son terrain de classe. La politique "positive" de Patrick Janssens en est précisément le modèle: le mécontentement et la combativité sont par avance qualifiés de "négativisme". Ce qui signifie que nous devons accepter en silence les mesures d'austérité à venir, sous peine de courir le risque d'être poussés dans le même coin que les pleurnichards du VB, ou plus généralement dans le coin de "l'extrémisme", de "l'irresponsabilité" et du "déraisonnable".

Une campagne sur la crédibilité de l'Etat bourgeois préparée depuis de longue date

La "lutte contre le populisme de droite" est principalement, pour la bourgeoisie, une opérette de solidarité avec l'appareil d'Etat belge. Tout le cirque électoral est destiné à enfermer le mécontentement au sein de la classe ouvrière dans les structures politiques classiques de la bourgeoisie. La nouvelle "crédibilité" sera ensuite utilisée pour présenter les nouvelles attaques sur la classe ouvrière comme "socialement justifiées", "raisonnables", "inévitables", l'ensemble servi aux ouvriers comme la "grande victoire" de la démocratie contre le populisme de droite.

Dans la politique bourgeoise, une "épuration" sans précédent s'est développée. Après le jeu des chaises musicales des transfuges politiques, les dissidences à la gauche et à la droite des partis, les dirigeants qui "prennent leurs responsabilités" en disparaissant, après l'affaire Dutroux, les marches blanches, une police et une justice en échec, des criminels en fuite, des militaires conspirateurs, les scandales de corruption aux PS/SP, les vaches folles, les poulets à la dioxine et la peste porcine, en bref après des battages idéologiques incessants, la bourgeoisie tente de restituer au paysage politique un semblant de stabilité. Du côté wallon également, peu de changement, le PS épuré d'Elio Di Rupo ("J'en ai marre des parvenus") a su se maintenir. Les victimes, accusées de corruption, de clientélisme et de profits personnels disparaissent pour laisser la place à des "dirigeants compétents", qui doivent regagner la confiance. Les noms des partis et leurs présidents sont changés. Selon le malinois Bart Somers, ce dont on a besoin est une: "Cohésion interne, bonne gouvernance et explication permanente du dur travail fourni" (De Morgen, 10.10.06). Mais n'importe la façade, l'exploitation et les attaques contre les conditions de vie et de travail demeurent et ces thèmes sont totalement absents des campagnes électorales.

Une campagne pour dresser les ouvriers les uns contre les autres et répandre le sentiment de culpabilité

On peut légitimement se poser la question de savoir si la bourgeoisie n'a pas consciemment laissé pourrir la situation à Anvers, pour ensuite s'empresser de "faire le ménage". Cela fait des années que durent les chamailleries sur les "blessures" de la "société multiculturelle". Les générations précédentes d'immigrés n'avaient pas de gros problèmes d'intégration, car ils pouvaient nourrir l'espoir d'offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Aujourd'hui, face au chômage accru, cet espoir s'est en grande partie évanoui, et des problèmes apparaissent, que la bourgeoisie exploite contre la classe ouvrière sans pouvoir y apporter une solution: "radicalisation" d'un côté, "intolérance" de l'autre. La bourgeoisie a donné au chômage croissant un visage ethnique et pointe pour les conséquences de la crise économique un doigt accusateur sur les immigrés. Entre-temps, des "illégaux" qui portent des secteurs entiers comme celui de la construction, menaceraient des emplois "belges" et contribueraient à faire pression sur les salaires. Ainsi, la politique d'immigration démocratique-bourgeoise a offert gratuitement une plate-forme à Filip Dewinter pour ses campagnes haineuses. C'est donc la bourgeoisie elle-même qui a fait le lit de "l'intolérance", qu'elle a ensuite exploitée contre la classe ouvrière en répandant des sentiments de culpabilité, en diffusant une impression d'impuissance et de honte chauvine, contre lesquels elle s'attribue le monopole de la "solidarité". "Nous sommes condamnés à vivre ensemble, quels que soient nos convictions politiques, notre religion ou notre origine ethnique. Le faire dans un modèle de conflit s'aggravant sans cesse ou le faire dans une tentative de dialogue constructif, c'est le choix que la Flandre fera dimanche pour les six années à venir" (Yves Desmet dans De Morgen, 7.10.06). A un moment donné, on raconte aux ouvriers qu'ils ont enregistré une fantastique victoire de la "tolérance", et à un autre moment, ils sont stigmatisés d'être la source même de "l'intolérance".

Un peu d'acte de malveillance apparaît aussi du fait que ces vingt dernières années, aucun politicien national n'est venu de la région d'Anvers, une ville où la politique s'est de plus en plus limitée à une histoire de clientélisme et d'enrichissement personnel. Patrick Janssens, un publiciste récemment sorti du milieu professionnel, n'est apparu il y a qu'à peine trois ans pour renverser la vapeur face au populisme. Mais en quoi consiste sa "politique positive", si ce n'est en mesures d'austérité, déjà mises en œuvre depuis des décennies, graduellement et parfois de façon accélérée et plus dure, et sous les prétextes les plus divers? Le contrôle social s'est renforcé, et les  intimidantes "visites domiciliaires" sont devenues normales, une mesure que même Filip Dewinter n'aurait pas facilement osé annoncer. Le paiement des heures supplémentaires et des primes est dans le collimateur, il n'est question que de flexibilité, d'augmentation des charges de travail, de responsabilité plus grande pour les travailleurs de la ville, et de licenciements pour ceux qui ne tiendraient plus le coup. Patrick Janssens n'a en rien modifié la stratégie politique, mais bien son marketing.

Les rôles étaient clairement répartis d'avance entre SP.a-Spirit, VLD et CD&V-N-VA à Anvers: les deux derniers ont volontairement consenti des sacrifices pour "dépanner" le SP.a, et surtout pour lui offrir l'opportunité de dépasser le VB. Jamais depuis trente ans le SP.a n'avait enregistré de tels scores ni connu une telle victoire électorale dans les grandes villes flamandes (1). Il a été clairement notifié à Filip Dewinter qu'il  pouvait oublier le maïorat d'Anvers; la bourgeoisie ne le laisse faire son numéro récalcitrant qu'à condition que cela lui convient. Le VB n'a cependant pas encore perdu à Anvers, alors que dans la province il a encore récolté un score électoral supérieur. Malgré que Borgerokko (2) s'appelle de nouveau Borgerhout, le parti récolte encore toujours pour toute la Flandre autour de 20%. Pourtant, il a été décrété un peu vite que ceci était le début du déclin historique du VB. Mais, puisque le "danger" n'est pas encore écarté, cette campagne idéologique peut encore sans problème devenir un enjeu pour les élections nationales de l'an prochain, pour lesquelles une victoire définitive de la démocratie bourgeoise sur le populisme de droite est mise en perspective.

Pour la bourgeoisie, le VB est en partie un thermomètre et une soupape par rapport au mécontentement réel. Un vote de mécontentement en faveur du VB trahit non seulement un faible niveau de conscience de classe, mais en plus, du fait de la xénophobie en vogue, il forme aussi un obstacle important pour la défense unifiée des intérêts matériels de la classe ouvrière. Ainsi le populisme, qu'il soit de droite comme celui qui est maintenant "combattu", ou de gauche comme celui qu'on met en place pour préparer l'avenir (3), fait pour le moment partie intégrante du paysage politique de la bourgeoisie.

L'an prochain, Verhofstadt livrera bataille avec ses partenaires gouvernementaux sur le partage des voix (le PS/SP.a ne peut quand même pas devenir trop important), mais l'accent sera mis sur la campagne contre le VB et "l'équité" de la politique étatique, et surtout des mesures décidées démocratiquement: nouvelles attaques contre les conditions de travail et de vie de la classe ouvrière et de toute la population non exploiteuse.

Pour la bourgeoisie, ces élections ont été un formidable succès. Non seulement le populisme de droite a été ramené à des proportions gérables, mais en plus, toute la politique bourgeoise y a gagné en crédibilité et la campagne autour de la "bonne gestion" a fait le lit des nouvelles mesures d'économie. Une lourde tâche attend la classe ouvrière: apercevoir ces manœuvres et les combattre en engageant la lutte sur son propre terrain de classe.

Manus / 31.10.06

(1)    A ce propos, Filip Dewinter du VB n'avait pas tout à fait tort de parler de "victoire à la Pyrrhus": la victoire électorale du SP.a était comme la victoire d'un "cannibale" qui aurait dévoré ses partenaires de coalition, le VLD libéral du premier ministre Verhofstadt et le CD&V-N-VA chrétien, pour pouvoir devenir le plus grand. Patrick Janssens a aussi déclaré qu'il serait "royal" envers les partis perdants lors du partage des mandats: "Je veux remercier tous les autres partis de la majorité. Je comprends qu'ils ne trouvent pas ce résultat totalement équitable, je leur donne raison". Et la tête de liste VLD, Ludo Van Campenhout, remarquait immédiatement: "il y a aussi une logique politique, et elle dit que Janssens va devoir rembourser un bon paquet de ce qu'il a reçu dimanche" (DE Morgen, 8.10.06). en d'autres termes, "CD&V et VLD ont déjà fait savoir qu'ils avaient l'intention de négocier fermement, pour éviter que dans six ans, Janssens soit à nouveau le seul bénéficiaire de la situation" (De Morgen, 10.10.06).

(2)    Quartier à grande concentration d'immigrées d'origine marocaine, et par analogie avec Marokko (le Maroc en néerlandais).

(3)    Voir l'article dans ce journal

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [1]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [2]

Hongrie 1956: une insurrection prolétarienne contre le stalinisme

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Cinquante ans après que la révolte des ouvriers eût secoué la Hongrie en 1956, les vautours de la bourgeoisie "célèbrent" à nouveau l’anniversaire dans leur style habituel. La presse bourgeoise traditionnelle verse une larme sur la résistance héroïque du "peuple hongrois" "pour l'indépendance nationale" et contre les "horreurs du communisme". Tous ces souvenirs ne décrivent que l'apparence de la révolte, et donc masquent et distordent sa signification réelle.

La révolte ouvrière de 1956 en Hongrie n’est pas l’expression de la volonté du "peuple" de réformer le "communisme" à la mode stalinienne ou de gagner "l’indépendance de la nation". Elle est le résultat direct des contradictions insolubles du capitalisme en Europe de l'Est et dans le monde entier.

A l’Est l’exploitation stalinienne de la force de travail

La Seconde Guerre mondiale à peine terminée, la pression des rivalités impérialistes, entre Moscou et Washington, pousse le Kremlin à s'engager dans une phase de production frénétique d’armements. Industrie lourde et production militaire seront alors développées au détriment des biens de consommation et des conditions de vie de la classe ouvrière.

En effet, l’Union soviétique, vainqueur et occupant de l’Est de l’Europe, exige des pays nouvellement satellisés qu’ils soumettent entièrement leurs appareils productifs aux intérêts économiques et militaires de l’URSS.

Un véritable système de vampirisation se met en place dès 1945-1946 avec, par exemple le démontage de certaines usines et leur transfert (ouvriers compris) sur le sol russe. En Russie et dans ses pays satellites, les ouvriers subissent un régime de sur-exploitation de leur force de travail proche de l’enfer décrit par Dante. Ainsi, en Hongrie, grâce à la recette stalinienne du stakhanovisme, le plan de 1950 fera quintupler la production d’armement.

La bourgeoisie soviétique devait maintenir des salaires bas et développer l'industrie lourde aussi vite que possible. Dans la période 1948-53, les conditions de vie des ouvriers partout dans le bloc de l'Est tombent en dessous du niveau d'avant-guerre, mais la Russie sortira de cette période avec sa bombe H et ses Spoutniks.

Dans ces conditions, la colère au sein du prolétariat ne tarde pas à se faire entendre. L’exploitation forcenée était de moins en moins supportable ; l’insurrection couvait. Les ouvriers tchécoslovaques de même que ceux de Berlin-Est en 1953 s’étaient déjà révoltés obligeant l’intervention des chars russes pour rétablir l’ordre. Le vent de révolte contre le stalinisme qui souffla à l’Est devait trouver son point d’orgue dans l’insurrection hongroise d’octobre 1956.

L'insurrection de Budapest le 23 octobre a profité, dans un premier temps, de l’occasion d’une manifestation, organisée à l'origine par des étudiants "en solidarité avec le peuple de Pologne" qui, de son côté, avait tenté de se soulever peu auparavant contre la chape de plomb des régimes staliniens.

La réponse intransigeante des autorités, qui ont traité les manifestants de "fascistes" et de "contre-révolutionnaires", la répression sanglante menée par l’AVO (la police secrète), et par-dessus tout, le fait que la manifestation "étudiante" ait été renforcée par des milliers d'ouvriers, ont transformé en insurrection armée la protestation pacifique exigeant des réformes démocratiques et le retour au pouvoir du leader "réformiste" Imre Nagy.

Le caractère de classe de l'insurrection hongroise de 1956

Ce n'est pas ici que nous pouvons examiner dans tous les détails les événements qui ont mené de l'insurrection du 23 octobre à l'intervention finale de la Russie, qui a coûté la vie à des milliers de personnes, en majorité de jeunes ouvriers. Nous voudrions seulement revenir sur le caractère général de la révolte dans le but de la sortir des terribles confusions qui l'entourent.

L'opposition à la "vieille garde" stalinienne s'exprimait de deux manières. La première provenait de la bourgeoisie elle-même, menée par des bureaucrates libéraux et soutenue par des étudiants, des intellectuels et des artistes un peu plus radicaux. Ils défendaient une forme plus démocratique et plus profitable du capitalisme d'Etat en Hongrie. Mais "l'autre opposition" était la résistance spontanée de la classe ouvrière à l'exploitation monstrueuse qui lui était imposée. En Hongrie, ces deux mouvements ont coexisté dans l'insurrection. Mais c'est l'intervention déterminante de la classe ouvrière qui a fait basculer ce mouvement de protestation dans l’insurrection, et c'est ensuite la contamination de l'insurrection ouvrière par toute l'idéologie nationaliste et démocratique des intellectuels qui a entravé le mouvement prolétarien.

Cette perméabilité de la classe ouvrière au poison nationaliste n’est autre que le produit du cours historique d’alors, celui de la contre-révolution entamée dans les années 1920. Le prolétariat, à l’ échelle mondiale, se retrouve au plus bas de ses forces, laminé idéologiquement par la défaite de sa première vague révolutionnaire de 1917-1923, écrasé physiquement par la guerre mondiale, et encadré par les syndicats et leurs cousins de la police. Il lui était par conséquent impossible, sans perspective claire, de dépasser le stade de la révolte pour aller vers celui de la révolution, de même qu’il lui était difficile en Hongrie de se prémunir contre la propagande nationaliste d’une fraction de la bourgeoisie et de son armée.

Les ouvriers ont déclenché le mouvement de protestation à cause des conditions intolérables dans lesquelles ils étaient forcés de vivre et de travailler. Une fois que les ouvriers eurent jeté leur poids dans le mouvement, celui-ci prit un caractère violent et intransigeant que personne n'avait prédit. Bien que différents éléments aient pris part au combat (étudiants, soldats, paysans, etc.), ce sont essentiellement des jeunes travailleurs qui, dans les premiers jours de l'insurrection, ont détruit le premier contingent de chars russes envoyés à Budapest pour restaurer l'ordre. C'est principalement la classe ouvrière qui a pris les armes pour combattre la police secrète et l'armée russe. Lorsque la seconde vague de chars russes arriva pour écraser l'insurrection, ce sont les quartiers ouvriers qu'il a fallu mettre en ruines, parce qu'ils étaient les principaux centres de résistance. Et même après la restauration de "l'ordre" et l'instauration du gouvernement Kadar, même après le massacre de milliers d'ouvriers, le prolétariat a continué à résister en menant des luttes âpres et nombreuses.

L'expression la plus claire du caractère prolétarien de la révolte a été l'apparition de conseils ouvriers à travers tout le pays. Nommés à l'échelle de l'usine, ces conseils faisaient le lien entre des régions industrielles entières, des villes, et étaient sans aucun doute le centre organisationnel de toute l'insurrection. Ils ont pris en charge l'organisation de la distribution d'armes et de nourriture, la direction de la grève générale, et dirigé la lutte armée. Dans certaines villes, ils détenaient le commandement total et incontesté. L'apparition de ces soviets sema inquiétude et effroi au sein de la classe capitaliste, à l’Est comme à l’Ouest.

Mais chanter les louanges des luttes des ouvriers hongrois sans analyser leurs faiblesses extrêmes et leurs confusions seraient une trahison de nos tâches comme révolutionnaires, qui n'est pas d'applaudir passivement les luttes du prolétariat, mais de critiquer leurs limites et de souligner les buts généraux du mouvement de classe. Malgré le fait que les ouvriers avaient de facto le pouvoir dans de grandes zones de la Hongrie durant la période insurrectionnelle, la rébellion de 1956 n'était pas une tentative consciente de la part du prolétariat de prendre le pouvoir politique ni de bâtir une nouvelle société. C'était une révolte spontanée, qui a échoué à devenir une révolution parce qu'il manquait à la classe ouvrière une compréhension politique claire des buts historiques de sa lutte, du fait même qu'elle subissait encore tout le poids idéologique lié à la contre-révolution.

Dans un sens immédiat, la première difficulté des ouvriers hongrois était de résister à l'énorme battage de l'idéologie nationaliste et démocratique qui leur était assénée de toutes parts. Les étudiants et les intellectuels étaient les propa-gateurs les plus actifs de cette idéologie, mais les ouvriers souffraient eux-mêmes inévitablement de toutes ces illusions. Et donc, au lieu d'affirmer les intérêts autonomes du prolétariat contre l'Etat capitaliste et toutes les autres classes, les conseils tendaient à identifier la lutte des ouvriers avec la lutte "populaire" pour réformer la machine étatique en vue de "l'indépendance nationale", pure utopie réactionnaire à l'époque de la décadence capitaliste et de l'impérialisme. Au lieu d'appeler –comme les Soviets de Russie l'avaient fait en 1917- à la destruction de l'Etat bourgeois et à l'extension internationale de la révolution, les conseils se sont limités à exiger le retrait des troupes russes, une "Hongrie socialiste indépendante" sous la direction de Imre Nagy, la liberté d'expression, l'autogestion des usines, etc. Les méthodes de lutte utilisées par les conseils étaient implicitement révolutionnaires, exprimant la nature intrinsèquement révolutionnaire du prolétariat. Mais les buts qu'ils ont adoptés restaient tous dans le cadre politique et économique du capitalisme. La contradiction dans laquelle les conseils se sont retrouvés peut être résumée dans la revendication suivante, mise en avant par le conseil ouvrier de Miskolc : "Le gouvernement doit proposer la formation d'un Conseil National Révolutionnaire, basé sur les conseils ouvriers des différents départements et de Budapest, et composé de délégués élus démocratiquement par ceux-ci. En même temps, l'ancien Parlement doit être dissout." (Cité dans Bureaucratie et Révolution en Europe de l'Est de Chris Hermann, p. 161)

Mais au lieu de franchir ce pas, les conseils ont adressé leur revendication de dissolution du parlement et la mise sur pied d’un conseil central des ouvriers au gouvernement provisoire de Imre Nagy, c’est-à-dire à la force elle-même qu’ils auraient dû supprimer ! De telles illusions ne pouvaient que conduire à l’écrasement des conseils, ou à leur intégration dans l’Etat bourgeois. Il faut porter au crédit de la majorité des conseils ouvriers qu’ils ont soit péri en luttant, soit se sont dissout quand ils ont vu qu’il n’y avait plus d’espoir de développement de la lutte et qu’ils étaient condamnés à devenir des organes instrumentalisés par le gouvernement Kadar.

L’incapacité des ouvriers hongrois à développer une compréhension révolutionnaire de leur situation est également apparue dans le fait que, à notre connaissance, aucun regroupement politique révolutionnaire n’est issu en Hongrie de ces énormes convulsions. Comme l’écrivait Bilan, la publication de la Gauche italienne, à propos de l’Espagne dans les années 1930, l’échec du prolétariat espagnol à créer un parti de classe malgré la nature radicale de sa lutte était fondamentalement l’expression du profond creux dans lequel le mouvement prolétarien international se trouvait à ce moment-là. A certains points de vue, la situation autour de 1956 était même pire : la dernière des fractions communistes de gauche avait disparu, et pas seulement en Hongrie, mais partout dans le monde, le prolétariat se retrouvait presque sans aucune expression politique propre. Les faibles voix révolutionnaires qui peuvent avoir existé étaient facilement submergées par la clameur de ces forces de la contre-révolution dont le rôle est de parler "au nom" de la classe ouvrière. Les staliniens de tous les pays montraient leur nature brutalement réactionnaire en calomniant le soulèvement ouvrier de "conspiration" au service du clan de l'ancien dictateur Horthy ou de la CIA. Beaucoup d’individus ont quitté les PC par dégoût à cette époque, mais tous les PC sans exception ont soutenu la répression sauvage des ouvriers hongrois. Qui plus est, certains d’entre eux, conduits par le grand timonier, le Président Mao à Pékin, ont critiqué Khrouchtchev pour ne pas avoir réprimé les ouvriers hongrois assez sévèrement ! Les trotskistes, parce qu’ils ont claironné leur "soutien" au soulèvement, peuvent sembler avoir été du côté des ouvriers. Mais en caractérisant la révolte comme une "révolution politique" pour la "démocratie ouvrière" et "l’indépendance nationale", ils ont contribué à renforcer la mystification insidieuse selon laquelle l’Etat en Hongrie avait déjà un caractère ouvrier et devait seulement être purgé de ses déformations bureaucratiques pour se retrouver entièrement aux mains des ouvriers.

Non seulement les organisations trotskistes ont diffusé un poison idéologique servant à maintenir la lutte des ouvriers à l’intérieur du cadre de l’Etat bourgeois, mais elles ont ouvertement soutenu l'aile bureaucratique la plus "libérale" des régimes staliniens. La prise de position d’Ernest Mandel, grand prêtre de la 4e Internationale en 1956, à propos de la victoire de la clique Gomulka en Pologne est sans la moindre ambiguïté : "La démocratie socialiste aura encore beaucoup de batailles à remporter en Pologne, (mais) la bataille principale, celle qui a permis à des millions d’ouvriers de s’identifier à nouveau avec l’Etat ouvrier, est déjà gagnée" (cité par Harman, p. 108).

Depuis 1956, des analyses plus "radicales" des événements en Hongrie ont été publiées, mais peu rompent vraiment avec le cadre du trotskisme. Par exemple, les libertaires de Solidarity, dans leur brochure Hongrie 56, voient la revendication de l’autogestion ouvrière (élaborée par les syndicats hongrois!) comme le véritable noyau révolution-naire du soulèvement. Mais cette revendication, comme l’appel à l’indépendance nationale et à la démocratie, n’était qu’une diversion supplémentaire de la tâche première des ouvriers : la destruction de l’Etat capitaliste, la saisie par les conseils, non simplement de la production, mais du pouvoir politique.

Beaucoup de fractions de la bourgeoisie se souviennent aujourd’hui avec nostalgie des années 1950, car c’était une période où l’idéologie bourgeoise semblait avoir conquis le contrôle absolu de la classe ouvrière. Les ouvriers d’Europe de l’Est se sont donc retrouvés isolés et soumis à toutes les illusions issues d’une situation en apparence "particulière". Avec un capitalisme occidental qui semblait aussi prospère et libre, il n’était pas difficile pour les ouvriers du bloc de l’Est de voir leur ennemi dans la Russie ou le stalinisme, et non dans le capitalisme mondial. Cela explique les terribles illusions qu’avaient souvent les insurgés sur les régimes "démocratiques" de l’Ouest. Beaucoup espéraient que l’Ouest "leur vienne en aide" contre les Russes. Mais l’Occident avait déjà reconnu à Yalta le "droit" de la Russie d’exploiter et d’opprimer les travailleurs des pays de l’Est, et n’avait aucun intérêt à venir en aide à quelque chose d’aussi incontrôlable qu’un soulèvement massif d’ouvriers.

La révolution prolétarienne mondiale reste à l'ordre du jour de l'histoire

Le monde capitaliste n’est plus ce qu’il était dans les années 1950. Depuis la fin des années 1960, l’ensemble du système a sombré de plus en plus profondément dans une crise économique insoluble, expression de la décadence historique du capitalisme depuis près d'un siècle. En réponse à cette crise, une nouvelle génération de travailleurs a ouvert une nouvelle période de lutte de classe à l’échelle internationale. Si on compare les grèves de Pologne dans les années 1970 au soulèvement en Hongrie, on peut voir que beaucoup des illusions des années 1950 ont commencé à perdre de leur emprise. Les ouvriers de Pologne ne se sont pas battus comme "Polonais" mais comme ouvriers ; et leur ennemi immédiat n’était pas "les Russes" mais leur propre bourgeoisie ; leur objectif immédiat n’était pas la défense de "leur" pays mais la défense de leur propre niveau de vie. C’est cette réapparition du prolétariat international sur son terrain de classe qui a remis la révolution communiste mondiale à l’ordre du jour de l’histoire. Mais, bien que le soulèvement hongrois appartienne à une période dépassée par la classe ouvrière, il contient beaucoup d’enseignements pour la classe ouvrière actuelle dans sa lutte pour acquérir la conscience de son rôle révolutionnaire. Au travers de ses erreurs et de ses confusions, le soulèvement soulignait de nombreuses leçons cruciales à propos des ennemis de la classe ouvrière : le nationalisme, l’autogestion, le stalinisme sous toutes ses formes, la "démocratie" occidentale, etc. Mais en même temps, dans la mesure où elle a hanté la bourgeoisie de l’Est et de l’Ouest du spectre des conseils ouvriers armés, l’insurrection a été un héroïque signe avant-coureur du futur qui attend le prolétariat partout dans le monde.

D'après World Revolution, organe du CCI en Grande-Bretagne.

Géographique: 

  • Hongrie [3]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [4]

Irak, Moyen-Orient, Afghanistan... Le responsable de la guerre, c'est le capitalisme

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L'enlisement de la guerre en Irak et l'échec manifeste de la lutte contre le terrorisme international avec la multiplication des attentats meurtriers, non seulement au Moyen-Orient mais dans le monde, constituent non seulement de véritables camouflets mais sont de véritables revers cuisants pour les Etats-Unis.

La bourgeoisie américaine est dans une impasse

Comment est-il possible que la première armée du monde, dotée des moyens technologiques les plus modernes, des services de renseignements les plus efficaces, d’armes sophistiquées capables de repérer et d’atteindre avec précision des cibles  à des milliers de kilomètres de distance, se retrouve prise au piège d’un tel bourbier? Pour la classe dominante la réponse est évidente, il ne peut s’agir que de l’incompétence manifeste de Bush Junior  le “pire président de l’histoire des Etats-Unis : ignorant, arrogant et totalement stupide ” (ce sont là les mots de l’écrivain Norman Mailer). En somme, un demi-abruti entouré d’une bande de Pieds Nickelés. L’explication est facile et fonctionne d’autant mieux que George Bush n’a pas beaucoup d’effort à fournir, il est vrai, pour la rendre crédible. Cependant, cette explication (et c’est là son mérite pour la bourgeoisie) est dans le fond très éloignée du problème. Ce n’est pas tel ou tel individu au sommet de l’Etat qui fait évoluer le capitalisme dans tel ou tel sens mais au contraire l’état de ce système qui impose les orientations politiques. La première puissance mondiale doit obligatoirement tenir son rang. Les Etats-Unis ne peuvent avoir d’autre politique que celle mise en avant par Paul Wolfowitz  (éminent membre de l’administration républicaine) dès le début des années 1990 :  "la mission politique et militaire essentielle de l’Amérique pour l’après-Guerre froide consistera à faire en sorte qu’aucune superpuissance rivale ne puisse émerger en Europe de l’Ouest, en Asie ou dans les territoires de l’ancienne Union soviétique". Cette"doctrine" a été rendue publique en mars 1992 quand la bourgeoisie américaine s’illusionnait encore sur le succès de sa stratégie, au  lendemain de l’effondrement de l’URSS et de la réunification de l’Allemagne. Dans ce but, ces gens-là  déclaraient il y a quelques années que pour mobiliser la nation et pour imposer au monde entier les valeurs démocratiques de l’Amérique et empêcher les rivalités impérialistes,"il faudrait un nouveau Pearl Harbour". Il faut rappeler que l’attaque de la base des forces navales américaines par le Japon en décembre 1941 qui avait fait 4500 morts ou blessés côté américain avait permis l’entrée en guerre   des Etats-Unis aux côtés des Alliés en faisant basculer une opinion publique jusque là largement réticente à cette entrée en guerre, alors que les plus hautes autorités politiques américaines étaient au courant du projet d’attaque et n’étaient pas intervenues. Depuis, ils n’ont fait qu’appliquer leur politique :  les attentats du 11 septembre leur ont servi de"nouveau Pearl Harbour" et c’est au nom de leur nouvelle croisade contre le terrorisme qu’ils ont pu justifier l’invasion de l’Afghanistan puis de l’Irak.

Le bilan de cette politique qui est la seule que la première puissance impérialiste mondiale puisse mener est accablant: 3000 soldats morts depuis le début de la guerre en Irak il y a trois ans (dont plus de 2800 pour les troupes américaines), 655 000 Irakiens ont péri entre mars 2003 et juillet 2006 alors que les attentats meurtriers et les affrontements entre fractions chiites et sunnites n’ont fait depuis que s’intensifier. Ce sont 160 000 soldats d’occupation qui sont présents sur le sol irakien sous le haut commandement des Etats-Unis et qui se retrouvent incapables"d’assurer leur mission de maintien de l’ordre" dans un pays au bord de l’éclatement  et de la guerre civile. Non seulement les milices chiites et sunnites s’affrontent entre elles avec violence depuis des mois mais des bandes rivales locales chiites s’entre-déchirent et sèment la terreur, notamment entre le gang sous les ordres de Moqtada al-Sadr (auto-proclamé "armée du Mehdi" et celui des brigades Al-Badr (lié au parti dominant au gouvernement) principaux responsables des  tueries à Amara, Nasiriyya, Bassorah où ils tentent d’imposer leur loi.  Au sud du pays, des activistes  sunnites qui revendiquent fièrement leurs liens avec les talibans et Al Qaïda  viennent d’auto-proclamer une"république islamique"  tandis que, dans la région de Bagdad, la population est exposée aux voitures,  bus ou même vélos piégés, ainsi qu’aux exactions des bandes de pillards. La moindre sortie isolée des troupes américaines s’expose à tomber dans un guet-apens.

L’Irak a plongé dans un inextricable chaos sanglant

Les guerres en Irak et en Afghanistan engloutissent en outre des sommes colossales qui creusent toujours davantage la dette budgétaire et précipitent les Etats-Unis dans un endettement faramineux. La situation en Afghanistan n’est pas moins catastrophique. La traque interminable contre Al Qaïda et la présence, là aussi, d’une armée d’occupation redonnent du crédit aux talibans  (chassés du pouvoir en 2002 mais réarmés par l’Iran et plus discrètement par la Chine) qui multiplient les embuscades et les attentats. Les"démons terroristes" que sont Ben Laden ou le régime des talibans sont d’ailleurs l’un comme l’autre des"créatures" des Etats-Unis pour contrer l’ex-URSS à l’époque des blocs impérialistes après l’invasion des troupes russes en Afghanistan. Le premier est un ancien espion recruté par la CIA en 1979 qui, après avoir servi d’intermédiaire financier d’un trafic d’armes de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis à destination du maquis afghan devient"naturellement" dès le début de l’intervention russe l’intermédiaire des Américains pour répartir le financement de la résistance afghane. Les talibans, quant à eux, ont été armés et financés par les Etats-Unis et leur accession au pouvoir  s’est accomplie avec l’entière  bénédiction de l’Oncle Sam.

Il est aussi patent que la grande croisade contre le terrorisme loin d’aboutir à son éradication n’a débouché au contraire  que sur la démultiplication des actions terroristes et des attentats kamikazes où le seul objectif est de faire le plus de victimes possibles. Aujourd’hui, la Maison Blanche reste impuissante face aux pieds-de-nez les plus humiliants que lui lance l’Etat iranien. Cela donne d’ailleurs des ailes à des puissances de quatrième  ou de cinquième ordre comme la Corée du Nord qui s’est permis  de procéder le 8 octobre à un essai nucléaire qui en fait le 8e pays détenteur de l’arme atomique. Ce gigantesque défi vient mettre en péril l’équilibre de toute l’Asie  du Sud-Est et conforter à leur tour les aspirations de nouveaux prétendants à se doter de l’arme nucléaire. La remilitarisation et le réarmement rapide du Japon et son orientation vers la production d’armes nucléaires viennent de trouver leur prétexte pour faire face aux voisins immédiats.

Il faut aussi évoquer la situation de chaos effroyable qui sévit au Moyen-Orient et en particulier dans la bande de Gaza. A la suite de la victoire électorale du Hamas fin janvier, l’aide internationale directe a été suspendue et le gouvernement israélien a organisé le blocus des transferts de fonds des recettes fiscales et douanières à l’Autorité palestinienne. 165 000 fonctionnaires ne sont plus payés depuis 7 mois mais  leur colère ainsi que celle de toute une population dont 70% vit en dessous du seuil de pauvreté, avec un taux de chômage de 44%, est aisément récupérée dans les affrontements de rue qui opposent à nouveau régulièrement depuis le 1er octobre les milices du Hamas et celles du Fatah. Les tentatives de gouvernement d’union nationale avortent les unes après les autres. Dans le même temps, après son retrait du Sud-Liban, Tsahal réinvestit les zones frontalières avec l’Egypte à la limite de la bande de Gaza et a repris ses bombardements de missiles sur la ville de Rafah sous prétexte de traque aux activistes du Hamas.

La population vit au milieu d’un climat de terreur et d’insécurité permanente. Depuis le 25 juin, 300 morts ont été recensés dans ce territoire.

Le fiasco de la politique américaine est donc patent. C’est pourquoi on assiste à une large remise en cause de l’administration Bush, y compris dans son propre camp, celui des républicains. 60% de la population américaine pense que la guerre en Irak est une"mauvaise chose", une majeure partie d’entre eux ne croit plus à la thèse de la détention de potentiel nucléaire et aux liens de Saddam avec Al Qaïda et jugent qu’il s’agissait de prétexte pour justifier une intervention en Irak. Une demi-douzaine de livres récents (dont celui du journaliste-vedette  Bob Woodward qui avait soulevé le scandale du Watergate à l’époque de Nixon) dresse des réquisitoires implacables pour dénoncer ce"mensonge" d’Etat et pour réclamer le retrait des troupes d’Irak. Cela  ne signifie nullement que la politique militariste des Etats-Unis peut se saborder mais le gouvernement est contraint d’en tenir compte et d’étaler ses propres contradictions pour tenter de s’adapter.

La prétendue dernière"gaffe" de Bush admettant le parallèle avec la guerre au Vietnam est concomitante avec les "fuites"… orchestrées par les interviews accordées par James Baker. Le plan de l’ancien chef d’Etat-major de l’ère Reagan, puis secrétaire d’Etat à l’époque de Bush père, préconise l’ouverture du dialogue avec la Syrie et l’Iran et surtout   un retrait partiel des troupes d’Irak. Cette tentative de parade limitée souligne le niveau d’affaiblissement de la bourgeoisie américaine pour qui le retrait pur et simple d’Irak serait le camouflet le plus cinglant de son histoire et qu’elle ne peut pas se permettre. Le parallèle avec le Vietnam est à vrai dire une sous-estimation trompeuse, car à l’époque, le retrait des troupes du Vietnam avait permis aux Etats-Unis une réorientation stratégique bénéfique de ses alliances et d’attirer la Chine dans son propre camp contre l’ex-URSS tandis qu’aujourd’hui le retrait des troupes américaines  d’Irak serait une pure capitulation sans aucune contrepartie et entraînerait un discrédit complet de la puissance américaine. Ces contradictions sont des manifestations criantes de l’affaiblissement du leadership américain et de l’avancée du"chacun pour soi". Un changement de majorité au prochain Congrès ne saurait apporter d’autre"choix" qu’une fuite en avant dans des aventures militaires de plus en plus meurtrières  qui expriment l’impasse du capitalisme.

Aux Etats-Unis, le poids du chauvinisme étalé partout au lendemain du 11 septembre a en grande partie disparu avec l’expérience  du double fiasco de la lutte anti-terroriste et de l’enlisement de la guerre en Irak.   Les campagnes de recrutement de l’armée  peinent à trouver des candidats prêts à aller se faire trouer la peau en Irak  tandis que les troupes sont gagnées par la démoralisation. Malgré les risques encourus, des milliers de désertions se produisent sur le terrain. On a enregistré que plus d’un millier de déserteurs se sont réfugiés au Canada. 

Cette situation laisse entrevoir une tout autre perspective. Le poids de plus en plus insupportable de la guerre et de la barbarie dans la société est une dimension indispensable de la prise de conscience par les prolétaires  de la faillite irrémédiable du  système capitaliste.   La seule réponse que la classe ouvrière puisse opposer à la guerre impérialiste, la seule solidarité qu’elle puisse apporter à ses frères de classe exposés aux pires massacres, c’est de se mobiliser sur son terrain de classe pour en finir avec ce système.

W / 21.10.06

Géographique: 

  • Moyen Orient [5]

Questions théoriques: 

  • Guerre [6]

Le capitalisme est responsable du réchauffement climatique

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La gravité du réchauffement climatique lié à l’émission de gaz à effet de serre est "une vérité qui dérange». Du moins, c’est ce que nous en dit Al Gore, l’ex-vice président des Etats-Unis qui, depuis son échec électoral en 2000, vole de conférence en conférence (aux Etats-Unis, au Japon, en Chine, en Allemagne…) pour révéler au monde, tel un  oiseau de mauvais augure, cette "inconvenante" vérité. C’est donc logiquement que le réalisateur pro-démocrate Davis Guggenheim a mis en scène une de ces innombrables conférences dans un documentaire au titre tout trouvé : Une vérité qui dérange.

La chose est à ce  point "dérangeante"  que c’est un haut dignitaire de la bourgeoisie américaine qui nous la livre à l’échelle planétaire dans un cours magistral sur écran géant… Albert Gore tombe de son arbre ! Cela fait bientôt plus de 30 ans que la communauté scientifique se penche sur le problème et plus de 10 ans qu’elle est unanime sur le constat de l’aggravation du réchauffement de la Terre liée à la pollution industrielle. Finalement, la seule et unique révélation que contient ce film est Al Gore lui même et son don inné pour la comédie. En effet, celui qui se présente aujourd’hui comme le champion toute catégorie de la défense de l’environnement, depuis ses années d’études à Harvard où il suivait assidûment les cours du professeur Roger Revelle (pionnier de la théorie du réchauffement global), n’est autre que celui qui plus tard, avec Clinton, a "autorisé le déversement de dioxine dans les océans et laissé s’accomplir la plus grande déforestation de toute l’histoire des Etats-Unis." (The Independent, paru dans Courrier International du 15 juin 2006)

Albert Gore, telle une éponge imbibée d’hypocrisie, est un spécimen très représentatif de sa classe sociale. Tous les Etats sont conscients des enjeux climatiques. Tous proclament haut et fort leur volonté d’agir pour préserver le milieu naturel de l’espèce humaine et garantir l’avenir des prochaines générations. Pourtant, malgré les flamboyantes déclarations du Sommet de la Terre à Rio (1992) ou les bonnes résolutions du protocole de Kyoto (1998), la pollution va crescendo et les menaces liées au dérèglement du climat gagnent de l’ampleur. En fin de compte, la vérité qui dérange et que la bourgeoisie planque derrière toutes ses conférences, et maintenant ses films, c’est que le monde capitaliste est totalement impuissant à trouver une solution aux dangers climatiques… et cela d’autant plus qu’il en est le premier responsable.

Le réchauffement climatique est un danger pour l’avenir de l’espèce humaine

Le système capitaliste, en faillite depuis près d’un siècle, a cessé de représenter un quelconque progrès pour l’humanité. Son existence a pris place sur une base malade et destructrice. Les conséquences écologiques désastreuses, ressenties depuis les années 1950, en sont une démonstration supplémentaire.

Les carottes de glace ne mentent pas! Prélevées en Antarctique, elles permettent d’étudier la composition de l’atmosphère sur plusieurs centaines de milliers d’années. Ces dernières indiquent clairement que les taux de CO2 n’ont jamais été aussi élevés qu’à partir du milieu du 20e siècle. Les émissions de gaz à effet de serre, caractéristique du mode de production capitaliste, n’ont jamais cessé d’augmenter et la température moyenne de s’accroître à un rythme régulier. "La planète est aujourd’hui plus chaude qu’elle ne l’a jamais été au cours des 2 derniers millénaires, et, si la tendance actuelle se poursuit, elle sera probablement plus chaude d’ici à la fin du 21e siècle qu’elle de l’a jamais été dans les deux derniers millions d’années." The New Yorker paru dans Courrier International d’octobre 2006.

Cette vive poussée de chaleur est d’ailleurs visible à l’œil nu aux deux pôles du globe. La fonte de l’Arctique est si bien entamée que sa disparition est prévue d’ici à 2080. Tous les grands glaciers sont en diminution et les océans se réchauffent.

En 1975, James Hansen, directeur de l’institut Goddard d’études spatiales (le GISS), s’est intéressé aux changements climatiques.  "Dans sa thèse consacrée au climat de Vénus, il avance l’hypothèse selon laquelle, si la planète présente une température de surface moyenne de 464°C, c’est parce qu’elle est enveloppée d’un brouillard de gaz carbonique responsable d’un effet de serre considérable. Quelque temps plus tard, une sonde spatiale apporte la preuve que Vénus est effectivement isolée par une atmosphère composée à 96% de dioxyde de carbone." The New Yorker. Voilà à quoi pourrait ressembler, dans un avenir très lointain, la Terre sous l’effet de l’accumulation continue de CO2…l’éradication de toute forme de vie. Cela dit, il n’est pas besoin de se projeter si loin pour se rendre compte du potentiel dévastateur du réchauffement climatique. Bien avant que l’effet de serre ait transformé la Terre en un immense four à plus de 400°C, les signes avant-coureurs du bouleversement climatique suffisent déjà à provoquer  un véritable carnage sur l’espèce humaine : inondations, maladies, tempêtes…

Le directeur du British Antarctic Survey, Chris Rapley, a fait remarquer début 2005 que la calotte glacière de l’Antarctique Ouest était en train de fondre. Or, cette dernière (comme le Groenland) contient assez d’eau pour faire monter  le niveau des mers de 7 mètres, ce qui correspond à l’immersion à moyen terme de vastes étendues de terres habitées en Thaïlande, en Inde, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis…

Un autre directeur, celui de l’INSERN, a mis en avant en 2000 que "la capacité reproductrice et infectieuse de nombre d’insectes et rongeurs, vecteurs de parasites ou de virus, est fonction de la température et de l’humidité du milieu. Autrement dit, une hausse de la température, même modeste, donne le feu vert à l’expansion de nombreux agents pathogènes pour l’homme et l’animal. C’est ainsi que des maladies parasitaires telles que le paludisme (…) ou des infections virales comme la dengue, certaines encéphalites et fièvres hémorragiques ont gagné du terrain ces dernières années. Soit elles ont fait leur réapparition dans des secteurs où elles avaient disparue, soit elles touchent à présent des régions jusque là épargnées…" 

Dernière illustration, la fréquence et la puissance des ouragans ne pourront qu’augmenter avec le réchauffement. En effet,  la colonne d’air humide qui lui donne naissance ne se forme que lorsque la température de surface de la mer est supérieure à 26°C. Si les océans se réchauffent, les zones dépassant ce seuil seront plus étendues. Quand Katrina a atteint la catégorie 5 du classement des ouragans, la température tournait autour de 30°C à la surface du golfe du Mexique. Aussi, selon Kerry Emanuel du Massachusetts Institute of Technology, "La poursuite du réchauffement risque d’accroître le potentiel destructeur des cyclones tropicaux et, avec l’accroissement des populations côtières, d’augmenter de façon substantielle le nombre des victimes dues aux ouragans au 21e siècle."  Ainsi, après avoir épluché les statistiques sur l’intensité des ouragans des 50 dernières années, K. Emanuel en arrive à la conclusion que les derniers ouragans durent en moyenne plus longtemps et que la vitesse de leurs vents est 15% plus élevée soit une capacité de destruction accrue de 50%.

Bref, de quoi faire passer les dix plaies d’Egypte et tous les déluges de la Bible réunis pour une vaste partie de plaisir.

Une vérité qui dérange: le système capitaliste responsable de la menace climatique

Contrairement à Vénus qui a vu son climat évoluer naturellement vers des températures infernales, le réchauffement actuel de la Terre a une toute autre origine…l’activité industrielle des hommes. Cette vérité là n’a pourtant rien d’un scoop puisque bon nombre de climatologues (et la bourgeoisie elle-même) n’en font pas mystère. L’affiche du film d’Al Gore est encore plus explicite en montrant une cheminée d’usine de laquelle s’échappe une fumée prenant la forme d’un cyclone. "L’industrie est coupable !" Voilà un bouc émissaire bien commode car dans le fond ce n’est pas tant l’industrie qui est en cause que la façon dont elle est mise en œuvre, dit autrement, la façon dont fonctionne le capitalisme.Le mode de production capitaliste a toujours pollué l’environnement y compris au 19e siècle lorsqu’il était encore un facteur de progrès. Il faut dire que le capitalisme se soucie de l’environnement comme de sa première chemise. "Accumuler pour accumuler, produire pour produire, tel est le mot d’ordre de l’économie politique proclamant la mission historique de la période bourgeoise. Et elle ne s’est pas fait un instant illusion sur les douleurs d’enfantement de la richesse : mais à quoi bon des jérémiades qui ne changent rien aux fatalités historiques ?" (Karl Marx, Le Capital - Livre I). L’accumulation du capital tel est le but suprême de la production capitaliste et peu importe le sort réservé à l’humanité ou à l’environnement…tant que c’est rentable, c’est bon! Le reste n’est finalement que quantité négligeable.

Mais, lorsque ce système entre dans sa phase de déclin historique au début du 20e siècle, la destruction du milieu naturel prend une tout autre dimension. Là, elle devient impitoyable à l’image du combat sans merci que se livrent les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché mondial. Réduire les coûts de production à leur ultime degré pour être le plus compétitif possible devient alors une règle de survie incontournable. Dans ce contexte, les mesures pour limiter la pollution industrielle sont évidemment un coût insupportable.

De même, cette nécessité économique permanente d’aller au moindre coût explique l’ampleur des dégâts matériels et humains une fois que les éléments se sont déchaînés. Constructions en carton-pâte, digues mal entretenues, systèmes de secours défaillants…le capitalisme n’est même pas capable d’assurer un minimum de protection contre les cataclysmes, épidémies et autres fléaux qu’il contribue à propager.

L’entreprise cinématographique de Monsieur Gore finit par nous dire que, cependant, nous avons le pouvoir de changer les choses, de réparer le mal qui a été fait et d’éloigner la menace du réchauffement climatique si nous voulons bien prendre la peine de devenir de parfaits… "citoyens écolos". C’est la raison pour laquelle le générique de fin de son film égraine une longue liste de recommandations : "changez de thermostat", "plantez un arbre"…  "votez pour un candidat qui s’engage à défendre l’environnement…s’il n’y en a pas présentez-vous !" Et enfin "si vous croyez, priez pour que les autres changent de comportement". Finalement c’est peut être là le seul conseil sensé et digne de ce nom qu’un bourgeois puisse donner : "avant que le soleil s’obscurcisse et que les étoiles ne tombent du ciel mettez-vous à genoux et priez ". Bel aveu d’impuissance de la bourgeoisie et de son monde !

La classe ouvrière ne peut se permettre de laisser plus longtemps le sort de la planète entre les mains de ces gens là et de leur système. La crise écologique est la preuve de plus que le capitalisme doit être détruit avant qu’il n’entraîne le monde  dans l’abîme.

 Faire naître une société qui place en son cœur l’ Homme et son devenir est devenu une nécessité impérieuse. Le communisme sera ce monde nécessaire et la révolution prolétarienne le chemin pour y conduire l’humanité.

Jude / 20.10.06

Questions théoriques: 

  • Décadence [7]

Les délocalisations illustrent les lois de l’économie capitaliste (III)

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Nous avons vu dans les deux précédents articles consacrés à ce sujet (voir Internationalisme n° 323  et 325) que le battage sur les délocalisations sert essentiellement de moyen de chantage pour contraindre la classe ouvrière à accepter des salaires toujours plus faibles et des conditions de travail  toujours plus dégradées.

La crise irréversible   que connaît le capitalisme se traduit invariablement  par le rejet massif d’ouvriers hors de l’emploi  La force de travail, dont l’exploitation constitue la source du profit capitaliste, voit  d’autant plus  son prix baisser dans ce contexte (comme toute marchandise pléthorique  sur  un marché  saturé), que la réduction drastique des coûts de production (au premier rang desquels se trouve le salaire) est le seul moyen à la disposition  de la bourgeoisie pour soutenir la concurrence sur  des marchés toujours plus étroits et saturés de marchandises.  Depuis quasiment une centaine d’années qu’il se trouve dans sa phase de déclin historique, le système capitaliste démontre à quel point il ne peut offrir d’autre avenir à ceux qu’il exploite qu’une fragilisation croissante de ses conditions d’existence :  chômage de masse et paupérisation absolue où plongent des  franges de plus en plus importantes de la population,  y compris lorsqu’elles disposent d’un travail.

 Dans sa lutte, la classe ouvrière a dans le monde entier la même tâche. Elle ne peut plus en rester à la lutte pour tenter de limiter les effets de l’exploitation. La seule perspective réaliste qui lui permettra de mettre un terme à tous les tourments auxquels le condamne le système capitaliste, c’est de s’attaquer aux causes de son exploitation. La seule issue à la crise économique capitaliste et la seule voie permettant au prolétariat d’accéder à une existence digne passent par l’abolition du caractère marchand de la force de travail, c’est-à-dire la destruction des rapports sociaux capitalistes et l’abolition du salariat à l'échelle mondiale.

Une campagne contre le prolétariat

Les délocalisations sont aussi directement utilisées pour attacher le prolétariat à l’idéologie de la concurrence,  l’enfermer dans le cadre de la défense du capital national  et le soumettre ainsi à ses impératifs. C’est  en premier lieu ce que vise la propagande  bourgeoise en érigeant l’idée selon laquelle l’Etat capitaliste pourrait être un « rempart protecteur » contre les « méfaits de la mondialisation ». C’est  l’exemple aux Etats-Unis  du baratin autour des dispositions prises pour "interdire aux entreprises qui délocalisent de participer aux appels d’offre publics", ainsi que la surenchère dans l’esbroufe des initiatives parlementaires du camp démocrate en vue de rendre " obligatoire une consultation du personnel et des élus de la région avant tout transfert de production à l’étranger "1 . Le bla-bla du gouvernement, comme de son opposition,  d’après lequel "il faut agir dans ce pays, pour garantir aux citoyens des emplois nationaux." (G. Bush) cherche à renforcer la mystification d’un Etat « au-dessus des classes » et " au service de tous les citoyens" et à entretenir l’illusion d’une possible conciliation des intérêts de la classe dominante  avec ceux de la classe ouvrière au sein du cadre national. Tout au contraire, l’Etat ne peut en aucun cas constituer un allié pour les ouvriers . Celui-ci est à la fois le garant des intérêts de la classe dominante dans le maintien de son  système d’exploitation et l’outil entre ses mains pour orchestrer les attaques contre le prolétariat. Comme le montrent la guerre économique sans merci entre tous les Etats du monde ainsi que l’embrasement de conflits guerriers, l’Etat national constitue le moyen par lequel les différentes nations se livrent à une concurrence effrénée. Il n’est en aucune manière une  bouée de sauvetage pour la classe ouvrière mais bel et bien un ennemi des plus redoutables  Dans sa lutte, c’est à l’Etat que le prolétariat doit s’affronter.

D’autre part, la propagande bourgeoise, en reportant la responsabilité de la dégradation des conditions de vie du prolétariat occidental sur les ouvriers polonais, chinois ou hindous, constitue une  répugnante entreprise de division entre les différentes parties du prolétariat mondial. Par exemple, de fin 2004 et durant l’année 2005, la bourgeoisie a fait du "conflit" de Vaxholm en Suède, le modèle de la lutte " antilibérale". L’emploi sur un chantier d’ouvriers lettons moins bien payés que les ouvriers suédois, a servi aux syndicats à orchestrer une gigantesque campagne largement utilisée par la bourgeoisie, même en dehors de ce pays. Au nom de la "solidarité " et du "refus de la discrimination entre travailleurs", le blocus du chantier par plusieurs fédérations de syndicats, sous les slogans de "Go home !" a fini par priver de leur gagne-pain les ouvriers lettons, contraints au départ, et a débouché sur une vaste mobilisation nationale pour rameuter les ouvriers derrière les pouvoirs publics, le gouvernement social-démocrate et les syndicats  pour la "protection du modèle social suédois" et la défense du "code du travail, notre sécurité" ! Cette expérience ne montre qu’une chose : enjoindre les prolétaires à lutter contre "le moins disant social", revient à enfermer le prolétariat, fraction par fraction, dans la défense de "ses" conditions d’exploitation au sein de chaque nation capitaliste, à le segmenter en entités opposées et concurrentes. En cherchant ainsi à piéger la classe ouvrière dans le cadre de la défense du capital national et sur le terrain nationaliste, la bourgeoisie s’attache à opposer entre eux les prolétaires et leur interdire toute possibilité d’unité et de solidarité ouvrière par delà les frontières.

Une classe internationale,  une seule lutte solidaire

Cette question de la solidarité possède déjà une portée  concrète, lorsque les patrons mettent en concurrence les ouvriers des différents sites géographiques d’une même entreprise, par le biais des délocalisations.

 La solidarité ouvrière est nécessairement destinée à prendre une dimension  primordiale dans l’avenir de la lutte de classe. Aussi bien dans les pays de départ, que de destination des délocalisations, aucune fraction du prolétariat ne reste à l’écart de l’actuelle reprise des  luttes  que provoque la crise économique aux quatre coins du monde. Notre presse a déjà fait part des luttes ouvrières en Inde (Révolution Internationale n° 367), à Dubaï ou au Bangladesh (Révolution Internationale n° 370). En Chine aussi se développe un nombre croissant de luttes ouvrières qui "ont aujourd’hui gagné le secteur privé et les usines de la Chine côtière, tournées vers l’exportation. Des fabriques qui sous-traitent pour des sociétés étrangères grâce à une main d’œuvre pléthorique et docile (…) parce que les ouvriers, surtout les nouvelles générations, sont de plus en plus conscients de leurs droits. Ils ont aussi atteint un point où la situation n’est plus acceptable."(2) Au VietNam, fin 2005-début 2006, le pays a été secoué pendant plusieurs mois par une vague de grèves sauvages démarrée en dehors de tout contrôle syndical et impliquant plus de 40 000 ouvriers des zones franches de Saigon et des régions intérieures. " Le conflit portant sur les salaires et les conditions de travail a commencé en décembre au VietNam (…) où des douzaines de compagnies étrangères ont installé des usines pour tirer profit de l’énorme masse de main d’œuvre à bas coût. (…) Cette vague de grèves spontanées, considérée comme la pire depuis la fin de la guerre du VietNam (…) [a] commencé il y a presque trois mois principalement dans les usines à capitaux étrangers situées dans la banlieue sud de Saigon."(3) On y retrouve les mêmes tendances qui caractérisent les luttes ouvrières actuelles qui placent en  leur centre la question de la solidarité ouvrière et implique simultanément des dizaines de milliers d’ouvriers de tous les secteurs. A partir de fin décembre " les débrayages se sont succédés pendant plus d’un mois et se sont durcis après un arrêt de travail de 18 000 salariés, chez Freestend, une firme taiwanaise dont l’usine fabrique des chaussures pour le compte de marques comme Nike et Adidas."(4) Le 3 janvier, " dans la région de Linh Xuat, province de Thuc Duc, onze mille employés de six usines font grève pour exiger une augmentation de salaire. Dès le jour suivant, ces grèves gagnent les usines de Hai Vinh et Chutex. Le même jour, cinq mille employés de la société Kollan & Hugo rejoignent la grève pour demander que les salaires minimums soient augmentés. (…) A la société Latex, tous les 2340 employés font grève par solidarité avec celle de Kollan et demandent une augmentation de 30% pour les salaires les plus bas. Ces ouvriers se rendent à la société Danu Vina, entraînant les membres du personnel à se joindre à leur grève. Le 4 janvier, les travailleurs vietnamiens de la plantation Grawn Timbers Ltd, dans la province de Binh Duong, près de Saigon manifestent contre la réduction soudaine des salaires, sans préavis ni aucune explication. Le même jour des milliers d’employés de l’entreprise Hai Vinh, Chutex, située dans la même région industrielle que la plantation Grawn Timbers Ltd se mettent en grève pour protester contre les salaires. Le 9 janvier, les grèves dans ces régions se poursuivent. Dans la banlieue de Saigon éclatent quatre nouvelles grèves auxquelles participent des milliers de travailleurs."(5)  Dans le monde capitaliste, la concurrence constitue la racine des rapports sociaux et elle épargne d’autant moins les ouvriers que la bourgeoisie en profite et en joue pour les diviser et les affaiblir. La classe ouvrière ne peut développer sa propre force qu’en opposant à la concurrence  ambiante son principe de solidarité de classe. Seule cette solidarité permet le développement de la lutte ouvrière comme véritable moyen de s’affronter à l’Etat et comme base au projet de société alternatif à ce monde du chacun pour soi : la société sans classe,  celle du communisme. Cette solidarité ne peut évidemment se concevoir qu’au plan international. Dans la société actuelle, la classe ouvrière, est la seule classe apte à développer une solidarité à l’échelle mondiale.  D’ailleurs, très rapidement le mouvement ouvrier a su affirmer son caractère international. Ainsi à l’époque de Marx, l’une des raisons immédiates qui conduisit à la fondation de l’Internationale fut la nécessité pour les ouvriers anglais de coordonner leur lutte avec ceux de France, d’où les patrons essayaient de faire venir des briseurs de grève. « La crise économique accentuait les antagonismes sociaux, et les grèves se succédaient dans tous les pays de l’Europe Occidentale. (…) Dans beaucoup de cas, [l’Internationale] réussit à empêcher l’introduction de briseurs de grèves étrangers, et là où des ouvriers étrangers, dans leur ignorance des conditions locales, faisaient office de briseurs de grève, elle les amena souvent à pratiquer la solidarité. Dans d’autres cas, elle organisa des souscriptions pour soutenir les grévistes. Non seulement cela donnait aux grévistes un appui moral, mais encore cela provoquait chez les employeurs une véritable panique : ils n’avaient plus affaire à ' leurs' ouvriers, mais à une puissance nouvelle et sinistre, disposant d’une organisation internationale."(6)  Le prolétariat n’est jamais aussi fort que lorsqu’il s’affirme face à la bourgeoisie comme force unie et internationale.

Scott / 7.06

(1) L’Expansion du 13 février 2004

(2) Le Monde, du  14.octobre 2005

(3) Dépêche AFP du 15 mars 2006

(4) Courrier International n°796

(5) "Grèves massives au Vietnam pour obtenir des salaires décents" sur Viettan.org. Et Marianne n°470 du 22 avril 2006.

(6) B. Nicolaïevski, O. Maenchen-Helfen, La Vie de Karl Marx, NRF, Gallimard, p. 317.

Questions théoriques: 

  • L'économie [8]

Un nouveau parti à la gauche du PS: Un renforcement du combat pour une alternative à la barbarie capitaliste?

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Depuis quelque temps, non seulement dans les milieux d"extrême-gauche (des partis trotskistes aux staliniens du PTB), mais même dans les médias bourgeois, apparaissent des plaidoyers sur la nécessité d’un "parti populaire à la gauche du PS ou des écolos". Dans cette logique, diverses initiatives ont été lancées pour amorcer une dynamique menant au surgissement d’un tel parti.

Ainsi la bourgeoisie a accordé une certaine attention au "succès électoral" du PTB "ex stalinien" qui a triplé le nombre de ses conseillers communaux. Elle a tout particulièrement salué sa réorientation "populiste de gauche" d’après l’exemple néerlandais. Cependant, cette réorientation vient un peu tard et les guenilles staliniennes et maoïstes lui collent tellement à la peau que ce nouveau virage du PTB est loin d'être évident.

La course à l’investiture d’un nouveau parti à gauche du PS est maintenant bien ouverte sous le regard attentif de la bourgeoisie. C’est dans cette perspective que le Mas ou le POS ont fait campagne en faveur d’une série d’appels pour "une autre gauche" et "une autre politique". Leur argumentation est la suivante: "La classe ouvrière a besoin d’un parti qui défende ses intérêts, qui fasse entendre une autre voie dans les débats, qui puisse informer et mobiliser la population, et qui refuse de s’incliner devant la logique néolibérale qui vise à en finir avec tout ce que nos grands-parents et parents ont acquis par la lutte. C’est possible! En Allemagne, une nouvelle formation, le Linkspartei, vient d’obtenir 8,7% aux dernières législatives. Dans le mouvement contre les réformes de Schröder, des syndicalistes de divers syndicats se sont réunis avec d’autres activistes dans une campagne pour un nouveau parti. Ceci a abouti à la création du WASG qui s’est présenté avec le PDS aux élections sous le sigle du Linkspartei" (LSP/MAS, site web). Pour ces supporters d’une "autre gauche", le samedi 28 octobre a été un grand jour car s’est constitué à Bruxelles un Comité pour Une Autre Politique autour d’une série de personnalités de la gauche socialiste et syndicale (tels l’ancien député Sleeckx et l’ex-patron du syndicat socialiste Debunne) et il a d’emblée décidé de participer aux prochaines élections législatives.

Et pour les travailleurs ? Est-ce que ce nouveau parti, est-ce que cette "autre gauche", cette "autre politique" représentent vraiment un apport pour leur combat ?

Une "autre politique" au sein de l’Etat bourgeois et de son parlement ?

La politique anti-ouvrière évidente des partis socialistes PS/SPa au gouvernement depuis 18 ans, tout comme la corruption et les scandales qui les touchent périodiquement, tendent à faire s’écarter d’eux les éléments en recherche d'une alternative à la barbarie du capitalisme pourrissant. Face à cela, il peut paraître logique d’appeler ceux-ci à se mobiliser pour construire "un vrai parti de gauche" qui pourrait réellement représenter les travailleurs lors des élections et défendre leurs intérêts dans le système représentatif de l’Etat bourgeois, de la commune au parlement national. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un parti se présente comme l’émanation d’une "autre gauche" et appelle à voter pour lui avec la promesse de mener une "autre politique": des divers partis communistes jusqu’au PDS en Allemagne ou au "Parti des Travailleurs" de Lula au Brésil, ces partis "à la gauche du PS" l’ont tous promis mais cela ne les a pas empêchés, du "président" Lula aux "ex-communistes"en France ou en Allemagne, de soutenir une politique de renforcement du capital national. De même, en Italie, le Parti de la Refondation communiste est entré dans la coalition sociale-libérale de Romano Prodi et s’affirme prêt à "gouverner", c’est-à-dire à prendre les mesures nécessaires pour renforcer la capacité concurrentielle du capital national.

Pour les révolutionnaires, la trahison des partis socialistes, puis plus tard des partis "communistes"ou "des travailleurs’ n’est pas le résultat du hasard, de la malchance ou de mauvais dirigeants, c’est le produit de l’évolution même du système capitaliste et de sa phase actuelle. Dans la phase actuelle de décadence, de crise mondiale, de chaos et de guerre généralisés, l’ensemble des Etats bourgeois ont évolué vers un système où les partis n’expriment plus la lutte entre fractions bourgeoises pour le contrôle de l’Etat mais où l’ensemble des partis est l’émanation des intérêts du capital national et oeuvre pour la défense de ceux-ci dans la foire d’empoigne entre brigands impérialistes au niveau international.

Croire que dans un tel contexte entièrement contrôlé par l’Etat bourgeois, un parti défendant les intérêts de la classe exploitée pourrait se développer dans le cadre du système parlementaire et électoral, voire conquérir le pouvoir, c’est se raconter des histoires, se bercer de rêves illusoires.

Au début du 20e siècle, aveuglées par la croissance exponentielle du capitalisme et par le développement impressionnant de leurs propres forces, les fractions opportunistes au sein de la Social-démocratie ont pu répandre l’illusion d’un passage progressif au socialisme à travers la prise de contrôle de l’Etat bourgeois au moyen du levier électoral. Cent ans plus tard, après deux guerres mondiales, de terribles crises économiques et un chaos et une barbarie croissants sur toute la planète, la mise en avant d’une telle conception ne peut être taxée que comme une entreprise de mystification éhontée visant à enfermer les travailleurs dans une voie suicidaire.

Une "autre gauche" pour aider à développer la conscience des travailleurs ?

Lorsque des doutes s’expriment sur l'opportunité d'un tel parti dans le cadre du système parlementaire, les gauchistes vous répondent, presque dans le creux de l'oreille : "Nous ne sommes pas dupes. Nous savons bien que ce nouveau parti ne sera pas le parti révolutionnaire, que tel dirigeant politique ou syndical va encore trahir, mais cette expérience négative est un passage obligé pour que les travailleurs apprennent qui sont les vrais révolutionnaires" (MAS, Pour un nouveau parti des travailleurs, 06.04.06). Cette démarche correspond pleinement à la vision manipulatrice de la lutte de classe propre aux groupes trotskistes, qui considèrent la classe ouvrière comme une masse moutonnière qu'on peut diriger dans un sens ou l'autre. Faire croire qu’enfermer les travailleurs dans une logique réformiste et une perspective d’action suicidaire favorise le développement de la conscience prolétarienne témoigne d’un cynisme sans bornes. Loin de s’appuyer sur l’expérience de sa force et de son organisation que la classe ouvrière peut acquérir dans sa lutte, le MAS pose comme perspective pour le développement de la prise de conscience … l'expérience individuelle de "chaque travailleur"; la mystification démocratique qui transforme "chaque travailleur" en un "citoyen", seul, dans son isoloir, avec l'illusion que son bulletin va influer sur sa condition sociale. La démarche gauchiste prétend qu'il faut partir des illusions des travailleurs pour les entraîner dans une expérience négative afin qu'ils prennent conscience. Affirmer que la conscience naît de la confusion, de la mystification et du découragement, tient du cynisme le plus répugnant et permet entre temps d’enfermer la classe ouvrière dans les campagnes démocratiques de la bourgeoisie.

Un nouveau parti des travailleurs pour sauvegarder les intérêts de la classe dominante

Si la classe ouvrière n’a aucun intérêt à s’engager pour la construction d’un nouveau parti de gauche, qu’en est-il de la bourgeoisie ? Confrontée à la décrédibilisation des partis de gauche "classiques’, elle a incontestablement intérêt à engendrer de nouvelles forces crédibles pouvant prendre la relève : des forces non décrédibilisées par l’exercice du pouvoir mais orientant, à travers un discours et une image plus radicale, la classe ouvrière vers les mêmes pièges du parlementarisme et du combat illusoire pour la réforme des structures de l’Etat bourgeois.

De ce point de vue donc, les organisations comme le MAS, le POS ou le PTB font effectivement un excellent travail … au service de la bourgeoisie. Pour ces organisations, en effet, la priorité des travailleurs serait de se mobiliser pour envoyer au parlement bourgeois un parti "plus à gauche" que les PS/SPa. L’objectif premier est alors de participer activement aux élections, d’élaborer un programme de réformes du système, de mettre en avant des personnalités comme Sleeckx ou Debunne, qui sont des hommes politiques bourgeois, des dirigeants syndicaux qui se sont toujours positionnés en défense des intérêts de l'Etat et contre la classe ouvrière, bref, couvrir d'un discours radical des pratiques et des programmes politiques qui sont ceux de la bourgeoisie. Les points de référence de ce nouveau parti des travailleurs, ce sont aussi les résidus de partis staliniens comme le PDS en Allemagne (ex-parti communiste de l'ex-RDA), le WASG de Lafontaine (ex-dirigeant SPD), Rifondazione, résidu de l'ex-Parti communiste italien, le Socialistische Partij des Pays-Bas (ex-maoïste qui a viré au populisme de gauche), sans parler du PT de Lula au Brésil ni des anciennes ou nouvelles icônes gauchistes d'Amérique latine comme Castro, Morales, ou Chavez. Voilà les références qui devraient convaincre les travailleurs qu'ils vont enfin pouvoir envoyer au parlement des représentants qui mettront fin aux politiques d'austérité.

L’objectif de ces campagnes pour une "vraie gauche" n’est en réalité nullement d’offrir des perspectives au combat de la classe ouvrière, mais au contraire de détourner le ras-le bol qui tend de plus en plus à s’exprimer vers des voies sans issue et ainsi éviter le développement de la réflexion au sein du prolétariat sur les perspectives et les moyens de lutte face à la barbarie croissante de la société bourgeoise. La pression de la crise et de l’austérité partout en Europe stimule la reprise de la combativité de la classe ouvrière, qui commence à se manifester avec plus de vigueur partout dans le monde. En Belgique, la lutte contre le "pacte des générations" fin 2005 a également montré un début de combativité et la bourgeoisie a compris que, si elle est parvenue à infliger une défaite aux travailleurs, puisque la loi est passée, cette reprise de la combativité s'accompagne également d'un début de prise de conscience que la défaite est le résultat du sabotage syndical. L'objectif de la campagne autour d’une "autre gauche" est donc bien de détourner sur le terrain des élections le mécontentement et ce début de prise de conscience. C'est là qu'intervient la propagande pour un nouveau parti des travailleurs qui tente de réactiver les illusions envers les syndicats plus combatifs, et la possibilité de défendre les ouvriers dans le parlement ou au conseil communal. La bourgeoisie se prépare à la nouvelle période de confrontation entre les classes confirmée par la mobilisation des jeunes générations de prolétaires en France contre le CPE et dans laquelle se sont manifestées les caractéristiques nouvelles des luttes ouvrières telles que la solidarité dans la lutte et la prise en mains de celle-ci par les AG (cf. Internationalisme, n°326, Mouvement contre le CPE: une riche expérience pour les luttes futures).

"Envoyer les travailleurs dans la confusion et la mystification pour qu’ils apprennent à voir clair" : voilà un objectif des plus cyniques de la campagne autour du "vrai parti de gauche". Il illustre parfaitement le rôle immonde que jouent en réalité ces "révolutionnaires" que prétendent être les trotskistes ou le PTB: ramener les éléments en recherche d’une vraie alternative au capitalisme vers la défense de la démocratie et le combat pour des réformes, détruire en fin de compte chez eux toute dynamique de prise de conscience.

Cela signifie-t-il que pour nous, une organisation politique est inutile ? Bien au contraire, nous affirmons qu’une organisation politique révolutionnaire est indispensable, mais en aucun cas pour lancer la classe ouvrière dans les voies suicidaires du réformisme, encore moins pour s’engager sur le terrain bourgeois de la représentation électorale au sein des organes de l’Etat capitaliste. Tout au contraire, son rôle est de défendre l’expérience historique des combats de classe et d’être à l’avant-garde dans sa prise de conscience, justement en combattant sans concession toutes ses illusions sur la démocratie, sur les syndicats, sur la gauche en général. Sa responsabilité est de généraliser les expériences les plus marquantes des luttes, celles qui soulignent la dynamique de politisation des nouvelles générations de prolétaires comme le combat contre le CPE ou d'autres luttes, les grèves du métro de New-York, à Mercedes-Benz en Allemagne, celle des métallurgistes à Vigo en Espagne, où sont réapparues les marques de solidarité prolétariennes, les assemblées générales ainsi que l'exigence de négocier directement, sans la médiation syndicale, avec l'adversaire (cfr. Internationalisme, n°326). Et là où c’est possible, le CCI intervient comme organisation révolutionnaire, mais sans alimenter une quelconque illusion. La classe ouvrière a besoin de connaître ses faiblesses comme ses atouts pour se préparer aux luttes futures car seule la vérité est révolutionnaire.

J.&J. / 01.01.06

Situations territoriales: 

  • Belgique [9]

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