Les organisations politiques du prolétariat ont le leur source de vie dans la pratique historique et vivante de leur classe. Le CCI n'échappe pas à cette loi et le 3ème Congrès a été, dans tous ses aspects, traversé des problèmes qui se posent aujourd'hui dans les combats de la classe ouvrière. Le Congrès a commencé par le bilan de deux ans d'activités dans la lutte de classe ; en ce domaine, avec trois an et demi d'existence comme organisation internationale centralisée, le CCI dispose d'une petite expérience, néanmoins déjà riche de quelques enseignements importants. Le premier enseignement est qu'à cette inexpérience organisationnelle correspond une faiblesse théorique quant à la capacité à approfondir les questions posées dans le mouvement ouvrier du passé. Dans le processus constant d'approfondissement de la compréhension de la réalité sociale, historique et actuelle, le CCI balbutie encore tout comme l'ensemble des organisations révolutionnaires, expressions de la lutte de la classe ouvrière. Le deuxième enseignement est la difficulté, mais également la nécessité et la possibilité de vivre avec des divergences politiques. L'amélioration de la capacité à poser les questions surgies de la lutte de classe présuppose un débat constant comportant inévitablement des divergences politiques, des différentes appréciations, qu'il faut être capable de résoudre au sein de la même organisation. Le troisième enseignement est la nécessaire adéquation et modulation de l'intervention en fonction de la période dans laquelle on se trouve. Tous ces aspects de réactivité d'une organisation révolutionnaire, approfondissement théorique et politique, développement de l'organisation et regroupement des révolutionnaires, intervention active dans les luttes de la classe ouvrière- ont plus qu'auparavant été examinés comme formant un tout, un ensemble cohérent de plus en plus lié directement à la pratique de la classe ouvrière elle-même, et une insistance particulière a été portée sur la question des publications de l'organisation.
C'est pourquoi les travaux du Congrès ont consisté principalement en un bilan de la situation internationale.
Lors du deuxième Congrès, nous avions pu constater la confirmation de ce qui était déjà notre analyse avant même la constitution officielle du CCI, à savoir : la fin de la période de reconstruction et l'entrée du système capitaliste dans une nouvelle phase de la crise permanente historique du système. Nous avions pu également mettre en évidence le développement lent de la crise et dégager les raisons de cette lenteur. Contrairement aux apologistes intéressés ou encore aux chercheurs confus, à qui le rythme lent de la crise inspirait des théories fallacieuses et de vains espoirs sur de possibles issues de la crise (restructuration de l'appareil productif, ouverture du marché chinois ou de celui du bloc de l'Est, et autres fantaisies), nous énoncions, sur la base d'une analyse marxiste, son caractère permanent, historique et non contingent, son aggravation inéluctable, ce qui n’ouvre dans le capitalisme décadent et dans le cadre de ses lois immanentes qu’une seule issue : la marche vers la guerre généralisée.
Cette analyse, comme le démontre le rapport CRISE ET ANTAGONISMES INTERIMPERIALISTES est pleinement confirmée par l'évolution de la crise de ces deux dernières années. Partant de l'évolution de la crise et d'un examen correct de la condition où se trouve la classe ouvrière dans la période actuelle, nous avons mis en évidence l'inéluctabilité du resurgissement de la lutte de classe du prolétariat, sa capacité énorme et intacte à affronter la politique d'austérité que le capitalisme tend à lui imposer. Cette perspective de reprise du combat du prolétariat, également dégagée au deuxième Congrès, se trouve pleinement vérifiée et confirmée.
Il est vrai que nous avons parfois commis des erreurs d'appréciation et des exagérations sur des luttes ponctuelles et momentanées, que nous n'avons pas toujours perçu immédiatement le mouvement en dents de scie de la lutte du prolétariat. Mais ces erreurs, corrigées plus ou moins rapidement, n'ont jamais infirmé le fond de la perspective tracée. C'est pour répondre à toutes les tendances au pessimisme qui se manifestent jusque dans nos rangs chaque fois que la lutte ouvrière se trouve momentanément dans le creux du mouvement en dents de scie, c'est pour nous prémunir à l'avenir contre ces tendances au scepticisme à qui l'arbre cache la forêt, c'est pour répondre jusque dans le détail à des objections déjà entendues et toujours susceptibles de se renouveler, c'est pour fonder une bonne fois solidement la perspective, qu'il a été jugé nécessaire de présenter un rapport sur L'EVOLUTION DE LA LUTTE DE CLASSE long et détaillé, mais essentiel pour la compréhension de cette perspective et de 1'orientation de l'activité pratique.
Il en est de même en ce qui concerne le cours historique qui se dégage de la situation actuelle. Il est absolument nécessaire de rejeter
la théorie absurde de deux cours parallèles, l'un vers la guerre, l'autre vers la révolution, qui ne font que se poursuivre à l'infini sans jamais se rencontrer, sans agir et réagir l'un sur l'autre. Une telle "théorie" relève d'une démarche normande : "Peut-être ben qu'oui, peut-être ben qu' non". Une classe révolutionnaire ne saurait se contenter d'une théorie de constat de fatalité, de "qui vivra verra". Il est mille fois préférable l'investigation avec tous les risques d'erreur que l’absence de toute investigation. L'investigation à laquelle le CCI s'est livré montre d'abord la validité de la démarche et permet ensuite de répondre non pas à la question "quelles sont les forces qui poussent à la guerre ?", mais à la question "comment et par qui ces forces de la guerre sont entravées et leur aboutissement empêché ?". C'est à cela que répond le rapport sur le COURS HISTORIQUE, dont l'argumentation repose sur l'analyse générale de la période et de l'évolution de la crise et dont elle est une partie intégrante.
Toutefois, il n'en est pas de même pour ce qui est de l'analyse de la. CRISE POLITIQUE de la bourgeoisie et de la nécessaire arrivée de la gauche au pouvoir qui a constitué durant des années et notamment au deuxième Congres, l'axe des conclusions politiques à court terme. Une contribution spécifique sur cette question complète les rapports sur le changement intervenu dans la situation et ses implications pour l'intervention.
Une RESOLUTION SUR LA SITUATION INTERNATIONALE a été adoptée qui fait la synthèse des trois rapports généraux sur la situation
Une autre partie des travaux du Congrès a consisté en l'adoption de la RESOLUTION SUR L'ETAT DANS LA PERIODE DE TRANSITION, concrétisation de plusieurs années de discussions sur la question, question qui fera l'objet d'une brochure dans laquelle seront publiés les débats qui se déroulent au sein du CCI. Complément indispensable des activités et des analyses de la situation, les questions théoriques de la période de transition, du contenu du socialisme, des "buts généraux du mouvement", restent un souci constant dans les orientations du CCI.
Enfin, nous tenons à saluer la présence à ce Congrès de délégations de la Communist Workers'Organisation, du Nucleo Comunista Internizionalista, d'Il Leninista et d'un élément participant des Conférences Communistes de Scandinavie. Les débats du CCI sont des débats dans le mouvement ouvrier et n'ont rien de confidentiel et les invitations des groupes aux travaux ne peuvent que contribuer à une meilleure connaissance de vivo des positions du CCI et donc à la clarification politique au sein du milieu révolutionnaire.
L'évolution de la situation mondiale est déterminée par le rapport complexe entre deux tendances historiques : le cours de la crise économique du capitalisme et le cours de la lutte prolétarienne. Le cours de la crise économique, devenue permanente à l'époque de la décadence du capitalisme, est fondamentalement dicté parles lois aveugles qui régissent le processus de l'accumulation capitaliste. Ces lois condamnent le capitalisme à survivre uniquement à travers un cycle de crise-guerre-reconstruction-crise; inexorablement, elles poussent la bourgeoisie vers la guerre impérialiste mondiale, comme seule réponse capitaliste à la crise ouverte de surproduction généralisée. D'autre part, le cours de la lutte de classe prolétarienne, quoiqu'étroitement liée au déroulement de la crise économique n'en est pas un produit mécanique. Il est aussi déterminé par toute une série de facteurs super structurels. Par conséquent, si le cours de la crise économique en provoquant une dépression mondiale constante est un facteur puissant qui pousse la classe ouvrière dans la lutte contre la dégradation de ses conditions de vie et de travail, la capacité du prolétariat à généraliser et à politiser sa lutte est déterminée en fin de compte par le développement de sa conscience de classe, par son organisation autonome, par la contribution de ses minorités révolutionnaires et par le poids plus ou moins grand de l'idéologie bourgeoise (le nationalisme, "le légalisme", l'électoralisme, 1'antifascisme, le "communisme national", etc.) en son sein.
Le cours de la lutte de classe prolétarienne lui-même devient un facteur important qui influe sur le cours même de la crise économique. En empêchant le fonctionnement des palliatifs capitalistes (la déflation, la politique des revenus, les pactes sociaux, les licenciements, les "rationalisations", la militarisation du travail, etc.), la combativité de la classe ouvrière aggrave et intensifie la crise, plongeant la bourgeoisie dans le désarroi. Si le cours de la lutte de classe refluait définitivement, lors d'une période de crise mondiale, le chemin serait ouvert à la "solution" capitaliste, la guerre mondiale, mais si la lutte de classa monte, avec un approfondissement de la lutte de classe et le développement des organes unitaires et politiques de la classe, elle peut transformer la crise économique en crise révolutionnaire, en début d'une transformation communiste de la société.
C'est sur la base d'une compréhension de cette interaction complexe entre la crise et l'activité du prolétariat -compréhension qui constitue l'essence du marxisme- que les révolutionnaires peuvent déterminer si la perspective historique est aujourd'hui vers la guerre impérialiste ou vers la montée de la lutte de classe. De cette compréhension dépend la forme de l'intervention de l'organisation des révolutionnaires dans la lutte.
Dans ce rapport sur la situation internationale, nous analyserons d'abord le déroulement de la crise économique ainsi que l'aggravation considérable des antagonismes inter-impérialistes que la dépression mondiale a provoquée et aussi la crise politique dans laquelle les difficultés économique croissantes ont plongé la bourgeoisie de chaque nation. Nous tracerons ensuite le cours de la lutte de classe prolétarienne, son impact sur le déroulement de la crise économique et sur les tendances qui poussent la bourgeoisie vers la guerre mondiale. Enfin, sur la base de notre étude de l'interaction entre le cours de la crise économique et celui de la lutte de classe, du rapport de forces entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, nous montrerons quelle est la perspective historique aujourd'hui et les facteurs qui peuvent influer sur elle.
CRISE ET CONFLITS INTERIMPERIALISTES
LA CRISE ECONOMIQUE
Douze ans après que les pays ravagés par la deuxième guerre mondiale (Europe et Japon) ont atteint des balances commerciales favorables et devenus donc capables de concurrencer les USA sur le marché mondial, signalant ainsi la fin de la reconstruction d'après-guerre; huit ans après que l'effondrement du système monétaire mondial établi à Bretton Woods a inauguré une période de chaos monétaire incessant; quatre ans après le plus fort déclin de la production et du commerce mondial depuis les années 30, l'économie mondiale en 1979 est au bord d'une nouvelle catastrophe économique encore plus dévastatrice.
Dans les pays industrialisés du bloc américain (OCDE) dont la production s'est accrue de 60 % entre 1963 et 73, l'accroissement a été de moins de 13 % entre 1973 et 78, soit 2/5 du taux réalisé précédemment. Le ralentissement drastique de la croissance de la production industrielle -maintenant au bord de la stagnation- est le triste témoignage de la saturation du marché mondial et de la crise ouverte de surproduction qui affecte les géants industriels du bloc.
Une des manifestations les plus claires de la crise de surproduction est la sous-utilisation de la capacité productive, les usines qui ne tournent pas. Les USA, même au prix d'une inflation galopante, destructrice (les prix augmentent de 14 % par an) qui, si elle n'est pas rapidement maîtrisée, amènera à la ruine économique , n'ont pas été capables de reproduire leur réussite des booms des années 50 et 60, quand l'industrie fonctionnait à plein rendement : en 1978, les industries de transformation tournaient seulement à 83 % de leur capacité, et dans une industrie clé comme l'acier, la production était tombée de 7 % par rapport au niveau déjà bas de 1974. Mais ce sont les alliés des Etats-Unis qui sont aujourd'hui les plus dévastés par le fléau d'une capacité productive excédentaire, qui, dans nombre d'industries vitales a atteint des proportions épidémiques. Cela suscite une série de plans d'urgence pour essayer d'éliminer cette capacité excédentaire de façon coordonnée au niveau du bloc, pour prévenir ainsi le danger des guerres commerciales intestines.
La contraction de la production d'acier a déjà atteint des proportions monumentales : entre 1974 et 1978, la production a baissé de 9,4 % en Grande-Bretagne, 12 % au Japon, 18 % en France, 20,5 % en RFA,'22 % en Hollande, 26,2 % en Belgique, et 26,6 % au Luxembourg, et ce n'est pas fini ! En Belgique, l'industrie de l'acier ne tourne qu'à 57 % de sa capacité, tandis qu'au Japon 20 % des hauts-fourneaux sont éteints. L'évidence de l'engorgement de l'acier se manifeste de façon éclatante : a Tokyo, dans les nouveaux hauts-fourneaux (trois millions de tonnes par an) que le propriétaire Nippon Kekan, hésite à mettre en route, car ceux-ci ne feraient qu'ajouter à la capacité excédentaire existante; dans la nouvelle aciérie de Lorraine en France, qui va se rouiller avant même d'avoir produit de l'acier.
La situation dans la construction navale est encore plus catastrophique. Les commandes mondiales qui se maintenaient à 74 millions de tonnes brut enregistrées en 1973 sont tombées à 11 millions en 1977 (même pas de quoi permettre aux chantiers navals japonais de se maintenir en activité, sans parler de ceux de l'ensemble du bloc); qui plus est les commandes sont tombées de 30 % depuis 1977 ! Ce sont les pays du bloc américain qui ont été le plus durement touchés par cette crise actuelle de l'industrie navale. En France, par exemple, les nouvelles commandes n'apporteront pas plus qu'un quart de la capacité de production. Le Japon -qui construit la moitié des navires du monde- prévoit d'éliminer au moins 35 % de sa capacité de construction navale, tandis que la CEE prévoit d'éliminer presque la moitié de sa capacité productive.
Dans l'industrie chimique, l'industrie de l'Allemagne de l'Ouest-qui domine le marché mondial de même que ses compagnies dominent la scène industrielle allemande ne fonctionne qu'à 70 % de sa capacité. Dans la pétrochimie, il y a 30 % de capacité excédentaire dans le marché mondial et cela augmente. Dans les secteurs des fibres synthétiques, les usines de la CEE ne marchent aujourd'hui qu'à 66 % de leur capacité productive et un plan pour trois ans de "désinvestissement" est prévu pour réduire la capacité de 20 % ; dans le même temps, le Ministre du Commerce International et de l'Industrie du Japon dit que le secteur des fibres synthétiques doit être réduit définitivement de 25 % de sa capacité productive.
Dans les industries comme la navigation ou l'automobile, le tableau est également sombre pour le capital : dans les pays où le secteur de la navigation est le pilier de l'économie, un certain nombre de flottes les plus actives sont déjà réduites : en Grèce 11 %, en Norvège 23 %, en Suède 27 %. Dans l'industrie automobile, alors que la production dans la CEE tourne aujourd'hui à environ 10,6 millions d'automobiles par an (les usines sont capables de tourner à 12 millions d'automobiles par an) d'après les pronostics actuels, la capacité industrielle ne dépassera pas les 13 millions d'automobiles par an en 1982. Une contraction planifiée et coordonnée (comme dans l'acier, les constructions navales et les fibres), une vague de faillites ou du protectionnisme sont les seules alternatives également pour ces industries-clé. Une lenteur de l'investissement dans les nouvelles usines vient s'ajouter à une capacité excédentaire persistante et en fait croissante de la production dans les principales industries. Autrement dit, les obstacles croissants à la réalisation de la plus-value ont provoqué par leur apparition un ralentissement du taux d'accumulation. Dans un monde courbé sous le poids d'une capacité de production inutilisée, les investissements dans de nouvelles usines ne peuvent que stagner et ensuite décliner. Et cela, comme nous le verrons lorsque nous tracerons les perspectives économiques pour les années 80 n'est qu'un signe avant-coureur d'une chute nouvelle et violente de la production!
Les banquiers et les technocrates, qui cherchent vainement à coordonner la politique économique du bloc américain -malgré l'impuissance de leur "science économique"- ont au moins été capables de reconnaître le problème. Ainsi, les savants de l'OCDE signalent " (. ..) la lenteur dans l'expansion de l'investissement fixe des entreprises observée ces dernières années dans pratiquement tous les pays membres (..}; même dans les pays où la somme totale de dépense de capital a augmenté jusqu'à ce jour à un taux relativement haut, a été telle que le niveau de l'investissement fixe des entreprises est resté faible par rapport à ces maximums antérieurs." La Banque des Règlements Internationaux signale également"(...)la faiblesse persistante des dépenses en capital fixe des entreprises"- ( 1ère citation : "Perspectives économiques de l'OCDE, 23 Juillet 78; 2ème citation : "Banque des Règlements Internationaux", Rapport annuel N°47, Bâle 1977). L'importance du problème peut se voir clairement dans le cas de l'Allemagne de l'Ouest où le taux de croissance annuel moyen de la capacité de production est passée de 6,1% pour la période 1960-1965 (dernière phase de la reconstruction d'après-guerre) à 3,9% pour 1966-70 (début de la crise ouverte) et ensuite à 1,8% en 1975, à 1,5% en 1976 et à 1% en 1977. Cette chute catastrophique du taux d'accumulation en Allemagne de 1'Ouest avec ses surplus commerciaux encore importants illustre le désastre économique que traverse l'économie mondiale. En étant incapable de saisir ni les causes fondamentales, ni les causes immédiates de la crise économique mondiale, la bourgeoisie formule parfois son dilemme (d'une part, un capital inutilisé et d'autre part, l'inutilité de nouveaux investissements) en constatant: "Si les USA devaient investir approximativement 20% de leur PNB dans de nouvelles capacités, il n'y aurait pas assez d'entrepôts pour stocker toutes les marchandises invendues ni assez d'ordinateurs pour comptabiliser les allocations chômage" (Business Week, janvier 77).
On peut aussi voir les dimensions de la crise économique actuelle dans l'immense et toujours croissante masse de chômeurs. Il y a actuellement 18 millions de chômeurs dans les pays industrialisés du bloc américain! La légion des chômeurs ne constitue pas simplement une armée de réserve industrielle permettant d'exercer une pression sur les salaires comme ce fut le cas pendant la période ascendante du capitalisme au siècle dernier. Les chômeurs ne sont pas non plus un simple sous-produit de l'offensive bourgeoise contre le prolétariat, le fruit d'un effort de "rationnaliser" la production et d'extraire plus de plus-value de moins d'ouvriers. Bien que ces deux tendances s'exercent sans aucun doute, les chômeurs par leur nombre massif aujourd'hui, loin d'être un bien fait pour le capitalisme, sont devenus un incroyable fardeau pour la rentabilité du capital global que la bourgeoisie est incapable de contrôler. Aujourd'hui, le chômage est une manifestation supplémentaire des contradictions insurmontables du mode de production capitaliste; il est d'abord et avant tout la matérialisation de la sous production chronique de la marchandise force de travail.
On doit ajouter à la surproduction du capital constant qui se manifeste par une capacité de production excédentaire et des usines fermées, la surproduction du capital variable qui se traduit par une explosion massive du chômage. On doit ajouter au volume croissant de capital monétaire inutilisé pour lequel aucun investissement productif n'est possible, une génération inemployée de jeunes ouvriers (en France, par exemple, 1 ouvrier sur 7 de moins de 25 ans est au chômage) dont la force de travail ne peut plus accroître le capital. L'agonie du capitalisme mourant a confirmé la prédiction de Marx et Engels d'un mode de production capitaliste qui "... ne peut plus assurer l'existence de l'esclave à l'intérieur même de son esclavage : il est forcé de le laisser déchoir si bas qu'il doit le nourrir au lieu d'être nourri par lui". (Manifeste Communiste)
La crise économique mondiale du capitalisme, contrairement à l'insistance des trotskystes selon laquelle les pays du bloc russe sont des Etats ouvriers (sic!), n'a pas épargné les dix nations qui composent le COMECON ([1] [3]). Les violentes ondes de choc de la crise de surproduction ouverte ont aussi secoué le bloc russe et ont entraîné le même ralentissement drastique de la croissance de la production industrielle et la même chute du taux d'accumulation qui afflige le reste du monde capitaliste.
En Russie, le taux de croissance annuel de la production industrielle, qui tournait autour de 10% en 1950-60, est tombé à environ 7% entre 60 et 70 et, avec le dernier plan quinquennal (1971-76) il est tombé à un taux anémique de 4,5% -juste un peu au-dessus du taux annuel moyen de croissance de tous les pays de l'OCDE pendant la même période. De plus, les planificateurs russes ont déjà dû admettre que les objectifs de croissance industrielle de leur plan quinquennal actuel (1976-80) ne seront pas atteints. Dans tous les satellites de la Russie en Europe de l'Est, la croissance de la production industrielle en 1978 n'a pas atteint ses objectifs. Et en Allemagne de l'Est où le PNB a crû à un taux proche de 4% en 1978 (au lieu des 5,2% estimé) l'espoir d'atteindre les objectifs est vain.
Les pays du bloc russe souffrent aussi d'une chute dans le taux d'accumulation. Ainsi, en Bulgarie, la croissance de l'investissement s'est ralentie : de 6% en 1977 à seulement 4,4% en 1978. En Hongrie, les investissements seront pratiquement gelés en 1979 (on prévoit une hausse de seulement un peu plus de 1%) et on ne commencera aucun grand projet d'investissement cette année.
Un certain nombre d'industries clé dans le bloc russe sont déjà touchées par la surproduction et les limites du marché mondial saturé. Des industries qui produisent en grande partie pour le marché mondial tel que les chantiers navals de Pologne, les immenses nouvelles industries d'automobiles en Pologne et en Russie qui fournissent les Polski et les Lada, les usines d'engineering comme la Raba de Hongrie qui exportent un quart de sa production (430 Millions de dollars par an) à l'Ouest, sont toutes confrontées à la même amère alternative: une capacité de production inemployée ou un dumping systématique. Le dumping, qui a été adopté par ces industries n'est qu'une autre manifestation de la crise de surproduction et ses effets se feront sentir dans l'économie de tout le bloc russe puisque la vente de marchandises en dessous de leur coût de production dans une branche de production doit être compensée par des coûts plus élevés dans d'autres secteurs.
Cependant, le gros de l'industrie du bloc russe n'a pas encore été directement confronté aux limites du marché saturé. En effet, la Russie et ses satellites souffrent d'une pénurie chronique de capital, ce qui apparemment est l'opposé de la crise qui frappe les métropoles du bloc américain. Cependant, le capital inutilisé dans le bloc américain et la pénurie de capital dans le bloc russe, la capacité de production excédentaire dans le bloc américain ET la capacité productive insuffisante du bloc russe, sont les différentes manifestations de la MEME crise globale de surproduction qu'entraîne la saturation du marché mondial.
Les manifestations spécifiques de cette crise dans les pays du bloc russe -effet de la pénurie de capital- sont le résultat de l'arriération relative de leur économie. Le PNB de tous les satellites russes en Europe de l'Est n'égale pas le PNB de la France seule; le PNB de la Russie même n'atteint pas les PNB de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Italie ensemble (dont on ne peut pas dire qu'ils sont les géants industriels du bloc américain). Cette arriération est manifeste dans tous les secteurs-clé qui déterminent la compétitivité d'une économie sur le marché mondial. Malgré l'étatisation presque complète de l'industrie du COMECON, la concentration du capital dans les entreprises de grande échelle est beaucoup plus avancée dans le bloc américain : les 50 plus grandes compagnies fournissent près d'un tiers de la production industrielle américaine; en Russie, il faut rassembler les 660 plus grandes entreprises pour atteindre cette même proportion. La composition organique du capital est beaucoup plus élevée dans le bloc américain que dans le bloc russe (l'industrie tchécoslovaque -une des plus avancées technologiquement du COMECON- utilise un quart de plus d'ouvriers que la moyenne dans la CEE ([2] [4])) ce qui permet au bloc américain de s'approprier une part disproportionnée de la plus-value globale. La productivité du travail est aussi beaucoup plus grande dans le bloc américain que dans le bloc russe (les ouvriers spécialisés russes sont un quart moins productifs que les ouvriers spécialisés américains). Enfin, le bloc russe subit le poids d'une agriculture arriérée dont la main d'œuvre est très élevée (25 à 40% de la population active des pays du C0MEC0N vivent de l'exploitation de la terre alors que dans pratiquement tous les pays industrialisés du bloc américain, la proportion correspondante est inférieure à 10%).
Le fait que le capitalisme russe n'ait commencé sa course pour le pouvoir mondial qu'une fois le mode de production capitaliste déjà entré en crise permanente, implique qu'il ne pouvait pas égaler les puissances économiques dominantes -devenues impérialistes- qui avaient réalisé une formidable accumulation de capital quand le marché mondial était encore en expansion. La saturation du marché mondial, la crise globale de surproduction, a limité sévèrement le développement des industries d'exportation russes, sa capacité à réaliser la plus-value par-delà ses frontières, malgré le recours à un dumping systématique pendant la crise ouverte des années 30 et aujourd'hui); la capacité à importer la technologie avancée nécessaire pour dépasser son arriération relative s'est donc trouvée extrêmement restreinte. Malgré une capitalisation forcée, et la tentative de compenser la pénurie de capital par une étatisation presque totale (et par le pillage du stock de capital des pays conquis pendant la seconde guerre mondiale), la Russie impérialiste n'a pas été capable de supprimer l'écart qui la sépare du bloc américain rival. L'approfondissement de l'actuelle crise ouverte de surproduction mondiale n'a fait qu'accentuer l'arriération économique de la Russie, et son incapacité à produire à la même échelle que ses concurrents. Cela se manifeste à l'Est de l'Elbe sous la forme d'une pénurie chronique de capital dans le gros de l'industrie (et de l'agriculture), et d'un dumping sans lequel la production de certaines industries d'exportation clé serait invendable. Ainsi, la même crise économique globale, entraînée par la saturation du marché mondial, avec des manifestations différentes a déjà conduit à un ralentissement persistant et croissant de la croissance de la production industrielle et à un ralentissement du taux d'accumulation des deux blocs.
Dans les pays sous-développés, où vit la plus grande partie de la population-mondiale, la crise ouverte mondiale de surproduction a énormément accentué la dépendance et l'arriération auquel ces nations "indépendantes" sont irrémédiablement condamnées par la décadence du capitalisme. La petite poignée de pays parmi ceux des pays sous-développés, où l'industrialisation a atteint un poids considérable dans l'économie nationale est en train de subir sur une échelle de plus en plus grande les mêmes ralentissements dans la croissance de la production industrielle, la même chute dans le taux d'accumulation et le même chômage massif que les géants industriels. Ceci malgré un protectionnisme croissant destiné à écarter la concurrence des géants industriels tel que les USA, la RFA, le Japon et le dumping pratiqué par l'industrie russe.
En Argentine, la production industrielle globale a chuté de 6% en 1978 et tous les secteurs de l'industrie lourde -automobile (Gênerais Motors a fermé toutes ses usines), machine agricole, acier, chimie, pétrochimie- ont le dos au mur. Au Brésil, la croissance anticipée de 5% du PNB cette année (qui est déjà, devenu problématique face à la compression de crédits résultant d'un taux d'inflation galopante de plus de 60% par an) est égale seulement à la moitié du taux annuel réalisé durant le "miracle" économique d'il y a 10 ans, et il est beaucoup trop bas pour permettre la création d11.250 000 nouveaux emplois chaque année sans lesquels le chômage ne cessera de croître. Au Mexique, où le PNB réel s'est accru de 6-8% par an entre 1958-73, la croissance du PNB n'était que de 2,5% en 1977. L'investissement qui a augmenté à un taux annuel de 23,1% entre 1965 et 1970 s'est ralenti à un taux annuel de 17,8% entre 1971 et 1978. De plus, alors que l'Etat ne participait que pour 1/3 de cet investissement en 1965-70, le taux encore élevé d'investissement entre 1971 et 1978 ne fut possible que parce que l'Etat, à l'aide d'emprunts très lourds aux banques étrangères fournissait presque 90% de celui-ci - produisant non pas une accumulation de capital mais une accumulation massive de dettes. A tout ceci doit s'ajouter le fait que le chômage total ou partiel est déjà le lot de 52% de la population active ! En Afrique du Sud, la croissance économique s'est ralentie l'an dernier au faible taux de 2,5%, beaucoup trop bas pour empêcher un accroissement du chômage qui touche déjà environ 2 millions de travailleurs.
Dans la plupart des pays sous-développés, l'économie nationale tourne presque exclusivement autour de l'extraction de matières premières ou de la production agricole (généralement une ou deux récoltes entièrement exportées). La crise ouverte a exacerbé à un degré extrême les tendances qui avaient caractérisé ces économies depuis le tout début de la décadence capitaliste il y a plus de 70 ans: crise agricole permanente et dépendance absolue des denrées alimentaires importées dans ces économies à prédominance agraire ; la croissance énorme d'un sous-prolétariat coupé des villages ruraux dont le capital l'a séparé et condamné à une existence sans travail dans les immenses périphéries des villes et bidonvilles qui ont grandi autour des centres urbains, commerciaux et politiques; en deux mots, misère et famine.
L'impossibilité pour les pays sous-développés de dépasser leur arriération et leur dépendance n'est que trop claire : en supposant une croissance zéro dans les pays industriels du bloc américain, il faudrait 65 ans de croissance au taux de 1970-76 aux pays sous-développés qui ont déjà une base industrielle (Argentine, Brésil, Mexique, Afrique du Sud, etc.) pour atteindre le PNB par tête des pays industrialisés ; pour la plus grande partie des pays sous-développés - en supposant les mêmes conditions - cela prendrait 746 ans! Cependant de même que la crise conduit inexorablement les pays industrialisés à la stagnation et même au déclin de la production industrielle, elle condamne encore plus sûrement les pays sous-développés à l'effondrement économique. Et il est absolument certain que l'énorme écart qui existe déjà entre les géants industriels et ces pays ne va aller qu'en s'agrandissant dans les années à venir.
Le ralentissement global de la croissance de la production et du taux d'accumulation a entraîné un ralentissement de la croissance du commerce mondial. Après la forte chute d'environ 10% du commerce des pays de l'OCDE dans la première moitié de 1975, le commerce extérieur de ces pays n'est remonté en 1976 que pour stagner l'année suivante ; après un autre bond en 1978 - bien que beaucoup plus faible qu'en 1976 - et largement dû à la reflation américaine, leur commerce extérieur est à nouveau aujourd’hui pratiquement stagnant. Le tableau qui suit montre la croissance du volume des importations et des exportations des 7 principaux pays de l'OCDE (USA, Japon, RFA, France, Grande-Bretagne, Canada, Italie) qui comprend la majeure partie du commerce mondial et illustre clairement la stagnation qui caractérise cet élément vital de la santé de l'économie capitaliste globale : le commerce international.
Cependant, l'incapacité du commerce mondial de se développer est minimisée et considérablement cachée par les statistiques que l'OCDE, la Banque Mondiale, le FMI et d'autres agences et institutions capitalistes utilisent pour contrôler les conditions du commerce international ([3] [5]). La bourgeoisie n'arrive pas à comprendre que 70% du commerce extérieur des pays de 1'OCDE se passe entre eux - et que c'est ce commerce interne au bloc qui compte pour la plus grande part de la croissance qu'indiquent les statistiques ([4] [6]). Lorsque le commerce mondial a chuté de façon extrêmement rapide et catastrophique dans la crise ouverte des années 30, six parmi les sept principaux pays dans le commerce d'aujourd'hui (à l'exception du Canada) étaient alors des rivaux impérialistes. Aujourd'hui ces sept pays se trouvent eux-mêmes fermement au sein du même bloc impérialiste et le commerce entre aux indique autant la nature de la division complexe du travail et l'interpénétration économique que les USA ont imposé sur leur bloc qu'une véritable croissance dans ce qui a été traditionnellement le commerce international. On peut dire la même chose pour le COMECON : 56% du commerce de ces pays se fait entre eux et c'est cette composante qui s'accroît le plus rapidement dans le commerce de chaque pays.
De plus, en analysant la très faible croissance du commerce mondial de ces cinq dernières années, la bourgeoisie est incapable de saisir la signification de la composition de ce commerce. A peu près 25 % de la valeur du commerce mondial en 1977 est venu des voyages à l'étranger, des dividendes des investissements et autres faux frais qui en aucune façon ne constituent une véritable expansion du commerce. De la même manière, une part considérable de la valeur et du volume du commerce mondial consiste directement en armement (43,7 milliards de Dollars entre 1971 et 1975 dont 76 % avec les pays sous-développés) qui, du point de vue du capital global, représente non pas une croissance mais une stérilisation des valeurs, non pas une expansion mais une destruction du capital global ([5] [7]). Le développement fantastique des dépenses improductives - spécificité de la décadence capitaliste dont un des aspects est l'accroissement du commerce des armes- est obscurci par le fait qu'une partie très considérable du commerce mondial pour des buts militaires est cachée dans les chiffres sur la croissance du commerce des matières premières comme le pétrole brut, le cuivre, le nickel, le zinc, le plomb, le molybdène, l'étain, etc. dont environ 10% au moins est pour l'armement, et du commerce en équipements électroniques et en ,machinerie lourde dont la plupart est pour la production militaire (réacteurs nucléaires par exemple).
Finalement, une part énorme de la croissance du commerce mondial - particulièrement ces cinq dernières années - a sa contrepartie de déficits commerciaux croissant rapidement et une hausse astronomique des dettes des pays sous-développés. Le déficit commercial annuel d'ensemble des pays sous-développés est passé de 7,5 milliards de Dollars en 1973 à 34 milliards de Dollars en 1978; la dette extérieure de ces mêmes pays est passée de 74,1 milliards de Dollars en 1973 à 244 milliards de Dollars en 1978, et est l'élément essentiel dans le financement de ces déficits commerciaux croissants. Cette dette énorme indique que la croissance du commerce mondial que les économistes bourgeois ont enregistrée cache en réalité le fait qu'il n'y a pas eu de véritable expansion du marché mondial. En fait, comme nous le verrons, la demande effective à l'échelle mondiale se rétrécit à un taux que l'expansion du crédit mondial ne peut plus compenser.
La stagnation du capital mondial au cours de ces quatre dernières années - qui a brisé les espoirs que la bourgeoisie entretenait sur une reprise après la chute brutale de 1974-75 - menace maintenant de laisser la place à une autre chute beaucoup plus dévastatrice de la production, de l'investissement et du commerce mondial avec l'approfondissement incessant de la crise de surproduction.
Après la chute économique qui a frappé les pays du bloc américain en 1970-71, pratiquement tous les gouvernements ont fait une politique de relance (et l'expansion du crédit ? nourri l'inflation galopante qui s'en est suivie). Avec le retour d'une chute beaucoup plus sévère en 1974-75 - qui a secoué les deux blocs simultanément - seuls les USA ont fait une politique de relance et il leur est revenu la charge de soutenir le reste du bloc pendant les quelques années qui ont suivi. Pendant ce temps, l'Allemagne de l'Ouest et le Japon se sont lancés dans une offensive exportatrice qui a grossi leurs surplus commerciaux et leurs profits alors que le marché intérieur stagnait. En 1978, cependant, la compétitivité déclinante des marchandises américaines sur le marché mondial, les déficits commerciaux astronomiques et la chute du Dollar des USA, ont signifié que Washington aussi devait effectuer un freinage économique. Le sommet économique de Bonn en juillet dernier fut décidé en vue de faire pression sur l'Allemagne de l'Ouest et le Japon pour qu'ils contrôlent leurs exportations et qu'ils relancent leurs économies pour soulager par là la pression sur les USA et pour éviter une nouvelle chute de l'économie mondiale.
Les mois qui ont suivi le sommet économique ont démontré que les USA ont réussi à un degré considérable à imposer leurs diktats sur leurs alliés résistants. Le Japon a prévu un déficit budgétaire de 80 milliards de Dollars (40% de son budget total et beaucoup plus que celui des USA) pour cette année fiscale ; et les importations du Japon se sont accrues à un taux deux fois plus rapide que celui des exportations. L'Allemagne de l'Ouest a adopté un budget qui devrait injecter 15,5 milliards de DM supplémentaires dans son économie (1% de son PNB). Un des résultats de la politique monétaire plus restrictive aux USA, et de la relance allemande et japonaise, a été une hausse importante du Dollar : entre novembre 1978 et avril 1979, le Dollar a pris plus de 10% par rapport au DM et 22% par rapport au Yen.
Cependant, même les prévisions les plus optimistes de la bourgeoisie (l'OCDE par exemple) ont montré que l'expansion allemande et japonaise en 1979 ne compenserait pas le ralentissement de la croissance du PNB américain. Par conséquent, une estimation réaliste des tendances économiques ne peut amener qu'à la conclusion que la stagnation de ces dernières années devrait donner lieu à une chute en 1979. La réalité a été même plus brutale dans les premiers mois de 1979. Le PNB aux USA n'a augmenté que de 0,7% (moins de la moitié du taux prévu par l'OCDE en décembre) et est maintenant réellement en baisse. L'inflation galopante qui fait rage aujourd'hui aux USA empêche tout stimulant véritable par une politique monétaire et fiscale pour enrayer le déclin. Dans le même temps, les politiques monétaires stimulantes et les budgets déficitaires de relance de l'Allemagne de l'Ouest et du Japon ont rapidement rallumé les feux de l'inflation dans ces pays (le taux annuel d'inflation était de 10% en Allemagne de l'Ouest en mars et de 11% au Japon en février) ; ceci a maintenant provoqué une compression du crédit et l'échec des politiques de relance, ce qui a fait voler en éclats les espoirs d'accroissement substantiel des PNB pour enrayer même partiellement la chute en Amérique. Le cauchemar qui a hanté les technocrates et les banquiers de l'OCDE et du FMI devient une réalité : pratiquement tous lies pays industrialisés du bloc américain vont ralentir leur économie simultanément !
La capacité de production inutilisée et la récession dans le bloc américain ne peuvent être compensées par une nouvelle expansion du commerce avec le bloc russe ou avec les pays sous-développés. L'énorme dette des pays du bloc russe envers le bloc américain s'est élevée de 32-35 milliards de Dollars en 1976 à environ 50 aujourd'hui. La Pologne - qui doit environ 15 milliards de Dollars -est déjà au bord de la banqueroute. Les banquiers occidentaux, qui essaient de récupérer leurs investissements antérieurs, ne sont pas en mesure de fournir les nom/eaux crédits énormes qui seuls rendraient possible le financement des déficits commerciaux croissants du bloc russe vis-à-vis de l'Ouest, déficits commerciaux qui sont passés de 4,9 milliards de Dollars en 1977 à 6 en 1978. De plus, les bureaucrates des pays du bloc russe sont aujourd'hui occupés à limiter leurs importations de l'Ouest - même s'ils s'engagent vers un dumping massif de leurs propres marchandises sur les marchés occidentaux - pour réduire leurs déficits commerciaux vertigineux.
Vis-à-vis des pays sous-développés, les pays du bloc américain sont confrontés au même dilemme. Avec 244 milliards de Dollars de dette extérieure, les pays sous-développés sont actuellement en faillite et réduits à réclamer des moratoires. Dans de pays comme l'Algérie, la Zambie et le Zaïre, la dette extérieure atteint plus de la moitié du PNB annuel. Les 5 milliards de Dollars payés sur la dette extérieure du Brésil en 1978 équivalaient à presque 55% de la valeur totale de ses exportation pour l'année; le Mexique a dépensé 6 milliards de Dollars pour rembourser sa dette extérieure en 197 alors que ses énormes ressources de pétrole n'avaient permis que 1,7 milliards de Dollars d'exportation. Face à l'immensité évidente de telles dettes et la difficulté croissante à les rembourser, de nouveaux prêts - que l'Ouest est de plus en plu hésitant à fournir - loin d'étendre le commerce seront utilisés d'abord pour assurer les remboursements des dettes antérieures et pour empêcher la débâcle financière des banques occidentales.
Alors que l'énorme expansion du crédit dans le bloc américain, vis-à-vis du bloc russe et des pays sous-développés, avait, au cours de la décade passée, masqué, dans une certaine mesure, le resserrement de la demande effective à une échelle globale Ile résultat de l'inflation galopante et des dettes non payables - une masse de papier - est pratiquement de mettre fin au recours à de tels palliatifs aujourd'hui.
Le marché chinois, qui il y a seulement un an soulevait de tels espoirs dans les cercles d'affaires du bloc américain, ne peut pas fournir de débouchés suffisants pour les usines sous-utilisées dans les principales industries. Le besoin de la Chine d'importation massive de technologie et de machinisme n'est pas équilibré par des ressources pour payer ses importations. Après les plans ambitieux annoncés en mars 1978, la Chine a dû geler les commandes de 30 importations d'usines importantes avec le Japon en février, la bureaucratie de Pékin y regardant à deux fois sur les conséquences de ces plans initiaux de "modernisation". La Chine va certainement s'accroître comme marché pour le bloc américain (en particulier pour les armements), mais pas aussi vite que le pensait l'Ouest il y a un an. La Chine ne compensera pas non plus la stagnation et la chute imminente du commerce mondial en particulier par le fait que dans la compétition acharnée entre pays occidentaux pour le marché chinois, il y aura plus de perdants que de gagnants. De plus, la Chine va essayer d'inonder les marchés occidentaux saturés avec les textiles, les chaussures, etc., ce qui compliquera la surproduction globale qui caractérise déjà les industries de biens de consommation pour lesquelles le capitalisme chinois est dès maintenant compétitif.
Pour l'Allemagne de l'Ouest et le Japon - les pays du bloc américain dont les économies sont les plus compétitives sur le marché mondial - la fin de la relance chez eux et les limites sévères à l'extension de larges crédits signifient qu'une offensive exportatrice effrénée aux dépens de leurs rivaux commerciaux apparaît comme le moyen le plus viable pour essayer d' enrayer les difficultés économiques croissantes. Une telle orientation des bourgeoisies japonaise et allemande ne peut manquer de rallumer les tendances protectionnistes dans les économies plus faibles du bloc américain (Grande-Bretagne, Italie, France) et même aux USA.
La réponse possible sous la forme de dévaluations compétitives et de contrôle des importations, qui bouleverseraient le Système Monétaire Européen et feraient échouer le "Tokyo Round" orchestré par l'impérialisme américain, tout juste conclu, en accélérant la chute du commerce mondial et en provoquant une poussée vers l'autarcie, ouvre des questions à prendre en compte pour comprendre la crise politique de la bourgeoisie. Pour le moment il est suffisant de montrer qu'une nouvelle offensive exportatrice de l'Allemagne et du Japon ne peut qu'approfondir la crise mondiale.
L'approfondissement inexorable de la crise de surproduction, et l'échec des nombreux palliatifs avec lesquels la bourgeoisie a vainement visé à contenir les ravages des lois aveugles qui déterminent le cours de la crise économique, ont ainsi amené le capital mondial au bord d'un autre déclin de la production, de l'investissement et du commerce - plus aigu que les chutes de 1971-74 - pour le début des années 80. ([6] [8]).
LES ANTAGONISMES INTER IMPERIALISTES
Il n'y a qu'un seul secteur de l'économie mondiale qui va se développer dans les prochaines années : l'industrie d'armement, la production de guerre. Le cas de la Syrie, où les dépenses militaires constituent 57,2% du budget de l'Etat, alors que le secteur productif de l'économie s'écroule, est caractéristique de la production des pays sous-développés aujourd'hui. Les pays sous-développés qui ont un important secteur industriel, comme l'Afrique du Sud, Israël, l'Argentine ou le Brésil, dépensent des milliards de Dollars pour construire des bombes nucléaires et des systèmes de lancement, tandis qu'une inflation galopante et une énorme dette extérieure sapent leur base économique. Même les pays où l'industrie reste confinée à quelques pitoyables îlots, comme l'Inde ou le Pakistan, dans un océan d'agriculture arriérée et d'industrie artisanale, épuisent leurs maigres réserves de devises étrangères pour créer ou développer leur capacité à mener la guerre nucléaire. Dans les métropoles impérialistes, la production d'armement va monter en flèche, tandis que le reste de l'économie va se contracter dans les années à venir. Le bloc russe déploie ses nouveaux missiles nucléaires 5520 qui sont capables de détruire toutes les villes principales de l'Europe de l'Ouest. Il développe ses armées de terre afin d'être capable d'atteindre la côte atlantique en quelques jours. A cela, il faut ajouter le prodigieux développement de la marine russe, avec laquelle le Kremlin voudrait détruire l'hégémonie américaine sur les mers. Les pays du bloc américain développent aussi de façon significative leurs budgets militaires, même s'ils réduisent par ailleurs d'autres dépenses (le budget militaire de la France s'est accru cette année de 5% alors que le plan Barre demande la réduction de secteurs entiers de l'économie). L'OTAN est en train de planifier l'introduction d'un nouveau système de missiles nucléaires capables de détruire des cibles à objectifs précis en Russie depuis l'Europe occidentale et de développer largement toute l'infrastructure des ports, aéroports, dépôts d'essence, facilités de stockage, etc. afin de faciliter le transport rapide des troupes américaines et d'équipements sur le front européen en cas de guerre.
Pendant ce temps, les USA sont déjà en train de réexaminer leurs décisions de ne pas produire la bombe à neutrons et se préparent à construire un système de missiles balistiques intercontinentaux complètement nouveau : le MX. Et enfin, le bloc amé ricain s'est joint de façon enthousiaste à Pékin dans son programme massif et coûteux de modernisation de toutes les branches des forces armées chinoises.
L'économie de guerre, c'est-à-dire la production des moyens de destruction comme centre et axe de la production industrielle, n'est pas un phénomène nouveau. L'éclatement de la Première Guerre Mondiale en 1914, qui a clairement marqué, 1'entrée du système capitaliste dans sa phase de décadence, avait pour corollaire le développement de l'économie de guerre. Tout comme la crise historique du capitalisme est une crise permanente, chaque capital national est caractérisé par une économie de guerre permanente à l'époque de la décadence capitaliste. Cependant, tout comme la crise permanente est marquée par un cycle de crise-guerre-reconstruction, cycle durant lequel il y a des répits après les ravages de la crise ouverte et les dévastations de la guerre mondiale, l'économie de guerre permanente est aussi marquée par un mouvement de zigzags durant lequel il y a parfois des courtes périodes où a lieu un déclin de la production de guerre (Europe et USA pendant la période de reconstruction des années 20 et aussi USA entre la fin de la 2ème Guerre Mondiale et l'éclatement de la Guerre de Corée en 1946-50). Néanmoins, tout comme la crise historique elle-même, l'économie de guerre a été une caractéristique constante du capitalisme depuis 1914. La phase actuelle de dépression mondiale amène dans son sillage un renforcement incroyable de l'économie de guerre - pas simplement à l'échelle nationale, mais dictée, coordonnée et organisée par un capitalisme d'Etat continental gigantesque, les USA et le Russie qui dominent chacun les deux blocs impérialistes qui s'affrontent.
La phase actuelle de croissance monstrueuse de l'économie de guerre n'est ni un palliatif à la crise économique ni un facteur qui peut présenter ne serait-ce qu'une façade momentanée de "prospérité" Quelles que soient les conditions, la production de guerre par 1'hyper développement du secteur improductif de l'économie, draine la plus-value des îlots restant de l'activité rentable. Dans toutes les circonstances, l'économie de guerre veut dire une attaque contre le prolétariat : "... La production de guerre est réalisée aux dépens des masses travailleuses dont l'Etat par diverses opérations financières : impôts, emprunts, conversion, inflation et autres mesures, draine des valeurs avec lesquelles il constitue un pouvoir d'achat supplémentaire et nouveau" (Rapport sur la situation internationale, Conférence Nationale de la Gauche Communiste de France, juillet 1947). Si les programmes de réarmement d'Hitler, Blum et Roosevelt dans les années 30 ont pu stimuler momentanément leurs économies et même amener des éléments de la Gauche Communiste à penser que l'économie de guerre pourrait ouvrir une période d'expansion économique et ainsi amener une hausse du niveau de vie de la classe ouvrière ([7] [9]), la brièveté de vie de ce stimulant économique comme les illusions qu'il a engendrées, étaient dues aux dettes massives contractées par l'Etat et aux politiques inflationnistes menées par les gouvernements capitalistes. Aujourd'hui, le renforcement de l'économie de guerre a lieu alors qu'il y a déjà un niveau intolérable de dettes d'Etat et une inflation galopante (elles-mêmes étant en large part la rançon que le capital a payée pour 40 ans de croissance quasi ininterrompue de la production de guerre), et donc le recours à la dette et à l'inflation comme moyens spécifiques pour faire payer à la classe ouvrière l'économie de guerre est impossible. Au contraire, la phase actuelle de croissance de la production de guerre va s'accompagner de déflation, de coupes dans tous les budgets qui ne concernent pas la partie militaire, et de programmes draconiens d'austérité empêchant par là ne serait-ce qu'un effet momentanément stimulateur sur l'ensemble de l'économie. En fait, à cause de l'énorme gaspillage représenté par la plus-value cristallisée dans les armements dont la réalisation intensifie la spirale inflationniste, et qui ne peut entrer à nouveau dans le processus productif - devenant ainsi une perte sèche pour le capital global, l'économie de guerre ne peut qu'exacerber le déclin économique et accélérer la baisse du niveau de vie du prolétariat.
Néanmoins, la production de guerre continuera de croître vertigineusement aux dépens de toutes les autres activités économiques, absorbant l'ensemble des secteurs de l'industrie (construction navale, électronique, construction, etc.), tout comme les activités non militaires ralentissent inexorablement. Le renforcement de l'économie de guerre est une nécessité absolue pour le capital, bien que "la production de guerre n'ait pas pour objectif la solution d'un problème économique" ([8] [10]). L'économie de guerre est vitale pour le capitalisme seulement de par 1'inévitabilité de la guerre mondiale si le prolétariat ne détruit pas l'ordre bourgeois. La production de guerre comme axe de l'économie, voilà la réponse de la bourgeoisie aux lois aveugles qui, en condamnant le capitalisme à un approfondissement inexorable de la crise économique, aiguisent les antagonismes inter impérialistes jusqu'au point de rupture. La seule fonction de l'économie de guerre, c'est...la guerre!
Dans la phase décadente, la guerre impérialiste mondiale est devenue la condition même de la survie du capitalisme :
"Plus se rétrécit le marché, plus devient âpre la lutte pour la possession des sources de matières premières et la maîtrise du marché mondial. La lutte économique entre divers groupes capitalistes se concentre de plus en plus, prenant la forme la plus achevée : des luttes entre Etats. La lutte économique exaspérée entre Etats ne peut finalement se résoudre que par la force militaire. La guerre devient le seul moyen par lequel chaque impérialisme national tend à se dégager des difficultés auxquelles il doit faire face, aux dépens des Etats impérialistes rivaux"([9] [11])
Alors que c'est la crise économique qui dicte la nécessité pour la bourgeoisie de faire la guerre mondiale, la capacité de la bourgeoisie à imposer sa "solution" qu'est la guerre impérialiste est STRICTEMENT DETERMINEE par le rapport de forces entre la bourgeoisie et le prolétariat. C'est à cette question que nous reviendrons dans le rapport sur le cours historique.
Avant d'examiner les stratégies des blocs impérialistes et ce qui se passe dans les zones d'affronte ment inter impérialiste, il y a quelques commentaires généraux à faire sur la physionomie du capitalisme dans l'époque impérialiste, d'autant plus que des confusions se sont exprimées et persistent sur un nombre de caractéristiques du capitalisme à l'époque où il est traversé de convulsions permanentes (qui s'expriment dans la guerre impérialiste latente ou ouverte) au sein du mouvement révolutionnaire.
Le processus de concentration et de centralisation du capital qui est l'une des marques de "fabrique" du mode de production bourgeois a été transposé par certains révolutionnaires sur le plan de l'échiquier impérialiste où il est vu comme un processus pratiquement téléologique menant irréversiblement à une unité mondiale finale du capital, marquant l'aboutissement du processus de concentration dans l'époque impérialiste :
"Il faut voir dans les guerres de l'époque impérialiste les moments décisifs dans le processus de concentration mondiale du capital et du pouvoir, non pas simplement des luttes pour de nouveaux partages du monde, mais l'acheminement vers la domination universelle d'un seul groupe exploiteur. et la limite de ce processus si la révolution prolétarienne n'intervient pas, est nécessairement la domination du monde par un seul Etat impérialiste". (Pierre Chaulieu, "Situation de l'Impérialisme et Perspectives du prolétariat", Socialisme ou Barbarie n°14).
Cette vision des guerres impérialistes qui mènent à l'unité mondiale du capital -qui est une nouvelle version de la théorie de Kautsky sur le super impérialisme- réalisée cette fois-ci non de façon pacifique mais au travers de boucheries impérialistes "...perd le contact avec la réalité du monde capitaliste décadent dont la tendance est, malgré les antagonismes inter-impérialistes qui font apparaître le monde capitaliste comme momentanément deux unités uniques aux prises. Au contraire, le monde capitaliste décadent va vers la désagrégation, la désintégration, la dissociation, la dislocation des unités... La tendance du capitalisme décadent au schisme de plus en plus, au chaos, c'est là que réside la nécessité essentielle du socialisme voulant réaliser le monde comme une unité" (Internationalisme, n°37 -1948-). A /travers le capitalisme d'Etat, les luttes de libération nationale et les guerres mondiales, le capital tend, dans sa phase de décadence, à détruire le degré limité d'unité qu'il a lui-même développé ! dans sa phase ascendante avec la création du marché mondial et la division internationale du travail. A la place, le capitalisme décadent emprisonne les forces productives dans les limites étroites d'une véritable pléthore d'Etats nationaux séparés. ([10] [12]). A côté de la stérilisation de la valeur à travers la production de guerre et de l'énorme destruction des guerres impérialistes, la formation de nouveaux Etats nationaux est l'une des manifestations de l'incapacité du capitalisme décadent à développer les forces productives.
La formation de deux blocs impérialistes gigantesques dominés par la Russie et les USA a amené certains révolutionnaires à voir la classe dominante de chaque Etat national comme un simple pion, une cinquième colonne de Moscou ou de Washington. Ainsi, pour les bordiguistes de la fin des années 40, les partis staliniens qui rivalisaient alors pour le pouvoir en Europe occidentale, ne pouvaient qu'être les instruments purs et simples de la classe dominante russe : "Pour caractériser de façon succincte les différents partis communistes, nous pourrions dire : "Ce sont les cinquièmes de l'impérialisme russe dans le camp ennemi" (Chazé, "L'impérialisme russe contre-attaque", L'Internationaliste, nov.1947). Un tel point de vue ne permet pas du tout de comprendre le fait que la constitution des deux grands blocs n'est pas seulement fonction des intérêts impérialistes de Moscou et de Washington mais est aussi fonction des nécessités pour chaque bourgeoisie locale de mettre en avant et de défendre ses propres intérêts nationaux et impérialistes le plus qu'elle peut : "La défense de l'intérêt national dans l'époque de l'impérialisme ne peut se faire que dans un cadre élargi de blocs impérialistes. Ce n'est pas en tant que cinquième colonne, en tant qu'agent de l'étranger mais en fonction de ses intérêts immédiats ou lointains bien compris qu'une bourgeoisie nationale opte et adhère à un des blocs mondiaux qui se constitue. C'est autour de ce choix pour l'un ou l'autre bloc que se font la division et la lutte interne au sein de la bourgeoisie, mais c'est toujours en partant d'un fond et d'un but commun : l'intérêt national, l'intérêt de la bourgeoisie nationale" (Internationalisme n°30 -1948-).
Le point de vue de la CWO est aussi étroitement lié à l'incapacité de voir les intérêts vitaux de chaque bourgeoisie nationale dans la constitution de blocs impérialistes rivaux et dans le choix de l'un d'entre eux. Selon la CWO, à l'époque actuelle, bien que d'autres pays puissent aspirer à devenir impérialistes, seules la Russie et l'Amérique sont des Etats impérialistes : "...L'impérialisme est une politique des principales puissances capitalistes L'idée que tous les pays seraient impérialistes sous-entend l'idée de blocs impérialistes. Comment peut-on expliquer alors, avec une telle vision, pourquoi Israël est une puissance impérialiste indépendante ? " (Revolutionary Perspectives, n°12).
C'est sur qu'Israël n'est pas une puissance "indépendante" quelle que soit la signification exacte que la CWO veut mettre sous ce terme. L'Etat juif est forcé par les réalités du capitalisme décadent d'essayer de satisfaire ses appétits impérialistes très réels et voraces (le Grand Israël, tout l'ancien mandat palestinien, le sud de la rivière Litani au Liban, le Golan syrien, une partie du Sinaï, presque toute la Jordanie) et de défendre ses non moins réels -quoique plus modestes- acquisitions récentes, dans le cadre d'un bloc impérialiste. Les marxistes révolutionnaires ont compris que, dans le capitalisme décadent, tout Etat national est impérialiste. Déjà Rosa Luxemburg avait compris que durant la première guerre mondiale un Etat comme la petite Serbie "cherchait à conquérir la côte adriatique où elle avait engagé un véritable conflit impérialiste avec l'Italie sur le dos des albanais" (Brochure de Junius). Et le CCI reconnaît aujourd'hui que les affrontements récents entre le Vietnam et le Cambodge qui se sont transformés en une invasion à grande échelle par Hanoï sont..."la conséquence des intérêts impérialistes propres des deux pays, et particulièrement du Vietnam dont la supériorité militaire écrasante lui permet d'envisager de façon réalisme une 'fédération indochinoise' placée sous sa domination" (Internationalisme n°29 -février 1979). Ce n'est qu'en partant de cette conception –tout Etat national est impérialiste- que l'interaction complexe entre les intérêts nationaux d'une bourgeoisie locale et les besoins globaux du bloc impérialiste auquel elle est liée peut-être cernée et qu'on peut comprendre la nature réelle des guerres inter-impérialistes localisées et des luttes de libération nationale.
Certains révolutionnaires défendent aussi l'idée que le fondement des, antagonismes entre les Etats -et donc la composition d'un bloc impérialiste-est seulement déterminé par le commerce dominant ou par les rivalités commerciales sur le marché mondial. C'est le point de vue du PCI (Programma Comunista) qui, dans son analyse des antagonismes inter-impérialistes en Afrique, s'est fixé sur les rivalités entre les USA, l'Allemagne de l'Ouest, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie qui sont aujourd'hui le résultat de la guerre commerciale, et a pratiquement exclu et laissé de côté les luttes titanesques entre les blocs américain et russe pour lesquels des nécessités géopolitiques, militaires et stratégiques strictement liées aux intérêts économiques globaux de chacun- sont des facteurs déterminants. Mais c'est chez le PIC que ce point de vue, qui réduit de façon erronée les intérêts économiques à un seul et unique facteur : l'origine des importations d'un pays et la destination de ces exportations, est devenu le fondement d'une "nouvelle" théorie qui s'avère incapable de rendre compte du développement des antagonismes inter-impérialistes aujourd'hui. Puisque l'Allemagne de l'Ouest et le Japon sont les principaux rivaux commerciaux des Etats-Unis, le PIC a mis 1'accent pendant des années sur la perspective de l'effritement du bloc américain; puisque le commerce entre l'Allemagne de l'Ouest et les satellites Est-européens de la Russie s'est développé de façon vertigineuse, le PIC a mis en évidence M'effritement du bloc russe. Tout cela,, avec en plus l'idée que les intérêts strictement commerciaux des USA et de la Russie seraient complémentaires (les Russes ont besoin delà technologie américaine et les américains ont besoin des matières premières russes), a amené le PIC à développer la théorie de l'émergence d'un nouveau bloc : l'URSS et les USA dans le même bloc, l'Europe dominée par l'Allemagne, le Japon et la Chine dans un autre .
Ni la constitution de blocs impérialistes, ni l'éclatement de guerres impérialistes ne s'expliquent exclusivement par les stricts intérêts commerciaux des différents Etats. Si, comme semble le croire le PIC, ce sont les stricts intérêts commerciaux qui en constituent le facteur déterminant, alors, dans les années 30, c'est entre les USA et la Grande-Bretagne qu'aurait du éclater la guerre impérialiste (et non pas, comme ce fut le cas, entre l'impérialisme anglo-américain et l'impérialisme allemand). Les Etats-Unis étaient de loin le plus dangereux rival commercial pour la Grande-Bretagne sur les marchés où les surplus commerciaux et les paiements de l'Empire Britannique étaient cruciaux (Inde, Chine, Asie Australe, Canada, Amérique du Sud) alors que l'Allemagne n'avait rivalisé avec la domination britannique que dans les marchés est-européens d'importance secondaire. En dernière instance, c'est la considération géopolitique et stratégico-militaire selon laquelle une Europe dominée par l'Allemagne serait une menace fatale pour l'empire britannique (dépendant comme il l'était de la Méditerranée comme clé de sa survie économique) et mènerait à son extinction économique, c'est cette considération qui a déterminé la configuration des blocs impérialistes. De même pour ce qui est des intérêts commerciaux des Etats-Unis dans les années 30, Washington aurait infiniment préféré le Japon (qui était un excellent partenaire commercial) à la Chine (avec qui les possibilités de commerce étaient loin d'être aussi bonnes). Aussi, ce n'est pas le commerce au sens strict mais la question géopolitique de la domination militaire -et donc économique au sens large- du Pacifique qui a dicté le cours des événements qui menèrent à l'éclatement d'une guerre impérialiste entre l'Amérique et le Japon.
Aujourd'hui, la supériorité écrasante de l'Amérique sur son bloc (le Dollar qui est la monnaie de réserve dominante, le rôle du FMI, le Tokyo Round, etc.) et la dépendance absolue sur le plan stratégique et militaire de l'Europe occidentale et du Japon à l'égard de l'impérialisme américain (pétrole, matières premières, protection des voies maritimes) d'un côté, et de l'autre côté la supériorité militaire de l'impérialisme russe sur son glacis (Pacte de Varsovie) démontrent de façon concluante que la tendance dominante est celle de la consolidation et du renforcement des blocs américain et russe existants. La consolidation de l'économie de guerre à l'échelle intercontinentale des blocs et les foyers de guerres inter impérialistes localisées, tout démontre que les blocs sont déjà constitués pour une troisième boucherie impérialiste. La troisième guerre mondiale à laquelle mènent irrésistiblement les lois aveugles du capitalisme et le cours de la crise économique -à laquelle seule la lutte de classe du prolétariat barre aujourd'hui la route- ne peut être qu'un conflit titanesque entre l'impérialisme russe et l'impérialisme américain pour la domination du monde ([11] [13]).
Le fondement de la stratégie des impérialismes russe et américain est déterminé par leur poids économique relatif sur le marché mondial. De par sa faible compétitivité et son arriération technique, l’avenir de l'impérialisme russe est étroitement lié à l'acquisition d'une infrastructure industrielle et d'une technologie avancée, ce qui, à l'époque présente, dépend de sa capacité à dominer militairement les centres industriels de l'Europe de l'Ouest et/ou du Japon. Le PNB de la Russie en 1976 était de moins de la moitié du PNB des USA. Si Ton y ajoute l'infrastructure industrielle japonaise, le bloc russe atteindrait la capacité industrielle américaine; si l'on y ajoute le poids industriel de l'Europe occidentale, l'impérialisme russe dépasserait facilement son rival américain dans la capacité productive, et concurrencerait sérieusement son potentiel militaire. C'est pour cette raison que le réel objectif de l'impérialisme russe, ce sont les centres industriels gigantesques d'Europe et d'Extrême-Orient, et qu'un défi direct envers l'autre conduirait immédiatement à l'explosion des hostilités entre les USA et l'URSS. De toute façon, la stratégie de l'impérialisme russe n'est pas l'attaque frontale, mais tend à priver l'Europe et le Japon de leurs sources d'énergie et de matières premières vitales au Moyen-Orient et en Afrique, à couper les route commerciales dont dépend leur économie et ainsi à exercer une énorme pression sur leurs classes dirigeantes pour qu'elles envisagent la préservation de leurs intérêts nationaux et impérialistes par une réorientation vers le bloc russe. En ce sens, l'effort soutenu de Moscou pour déstabiliser le Moyen-Orient et l'Afrique -via les luttes de "libération nationale"- et pour obtenir des bases militaires sûres dans ces régimes, a pour objectif réel le potentiel industriel de 1'Europe et du Japon. Les pays sous-développés de l'hémisphère Sud sont le maillon faible par lequel l'impérialisme russe cherche à atteindre son objectif d'ensemble le changement décisif de l'équilibre entre les blocs.
Si l'un des éléments essentiels de la stratégie de l'impérialisme américain est la protection de la vaste zone qu'il a accaparée lors des deux précédentes boucheries impérialistes, cela ne veut pas dire que la position américaine soit simplement défensive. Les 2/3 du monde que l'impérialisme américain domine déjà, ne sont plus suffisants pour préserver son équilibre économique. Le souffle dévastateur de la crise économique oblige les USA à lutter pour une part plus grande encore de la production mondiale, de la plus-value globale, donc pour le contrôle d'un nombre d'ouvriers plus important et encore plus de ressources mondiales de matières premières et de capacités industrielles. La profondeur de la crise est telle que seul un contrôle total sur l'ensemble du marché mondial peut permettre aux USA ne serait-ce qu'un très court répit qui est la seule chose possible dans le capitalisme décadent. Et déjà la nature même du capitalisme à l'époque impérialiste avec ses tendances dominantes vers la division et la désintégration empêche une telle évolution.
Les années passées ont vu un renforcement considérable de l'impérialisme américain et un affaiblissement de son rival russe. L'intégration de la Chine dans le bloc américain et la participation au réarmement de Pékin signifient que le Kremlin rencontrera une force de plus en plus puissante sur sa frontière Est -une force qui barrera fermement la route vers les bases industrielles japonaises. Même les efforts de l'impérialisme russe pour chasser la Chine de la péninsule indochinoise ne peuvent compenser cette victoire de l'impérialisme américain en Extrême-Orient. Par ailleurs la vaste ceinture islamique qui s'étend à travers l'Asie -de l'Inde à la Turquie- malgré la domination russe en Afghanistan et la chute du Shah d'Iran, est loin d'être tombée dans les mains du Kremlin. La perspective de la désintégration de l'Iran et le développement des luttes de libération nationale en Azerbaïdjan, au Kurdistan, au Turkménistan peuvent bénéficier aux USA et non à l'URSS. Le soutien américain à l'opposition islamique au régime de Kaboul laisse prévoir une défaite pour la Russie en Afghanistan. Au Moyen-Orient, tandis que la "pax americana" est loin d'être achevée et que l'abcès palestinien continue à s'envenimer donnant à l'impérialisme russe une base importante pour déstabiliser la région, l'opposition des régimes arabes pro-russes comme l'Irak à l'invasion inspirée par les russes du nord Yémen par le sud Yémen montre les difficultés de l'impérialisme russe dans cette zone cruciale. Enfin, en Afrique, le poids économique des USA et l'intervention militaire française (et bientôt égyptienne) sont et seront un obstacle important à de nouvelles initiatives russes. En Afrique, les points d'appui du Kremlin sont loin d'être surs où que ce soit. Tandis que les quelques prochaines années verront de nouveaux et sanglants affrontements en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique, la réponse de l'impérialisme américain à l'attaque russe a été, jusqu'à présent et de loin, couronnée de succès.
La crise politique
L'effondrement économique vis-à-vis duquel tous les palliatifs utilisés se sont avérés sans efficacité, l'incroyable exacerbation des antagonismes inter impérialistes et la combativité croissante du prolétariat ont provoqué une crise au sein de la bourgeoisie et exacerbé les divergences dans ses rangs. La bourgeoisie est incapable de réaliser une unité et une cohérence en tant que classe : elle est non seulement divisée en une multitude de fractions nationales aux intérêts irréconciliables, mais encore en un grand nombre de différentes fractions en compétition au sein même de chaque Etat national. Dans la phase ascendante du capitalisme, les divisions au sein de chaque bourgeoisie nationale correspondaient aux différents types de capital engagé dans le processus d'accumulation (capital industriel, capital commercial, capital bancaire, propriétaires fonciers, etc.), aux différents types de marchandises produites (industrie lourde, industrie légère, mines, etc.) ou à la taille du capital (grands, moyens et petits capitalistes). Dans le capitalisme décadent, quand le capitalisme d'Etat est devenu une tendance universelle, la bourgeoisie en tant que propriétaire individuel d'un quantum spécifique de capital national global, est soit expropriée par l'Etat, soit, à travers la fusion graduelle du grand capital et de l'Etat, il se fond et s'intègre à la bureaucratie d'Etat. Le résultat est que le bourgeois individuel- en particulier dans les couches supérieures - n'est plus seulement ni même en premier lieu intéressé par les profits d'une compagnie particulière ou par la valorisation de son capital personnel, mais bien plutôt les intérêts de chaque bourgeois sont liés de façon croissante aux intérêts et à la rentabilité du capital national global, et à sa personnification, 1'Etat capitaliste.
Cependant, le fait que la bourgeoisie de chaque Etat national développe une homogénéisation croissante de ses intérêts autour des besoins du capital national global - ce qui s'exprime dans le pouvoir croissant de l'appareil d'Etat capitaliste - n'élimine pas les divergences et les fractions au sein de la classe dominante. Des divisions se produisent dans la bourgeoisie sur les questions de l'interprétation des besoins du capital national, du programme et des orientations qui expriment le mieux ces besoins, du chemin précis pour assurer la stabilité de l'Etat. Aussi, à l'heure actuelle, des divisions ont lieu dans pratiquement toutes les fractions nationales de la bourgeoisie sur :
- le degré d'étatisation (avec les secteurs les plus anachroniques qui essaient vainement de résister à l'avancée du capitalisme d'Etat) ;
- les politiques économiques à poursuivre face à la crise (inflation ou déflation, protectionnisme ou "libre échange") ;
- quel bloc impérialiste offre le meilleur cadre pour la défense du capital national ou le degré d'intégration dans le bloc auquel chaque capital est lié;
- à quelles couches ou classes de la population il faut faire appel afin de constituer un soutien massif aux besoins du capital national, quelles mystifications sont le plus appropriées (nationalisme, religion, populisme, "démocratie", racisme, "socialisme").
Alors que les débats font rage autour de ces questions dans les cercles les plus élevés de la bureaucratie, de l'armée et des grandes entités économiques et financières de chaque Etat national, nous entrons dans les années 80 avec le début du resurgissement mondial de la lutte de classe, et c'est l'encadrement du prolétariat qui préoccupe le plus la bourgeoisie aujourd'hui dans tous les pays. Dans les pays industrialisés du bloc américain, alors que la gauche au pouvoir durant ces dernières années a été le meilleur véhicule des mesures capitalistes d'Etat que l'approfondissement de la crise économique rend nécessaires, et pour une intégration plus grande dans le bloc américain que dicte le renforcement des antagonismes inter impérialistes, la droite au pouvoir est aussi capable de mettre en place de telles politiques. Cependant, seule la gauche a une chance réelle d'encadrer un prolétariat non défait. Et ce fut la tâche essentielle de la gauche quand elle vint au pouvoir, partagea le pouvoir ou se prépara à l'assumer pays après pays, au moment de la poussée la plus forte de la vague de luttes prolétariennes qui a commencé en 1968 et duré jusqu'en 72-74. Au Portugal, en Grande-Bretagne, en Italie par exemple où la violence de la classe ouvrière ébranla la bourgeoisie jusqu'à ses fondements, la gauche au pouvoir (ou apportant son soutien indispensable au gouvernement dans le cas de l'Italie), réussit très bien sa tâche dans ces dernières années en renversant de façon drastique l'équilibre entre les profits et les salaires au bénéfice du capital, en imposant des mesures draconiennes d'austérité au prolétariat, et en brisant la première réponse violente de la classe ouvrière à la crise ouverte.
Cependant, comme l'a clairement démontré la vague de grèves de l'hiver dernier qui, en Grande-Bretagne, a fait éclater le contrat social, la gauche au pouvoir ou encore modérant sa "rhétorique" prolétarienne quand elle est en marche vers le pouvoir, a maintenant aliéné sa base ouvrière et perdu sa faible emprise idéologique sur le prolétariat qui s'était brièvement renforcée entre 1972 et 1978. Une cure d'opposition durant laquelle la gauche pourra "radicaliser" son langage et à nouveau faire appel aux ouvriers combatifs au nom du "socialisme" et de la "révolution prolétarienne" est maintenant vitale si la gauche veut avoir une chance de remplir son rôle indispensable d'encadrement de la lutte de classe.
Il est aujourd'hui impératif pour la bourgeoisie que la reprise de la lutte de classe trouve la gauche non au pouvoir, mais dans l'opposition. Ce sera lors du plus haut point de cette nouvelle vague de luttes qu'une gauche plus "extrémiste" viendra au pouvoir comme dernier rempart du capital.
Le surgissement du prolétariat et les préparatifs de la bourgeoisie pour y faire face avec la gauche dans l'opposition démontrent de façon irréfutable la vérité de la compréhension marxiste selon laquelle la lutte de classes est le moteur de l'histoire.
[1] [14] Cet autre soi-disant Etat ouvrier, la Chine, plie aussi sous le poids de la même crise économique et c'est l'approfondissement de cette crise qui constitue la base matérielle de l'extrême exacerbation des antagonismes qui poussent la Russie et la Chine à la guerre et dont nous parlerons plus loin.
[2] [15] La nécessité de compenser la très faible composition organique du capital par une mobilisation par l'Etat de toutes les réserves de force de travail pour essayer d'égaler la production du bloc américain est la principale raison pour laquelle le bloc russe n'est pas autant frappé parle chômage massif.
[3] [16] Dans pratiquement tous les cas, la manière qu'ont les économistes bourgeois de décrire l'économie mondiale, les catégories qu'ils utilisent, sont en contradiction avec les catégories marxiennes qui seules permettent de saisir les véritables lois du mouvement du mode de production capitaliste et le cours actuel de la crise économique. Comme avec toute idéologie, l'économie bourgeoise déforme et voile les conditions réelles qu'elle se propose d'étudier.
[4] [17] A l'exception des importations de pétrole.
[5] [18] Bien sûr, ceci est vrai aussi pour la production beaucoup plus vaste d'armements par chaque pays qui n'est pas commercialisée.
[6] [19] Bien que le gouvernement américain stimulera presque à coup sûr l'économie pendant la campagne présidentielle de 1980, les effets seront extrêmement courts, et ne changeront que .très peu la perspective économique que nous avons tracée.
[7] [20] C'était le point de vue de la tendance Vercesi de la Gauche Communiste Internationale.
[8] [21] C'était le point de vue de la tendance Vercesi de la Gauche Communiste Internationale.
[9] [22] C'était le point de vue de la tendance Vercesi de la Gauche Communiste Internationale.
[10] [23] Cette tendance à la désintégration n'est que partiellement contrecarrée par la formation de deux blocs impérialistes géants et par la coordination économique imposée par les Etats-Unis et la Russie aux pays industrialisés de leur bloc respectif.
[11] [24] Bien qu'il faille rappeler que les tendances dés intégratrices et centrifuges qui prévalent dans le capitalisme décadent, rendent l'unité mondiale du capital autour d'un seul pôle d'accumulation impossible.
La deuxième Conférence Internationale des groupes de la Gauche Communiste (novembre 1978) a mis en évidence la confusion extrême qui règne à l'heure actuelle dans les rangs révolutionnaires sur le problème de la période historique présente et plus précisément :
Plus généralement, les incompréhensions portent :
C'est à l'ensemble de ces questions que tente de répondre ce texte.
La nature même de toute activité humaine suppose la prévision, le projet. Par exemple, Marx écrit : "... l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche". Chaque acte de l'homme procède d'une telle démarche : de fait, cette capacité à prévoir, à projeter est une composante essentielle de la conscience humaine. Et cela est d'autant plus vrai dans la démarche scientifique. C'est de façon constante que celle-ci utilise la prévision : c'est uniquement en transformant en prévisions les hypothèses formulées à partir d'une première série d'expériences et en confrontant ces prévisions à de nouvelles expériences que le chercheur peut vérifier (ou démentir) le bien-fondé de ces hypothèses et avancer dans la connaissance.
Se basant sur une approche scientifique de la réalité sociale, la pensée révolutionnaire du prolétariat adopte nécessairement une telle démarche à la seule différence que, contrairement aux chercheurs, les révolutionnaires ne peuvent créer en laboratoire les conditions de nouvelles expérimentations. C'est la pratique sociale qui, en confirmant ou en infirmant les perspectives qu'ils ont définies, vient valider ou invalider leur théorie. De fait, ce sont tous les aspects du mouvement historique de la classe ouvrière qui s'appuient sur la prévision : elle permet d'adapter les formes de lutte à chaque époque de la vie du capitalisme mais, surtout, c'est sur elle et notamment sur la perspective d'une faillite du capitalisme que se base le projet communiste. Comme la cellule de l'architecte, le communisme est d'abord conçu -évidemment à grands traits- dans la tête des hommes avant que d'être édifié dans la réalité.
Contrairement donc à ce que pense par exemple Paul Mattick, pour qui l'étude des phénomènes économiques ne peut déboucher sur aucune prévision utilisable pour l'activité des révolutionnaires, la définition de perspectives, la prévision sont une partie intégrante et très importante de cette activité.
La question qui peut se poser alors est la suivante :"quel est le champ d'application de la prévision pour les révolutionnaires ?"
La question peut alors se poser plus précisément : "dans le cadre de prévisions à moyen terme, peut-on et doit-on prévoir l'évolution du rapport de forces entre bourgeoisie et prolétariat ?", ce qui suppose qu'on admette la possibilité d'une telle évolution et qu'on ait donc répondu à la question préliminaire :
Il peut sembler curieux qu'on soit conduit à se poser des questions aussi élémentaires. Dans le passé, elles ne venaient même pas à l'esprit des révolutionnaires tant leur réponse paraissait évidente. S'il se posait une question, ce n'était pas : "existe-t-il un cours de la lutte de classe ?" ou "est-il possible et nécessaire de l'analyser ?", mais uniquement "quelle est la nature du cours ?". Et c'est là-dessus que portaient les débats entre révolutionnaires. Dès 1852, Marx pouvait décrire le cours particulièrement heurté de la lutte de la classe ouvrière : "les révolutions prolétariennes se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer à nouveau..., paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et de se redresser à nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts." (18 Brumaire). Il y a plus d'un siècle, la question paraissait donc claire. Mais force est de constater que la terrible contre-révolution dont nous sortons a introduit une telle confusion dans le milieu révolutionnaire (cf. la lettre du FOR -Fomento Obrero Revolucionario- à RI publiée dans Révolution Internationale n°56 et 57) qu'il est aujourd'hui nécessaire de reposer ce type de questions.
En général, les confusions dans ce domaine s'appuient sur une ignorance de l'histoire du mouvement ouvrier (mais, comme disait Marx "l'ignorance n'est pas une excuse"). L'étude de celle-ci nous permet de constater la vérification de ce qu'avait signalé Marx, c'est-à-dire l'alternance des poussées, souvent très vives et fulgurantes de la lutte prolétarienne (1848-49, 1864-71, 1917-23) et de reculs de celle-ci (à partir de 1850, 1872 et 1923) qui d'ailleurs, à chaque fois, ont conduit à la disparition ou à la dégénérescence des organisations politiques que la classe s'était données dans la période de montée des luttes :
C'est probablement la durée extrêmement longue (un demi-siècle) de la contre-révolution qui suit la vague révolutionnaire culminant en 1917 et durant laquelle la classe ouvrière reste de façon pratiquement uniforme en position de faiblesse, qui permet d'expliquer qu'il y ait aujourd'hui des révolutionnaires incapables de comprendre qu'il puisse exister une telle alternance entre périodes d'avancées et périodes de recul de la lutte de classe. L'étude sans préjugés (mais c'est tellement plus confortable de ne pas étudier et de ne pas se remettre en cause !) de l'histoire du mouvement ouvrier et des analyses marxistes aurait permis à ces révolutionnaires de surmonter le poids de la contre-révolution ; elle leur aurait également permis de savoir que les poussées de la lutte de classe accompagnent les périodes de crise de la société capitaliste (crise économique : 1848 ou guerre : 1871, 1905, 1917) du fait :
L'histoire nous montre que les révolutionnaires peuvent commettre des erreurs considérables dans ce domaine. Les exemples ne manquent pas :
Cependant, l'histoire a également mis en évidence que les révolutionnaires avaient les moyens d'analyser correctement le cours et de faire des prévisions justes sur le devenir des luttes de classe :
L'expérience a également montré, qu'en général, ces prévisions justes n'étaient pas le fait du hasard mais étaient basées sur une étude très sérieuse de la réalité sociale englobant à la fois une analyse du capitalisme lui-même, et en premier lieu de la situation économique, mais aussi une évaluation de la dynamique des luttes sociales tant sur le plan de la combativité que de la conscience. C'est ainsi que :
Mais, condition nécessaire pour une reprise ouvrière, la crise du capitalisme n'est pas suffisante, contrairement à ce que pensait Trotski à la suite de la crise de 1929. De même, la combativité ouvrière n'est pas un indice suffisant de la reprise réelle et durable si elle ne s'accompagne pas d'une tendance à la rupture avec les mystifications capitalistes : c'est ce que méconnait la minorité de la Fraction Communiste Italienne qui voit dans la mobilisation et l'armement des ouvriers espagnols en juillet 1936 le début d'une révolution alors que ceux-ci sont en fait désarmés politiquement par "l'antifascisme" et, partant, incapables de s'attaquer réellement au capitalisme. On peut donc constater qu'il est possible aux révolutionnaires de faire des prévisions sur l'évolution du rapport de forces entre bourgeoisie et prolétariat et que, loin d'aborder cette tâche comme une loterie, ils disposent de critères tirés de l'expérience qui, sans être infaillibles, leur permettent de ne pas marcher à l'aveuglette. Mais une autre objection surgit chez certains révolutionnaires : "Même s'il est possible de faire des prévisions sur le cours historique, elles ne présentent aucun intérêt pour la lutte de classe et ne conditionnent en rien l'activité des communistes. Tout cela est de la spéculation intellectuelle sans impact sur la pratique". C'est à ces arguments qu'il s'agit de répondre.
Pour répondre à cette question, on pourrait presque dire que les faits parlent d'eux-mêmes mais la contre-révolution a fait de tels ravages dans certains groupes révolutionnaires que, soit ils ignorent carrément ces faits, soit ils ne sont plus capables de les lire. Il suffit d'évoquer le sort tragique de la Gauche Allemande -complètement désorientée, disloquée et finalement détruite à la suite de son erreur sur le cours de la lutte de classe, et malgré la valeur de toutes ses positions programmatiques- pour se convaincre de la nécessité pour l'organisation des révolutionnaires d'une analyse correcte de la perspective historique. On se souviendra aussi de la triste errance de la minorité de la Fraction Italienne s'enrôlant dans les milices antifascistes, du sort non moins pitoyable de l'Union Communiste pratiquant pendant des années une politique de "soutien critique" aux socialistes de gauche du POUM en espérant qu'il en sortirait une avant-garde communiste capable de prendre la tête de la "révolution espagnole", pour constater l'impact désastreux que peut avoir sur les révolutionnaires une incompréhension du problème du cours.
De fait, l'analyse du cours de la lutte de classe conditionne directement le type d'organisation et d'intervention des révolutionnaires. De même que, pour remonter le courant d'une rivière, on nage sur le bord et que pour le descendre on nage au milieu, de même les rapports que les révolutionnaires établissent avec leur classe sont différents suivant qu'ils se portent à la tête de son mouvement quand il va vers la révolution ou qu'ils luttent à contre-courant d'un mouvement qui entraîne le prolétariat vers l'abîme de la contre-révolution.
Dans le premier cas, leur préoccupation essentielle sera de ne pas se couper de la classe, de suivre attentivement chacun de ses pas et chacune de ses luttes afin d'en faire épanouir le plus possible les potentialités. Sans jamais négliger le travail théorique, le travail de participation directe aux luttes de la classe sera donc privilégié. Sur le plan organisationnel, les révolutionnaires auront une attitude confiante et ouverte à l'égard des autres courants pouvant surgir dans la classe. Tout en restant, comme en toutes circonstances fermes sur les principes, ils miseront sur une évolution positive de ces courants, sur les possibilités de convergence de leurs positions respectives et porteront un maximum d'attention et d'efforts à la tâche du regroupement.
Tout autre sera la démarche des révolutionnaires dans une période de reflux historique des luttes. Il s'agira alors, en premier lieu, de permettre à l'organisation de résister à ce reflux et donc de préserver ses principes de l'influence délétère des mystifications capitalistes tendant à submerger toute la classe, en second lieu, de préparer les futurs resurgissements de celle-ci, en consacrant l'essentiel de ses maigres forces à un travail théorique d'examen et de bilan des expériences passées et notamment des causes de la défaite. Il est clair qu'une telle démarche tend à couper les révolutionnaires du reste de la classe, mais ils doivent assumer une telle conséquence à partir du moment où ils ont constaté que la bourgeoisie est pour l'heure victorieuse et que le prolétariat se laisse entraîner sur son terrain, sinon ils risquent d'être entraînés eux aussi. De même, sur le plan du regroupement des révolutionnaires, et sans jamais tourner le dos à cet effort, il serait vain en de telles périodes de miser sur des perspectives très positives, la tendance étant plutôt à un repliement jaloux de l'organisation autour de ses positions, au maintien de désaccords dont le dépassement se heurte à l'absence d'expérience vivante de la classe. On voit donc que l'analyse du cours a un impact sur le mode d'activité et d'organisation des révolutionnaires et qu'il ne s'agit nullement de "spéculations académiques". De fait, de même qu'une armée a besoin, à tout moment, de connaître la nature précise du rapport de forces avec l'armée ennemi afin de savoir si elle doit attaquer ou se replier en bon ordre, de même, la classe ouvrière a besoin d'apprécier correctement le rapport de forces avec son ennemi : la bourgeoisie. Et il appartient aux révolutionnaires, comme éléments les plus avancés de la classe, de lui fournir le maximum d'éléments pour une telle appréciation. C'est là une de leurs raisons essentielles d'exister. Cette responsabilité, les révolutionnaires l'ont, avec plus ou moins de réussite, toujours assumée dans le passé mais l'analyse du cours historique prend une importance encore bien plus grande avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence dans la mesure où l'enjeu lui-même de la lutte de classe acquiert une dimension plus considérable.
À la suite de l'Internationale Communiste, le CCI a toujours affirmé qu'avec la décadence du capitalisme s'était ouverte "l'ère des guerres impérialistes et des révolutions prolétariennes". La guerre n'est pas une spécificité du capitalisme décadent, comme d'ailleurs elle n'est pas une spécificité du capitalisme lui-même. Mais la fonction et la forme de la guerre changent suivant que ce système est progressif ou qu'il est devenu une entrave au développement des forces productives de la société :
"À l'époque du capitalisme ascendant, les guerres (nationales, coloniales et de conquêtes impérialistes) exprimèrent la marche ascendante de fermentation, de renforcement et d'élargissement du système économique capitaliste. La production capitaliste trouvait dans la guerre la continuation de sa politique économique par d'autres moyens. Chaque guerre se justifiait et payait ses frais en ouvrant un nouveau champ d'une plus grande expansion, assurant le développement d'une plus grande production capitaliste.
À l'époque du capitalisme décadent, la guerre au même titre que la paix exprime cette décadence et concourt puissamment à l'accélérer.
Il serait erroné de voir dans la guerre un phénomène propre, négatif par définition, destructeur et entrave au développement de la société, en opposition à la paix qui, elle, sera présentée comme le cours normal positif du développement continu de la production et de la société. Ce serait introduire un concept moral dans un cours objectif, économiquement déterminé.
La guerre fut le moyen indispensable au capitalisme lui ouvrant des possibilités de développement ultérieur, à l'époque où ces possibilités existaient et ne pouvaient être ouvertes que par le moyen de la violence. De même, le croulement du monde capitaliste ayant épuisé historiquement toutes les possibilités de développement, trouve dans la guerre moderne, la guerre impérialiste, l'expression de ce croulement qui, sans ouvrir aucune possibilité de développement ultérieur pour la production, ne fait qu'engouffrer dans l'abîme les forces productives et accumuler à un rythme accéléré ruines sur ruines.
Il n'existe pas une opposition fondamentale en régime capitaliste entre guerre et paix, mais il existe une différence entre les deux phases ascendante et décadente de la société capitaliste et partant une différence de fonction de la guerre (dans le rapport de la guerre et de la paix) dans les deux phases respectives. Si dans la première phase, la guerre a pour fonction d'assurer un élargissement du marché, en vue d'une plus grande production de biens de consommation, dans la seconde phase, la production est essentiellement axée sur la production de moyens de destruction, c'est-à-dire en vue de la guerre. La décadence de la société capitaliste trouve son expression éclatante dans le fait que des guerres en vue du développement économique (période ascendante), l'activité économique se restreint essentiellement en vue de la guerre (période décadente).
Cela ne signifie pas que la guerre soit devenue le but de la production capitaliste, le but restant toujours pour le capitalisme la production de la plus-value mais cela signifie que la guerre, prenant un caractère de permanence, est devenue le mode de vie du capitalisme décadent."
(Rapport à la Conférence de juillet 1945 de la Gauche Communiste de France)
De cette analyse des rapports entre capitalisme décadent et guerre impérialiste, on peut tirer trois conclusions :
C'est pour cela que, classe qui porte en elle la fin de toutes les guerres et le seul devenir possible de la société, le socialisme, mais aussi classe qui est en première ligne des sacrifices imposés par la guerre impérialiste et qui, exclue de toute propriété, soit la seule à ne pas avoir de patrie, à être réellement internationaliste, le prolétariat tient entre ses mains le sort de toute l'humanité. Et plus directement de sa capacité à réagir sur son terrain de classe à la crise historique du capitalisme, dépend la possibilité ou non de ce système d'y apporter sa propre réponse -la guerre impérialiste- et de l'imposer à la société.
Avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, les implications de la nature du cours historique sont donc presque sans commune mesure avec ce qu'elles pouvaient être au siècle dernier. Au 20ème siècle, la victoire capitaliste signifie la barbarie sans nom de la guerre impérialiste et la menace d'une disparition de l'espèce humaine ; la victoire prolétarienne, par contre signifie la possibilité d'une régénération de la société, la "fin de la préhistoire humaine et le début de son histoire véritable", la "sortie du règne de la nécessité et l'entrée dans celui de la liberté". Tel est l'enjeu que les révolutionnaires doivent avoir en vue quand ils examinent la question du cours. Mais tel n'est pas le cas chez tous les révolutionnaires notamment chez ceux qui se refusent à parler d'alternative historique (ou, s'ils en parlent, qui ne savent pas de quoi il s'agit), pour qui la guerre impérialiste et le surgissement prolétarien sont simultanés ou même complémentaires.
À la veille de la seconde guerre mondiale, s'est développée, dans la Gauche Italienne, la thèse que la guerre impérialiste ne serait plus le produit de la division du capitalisme entre États et puissances antagoniques luttant chacune pour l'hégémonie mondiale. Au contraire, ce système ne recourrait à cette extrémité que dans le but de massacrer le prolétariat et d'entraver la montée de la révolution. C'est à cette argumentation que répondait la Gauche Communiste de France en écrivant :
"L'ère des guerres et des révolutions ne signifie pas qu'au développement du cours de la révolution répond un développement du cours de la guerre. Ces deux cours ayant leur source dans une même situation historique de crise permanente du régime capitaliste, sont toutefois d'essence différente n'ayant pas des rapports de réciprocité directe. Si le déroulement de la guerre devient un facteur direct précipitant les convulsions révolutionnaires, il n'en est pas de même en ce qui concerne le cours de la révolution qui n'est jamais un facteur de la guerre impérialiste. La guerre impérialiste ne se développe pas en réponse au flux de la révolution, mais c'est exactement le contraire qui est vrai, c'est le reflux de la révolution qui suit la défaite de la lutte révolutionnaire, c'est l'évincement momentané de la menace de la révolution qui permettent à la société capitaliste d'évoluer vers le déclenchement de la guerre engendrée par les contradictions et les déchirements internes du système capitaliste".
D'autres théories ont également surgi plus récemment suivant lesquelles "avec l'aggravation de la crise du capitalisme, ce sont les deux termes de la contradiction qui se renforcent en même temps : guerre et révolution ne s'excluraient pas mutuellement mais avanceraient de façon simultanée et parallèle sans qu'on puisse savoir laquelle arriverait à son terme avant l'autre". L'erreur majeure d'une telle conception est qu'elle néglige totalement le facteur lutte de classe dans la vie de la société. La conception développée par la Gauche Italienne pêchait par une surestimation de l'impact de ce facteur. Partant de la phrase du "Manifeste Communiste" suivant : laquelle "l'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de la lutte de classes", elle en faisait une application mécanique à l'analyse du problème de la guerre impérialiste en considérant celle-ci comme une réponse à la lutte de classe, sans voir au contraire qu'elle ne pouvait avoir lieu qu'en l'absence de celle-ci ou grâce à sa faiblesse. Mais pour fausse qu'elle fût, cette conception se basait sur un schéma correct, l'erreur provenant d'une délimitation incorrecte de son champ d'application. Par contre, la thèse du "parallélisme et de la simultanéité du cours vers la guerre et du cours à révolution" fait carrément fi de ce schéma de base du marxisme car elle suppose que les deux principales classes antagonistes de la société puissent préparer leurs réponses respectives à la crise du système -la guerre impérialiste pour l'une et la révolution pour l'autre- de façon complètement indépendante l'une de 'autre, du rapport entre leurs forces respectives, de leurs affrontements. S'il ne peut même pas s'appliquer à ce qui détermine toute l'alternative historique de la vie de la société, le schéma du "Manifeste Communiste" n'a plus de raison d'exister et on peut ranger tout le marxisme dans un musée au rayon des inventions farfelues de l'imagination humaine. En réalité, l'histoire se charge de démontrer l'erreur d'une telle conception du "parallélisme". En effet, contrairement au prolétariat qui ne connait pas d'intérêts contradictoires, la bourgeoisie est une classe profondément divisée de par l'antagonisme existant entre les intérêts économiques de ses différents secteurs : dans une économie où règne sans partage la marchandise, la concurrence entre fractions de la classe dominante est en général insurmontable ; là réside la cause profonde des crises politiques qui s'abattent sur cette classe, de même que des tensions entre pays et entre blocs qui toutes s'exacerbent au fur et à mesure qu'avec la crise, s'aggrave la concurrence. Le niveau le plus élevé où le capital peut se donner une certaine unité est le niveau national, c'est d'ailleurs un des attributs essentiel de l'État capitaliste que d'imposer cette discipline entre secteurs du capital national. à la limite on peut considérer l'existence d'une certaine "solidarité" entre nations d'un même bloc impérialiste : c'est la traduction du fait que, seul contre tous les autres, un capital national ne peut rien et qu'il est obligé d'abandonner une part de son indépendance pour pouvoir mieux défendre ses intérêts globaux, mais cela n'élimine pas :
Le seul moment où la bourgeoisie peut se redonner une unité à l'échelle mondiale, où elle peut faire taire ses rivalités impérialistes, c'est lorsqu'elle est menacée dans sa survie même par son ennemi mortel : le prolétariat. Mais alors, et l'histoire l’a amplement démontré, elle est capable de faire preuve de cette solidarité qui lui fait défaut dans les autres circonstances. C'est ce qu'illustre :
C'est donc de façon non pas parallèle et indépendante mais bien antagonique et se déterminant mutuellement que se développent le cours historique vers la guerre et celui vers la révolution.
De plus, ce n'est pas seulement sur le plan du devenir de la société que guerre impérialiste et révolution s'excluent mutuellement comme réponses de deux classes historiquement antagonistes, c'est également de façon quotidienne dans leurs préparatifs respectifs que se manifeste leur opposition.
La préparation de la guerre impérialiste suppose pour le capitalisme le développement d'une économie de guerre dont le prolétariat, évidemment, supporte le plus lourd du fardeau. Ainsi, c'est déjà en luttant contre l'austérité qu'il entrave ces préparatifs et qu'il fait la démonstration qu'il n'est pas prêt à supporter les sacrifices encore plus terribles que lui demanderait la bourgeoisie lors d'une guerre impérialiste. Pratiquement, la lutte de classe, même pour des objectifs limités, représente, pour le prolétariat, une rupture de la solidarité avec "son" capital national, solidarité qu'on lui demande justement de manifester dans la guerre. Elle exprime également une tendance à la rupture avec les idéaux bourgeois comme la "démocratie", la "légalité", la "patrie", le faux "socialisme", pour la défense desquels on appellera les ouvriers à se faire massacrer et à massacrer leurs frères de classe. Elle permet enfin que se développe son unité, condition indispensable de sa capacité à s'opposer, à l'échelle internationale, aux règlements de comptes entre brigands impérialistes.
L'entrée du capitalisme, au milieu des années 60, dans une phase de crise économique aiguë signifie l'imminence de la perspective définie par l'IC : "guerre impérialiste et révolution prolétarienne", comme réponses spécifiques de chacune des deux principales classes de la société à une telle crise. Mais cela ne signifie pas que les deux termes de cette perspective vont se développer de façon simultanée. C'est sous forme d'alternative, c'est-à-dire d'exclusion réciproque que ces deux termes se présentent :
La nature du cours présent, vers la guerre impérialiste ou vers la guerre de classe, est donc la traduction de l'évolution du rapport de forces entre bourgeoisie et prolétariat. Comme l'ont déjà fait avant nous la plupart des révolutionnaires, et notamment Marx, ce sont ces rapports de forces qu'il s'agit d'étudier. Mais cela suppose qu'on dispose de critères pour une telle évaluation qui ne sont pas nécessairement identiques à ceux utilisés par le passé. La définition de tels critères suppose donc à la fois la connaissance de ceux du passé, la distinction parmi ceux-ci entre ceux qui sont encore valables et ceux qui sont devenus caducs compte-tenu de l’évolution de la situation historique, ainsi que la prise en compte des nouveaux critères éventuels imposés par cette évolution. En particulier, il ne saurait être question d'appliquer mécaniquement les schémas du passé bien qu'il soit nécessaire de partir de l'étude de celui-ci et notamment des conditions qui ont permis l'éclatement de la guerre impérialiste en 1914 et en 1939.
"C’est l’arrêt de la lutte de classe, ou plus exactement la destruction de la puissance de classe du prolétariat, la destruction de sa conscience, la déviation de ses luttes, que la bourgeoisie parvient à opérer par l'entremise de ses agents dons le prolétariat, en vidant ses luttes de leur contenu révolutionnaire et les engageant sur les rails du réformisme et du nationalisme, qui est la condition ultime et décisive de l’éclatement de la guerre impérialiste.
Ceci doit être compris non d'un point de vue étroit et limité d'un secteur national isolé, mais internationalement.
Ainsi, la reprise partielle, la recrudescence de luttes et de mouvements de grèves constatés en 1913 en Russie ne diminue en rien notre affirmation. à regarder les choses de plus près, nous verrons que la puissance du prolétariat international à la veille de 1914,les victoires électorales, les grands partis sociaux-démocrates et les organisations syndicales de masse, gloire et fierté de la IIème Internationale, n'étaient qu'une apparence, une façade cachant sous son vernis le profond délabrement idéologique. Le mouvement ouvrier miné et pourri par l'opportunisme régnant en maître devait s'écrouler comme un château de cartes devant le premier souffle de guerre.
La réalité ne se traduit pas dans la photographie chronologique des événements. Pour la comprendre, il faut saisir le mouvement sous-jacent, interne, les modifications profondes qui se sont produites avant qu'elles n'apparaissent à la surface et soient enregistrées par des dates. On commettrait une grave erreur en voulant rester fidèle à l'ordre chronologique de l'histoire et présenter la guerre de 1914 comme la cause de l'effondrement de la IIème Internationale, quand, en réalité, l'éclatement de la guerre fut directement conditionné par la dégénérescence opportuniste préalable du mouvement ouvrier international. Les fanfaronnades de la phrase internationaliste se faisaient sentir d'autant plus extérieurement qu'intérieurement triomphait et dominait la tendance nationaliste. La guerre de 1914 n'a fait que mettre en évidence, au grand jour, l'embourgeoisement des partis de la IIème Internationale, la substitution à leur programme révolutionnaire initial, par l'idéologie de l'ennemi de classe, leur rattachement aux intérêts de la bourgeoisie nationale.
Ce processus interne de la destruction de la conscience de classe a manifesté son achèvement ouvertement dans l'éclatement de la guerre de 1914 qu'il a conditionné.
L'éclatement de la seconde guerre mondiale était soumis aux mêmes conditions.
On peut distinguer trois étapes nécessaires et se succédant entre les deux guerres impérialistes.
La première s'achève avec l'épuisement de la grande vague révolutionnaire de l'après-1917 et consiste dans une suite de défaites de la révolution dans plusieurs pays, dans la défaite de la Gauche exclue de l'IC où triomphe le centrisme et l'engagement de l'URSS dans une évolution vers le capitalisme au travers de la théorie et de la pratique du "socialisme dans un seul pays".
La deuxième étape est celle de l'offensive générale du capitalisme international parvenant à liquider les convulsions sociales dans le centre décisif où se joue l'alternative historique du capitalisme/socialisme : l'Allemagne, par l'écrasement physique du prolétariat et l'instauration du régime hitlérien jouant le rôle de gendarme en Europe. à cette étape correspond la mort définitive de l'IC et la faillite de l'opposition de Gauche de Trotski qui, incapable de regrouper les énergies révolutionnaires, s'engage par la coalition et la fusion avec des groupements et des courants opportunistes de la gauche socialiste, s'oriente vers des pratiques de bluff et d'aventurisme en proclamant la formation de la IVème Internationale.
La troisième étape fut celle du dévoiement total du mouvement ouvrier des pays "démocratiques". Sous le masque de défense des "libertés" et des "conquêtes" ouvrières menacées par le fascisme, on a en réalité cherché à faire adhérer le prolétariat à la défense de la démocratie, c'est-à-dire de la bourgeoisie nationale, de sa patrie capitaliste. L 'antifascisme était la plate-forme, l'idéologie moderne du capitalisme que les partis traîtres au prolétariat employaient pour envelopper la marchandise putréfiée de la défense nationale.
Dans cette troisième étape s'opère le passage définitif des partis dits communistes au service de leur capitalisme respectif, la destruction de la conscience de classe par l'empoisonnement des masses, par l'idéologie antifasciste, l'adhésion des masses à la future guerre impérialiste au travers de leur mobilisation dans les "fronts populaires", les grèves dénaturées et déviées de 1936.
La guerre antifasciste espagnole, la victoire définitive du capitalisme d'État en Russie se manifestant entre autres par la répression féroce et le massacre physique de toute velléité de réaction révolutionnaire, son adhésion à la SDN ; son intégration dans un bloc impérialiste et l'instauration de l'économie de guerre en vue de la guerre impérialiste se précipitant. Cette période enregistre également la liquidation de nombreux groupes révolutionnaires et des communistes de Gauche surgis par la crise de l'IC et qui, au travers de l'adhésion à l'idéologie antifasciste, à la "défense de l'État ouvrier" en Russie, sont happés dans l'engrenage du capitalisme et définitivement perdus en tant qu'expression de la vie de la classe. Jamais l'histoire n'a encore enregistré pareil divorce entre la classe et les groupes qui expriment ses intérêts et sa mission. L'avant-garde se trouve dans un état d'absolu isolement et réduite quantitativement à de petits ilots négligeables.
L'immense vague de la révolution jaillie à la fin de la première guerre impérialiste a jeté le capitalisme international dans une telle crainte qu'il a fallu cette longue période de désarticulation des bases du prolétariat pour que la condition soit requise pour le déchaînement de la nouvelle guerre impérialiste mondiale." (Idem)
À ces lignes lumineuses, on peut encore ajouter les éléments suivants :
De l'analyse des conditions qui ont permis le déclenchement des deux guerres impérialistes, on peut tirer les enseignements communs suivants :
a) qu'ils aient un semblant de réalité (possibilité d'un développement infini et sans heurt du capitalisme et de la "démocratie", origine ouvrière du régime qui s'est établi en URSS) ;
b) qu'ils soient associés d'une façon ou d'une autre à la défense d'intérêts prolétariens ;
c) qu'une telle association soit défendue parmi les travailleurs par des organismes qui aient leur confiance pour avoir été dans le passé des défenseurs de leurs intérêts, en d'autres termes que les idéaux bourgeois aient comme avocat des organisations anciennement prolétariennes ayant trahi.
Telles sont, à grands traits, les conditions qui ont permis par le passé le déclenchement des guerres impérialistes. Il n'est pas dit a priori qu'une éventuelle guerre impérialiste à venir ait besoin de conditions identiques, mais dans la mesure où la bourgeoisie a pris conscience du danger que pouvait représenter pour elle un déclenchement prématuré des hostilités (malgré tous ces préparatifs préalables, même la seconde guerre mondiale provoque une riposte des ouvriers en 1943 en Italie et en 1944/45 en Allemagne), on ne s'avance pas trop en considérant qu'elle ne se lancera dans un affrontement généralisé que si elle a conscience de contrôler aussi bien la situation qu'en 1939 ou au moins qu'en 1914. En d'autres termes, pour que la guerre impérialiste soit de nouveau possible, il faut qu'il existe au moins les conditions énumérées plus haut et si tel n'est pas le cas, qu'il en existe d'autres en mesure de compenser celles faisant défaut.
Dans le passé, le terrain principal sur lequel s'est décidé le cours historique était l'Europe, notamment ses trois pays les plus puissants, l'Allemagne, l'Angleterre et la France et accessoirement des pays secondaires comme l'Espagne ou l'Italie. Aujourd'hui, cette situation reste partiellement semblable dans la mesure où c'est ce continent qui est encore l'enjeu essentiel de l'affrontement entre les deux blocs impérialistes. Toute évaluation du cours passe donc par l'examen de la situation de la lutte de classe dans ces pays mais en même temps, ne saurait être complète si elle ne prenait pas en considération la situation en URSS aux USA et en Chine.
Si on examine l'ensemble de ces pays, on peut constater que nulle part, depuis plusieurs décennies, le prolétariat n'a subi de défaite physique ; la dernière en date des défaites de cet ordre a touché un pays aussi marginal que le Chili. De même, on ne peut relever dans aucun de ces pays de défaite idéologique comparable à celle de 1914, c'est-à-dire permettant une adhésion enthousiaste des prolétaires au capital national :
Comme on peut donc le voir, aucune des conditions qui avaient permis l'embrigadement dans les conflits impérialistes du passé n'existe aujourd'hui, et on ne voit pas quelle nouvelle mystification pourrait dans l'immédiat prendre la relève de celles qui ont failli. C'est une telle analyse qui était déjà à la base de la prise de position des camarades d'Internacionalismo quand ils saluaient début 68 l'année qui venait comme étant riche de promesses de luttes de classe face à la crise qui se développait. C'est cette même analyse qui permettait à Révolution Internationale d'écrire en 68, avant donc l'automne chaud italien de 69, l'insurrection polonaise de 70 et toute la vague de luttes qui va jusqu'en 1974 :
"Le capitalisme dispose de moins en moins de thèmes de mystifications capables de mobiliser les masses et de les jeter dans le massacre... Dans ces conditions, la crise apparaît dès ses premières manifestations pour ce qu'elle est : dès ses premiers symptômes, elle verra surgir dans tous les pays des réactions de plus en plus violentes des masses... Mai 68 apparait dans toute sa signification pour avoir été une des premières et une des plus importantes réaction de la masse des travailleurs contre une situation économique mondiale allant en se détériorant." (Révolution Internationale n°2, ancienne série)
C'est cette analyse, se basant sur les positions classiques du marxisme (caractère inéluctable de la crise et provocation par celle-ci d'affrontements de classe), ainsi que sur l'expérience de plus d'un demi-siècle, qui a donc permis à notre courant, alors que beaucoup d'autres groupes ne parlaient que de contre-révolution et ne voyaient rien venir, de prévoir la reprise historique de la classe à partir de 1968, de même que la remontée présente, suite à un recul temporaire entre 1974 et 1978.
Mais il est des révolutionnaires qui, plus de 10 ans après 1968 n'ont pas encore compris sa signification et pronostiquent le cours vers une troisième guerre impérialiste. Voyons leurs arguments :
Certains révolutionnaires ont parfaitement compris que derrière les prétendues luttes de libération nationale se dissimulent (de plus en plus mal, il est vrai, au point que même un courant aussi myope que le bordiguisme est quelquefois obligé de le reconnaître) des conflits inter-impérialistes. De la persistance pendant des décennies de tels conflits, ils n'ont pas, à raison, conclu à une "montée de la révolution" suivant l'expression trotskiste. Nous les suivons sur ce point. Mais ils vont plus loin et concluent que la simple existence de tels conflits et leur intensification récente signifie que la classe est battue mondialement et ne pourra pas s'opposer à une nouvelle guerre impérialiste. La question qu'ils ne se posent pas, démontrant ainsi le caractère erroné de leur démarche, est : "pourquoi la multiplication et l'aggravation des conflits locaux n'ont-elles pas déjà dégénéré en un conflit généralisé ?" à cette question, certains, comme la CWO (Communist Worker's Organisation) (cf. la Conférence de novembre 78) répondent : "parce que la crise n'est pas encore assez profonde", ou bien "les préparatifs militaires et stratégiques ne sont pas encore achevés". L'histoire apporte elle-même un démenti à ces interprétations :
De fait, les conditions sont plus que mûres pour une nouvelle guerre impérialiste, la seule donnée militaire manquante est l'adhésion du prolétariat... mais ce n'est pas la moindre.
Pour certains, emboîtant le pas à ceux qui avaient dans le passé déclaré la guerre impossible à cause des gaz asphyxiants ou de l'aviation, l'existence de l'arsenal atomique interdit désormais le recours à une nouvelle guerre généralisée qui signifierait la menace d'une destruction totale de la société. Nous avons déjà dénoncé les illusions pacifistes contenues dans une telle conception. Par contre, d'autres estiment que le développement de la technologie interdit toute possibilité pour le prolétariat d'intervenir dans une guerre moderne du fait que celle-ci utilise surtout des armes très sophistiquées maniées par des spécialistes et très peu de masses de soldats. La bourgeoisie aurait ainsi les mains libres pour mener sa guerre atomique sans craindre aucune menace de mutinerie comme ce fut le cas en 1917-18. Ce qu'ignore une telle analyse, c'est que :
Il y a dans le processus de généralisation d'un conflit impérialiste un aspect d'engrenage involontaire échappant à tout contrôle de quelque gouvernement que ce soit. Un tel phénomène fait dire à certains que, quel que soit le niveau de la lutte de classes, le capitalisme peut plonger l'humanité dans la guerre généralisée "par accident", suite à une telle perte de contrôle de la situation. Il n'y a évidemment pas de garantie absolue que le capitalisme ne nous servira jamais un tel menu, mais l'histoire a démontré que ce système se laisse d'autant moins aller à ce type de "penchants naturels" qu'il se sent menacé par le prolétariat.
Certains groupes, tel "Battaglia Communiste", estiment que la riposte prolétarienne à la crise est insuffisante pour constituer un obstacle au cours vers la guerre impérialiste ; ils estiment que les luttes devraient être de "nature révolutionnaire" pour qu'elles puissent contrecarrer réellement ce cours et basent leur argumentation sur le fait qu'en 1917-18, c'est la révolution seule qui a mis fin à la guerre impérialiste. En fait, ils commettent une erreur en essayant de transposer un schéma en soi juste sur une situation qui n'y rentre pas. Effectivement, un surgissement du prolétariat dans et contre la guerre prend d'emblée la forme d'une révolution :
Mais tout autre est la situation quand la guerre ne s'est pas encore déclarée.
Dans ces circonstances, toute tendance, même limitée à la montée des luttes sur un terrain de classe suffit à enrayer l'engrenage dans la mesure où :
Ainsi, alors que les menaces de guerre impérialiste généralisée ne cessent de se profiler au début du 20ème siècle, que les occasions de son déclenchement ne manquent pas (guerre russo-japonaise, heurts franco-allemands à propos du Maroc, conflit dans les Balkans, invasion de la Tripolitaine par l'Italie), le fait que jusqu'en 1912 la classe ouvrière (manifestations de masse) et l'Internationale (motions spéciales aux Congrès de 1907 et 1910, Congrès Extraordinaire en 1912 sur la question de la guerre) se mobilisent lors de chaque conflit local n'est pas étranger à la non-généralisation de ces conflits. Et ce n'est qu'au moment où la classe ouvrière, endormie par les discours des opportunistes, cesse de se mobiliser face à la menace de guerre (entre 1912 et 1914) que le capitalisme peut déchaîner la guerre impérialiste à partir d'un incident (l'attentat de Sarajevo) en apparence bénin par rapport aux précédents.
À l'heure actuelle, point n'est besoin que la révolution frappe déjà à la porte pour que soit barré le cours vers la guerre impérialiste.
Le constat que, jusqu'à présent, les grandes vagues révolutionnaires du prolétariat (la Commune de 1871, Révolutions de 1905 et 1917-18) ont surgi à la suite de guerres, a conduit certains courants, dont la Gauche Communiste de France, à considérer que c'était uniquement d'une nouvelle guerre que pouvait surgir une nouvelle révolution. Si cette approche, bien que fausse, était défendable en 1950, son maintien aujourd'hui relève d'un attachement fétichiste et non critique au schéma du passé. Le rôle des révolutionnaires n'est pas de réciter des catéchismes bien appris dans les livres d'histoire en considérant que celle-ci se répète de façon immuable. En général, l'histoire ne se répète pas et s'il est nécessaire de bien la connaître pour comprendre le présent, l'étude de ce présent, avec toutes ses spécificités, est encore plus nécessaire. Un tel schéma de la révolution surgissant uniquement de la guerre impérialiste est aujourd'hui doublement erroné :
Enfin, une telle analyse risque d'avoir des implications désastreuses pour la lutte comme nous allons le voir.
Les erreurs sur l'analyse du cours ont toujours eu, comme on l'a vu, des conséquences graves. Mais le niveau de cette gravité est différent suivant que le cours est vers la remontée de la lutte de classe ou vers la guerre impérialiste. Se tromper lorsque la classe recule peut-être catastrophique pour les révolutionnaires eux-mêmes (exemple du KAPD) mais a peu d'impact sur la classe elle-même auprès de laquelle, de toute façon, ils ont peu d'audience. Par contre, une erreur lors d'une reprise de la lutte de classe, au moment où l'influence des révolutionnaires augmente en son sein, peut avoir des conséquences tragiques pour l'ensemble de la classe. Au lieu de la pousser à la lutte, d'encourager ses initiatives, de permettre le développement de ses potentialités, un langage de "docteurs tant-pis" agira à ce moment-là comme un facteur de démoralisation et deviendra un obstacle à la poursuite du mouvement.
C'est pour cela qu'en l'absence de critères décisifs démontrant la réalité d'un recul, les révolutionnaires ont toujours misé sur le terme positif de l'alternative, sur la perspective d'une montée des luttes et non sur celle d'une défaite : l'erreur du médecin qui abandonne les soins d'un malade ayant encore une chance même minime de survie est bien pire que celle du médecin qui s'acharne à soigner un malade qui n'en a aucune.
C'est pour cela aussi qu'aujourd'hui ce n'est pas tellement aux révolutionnaires, qui prévoient un cours de reprise, d'apporter la preuve irréfutable de leur analyse, mais bien à ceux qui annoncent un cours vers la guerre.
À l'heure actuelle, dire à la classe ouvrière, alors qu'on n'en est pas parfaitement sûr, que la perspective qu'elle a devant elle est celle d'une nouvelle guerre impérialiste au cours de laquelle peut-être, elle pourra surgir, relève de l'irresponsabilité. S'il existe une chance, même la plus minime, que ses combats puissent empêcher l'éclatement d'un nouvel holocauste impérialiste, le rôle des révolutionnaires est de miser de toutes leurs forces sur cette chance et d'encourager au maximum les luttes de la classe en faisant ressortir l'enjeu pour elle et pour l'humanité.
Notre perspective ne prévoit pas l'inéluctabilité de la révolution. Nous ne sommes pas des charlatans et nous savons trop bien, à l'inverse de certains révolutionnaires fatalistes que la révolution communiste n'est pas "aussi certaine que si elle avait déjà eu lieu". Mais, quelle que soit l'issue définitive de ces combats, que la bourgeoisie essaiera d'échelonner afin d'infliger à la classe une série de défaites partielles préludes à sa défaite définitive, le capitalisme ne peut plus, d'ores et déjà, imposer sa propre réponse à la crise de ses rapports de production sans s'affronter directement au prolétariat.
C'est en partie de la capacité des révolutionnaires à être à la hauteur de leurs tâches, et notamment à définir les perspectives correctes pour le mouvement de la classe, qu'il dépend que ces combats soient victorieux et qu'ils débouchent sur la révolution et sur le communisme.
Il suffit de jeter un bref coup d'œil pour constater que, si la crise politique de la bourgeoisie s'est effectivement approfondie, l'arrivée de la gauche au pouvoir ne s'est pas vérifiée, mieux encore, la gauche été cette dernière année systématiquement écartée du pouvoir dans la majeure partie des pays de l'Europe. Il suffit de citer-le Portugal, l'Italie, l'Espagne, les pays scandinaves, la France, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre ainsi qu'Israël pour le constater. Il ne reste pratiquement que deux pays en Europe où la gauche reste au pouvoir : l'Allemagne et l'Autriche.
Ceci pose d'emblée une première question : le CCI s'est-il trompé durant des années dans l'analyse de la situation internationale et ses perspectives, notamment celle de la gauche au pouvoir ? Nous pouvons répondre catégoriquement : non. Car pour ce qui concerne l'analyse générale, les données actuelles, comme le font ressortir les rapports, ne font que la confirmer amplement. Pour ce qui est de "la gauche au pouvoir", la réponse est plus complexe mais également : non.
Suite à l'apparition de la crise et aux premières manifestations de la lutte ouvrière, la gauche au pouvoir était la réponse la plus adéquate du capitalisme durant les premières années de la gauche dans les gouvernements, tout comme la gauche posant sa candidature au gouvernement remplissait efficacement sa fonction d'encadrement du prolétariat, le démobilisant et le paralysant par ses mystifications du "changement" et de l'électoralisme.
La gauche devait rester et est restée dans cette position tant que cette position lui permettait de remplir sa fonction. Il ne s'agit donc pas d'une erreur que nous aurions commise dans le passé mais de quelque chose de différent et de plus substantiel, d'un changement qui est intervenu dans l'alignement des forces politiques de la bourgeoisie. Ce serait une grave erreur de ne pas reconnaître à temps ce changement et de continuer à répéter dans le vide sur le "danger de la gauche au pouvoir". Avant de poursuivre l'examen du pourquoi de ce changement et de sa signification, il faut insister tout particulièrement sur le fait qu'il ne s'agit pas là d'un phénomène circonstanciel et limité à tel ou tel pays, mais d'un phénomène général, valable à court et peut-être à moyen terme pour l'ensemble des pays du monde occidental. Cette reconnaissance préalable est nécessaire pour permettre l'examen et la compréhension du changement intervenu et les implications que cela apporte et notamment la rectification de "tir" politique nécessaire dans le proche avenir.
Après avoir efficacement réalisé sa tâche d'immobilisation de la classe ouvrière durant ces dernières années, la gauche au pouvoir ou en marche vers le pouvoir ne peut plus assumer cette fonction qu'en se plaçant aujourd'hui dans l'opposition. Les raisons de ce changement sont multiples; elles relèvent notamment de conditions particulières spécifiques aux divers pays, mais ce sont là des raisons secondaires; les principales raisons résident dans l'usure subie par la gauche et le lent dégagement des mystifications de la gauche de la part des masses ouvrières. La récente reprise des luttes ouvrières et leur radicalisation en sont le témoignage évident.
Rappelons les trois critères dégagés lors des analyses et discussions antérieures pour la gauche au pouvoir :
La gauche réunissait le mieux et le plus efficacement ces trois conditions, et les USA, leader du bloc, appuyaient plus volontiers son arrivée au pouvoir avec des réserves toutefois pour ce qui concerne les PC. C'est à ces réserves que répondait l'inauguration de la politique dite "eurocommunisme" des PC en Espagne, en Italie et en France, politique cherchant à donner des garanties de loyauté au bloc occidental. Mais si les USA restaient quand même méfiants pour ce qui concerne les PC, leur soutien au maintien ou à l'arrivée des socialistes au pouvoir, partout où cela était possible, était total.
Ce serait une erreur de croire que la raison de l'écartement de la gauche du pouvoir résiderait dans la méfiance à l'égard des PC, même si cette raison avait une importance dans certains pays comme la France et l'Italie. L'écartement des socialistes des gouvernements comme au Portugal, en Israël, en Angleterre et ailleurs, prouve qu'il s'agit d'un phénomène qui dépasse la simple méfiance à l'égard des PC et dont les raisons doivent être cherchées ailleurs.
Revenons aux critères pour la gauche au pouvoir. En les examinant de plus près, nous voyons que même si la gauche les représente le mieux, ils ne sont pas tous le patrimoine exclusif de la gauche. Les deux premiers, les mesures de capitalisme d'Etat et l'intégration dans le bloc peuvent parfaitement être accomplis, si la situation l'exige, par d'autres forces politiques de la bourgeoisie comme les partis du centre ou même carrément de la droite. L'histoire récente abonde en exemples pour qu'il ne soit pas nécessaire d'insister plus là-dessus. Par contre, le troisième critère, l'encadrement de la classe ouvrière, est l'apanage propre et exclusif de la gauche. C'est sa fonction spécifique, sa raison d'être.
Cette fonction, la gauche ne l'accomplit pas uniquement, et même pas généralement au pouvoir. La plupart du temps, elle 1'accomplit plutôt en étant dans 1'opposition parce qu'il est généralement plus facile de 1'accomplir en étant dans l'opposition qu'au pouvoir. En règle générale, la participation de la gauche au pouvoir n'est absolument nécessaire que dans deux situations précises :
En dehors de ces deux situations extrêmes, dans lesquelles la gauche ne peut pas ne pas s'exposer ouvertement comme défenseur inconditionnel du régime bourgeois en affrontant ouvertement et violemment la classe ouvrière, la gauche doit toujours veiller à ne pas trop dévoiler sa véritable identité et sa fonction capitaliste et à maintenir la mystification que sa politique vise la défense des intérêts de la classe ouvrière.
Tout parti bourgeois est mû par des intérêts propres de clique politique et de clientèle électorale en concurrence avec les autres partis, pour aller au pouvoir. Mais aucun parti ne peut échapper aux impératifs de sa fonction de classe qui prédominent sur ses intérêts immédiats de clique, au risque de disparaître. Ceci est également vrai pour les partis de gauche qui doivent avant tout exécuter les impératifs de leur fonction. Ainsi, même si la gauche comme tout autre parti bourgeois aspire "légitimement" à accéder au pouvoir étatique, on doit cependant noter une différence qui distingue ces partis des autres partis de la bourgeoisie pour ce qui concerne leur présence au pouvoir. C'est que ces partis de la gauche prétendent être des partis "ouvriers" et comme tels ils sont obligés de se présenter devant les ouvriers avec un masque, une phraséologie "anticapitaliste" de loups vêtus de peau de mouton. Leur séjour au pouvoir les met dans une situation ambivalente plus difficile que pour tout autre parti franchement bourgeois. Un parti ouvertement bourgeois exécute au pouvoir ce qu'il disait être, la défense du capital, et ne se trouve nullement discrédité en faisant une politique anti-ouvrière. Il est exactement le même dans l'opposition que dans le gouvernement. C'est tout le contraire en ce qui concerne les partis dits "ouvriers". Ils doivent avoir une phraséologie ouvrière et une pratique capitaliste, un langage dans l'opposition et une pratique absolument opposée dans le gouvernement.
Tous les partis ouvertement bourgeois trompent sans vergogne les masses populaires. Les masses ouvrières ne sont cependant pas leur clientèle. A leur égard, les ouvriers savent à quoi s'en tenir, se font peu d'illusions. Mais ces mêmes masses ouvrières sont la clientèle de prédilection des partis de gauche dont la fonction première consiste à les mystifier, à les tromper, à les fourvoyer. Dans l'opposition, ces partis de gauche disent ce qu'ils ne font pas et ne feront jamais. Une fois au gouvernement, ils sont amenés à faire ce qu'ils n’ont jamais dit, jamais osé avouer.
Ils ne peuvent remplir leur fonction bourgeoise que dans ces conditions contradictoires. Dans des situations "normales" du capitalisme, leur présence au gouvernement est toujours aléatoire et ils occupent de préférence des places secondaires dans une coalition plutôt que d'en assumer la direction. Leur présence au gouvernement les rend plus vulnérables, leur usure au pouvoir plus grande et leur crédibilité se trouve plus rapidement mise en question. Dans une situation d'instabilité, cette tendance est encore accélérée. Or, la baisse de leur crédibilité les rend inaptes pour assurer leur fonction d'immobilisation de la classe ouvrière et rend donc ainsi également superflue leur présence au gouvernement. Leur position incommode peut se résumer dans : être au pouvoir sans y être tout en y étant. C'est pourquoi leur séjour au gouvernement ne peut être de trop longue durée, et comme "certaines espèces qui doivent remonter constamment à la surface de l'eau pour respirer, la gauche éprouve un besoin impérieux de faire constamment des cures d'opposition. Il ne s'agit nullement de voir en cela un esprit machiavélique qui guiderait la bourgeoisie. Il s'agit d'une nécessité qui s'impose à elle restant que classe exploiteuse, et d'une division du travail et des fonctions en son sein indispensables pour assurer sa domination sur la société. Classe exploiteuse et dominante, la bourgeoisie doit occuper toute l'aire sociale; elle ne peut laisser échapper aucun espace, aucune couche, à aucun niveau, à son contrôle et surtout pas la classe ouvrière. Si un parti "ouvrier" compromet pour une raison ou pour une autre son aptitude à assurer sa fonction de dévoiement de la classe de sa lutte, alors la bourgeoisie doit faire surgir au plus vite un autre parti plus apte à assurer cette fonction. En général, elle engendre -tout comme la ruche des abeilles produit toujours plusieurs reines de rechange- plusieurs partis, les uns plus à gauche que les autres (voir PS, socialistes de gauche, PC, gauchistes et ainsi de suite). Cette fonction est tellement importante qu'elle ne saurait souffrir d'aucun arrêt de continuité. Ainsi l'avantage que possèdent les partis de gauche d'être aussi efficaces au gouvernement que ceux de la droite dans certaines situations extrêmes, devient leur talon d'Achille dans des situations "normales", et il faut alors qu'ils reprennent normalement leur place dans l'opposition, où ils sont infiniment plus efficaces que les partis de la droite.
Nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation. Après une première explosion de mécontentement et de convulsions sociales qui avait surpris la bourgeoisie, et n’a été neutralisée que par la "gauche au pouvoir", la continuation de la crise qui s'aggrave, les illusions de la gauche au pouvoir qui se dissipent, la reprise de la lutte qui s'annonce, il devenait urgent que la gauche retrouve sa place dans l'opposition et radicalise sa phraséologie pour pouvoir contrôler cette reprise des luttes qui se fait jour. Evidemment cela ne peut être un absolu définitif, mais c'est actuelle ment et pour le proche avenir un fait général. Il est caractéristique que les pays où la gauche reste au pouvoir comme l'Allemagne et l'Autriche sont précisément les pays où la lutte ouvrière est la plus faible. Non seulement la gauche s'écarte du pouvoir, mais doit encore donner une impression de se radicaliser. Cela est évident pour les PC, comme en Italie où le PCI rompt avec "le compromis historique" ou en France où le PCF a provoqué la rupture de l'Union de la gauche et du Programme Commun à la veille des élections; ce dernier parle maintenant de l'union à la base, met en sourdine le slogan de l'union du peuple de France et lui préfère la "défense des travailleurs" et un parti de lutte de classe. Son 23ème Congrès retrouve "un bilan globalement positif" du socialisme de l'Est après un 22ème Congrès qui avait abandonné la dictature du prolétariat et s'était livré à une critique violente du manque de démocratie dans les pays "socialistes" et à un rejet du modèle russe [2] [30].
Ce durcissement des PC oblige les PS -dans les pays où les PC sont forts et où ils sont directement en concurrence- à une égale radicalisation de la phraséologie pour ne pas perdre leur emprise sur les ouvriers. Tel est le cas par exemple en France, où dans le dernier Congrès on a vu la direction Mitterrand rompre avec le courant Rocard pour se rapprocher de celui du CERES. On a même pu1 voir le PS s'associer à la manifestation du 23 mars, en opposition à la CFDT. Mais cela est également évident dans les pays où une telle concurrence d'un PC fort n'existe pas. C'est le cas en Angleterre où les travaillistes provoquent les élections, mettent fin au "contrat social"; au Portugal où Soares élimine une tendance par trop droitière, ou encore plus récemment, où l'ancienne direction de Gonzales est écartée au Congrès par une grande majorité lui reprochant le "consensus", au nom d'un parti voulant se revendiquer du "marxisme". La fin de la politique de la gauche au pouvoir, une fois constatée on doit se demander quel impact aura ce retour de la gauche dans l'opposition ? La gauche politique et syndicale va tendre à redorer son blason, faire oublier ce qu'elle a fait hier, coller le plus possible aux masses, et à la place de sa politique d'hier d'opposition aux luttes, elle va aujourd'hui tendre à les "radicaliser" à sa manière, les multiplier en les dispersant afin de mieux les saboter de l'intérieur, se gauchisant afin d'éviter son débordement. En somme, au lieu de conduire le train sur des voies de garage en étant dans la locomotive, elle va de façon pernicieuse tenter de le faire dérailler. Ainsi, cette gauche se présente plus dangereuse en tant que "défenseur de la classe ouvrière" qu'en tant qu'accusateur. C'est ce danger qu'aura à affronter la classe ouvrière, et il sera plus difficile de le combattre. Dans cette nouvelle situation, les gauchistes risquent de perdre un peu leur identité d'extrême-gauche. Après avoir été les champions de "PC, PS au pouvoir", ils mettront l'accent sur le "front unique", sur des "comités à la base" sur l'initiative et l'égide des partis et des syndicats réunis.
Il ne faut pas se faire d'illusions. La capacité de récupération et de manipulation de la gauche et des gauchistes est énorme. Il y aura à les combattre dans des conditions nouvelles. Hier lorsqu'ils tenaient fermement le gouvernail conduisant allègrement le train ouvrier sur des rails capitalistes, il fallait rester sur les bords du parcours appelant les ouvriers à quitter le train. Aujourd'hui lorsque le train ouvrier s'engage lentement sur les rails de classe, la tâche est d'être dedans, partie prenante et active de la lutte, renforcer la voie et veiller à ce qu'il n'y ait pas d'acte de sabotage de la part des agents du capitalisme.
C'est au sein de la lutte, au cours de son développement qu'il faut dénoncer concrètement les agissements de la gauche et lui arracher son masque "radical". C'est là une tache difficile d'autant plus que manque l'expérience d'une telle situation. Il ne s'agit pas de faire une surenchère de radicalisme, mais savoir pratiquement, concrètement en tout te occasion montrer ce que cache le "radicalisme" de la gauche. Cette vision s'imbrique parfaitement dans l'analyse générale de la situation internationale et de la reprise de la lutte ouvrière. Elle constitue une pièce qui lui a manqué, et notamment en ce qui concerne le cours historique, car un cours vers la guerre ne rend pas nécessaire une radicalisation de la gauche dans l'opposition. Au contraire, la classe ouvrière atomisée et apathique laisse à la gauche sa liberté et rend possible et nécessaire son association au gouvernement.
C'est à cette nouvelle situation qu'il faut adapte» l'activité et l'intervention -une situation pleine d'embûches, mais également pleine de promesses.
[1] [31] Encore faut-il remarquer une différence de comportement des partis "ouvriers" dans ces deux situations. En temps de guerre ils s'intègrent ou soutiennent un gouvernement d'Union nationale sous la direction des représentants officiels de la bourgeoisie, alors que dans une période révolutionnaire c'est généralement la grande bourgeoisie qui s'abrite derrière un "gouvernement de "gauche ou ouvrier". C'est à la gauche que revient l'honneur et la tâche d'assassiner la révolution prolétarienne au nom de la "démocratie", du "socialisme" et de "la bonne marche de la révolution" comme le montre l'histoire des menchéviks en Russie et de la social-démocratie en Allemagne.
[2] [32] Ainsi prend fin le fameux "eurocommunisme" qui a tant inquiété des groupes comme Battaglia Comunista qui voulait voir en lui on ne sait quel changement fondamental et définitif des PC et de leur nature stalinienne. Ce qui n'était qu'une apparence et un tournant tactique devenait pour ces groupes la "social-démocratisation" des PC. Comme on peut le constater aujourd'hui, il n'en est rien.
1 - A l'exception de quelques révolutionnaires particulièrement bornés, plus personne ne songe aujourd'hui à nier la réalité de la crise mondiale du capitalisme. Malgré les différences de forme avec celle de 1929, sur lesquelles se basent ceux qui essayent d'en minimiser la gravité, la crise actuelle révèle toute son ampleur :
- par une sous-utilisassions massive et croissante des moyens de production et de la force de travail notamment dans les grands pays industriels du bloc US où des secteurs aussi significatifs que l'acier, la construction navale ou la chimie sont en pleine débandade;
- par une incapacité de plus en plus nette des pays du bloc de l'Est de réaliser des plans économiques pourtant de moins en moins ambitieux et qui accentue le manque de compétitivité de leurs marchandises sur le marché mondial ;
- par la catastrophe qui secoue les pays sous-développés où les "miracles" à la brésilienne ont fait long feu pour laisser la place à une inflation débridée et à un endettement colossal;
- par la chute constante du taux de croissance du commerce mondial.
Si les chiffres officiels font apparaître les difficultés présentes de l'économie mondiale et révèlent qu'elles trouvent leurs causes dans un engorgement généralisé du marché, ils masquent souvent la gravité de celles-ci en négligeant le poids énorme des productions et des ventes d'armements qui constituent le pire gaspillage de forces productives puisque, ni comme capital variable, ni comme capital constant ces armements n'entrent dans un cycle productif ultérieur.
Après plus d'une décennie de dégradation lente mais inéluctable de son économie et d'échec de tous les "plans de sauvetage" mis en œuvre, le capitalisme a administré la preuve de ce que les marxistes n'ont cessé d'affirmer depuis longtemps : ce système est entré dans sa phase de déclin historique et il est absolument incapable de surmonter les contradictions économiques qui l'assaillent aujourd'hui.
Dans la période qui vient, nous allons assister à un nouvel approfondissement de la crise mondiale du capitalisme sous forme notamment d'une nouvelle flambée d'inflation et d'un ralentissement sensible de la production qui risque de faire oublier celui de 1974-75 et provoquera une aggravation brutale du chômage.
2 - L'effondrement de l'infrastructure économique se répercute sur l'ensemble de la société et, en premier lieu, par une exacerbation des tensions inter-impérialistes. Au fur et à mesure de l'aggravation de ces conflits se révèle notamment l'absurdité de la théorie de "l'effritement des blocs impérialistes" : en réalité, le corollaire de cette aggravation est la nécessaire intégration chaque jour plus forte de chaque pays au sein d'un des blocs, ce qu'illustre par exemple :
- la prise en charge croissante par la France des tâches du bloc américain particulièrement comme gendarme de l'Afrique;
- l'insertion complète du Vietnam dans le bloc russe;
- l'insertion plus grande de la Chine dans le bloc américain.
Plus encore que sur le plan économique, le renforcement des blocs impérialistes sur le plan militaire est une réalité qui s'inscrit dans la préparation de la seule "issue" que le capitalisme puisse donner à sa crise : la guerre impérialiste généralisée.
De même, il serait faux de considérer, comme certains le font, qu'on s'achemine vers une réorganisation des alliances fondamentales existant aujourd'hui, qui serait la condition indispensable pour qu'une guerre généralisée puisse avoir lieu. D'une part, l'expérience a montré que les changements d'alliance peuvent intervenir après le déclenchement de la guerre. D'autre part, l'ampleur des liens économiques, politiques et militaires qui unissent les principales puissances constituant les blocs ne permettent pas une redistribution brutale des cartes conduisant, par exemple, à la reconstitution des blocs de la deuxième guerre. Une telle redistribution des cartes ne peut, à l'heure actuelle, toucher que les pays périphériques, notamment ceux du tiers-monde, qui justement continuent à être le terrain privilégié des règlements de comptes entre brigands impérialistes.
Si l'année 1978 a vu le continent africain en pre. mi ère ligne de ces affrontements, la relative stabilisation de la situation dans cette zone, liée essentiellement au repli de l'URSS, n'a pas signifié pour autant la fin des conflits ou même une pause dans ceux-ci : sitôt contenue en un endroit, l'incendie impérialiste se ranimait en Extrême-' Orient mettant à mal le mythe de la libération nationale et de la "solidarité entre pays socialistes". Les affrontements entre la Chine et le Vietnam, parce qu'ils ont mis directement aux prises les deux principales puissances militaires de la région, parce qu'ils ont jeté sur les champs de bataille des centaines de milliers d'hommes et provoqué en quelques jours des dizaines de milliers de morts constituent un moment important de l'aggravation des tensions impérialistes et présentent aux prolétaires du monde entier le visage hideux de ce qui attend toute la société s'ils laissent les mains libres au capitalisme.
3 - La crise de son économie ne provoque pas seulement une aggravation des déchirements entre fractions nationales de la bourgeoisie. Elle se répercute également à l'intérieur de chaque pays sous forme de crise politique. Celle-ci touche toutes les parties du monde mais connait ses formes les plus violentes dans les pays arriérés. L'exemple de l'Iran où le départ du Shah n'a pas réussi à stabiliser la situation et où l'unanimité qui s'était faite contre lui a laissé place à des affrontements chaotiques, est à cet égard significatif. Mais cette crise politique frappe également le pays les plus développés et a connu, en particulier ces derniers mois, des soubresauts importants en Europe.
Une crise politique résulte en général des difficultés d'adaptation de la classe capitaliste aux nécessités contradictoires qui trouvent leur origine dans les contradictions de l'infrastructure économique. Dans les années passées cette adaptation avait en Europe, pour axe un renforcement de la gauche, en particulier la social-démocratie, comme alternative gouvernementale. Cette orientation correspondait à la fois à des préoccupations de politique internationale (fidélité de la social-démocratie au bloc américain) et à des préoccupations de politique intérieure (renforcement des mesures de capitalisme d'Etat et dévoiement du mécontentement ouvrier). Mais aujourd'hui se manifeste une tendance à un rejet dans l'opposition des forces de gauche qui répond, non pas à la fin de la fonction essentielle de ces forces dans la défense du capitalisme contre la classe ouvrière, mais à une meilleure adaptation à l'accomplissement de cette fonction liée :
- au discrédit subi par les partis de gauche, quand ils ont effectivement dirigé les gouvernements comme l'illustre de façon éclatante la situation en Grande-Bretagne;
- à l'épuisement de la mystification de "l'alternative de gauche" quand elle n'a pu finalement se réaliser comme ce fut notamment le cas en France;
- à la nécessité de saboter "de l'intérieur" les luttes ouvrières qui tendent à réapparaître après I les avoir contenues et dévoyées par des alternatives illusoires.
Ainsi, après avoir eu pendant des années comme principal ennemi la gauche au pouvoir ou en marche vers le pouvoir, la classe ouvrière dans la période qui vient retrouvera de façon quasi générale le même ennemi dans l'opposition n'hésitant pas à radicaliser son langage pour pouvoir mieux saboter ses luttes.
4 - Les données présentes de la crise de l'appareil politique de la bourgeoisie font donc apparaître le poids croissant de la lutte de classe dans la vie de la société. C'est là la traduction du fait qu'a près une période de relatif recul des luttes couvrant le milieu des années 70, la classe ouvrière tend à renouer aujourd'hui avec une combativité qui s'était manifestée de façon généralisée et souvent spectaculaire à partir de 1968. Cette vague de combativité prolétarienne, qu'un nombre important de courants révolutionnaires (comme le FOR et Battaglia Comunista) n'a pas su reconnaître, constituait la première réponse de la classe révolutionnaire à l'aggravation de la crise du capitalisme qui suivait la fin de la reconstruction. Elle révélait qu'avait pris fin la terrible contre-révolution qui s'est abattue sur le prolétariat au cours des années 20. Après un premier temps de surprise, la bourgeoisie a mené une contre-offensive en règle avec comme fer de lance la gauche qui, s'appuyant sur les faiblesses tout à fait normales d'un mouvement à ses débuts, a réussi à canaliser et étouffer les luttes à travers :
- la mystification démocratique ;
- la perspective de la gauche au pouvoir ;
- les "solutions nationales" à la crise.
Cet étouffement et encadrement idéologique des ouvriers a été complété par un renforcement considérable des préparatifs de la terreur étatique notamment au moment des "affaires" Baader en Allemagne et Moro en Italie, ce qui démontre que, si certains révolutionnaires ont été incapables de comprendre la reprise prolétarienne, la bourgeoisie, elle, sur ce point a été beaucoup plus lucide
La tendance actuelle au développement des luttes (mineurs américains des Appalaches, sidérurgistes allemands, hospitaliers italiens, camionneurs et travailleurs du secteur public en Grande-Bretagne, ouvriers espagnols et travailleurs du téléphone au Portugal, ouvriers de la sidérurgie en France, etc.) marque l'épuisement de cette contre-offensive de la bourgeoisie et, loin de se résumer à un simple feu de paille, constitue l'annonce d'une reprise générale du prolétariat qui viendra combler le décalage qui s'était développé dans les années passées entre le niveau de gravité atteint par la crise et le niveau de la riposte ouvrière au détriment du second. Par la détérioration inéluctable qu'elle continuera à provoquer sur les conditions de vie des ouvriers, la crise obligera même les plus hésitants à reprendre le chemin de la lutte.
Bien qu'elle n'apparaisse pas immédiatement en pleine lumière, une des caractéristiques essentielles de cette nouvelle vague de luttes sera de redémarrer au niveau qualitatif le plus élevé atteint par la vague précédente. Cette caractéristique se manifestera essentiellement par une tendance plus marquée que par le passé à un débordement des syndicats à l'élargissement des combats au delà des limites catégorielles et professionnelles, à une conscience plus claire du caractère international de la lutte de classe. Par ailleurs, un élément tendra à devenir décisif dans ces luttes : le développement du chômage. Après avoir, dans un premier temps, lors de son apparition massive après 1974, contribué à paralyser le prolétariat, cet élément tend aujourd'hui à devenir un des facteurs les plus explosifs de mobilisation prolétarienne poussant d'emblée les ouvriers à dépasser les différentes divisions catégorielles. C'est ce qu'a d'ailleurs bien compris la bourgeoisie européenne et qui explique sa campagne présente sur les 35 heures.
5 - Si d'un côté donc, l'aggravation de la crise pousse ce système de façon inexorable vers la guerre impérialiste, d'un autre côté, elle pousse la classe ouvrière vers des combats de plus en plus acharnés contre lui. Ainsi se trouve de nouveau posée l'alternative historique définie par l'Internationale Communiste pour la période de décadence du capitalisme : guerre impérialiste ou révolution prolétarienne. La question qui se pose aux révolutionnaires et à laquelle ils donnent aujourd'hui les réponses les plus contradictoires est donc : le capitalisme a-t-il les mains libres pour imposer sa "solution" à la crise : la guerre généralisée, ou au contraire, la montée prolétarienne interdit-elle pour le moment un tel aboutissement ?
Une réponse correcte à cette question suppose qu'o se la pose correctement et notamment qu'on rejette l'idée de l'existence de deux cours simultanés, parallèles et indépendants vers la guerre impérialiste et vers la guerre de classe. En fait, comme réponses des deux classes irrémédiablement antagoniques, ces deux issues sont elles-mêmes antagonique et s'excluent mutuellement. L'histoire a démontré que, classe divisée en multiples fractions aux intérêts contradictoires, notamment entre fractions nationales, la bourgeoisie n'est capable d'une unité que face à une offensive de la classe ouvrière. C'est pour cela que les révolutionnaires ont affirmé depuis le début du siècle que la lutte de classe constituait le seul obstacle véritable à la guerre impérialiste.
La question à laquelle il faut donc répondre est bien : "le niveau actuel de la combativité ouvrière est-il suffisant pour barrer la route à la guerre mondiale ?" Certains révolutionnaires, se basant sur le fait que seule une révolution met fin en 1917 pour la Russie, en 1918 pour l'Allemagne, à la guerre impérialiste, estiment qu'aujourd'hui seules des luttes révolutionnaires pourraient empêcher un nouveau conflit et que celles-ci n'existant pas encore, la voie est libre pour le capitalisme. En réalité, le problème se pose en termes différents suivant que la guerre généralisée a déjà éclaté ou qu'elle est seulement en cours de préparation. Dans le premier cas, l'histoire a effectivement montré que des luttes à caractère révolutionnaire étaient nécessaires pour mettre fin à la guerre ; dans le deuxième cas, elle a fait apparaître, notamment au cours des longs préparatifs pour la deuxième guerre mondiale, que le capitalisme ne pouvait se lancer dans une telle aventure que lorsqu’il avait embrigadé la classe ouvrière derrière le capital national. La comparaison entre les situations qui prévalent en 1974 et 1939 et la situation présente démontrent que le capitalisme n'a pas réuni aujourd'hui les conditions lui permettant d'apporter à la crise sa propre réponse : la guerre impérialiste généralisée. Bien que sur le plan de la gravité de la crise, les préparatifs militaires et stratégiques, les conditions d'un nouvel holocauste soient mûres depuis longtemps, la combativité présente de la classe ouvrière constitue un obstacle décisif sur la voie d'un tel holocauste.
6 - Dans la mesure où le capitalisme ne peut éventuellement imposer sa propre réponse à la crise qu'après avoir brisé la combativité ouvrière, la perspective présente n'est donc pas celle d'un affrontement impérialiste généralisé mais celle d'un affrontement de classe. C'est à cet affrontement décisif, puisque de son issue dépend le sort de toi te la société, que préparent les combats présents de la classe. Le rôle des révolutionnaires est donc d'intervenir dans ces combats pour en faire ressortir l'importance et l'enjeu. Toute attitude ou conception de leur part qui tend à sous-estimer cet enjeu, à négliger le rôle essentiel de ces combats comme obstacle à la guerre impérialiste ou à démoraliser les ouvriers en annonçant - à tort - l'inéluctabilité d'une telle issue, conduit à un affaiblissement de ces combats et favorise donc la victoire finale du capitalisme.
Aujourd'hui, seule une attitude résolue des révolutionnaires tendant à démontrer l'importance cruciale de ces combats, non pour les paralyser mais pour les stimuler, favorise l'issue positive de l'affrontement qui se prépare : la révolution prolétarienne, le communisme.
L'existence, dans la période de transition, d'une division de la société en classe, aux intérêts antagoniques fait surgir au sein de celle-ci un Etat. Un tel Etat devra avoir pour tâche de garantir les acquis de la société transitoire, d'une part contre toute tentative intérieure et extérieure de restauration du pouvoir des anciennes classes exploiteuses et, d'autre part pour maintenir la cohésion contre le danger de déchirement résultant des oppositions entre les différentes classes non exploiteuses qui subsistent en son sein.
L'Etat de la période de transition comporte un certain nombre de différences d'avec celui des sociétés antérieures :
- pour la première fois de l'histoire, c'est un Etat non pas au service d'une minorité exploiteuse pour l'oppression de la majorité mais au contraire au service de la majorité comprenant les classes et couches exploitées ainsi que celles non exploiteuses contre la minorité des anciennes classes dominantes déchues;
- il n'est pas l'émanation d'une société et de rapports de production stables mais au contraire d'une société dont la caractéristique permanente est le constant bouleversement dans lequel s'opèrent les plus grandes transformations que l'histoire ait connues;
- il ne peut s'identifier à aucune classe économiquement dominante dans la mesure où il n'existe aucune classe de ce type dans société de la période de transition;
- contrairement à l'Etat des sociétés passées, celui de la société transitoire n'a plus le monopole des armes. C'est pour l'ensemble de ces raisons et de leurs implications que les marxistes ont pu parler de "demi-Etat" au sujet de l'organe surgissant dans la période de transition.
Par contre, cet Etat conserve un certain nombre de caractéristiques de ceux du passé. Il reste en particulier l'organe du statuquo, chargé de codifier, légaliser un état économique déjà existant, de le sanctionner, de lui donner force de loi et dont l'acceptation est obligatoire pour tous les membres de la société. Dans la période de transition, l'Etat tendra à conserver l'état économique existant, et, de ce fait, l'Etat reste un organe fondamentalement conservateur tendant :
- non à favoriser la transformation sociale mais à s'opposer à celle-ci,
- à maintenir en vie les conditions qui le font vivre la division de la société en classes,
- à se détacher de la société, à s'imposer à elle et perpétuer sa propre existence et à développer ses propres prérogatives,
- à lier son existence à la coercition, à la violence qu'il utilise nécessairement pendant la période de transition et à tenter de maintenir et renforcer ce type de régulation des rapports sociaux,
- à être un bouillon de culture pour la formation d'une bureaucratie, offrant ainsi un lieu de rassemblement aux éléments transfuges des anciennes classes et cadres que la révolution avait détruits.
C'est pour cela que l'Etat de la période de transition a été depuis le début considéré par les marxistes comme un "fléau", "un mal nécessaire" dont il s'agit de "limiter les effets les plus fâcheux" (Engels). Pour l'ensemble de ces raisons, et contrairement à ce qui s'est produit dans le passé, la classe révolutionnaire ne peut s'identifier avec l'Etat de la période de transition.
D'une part, le prolétariat n'est pas une classe économiquement dominante. Il ne l'est ni dans la société capitaliste ni dans la société transitoire. Dans celle-ci, il ne possède aucune économie, aucune propriété même collective mais lutte pour la disparition de l'économie, de la propriété. D'autre part, le prolétariat, classe porteuse du communisme, agent du bouleversement des conditions économiques et sociales de la société transitoire, se heurte nécessairement à l'organe tendant, lui à perpétuer ces conditions. C'est pour cela qu'on ne peut parler ni "d'Etat socialiste" ni "d'Etat ouvrier" ni "d'Etat prolétarien" durant la période de transition.
Cet antagonisme entre prolétariat et Etat se manifeste tant sur le plan immédiat que sur le plan historique.
Sur le terrain immédiat, le prolétariat devra s'opposer aux empiétements et à la pression de l'Etat en tant que manifestation d'une société dans laquelle subsistent des classes aux intérêts antagoniques aux siens. Sur le terrain historique, la nécessaire extinction de l'Etat dans le communisme, déjà mise en évidence par le marxisme, ne sera pas le résultat de sa dynamique propre mais le fruit d'une pression soutenue de la part du prolétariat, conséquence de son mouvement en avant, qui le privera progressivement de tous ses attributs au fur et à mesure de l'évolution vers la société sans classe.
Pour ces raisons, si le prolétariat doit se servir de l'Etat de la période de transition, il doit conserver sa complète indépendance à l'égard de cet organe. En ce sens, la dictature du prolétariat ne se confond pas avec l'Etat. Entre les deux, existe un rapport de forces constant que le prolétariat devra maintenir en sa faveur : la dictature du prolétariat s'exerce par la classe ouvrière au travers de son organisation générale, unitaire, indépendante et armée : les conseils ouvriers qui, comme tels, participent dans les soviets territoriaux (où est représenté l'ensemble de la population non-exploiteuse, et d'où émane la structure étatique), sans s'y confondre, afin d'assurer son hégémonie de classe sur toutes les structures de la société de la période de transition.
1. INTRODUCTION
Personne ne peut nier que la situation actuelle de la lutte de classe est très différente de celle de 1977-78. A cette époque, surtout dans les pays européens, l'apathie et la désorientation régnaient parmi les ouvriers. Des nuages noirs s'amoncelaient à l'horizon : plans d'austérité, licenciements massifs, aggravation dangereuse des guerres impérialistes... Le capitalisme pouvait imposer tout cela sans susciter de riposte particulière de la part de la classe ouvrière. Il n'en est pas de même aujourd'hui : avec l'expérience du mouvement de lutte qui a démarré avec les grèves aux Etats-Unis et en Allemagne au début de 1978, et qui a culminé avec les formidables combats de Longwy et Denain en France au printemps 1979, c'est toute l'Europe qui a été touchée ; on peut affirmer que, face à la crise capitaliste et à sa marche funèbre vers l'holocauste se lève à nouveau le géant prolétarien pour transformer la crise actuelle en une crise révolutionnaire qui ouvre les portes à l'émancipation communiste de toute l'humanité.
Bien sûr, il existe encore beaucoup de doutes, d'hésitations, de méfiance dans les rangs prolétariens ; les ouvriers combatifs eux-mêmes ne sont pas toujours conscients dp l'ampleur et de la portée des luttes qu'ils ont vécues. Les prolétaires n'ont pas encore retrouvé l'enthousiasme et la détermination de la dernière vague révolutionnaire et on peut souvent constater une apathie apparente une certaine désorientation -ce qui est normal aux débuts d'une nouvelle vague révolutionnaire. Comme disait Rosa Luxembourg :
"L'inconscient précède le conscient et la logique du processus historique objectif précède la logique subjective de ses protagonistes"'. ("Marxisme contre Dictature")
Ce rapport, qui exprime la discussion qui a eu lieu dans notre IIIème Congrès International sur l'état actuel de la lutte de classe a un clair objectif pratique et militant : rendre conscients les prolétaires combatifs de la "logique du processus historique", c'est-à-dire, des conditions globales -économiques, politiques, sociales- des luttes vécues, de leur portée et de leurs perspectives. C'est seulement en possédant cette "logique du processus historique" ou, comme disait le "Manifeste Communiste" : "une claire vision des conditions, de la marche et des résultats généraux du mouvement prolétarien", que notre classe pourra renforcer sa confiance en elle-même, renforcer sa détermination et annihiler la puissance de la classe ennemie.
Cependant, il y a encore dans le mouvement révolutionnaire actuel trop d'aveugles qui ne veulent pas ou ne savent pas voir. Tel est le cas du F.O.R. (Ferment Ouvrier Révolutionnaire), P.CI. (Battaglia Comunista) ou PCI (Programa Comunista). Ces groupes s'obstinent à ne pas voir "le pain et le sel" des luttes ouvrières actuelles. Et ce n'est pas de maintenant : ces groupes méprisent les grands combats ouvriers qui ont secoué les cinq continents dans les années 60 et les considèrent comme des escarmouches sans importance.
Précisément, ce rapport nous sert a réaffirmer les axes essentiels qui caractérisent la période historique actuelle face à 1'évidente cécité de ces camarades :
1) Les luttes des années 60 (mai 68, Pologne, Italie) représentent la fin de la période de contre-révolution qu'a subie la classe ouvrière à partir des années 20, ouvrent la perspective d'une nouvelle période révolutionnaire.
2) Le reflux relatif qui a dominé le prolétariat européen à partir de l°73-74 est dû aux faiblesses qui caractérisent la vague des années 60 et à la contre-attaque de la bourgeoisie.
3) Ce reflux n'est en aucune façon une défaite et, par conséquent, il ne remet pas en question le cours révolutionnaire des années 60.
4) Les luttes qui, depuis l'automne 78, se sont succédées dans un grand nombre de pays, et principalement dans les métropoles capitalistes, annoncent la fin du calme précédent et la maturation d'une nouvelle offensive prolétarienne.
Programa Comunista et Battaqlia Comunista commencent à entrevoir quelque chose, tant bien que mal et avec des analyses à contresens, ils commencent à reconnaître l'importance des luttes, mais le FOR continue mordicus dans son aveuglement, dans son mépris olympien des luttes actuelles ; pour lui, ce qui s'est passé en Iran n'est qu'une simple manipulation des Ayatollah et les événements de Longwy et Denain sont complètement récupérés par les syndicats.
Le FOR révèle au grand jour la logique extrême et caricaturale de tous les groupes et militants révolutionnaires qui ne comprennent pas la dynamique les conditions et les caractéristiques de la lutte de classe, qui n'ont pas et n'essaient même pas <' de trouver une perspective concrète du cours historique actuel.
Ne pas voir les perspectives qui se dégagent des "pauvres" et "petites" grèves actuelles, c'est, camarades du FOR, nier "la logique du processus historique", c'est laisser les militants prolétariens au stade inconscient, c'est mettre des obstacles au pas nécessaire vers la conscience. Le FOR défend l'essentiel des positions de classe, mais, à l'heure de la vérité, à l'heure de comprendre la réalité, l'évolution de la lutte de classe, il ne les met pas en pratique. Parce que les positions de classe ne sont pas une bande magnétique qu'on répète comme un perroquet jusqu'à ce qu'elles entrent dans les têtes, parce qu'elles ne sont pas un beau sermon pour convertir les consciences, parce qu'elles ne sont pas un bourrage de crâne pour prosélytes mais sont avant tout et surtout un cadre global pour comprendre la lut-,te de classe, pour voir où on va et comment, par le biais de quel processus et de quelles perspectives ; elles sont 1'instrument pour comprendre la logique du processus historique et agir de façon active et consciente dans sa direction. Défendre de manière générale les positions de classe mais en même temps ne pas voir "le pain et le sel" des luttes actuelles et manquer de toute perspective concrète sur la période présente, comme le font le les camarades du FOR, c'est jeter par dessus bord le précieux trésor qu'elles contiennent pour comprendre la réalité de la lutte de classe et participer en son sein à une direction révolutionnaire, c'est les réduire à une pure idéologie.
Le texte présent, contenant nos conclusions sur :
- les conditions qui ont déterminé le reflux relatif de 1973-78 ;
- les conditions de l'évolution de la crise, de l'approfondissement de la crise politique de la bourgeoisie et de son rapport de force avec lé prolétariat, qui déterminent la fin de ce reflux ;
- le bilan et les perspectives concrètes des luttes vécues depuis novembre 1978, est un appel militant à tout le mouvement révolutionnaire actuel pour un effort pour se donner une compréhension globale du mouvement prolétarien des étapes qu'il a franchies et qu'il devra franchir et être à tout moment conscient d'où nous sommes et vers où nous allons dans le mouvement prolétarien actuel.
2 LE POURQUOI DU REFLUX
Depuis 1973-74, la grande vague de luttes des années 60 a presque disparu des pays du centre du capitalisme, pour laisser la place à un calme social. Pourquoi ce reflux ?
Dans le rapport sur la situation internationale qu'a élaboré notre organisation au début de 1978 (voir R.INT. n°13), il y a une explication générale de pourquoi le mouvement de la classe ouvrière n'a jamais suivi une ligne droite mais une suite de flux et de reflux. Sa caractéristique d'être en dents de scie, d'avancer par à-coups, s'aggrave dans la période de décadence du capitalisme, à cause :
- du totalitarisme étatique qui empêche, soit par la répression, soit par l'intégration -ou souvent la combinaison des deux- l'existence de toute organisation permanente de masse de la classe ouvrière ;
- de l'impossibilité d'obtenir des améliorations et des réformes durables, ce qui empêche toute lutte stable et structurée.
Il faut comprendre le reflux qui a suivi les luttes des années 60 dans le cadre des caractéristiques générales de la lutte prolétarienne, celles-ci étant le produit immédiat :
- des faiblesses de la vague de luttes des années 60,
- de la contre-offensive idéologique et politique de la bourgeoisie.
En ce qui concerne le premier point, on ne va pas faire ici un bilan complet de cette vague de lut tes; il a déjà été fait dans plusieurs textes de notre organisation (voir RI ancienne série, les textes d'AP : "Perspectives mondiales de la lutte de classe" n° 12 et 13 et "Sur l'était actuel de le lutte de classe" n° 18 ; et le texte de la R.INT "Mai 68", n° 14). Ici, nous nous bornerons à :
- rappeler schématiquement les faiblesses essentielles du mouvement des années 60 (illusions sur un économisme radical, rupture fréquente avec la forme syndicale mais pas avec le contenu, relatif isolement des luttes, manque de perspectives) ;
- voir les conditions générales qu'a trouvées cet te vague (niveau encore limité de la crise, rythme lent et inégal de celle-ci, expérience limitée du prolétariat qui part à zéro après cinquante ans d< contre-révolution) pour expliquer à la lumière de celles-ci les racines de ces faiblesses ;
- et, finalement, les comprendre comme partie intégrante de la première étape d'une nouvelle époque révolutionnaire, laquelle, logiquement, à côté d'un formidable potentiel révolutionnaire, traîne beaucoup d'immaturité et de points, faibles.
Il est important de comprendre -et nous abordons par là le second point- que la bourgeoisie a profité consciemment des limitations et des points faibles des luttes de 68 pour passer à une vaste contre-offensive politique et idéologique qui visait à freiner et à tenter de défaire la poussée prolétarienne,
C'est à partir des conditions générales où se trouvent les luttes que la bourgeoisie établit se mystifications et son offensive anti-ouvrière.
Les luttes de mai 68 s'inscrivent dans les premiers stades d'approfondissement de la crise capitaliste (récession de 66-67 et 70-71) qui ne permettent pas encore de deviner la profondeur de l'écroulement du capitalisme sénile et qui, y coït pris lors du mini-boom de 72 (de nombreux pays battirent les records de production d'après-guerre) sont pour ainsi dire le "chant du cygne" de la fameuse "prospérité'.'.
C'est ce contexte de :
- développement lent de la crise,
- rythme différent de ce développement selon les pays, régions et entreprises,
- une tendance générale aiguë au capitalisme d'Etat qui permet, dans un premier temps et pour éviter tout choc frontal avec les ouvriers, de dévie partiellement les effets de la crise vers des secteurs non-prolétariens ou des fractions faibles de celui-ci. Ceci a entravé le développement des lui tes, a constitué le bouillon de culture à la formation de toutes sortes d'illusions dans les rangs ouvriers et a permis la contre-offensive bourgeoise. En effet, le rythme lent de la crise a pour conséquence dans la conscience du prolétariat :
- la difficulté à comprendre la crise du capita1isme,
- les illusions sur les garanties légales, syndicales ou réformistes contre la dégradation des conditions de vie. L'autogestion et le-"pouvoir ouvrier" sont l'expression la plus radicale de c illusions,
- l'illusion selon laquelle, grâce à des pactes sociaux de négociation, la participation à l'administration de la société, on peut pallier à la situation et trouver une issue favorable aux travailleurs,
- une surestimation de la stabilité et de la cohérence du capitalisme. Idée entretenue selon la- quelle la classe dominante peut gouverner éternellement.
Le rythme inégal selon les entreprises, les régions ou les pays a facilité :
- l'illusion d'une solution nationale a la crise, entraînant l'idée de collaboration décelasse et de "sacrifice pour tous",
- la confiance dans des revendications d’entreprises, de secteurs ou de catégories, et la croyance dans des solutions d'entreprises, secteurs, régions...
Enfin, l'accentuation de la tendance au capitalisme d'Etat qui se renforce dès les premiers signes de la crise entretient diverses illusions :
- identifier capitalisme d'Etat et socialisme et présenter les interventions de l'Etat et les nationalisations comme autant de pas vers le socialisme,
- faire passer les mesures indirectes de concentration du capital et de répercussion de la crise sur les couches moyennes et les secteurs anachroniques comme la preuve du caractère "justicier , "social" et "progressiste" de l'Etat,
- donner aux principaux représentants de ces mesures -la gauche et son appareil syndical- une image "ouvrière", et "combative", en présentant les mythes d'un "gouvernement ouvrier" et de 1 union de la gauche" comme "une solution à la crise favorable aux travailleurs".
Cet ensemble de bases matérielles donnent le cadre général du renforcement politique et idéologique de la bourgeoisie gui lui permet de passer à la contre-offensive.
Les faits principaux de cette contre-attaque destinée â freiner les luttes et démobiliser les ouvriers sont :
1) la mystification démocratique qui se présente dans les moments d'agitation sociale à travers "la démocratie directe" et le "pouvoir populaire" et qui redeviennent, lorsque les luttes commencent à diminuer, la "démocratie classique" ;
2) la montée de la gauche au pouvoir présentée comme le "grand changement" pacifique, légal, quoique radical, qui doit solutionner tous les problèmes,
3) la solution nationale à la crise qui exige, au travers de pactes, plans de restructurations, etc. "la solidarité nationale des classes", ce qui justifie le sacrifice des ouvriers.
Facteur actif de ce réarmement idéologique et politique de la bourgeoisie, on a vu la réadaptation de ses appareils syndicaux et de gauche qui, à partir des années 60 (vers la fin des années 60) :
- se "démocratisent" et se "débureaucratisent",
- se "radicalisent" dans leur attitude et intègrent toute la "lutte moderne" : autogestion, "changer la vie",
- proposent de "nouveaux programmes de "changement social" qui associent lutte avec "légalité".
Les gauchistes furent précisément les anticorps sécrétés par la société bourgeoise, chargés dans un premier temps d'immobiliser les luttes et de crédibiliser cette "rénovation" des syndicats et des partis de gauche.
L'Etat bourgeois sclérosé par des années de calme social et trop préoccupé par tous les problèmes de la période de reconstruction dut subir une rapide réadaptation qui lui permit de renforcer son image "d'organe neutre" entre les classes, instrument démocratique pour la participation de tous les citoyens, bref, tout un arsenal qui devait permettre à la bourgeoisie de faire face au renouveau prolétarien.
On vérifie le processus de cette offensive idéologique et politique contre le prolétariat à travers plusieurs faits :
"Dans un grand nombre de pays, particulièrement là où la classe ouvrière a manifesté le plus de combativité est mise en place toute une mystification tendant à démontrer :
- que la lutte ne paie pas,
- qu'il faut un "changement pour faire face à la crise,
- suivant les pays, ce changement prend la forme :
. en Grande-Bretagne, de l'accession des travaillistes au pouvoir à la suite des grandes grèves de l'hiver 1972-73,
. en Italie, "du compromis historique", destiné avec la venue du PCI au gouvernement à "moraliser" la vie politique,
. en Espagne, de la "rupture démocratique" avec le régime franquiste,
. au Portugal, de la "démocratie" d'abord, du "pouvoir populaire" ensuite,
. en France, du "programme commun" et de l'union de la gauche" qui doivent mettre fin à 20 ans de politique de "grand capital". (R.INT. n° 13, "Rapport sur la situation mondiale").
Ce processus de réarmement permit dans un premier temps â l'Etat bourgeois d'isoler les luttes les plus dangereuses pour ensuite liquider l'agitation générale. L'étape suivante devait conduire les luttes dans des impasses, sur des faux terrains, et aboutir à la démoralisation des ouvriers. Ceci a permis aux syndicats de devancer et reprendre en main les luttes en avançant des "simulacres" de luttes pour finir de démobiliser les ouvriers.
A la confiance dans leur force s'est substituée la confiance dans toutes sortes d'actions légales, d'union interclassiste, de programme de gouvernement, etc.
Ceci s'est confirmé en France. Parvenue à dépasser le moment difficile de mai 68, la bourgeoisie a isolé les luttes les plus fortes -par exemple, la grève SNCF de 69- et a laissé pourrir les grèves radicales et isolées de 71 et 72, pour lancer, en 72, 73, 74 -via les syndicats- les fameux "nouveaux mai", moyen de conjuration pour empêcher qu'une telle situation ne se reproduise.
Depuis 75, on a vu une période de calme maximum, durant laquelle toute perspective fut ramenée au sinistre programme commun de la gauche. Les mystifications syndicales et démocratiques ont affaibli et épuisé momentanément le premier cycle de luttes ouvert dans les années 60. Le grave approfondissement de la crise en 74-75, premier signe clair du caractère décisif et mortel de 1'actuelle dépression économique a trompe complètement les ouvriers démobilisés en produisant une phénomène d'aggravation du reflux de la lutte de classe. "La forte aggravation de la crise à partir de 74 essentiellement marquée par l'explosion du chômage, n'a pas provoqué immédiatement une réponse de la classe. Au contraire, dans la mesure où elle a frappé celle-ci au moment du ressac de la vague précédente, elle a plutôt une tendance à engendrer momentanément un plus grand désarroi et une plus grande apathie". (R.INT. n°13, "Rapport sur la situation mondiale").
L'année 77 a marqué un moment des plus durs du prolétariat. Cette offensive capitaliste a eu d'importantes conséquences anti-ouvrières tant sur le terrain économique que sur le terrain répressif.
1)-Sur le terrain économique, si, jusqu'à 75-76, la bourgeoisie fut extrêmement prudente, lente et progressive dans son attaque économique contre la classe ouvrière, une fois celle-ci relativement démobilisée, la bourgeoisie est passée à une offensive brutale, surtout depuis 77 et 78. Aujourd'hui, on peut faire un bilan qui nous montre une chute significative de la situation de la classe ouvrière :
- les salaires qui, jusqu'à 74, avaient, non sans peine, rattrapé l'inflation, ont brutalement chuté et le phénomène d'une diminution absolue s'est généralisé ;
- le chômage a non seulement pris des proportions quantitativement monstrueuses, mais qualitativement, il touche de plus en plus les grandes concentrations de la production,;
- les cadences qui avaient augmenté d'une manière ininterrompue depuis les années 50 se sont subitement accélérées depuis 3 ans ;
- la journée de travail a augmenté de façon constante sous différentes formes : suppression de certaines fêtes, augmentation des horaires. Les revendications syndicales des "35 heures" sont une manœuvre tactique et temporaire qui n'entrave pas ce processus.;
- une diminution sensible des services de la Sécurité Sociale au niveau qualitatif et quantitatif (augmentation des versements, réduction des remboursements) ;
- les pensions de retraite sont diminuées ;
- les fameuses promesses à propos de l'enseignement gratuit, des logements sociaux, etc. ont disparu.
2) Sur le terrain répressif, la sinistre idéologie "anti-terroriste" déployée jusqu'au paroxysme par la bourgeoisie allemande à propos de la "bande à Baader", par la bourgeoisie italienne à propos du cas "Moro" et espagnole à propos de 1"'ETA", a servi pour :
- renforcer l'appareil de répression policier et juridique,
- créer un climat de terreur et d'insécurité.
Le premier a été destiné à prévenir les affrontements de classe inévitables en dotant l'Etat d'un arsenal gigantesque de répression physique et militaire.
Le deuxième cherchait la terreur et la paralysie au sein des ouvriers.
D'une manière générale, ce renforcement de l'Etat par le biais de 1'"anti-terrorisme" a servi à ce que :
"Avant même que la classe ouvrière, à l'exception d'une toute petite minorité, ait compris l'inéluctabilité de l'affrontement de classes violent avec la bourgeoisie, celle-ci a déjà mis en branle tout un dispo&itif pour y faire face". (Revue Internationale N°13. Page 5)
3-CONDITIONS DE LA REPRISE PROLETARIENNE
Les luttes en Allemagne et aux USA au début de 78, la courte mais néanmoins violente succession de luttes de mai-juin en France, le grand mouvement de classe en Iran, la grève des hôpitaux en Italie la lutte dans la sidérurgie en Allemagne, les grèves en Espagne depuis 79 et les grandes luttes de Longwy-Denain en France, la grève du téléphone au Portugal, tout cet ensemble de mouvements de classe peut-il être interprété comme une éprise effective de la lutte de classe ? Peut-on le voir comme un nouveau jalon dans l'époque révolutionnaire ouverte par les grèves de 68 ?
La prudence est nécessaire. On ne peut se lancer dans une évaluation prématurée. Mais il serait équivoque de se laisser paralyser dans l'indéfini et le possibilisme. Il est nécessaire de prendre position et dire avec clarté dans quel contexte s'inscrivent ces luttes et quelles perspectives elles ouvrent. Mieux vaut une position erronée que la sécurité de positions vagues, éclectiques et attentistes-.
La prise de position claire et décidée comporte des risques mais elle est obligatoire afin que les révolutionnaires accomplissent leurs tâches de facteur actif dans la lutte de classe.
La grande crainte qui peut nous assaillir est : ces mouvements de grève ne sont-ils pas les dernières flammes de la résistance prolétarienne ?
Ce serait du pessimisme que de s'incliner devant cette théorie. La faiblesse qu'ont manifesté ces luttes -leur difficulté très grande encore à s'étendre (sauf la Grande-Bretagne, l'Iran et la France), l'apparent contrôle syndical, le manque, en général, d'apparition de formes d'auto-organisation ... tout cela est utilisé par les pessimistes de tout bord pour nous dire "il n'y a pas de reprise, ce sont simplement les derniers soubresauts".
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de rappeler clairement un point théorique général la direction que prend la lutte du prolétariat ne peut se mesurer à travers ses formes de combats e d'organisation en soi.
Le critère est erroné qui dit : pour leur extension, les grèves actuelles présentent des formes d'organisation et de combat d'un niveau plus bas que celles de 68 ; donc, nous assistons à un recul.
C'est certain qu'au niveau tant qualitatif que quantitatif, les grèves actuelles sont plus faibles que celles de 68, mais il est faux d'en conclure à un recul. L'expérience montre que, quand surgit une avalanche de luttes prolétariennes, elles mettent un certain temps à renouer avec les formes de combat, le contenu et l'organisation maximum des luttes antérieures.
Pour cela, le plus important à voir est le contexte général et social des luttes qui comprend l'évolution de la crise et l'évolution du rapport de forces entre les classes.
L'erreur des autonomes et autres courants qui considèrent les luttes ouvrières en elles-mêmes comme si elles étaient indépendantes de la réalité sociale, oublient que le prolétariat n'est pas dans le capitalisme un être en soi, mais que son action naît d'un ensemble de conditions engendrées par le mouvement général du capitalisme. Son autonomie de classe ne réside pas dans le fait qu'elle serait une classe indépendante des conditions imposées par le capitalisme, mais qu'à l'intérieur de celui-ci, elle s'oppose et se constitue en une force révolutionnaire pour le détruire.
C'est pour cela que nous ne pouvons répondre à la question que nous nous sommes posés dans ce chapitre.que de la façon suivante :
1) en considérant que le reflux de 1973-78 a été un reflux relatif qui n'a pas signifié une défaite décisive du prolétariat mais une phase de calme et de repli laissant présager de nouveaux assauts prolétariens ;
2) en analysant les conditions globales qu'affrontent les luttes (développement de la crise, impact des armes politiques et idéologiques de la bourgeoisie) ;
3) en dressant un bilan des luttes vécues depuis novembre 1978 dans toute l'Europe qui marquent de façon de plus en plus claire la reprise du prolétariat.
Nous allons développer ici le premier et le deuxième point, le troisième fera l'objet du prochain chapitre.
1) Dans AP n° 18, nous expliquions pourquoi le calme social ne pouvait être identifié à une défaite du mouvement :
"Que signifie ce repli? Marque-t-il une défaite définitive du prolétariat ? Y a-t-il changement du cours qui élimine tout espoir de révolution? Une analyse globale et mondiale de la lutte de classe nous permet d’affirmer que nous nous trouvons dans une phase de repli temporaire du prolétariat, mais non face à une défaite décisive qui mettrait fin à la perspective révolutionnaire ouverte dans les années 60 :
1) Le prolétariat n'a subi aucune défaite décisive dans aucun pays. Y compris les défaites partielles les plus importantes comme celles du Chili, de l'Argentine ou du Portugal n'ont pas écrasé les luttes qui devaient ré émerger avec force en 77, surtout en Argentine.
2) La bourgeoisie ne peut se lancer dans une attaque totale et définitive contre le prolétariat, en premier lieu parce que la crise économique n'a pas atteint le niveau extrême qui l'obligerait à imposer une économie de guerre basée sur une austérité draconienne. En second lieu parce que la bourgeoisie s’est davantage efforcée ces dernières années à préparer son attaque, plutôt qu'à la lancer de manière définitive. Pour cela, il n'a toujours pas été livré de bataille décisive entre bourgeoisie et prolétariat.
3) Malgré le reflux dans les pays du centre du capitalisme, la lutte prolétarienne s'est développée avec force dans les pays périphériques. Malgré leurs faiblesses, ces luttes sont d'une grande importance pour le prolétariat mondial :
- en démontrant que, dans les pays où l'exploitation a atteint des limites extrêmes, le prolétariat est loin de tout accepter et de se sacrifier ;
- en Algérie, au Maroc, Egypte ou Israël, les grèves ont momentanément freiné la guerre impérialiste ;
- enfin, elles ont contribué à la prise de conscience des bases objectives de l'unité mondiale de la classe ;
4) Même en Europe, malgré le contexte général de calme, de fortes luttes ont surgi "quoique isolées" et sporadiques, chacune est importante comme celles d'Espagne et de Pologne 76... Les grèves qui ont commencé en Allemagne et celles des USA (mineurs) ont également une valeur". (Accion Proletaria N°18)
Un des signes qui montre de manière concluante le caractère relatif du reflux prolétarien est le résultat limité et les faibles impacts qu'ont eu les forces de gauche au sein du prolétariat. Si 1 'on compare avec les années 30, on ne peut que constater des différences absidales. A cette époque, et de manière pratiquement majoritaire, la gauche et les syndicats sont parvenus à mobiliser l'enthousiasme et l'adhésion volontaire des ouvriers derrière la politique criminelle de l'an-ti-fascisme, le front populaire, la défense de la démocratie, etc.
Aujourd'hui, de tels cauchemars paraissent être exclus de l'histoire. La gauche et les syndicats se sont imposés non avec l'enthousiasme et l'adhésion consciente des prolétaires, mais par manque de perspectives et parce qu'ils n'ont rien d'autre en vue. Cela signifie deux choses :
a) une base très précaire pour le contrôle de la gauche et des syndicats sur le prolétariat,
b) que nous sommes loin d'une période de défaite du prolétariat qui est la base matérielle de l'atomisation et de la "débandade" dont la conséquence est l'adhésion désespérée au programme de la bourgeoisie.
D'une manière générale, on peut dire que la classe suit les propositions syndicales et de gauche sans grande confiance, sans trop se faire d'illusions et comme un moindre mal.
Ceci est positif à condition de se transformer ensuite en un progrès de la lutte et de la prise de conscience. A ce propos, on peut voir que le grand "lavage de cerveau" qu'ont constitué les élections en France en mars 78, loin d'avoir intimidé, a impulsé les explosions de luttes de mai-juin 78. Avec la prudence nécessaire, on peut dire que le grand mythe de l'union de la gauche et du programme commun est mort plus vite que prévu.
Parallèlement à ce qui précède, il faut noter que, dans une période de reflux, la lente maturation de la conscience de classe se poursuit. On n'a pas vu disparaître les noyaux ouvriers, les cercles de discussions, les groupes d'action; quoique dispersés et très confus, ils ont exprimé un effort de conscience du prolétariat. De la même manière, les relativement fréquentes "crises des militants à la base" de plusieurs groupes gauchistes et même des centrales syndicales ont révélé une tendance contradictoire mais réelle à 1'éloignement de fractions du prolétariat du contrôle idéologique de la bourgeoisie. Y compris dans certains groupes gauchistes s'est développée une crise idéologique à l'issue de laquelle de petites fractions sont sorties, avec plus ou moins de résultats pour tenter de rejoindre des positions révolutionnaires.
Enfin, les groupes révolutionnaires, expression la plus avancée de la conscience de classe, se sont développés, ont retrouvé leurs forces, ont fortifié leurs positions programmatiques et ont étendu le terrain et l'impact de leur intervention. Quoiqu'ils manifestent encore de grandes faiblesses et quoiqu'ils soient encore ultra-minoritaires, leur progression est un témoignage clair des progrès de la conscience de classe.
Comme Marx l'a dit, la conscience de classe est comme une taupe qui, lentement, dans le sous-sol de la société, ronge les fondements politiques et idéologiques de la bourgeoisie, on perçoit son souffle mais elle tarde à sortir en plein jour. Son existence n'en est pas moins indiscutable. Dans les périodes de calme social, il y a une sombre apparence de passivité, d'apathie, d'hésitation dans les rangs ouvriers. La bourgeoisie, classe basée sur l'échange, et, par conséquent, spectatrice et active par nature, donne une impression de domination, de contrôle de la société, ce qui ne correspond pas à la réalité. A la base, chez les exploités, les doutes, le manque de confiance et les intuitions sont toujours présents.
Des événements plus significatifs, des luttes ouvrières plus décidées et l'activité des révolutionnaires vont transformer ces entraves en certitudes, conclusions, programmes d'action. Tôt ou tard, l'édifice monolithique de l'ordre bourgeois vacillera sous une nouvelle avalanche de luttes prolétariennes.
Voilà un début de réponse à la première question que nous nous posions. Une conclusion se dessine : le reflux est momentané. Les embryons de lutte et de conscience qui lui ont répondu permettent de supposer sa disparition et un nouvel assaut prolétarien.
2) Répondons maintenant à la deuxième question.
Nous avons assisté depuis 1974-75 à une aggravation importante de la crise capitaliste. Les illusions de la soi-disant reprise de 75 ont donné lieu à une augmentation explosive du chômage et à une dégradation générale du niveau de vie des ouvriers, le chômage a atteint des branches clés de la production, la sidérurgie, les arsenaux, le textile, la métallurgie... et a entraîné les pays principaux Allemagne, France, USA. Il a cessé d'être réservé à des secteurs marginaux ou périphériques de la classe ouvrière -ce qui empêchait celle-ci de prendre conscience de sa gravité- pour attaquer les grandes concentrations du prolétariat, les centres vitaux de la classe.
Cette avance de la crise est un des facteurs fondamentaux de la lutte de classe. Elle ouvre les yeux à la nécessité de se défendre, et mine le fondement des promesses, programmes et solutions que nous assène continuellement la classe dominante
Mais, est-ce la crise, en elle-même, qui est la condition suffisante pour 1 'explosion de la lutte de classe ?
Non ! La crise détermine un ensemble de convulsions de tout l'ordre bourgeois et la révolte de la classe ouvrière, mais il est nécessaire de savoir à quel niveau est arrivée cette convulsion de l'ordre social et quel est le degré d'autonomie du prolétariat.
Une deuxième condition pour la lutte de classe est la crise politique de la classe dominante. Par principe général, la bourgeoisie n'est pas et ne sera jamais une classe avec des intérêts unitaires ; son intérêt d'ensemble -l'exploitation de l'ouvrier- engendre une lutte constante pour la répartition de la plus-value : la bourgeoisie est divisée en mille intérêts particuliers, déchirée par des heurts entre ses diverses fractions. La tendance générale vers le capitalisme d'Etat propre à la période décadente du système n'a pas unifié, ni homogénéisé la bourgeoisie, éliminé ses conflits internes, au contraire, elle les a amplifiés, elle leur a donné une caisse de résonance plus vaste avec des implications dans tous les domaines de l'activité sociale de l'Etat.
En réalité, les conflits internes, du capital pouvaient être atténués et limités pendant que le système était en expansion vers des aires non capitalistes, développant ses tendances innées vers la socialisation, et l'universalisation des marchandises. Mais, quand ce processus atteint les limites objectives -début du 20ème siècle, décadence- et quand les conflits internes de la bourgeoisie se multiplient et se radicalisent, le capitalisme d'Etat apparaît dans ce contexte comme une tentative désespérée pour les limiter, à travers une concentration nationale forcée du capital, qui, loin d'y arriver, même s'il y arrive momentanément- les amplifie, ou les retarde uniquement pour les aggraver.
Le développement accentué des conflits internes de la bourgeoisie s'exprime dans ses constantes crises politiques qui convulsionnent son appareil gouvernemental, ce qui signifie :
1) l'affaiblissement de la force et de la cohésion de l'Etat qui voit diminuer son autorité, surtout sur les exploités;
2) la désunion et la dispersion de la bourgeoisie, mettant en évidence les divisions et contradictions qui la désagrègent;
3) la viabilité et la cohérence des programmes et alternatives du gouvernement de la bourgeoisie restent enfermées dans des compromis et arrangements visant la conciliation de divergences de plus en plus insurmontables ;
4) l'impact des mystifications anti-prolétariennes est ébranlé à sa base par les intérêts en conflit, les manœuvres, les sales combines qui annulent leur crédibilité. La crise politique de la bourgeoisie, conséquence générale de la crise historique du capital, facilite le surgissement de la lutte de classe, étant donné qu'elle :
- démontre l'incapacité de la bourgeoisie de "gouverner comme avant",
- rompt la peur et la passivité des ouvriers,
- prouve la faiblesse et le manque d'autorité de la bourgeoisie, et anime, pour autant, la lutte contre elle.
La deuxième condition de la lutte de classe, la crise politique du capital, est un facteur nécessaire mais non suffisant, il manque la troisième condition : le propre développement préalable de la lutte prolétarienne, son rapport de force avec la bourgeoisie.
Si le prolétariat est préalablement défait et est complètement atomisé et aplati, ni le développement de la crise économique, ni la crise politique de la bourgeoisie ne peuvent aider à la lutte de classe ; au contraire, ils se convertissent en un moyen de dévoiement et d'annihilation de la lutte.
Un prolétariat écrasé et atomisé reçoit la crise économique comme un mobile de plus de démoralisation et de déroute. La crise se convertit en un facteur aggravant de sa dégradation et de sa désagrégation comme cela s'est passé pendant la crise de 29.
Par contre, un prolétariat en développement, qui n'a pas été défait, et dont les expériences sont récentes, reçoit la crise comme un élément d'indignation et de compréhension de la misère de l'ordre bourgeois, de détermination à la lutte. La crise se transforme en un facteur de mobilisation et de combat, comme cela s'est passé, jusqu'à un certain point, dans la crise révolutionnaire de 17. De la même façon, si le prolétariat se présente défait et atomisé, les crises politiques du capital, loin de réveiller sa conscience, sont utilisées par la classe dominante pour 1'encadrer et le mystifier par une des fractions du capital en conflit. Les années 30 ont vu comment le prolétariat était transformé en chair à canon dans les luttes internes de la bourgeoisie a travers les "fronts populaires", le "socialisme dans un seul pays" ou la "défense de la démocratie contre le fascisme". C'est précisément cet encadrement complet du prolétariat qui a permis la limitation des conflits entre les diverses fractions bourgeoises. Mais, au contraire, les tendances non écrasées du prolétariat vers son indépendance politique et son unité de classe qui peuvent être en recul, et pouvaient donner l'impression d'avoir disparu, s'accentuent devant la crise politique de la bourgeoisie, se transformant en un facteur de révolte et de désobéissance, d'absence de prestige de la classe dominante, d'animation de la lutte et de recherche des alternatives prolétariennes.
Nous disions que trois grandes mystifications ont réussi à immobiliser le prolétariat et à freiner son offensive de lutte dans les années 68. Ces mystifications sont :
- la gauche au pouvoir,
- la solution nationale à la crise,
- l'idéologie démocratique et anti-terroriste.
Aujourd'hui, nous pouvons voir que tous les aspects combinés de la crise, des convulsions politiques de la bourgeoisie et la non-défaite du prolétariat, font que le poids de ces mystifications va en se réduisant, et lentement apparaissent les conditions pour que le prolétariat s'en 1ibère.
Dans toute une série de pays, la solution "gouvernement de gauche", comme formule d'encadrement et de mystifications du prolétariat est, au moins, momentanément très usée. Nous ne doutons pas que. la bourgeoisie peut la revivifier sous de nouveaux habits, et dans les pays où il y avait peu d'expérience d'une telle solution (en Espagne par ex.) où ceux où la gauche réalise une ample "cure d'opposition" (au Portugal par ex.), elle peut encore être ressortie avec un certain succès. Mais ce qui est hors de doute, est que "l'union de la gauche" a perdu beaucoup de crédibilité à travers toute une série d'échecs :
- En France : l'échec du programme, commun a porté un très fort coup aux illusions sur 1'électoralisme, et sur son caractère "ouvrier" et "progressiste" qui se maintenait dans la classe. Nous ne croyons pas que, au moins immédiatement, la cure d'opposition du PCF sur des bases ultranationalistes puisse avoir une force de mobilisation.
- En Angleterre : deux gouvernements travaillistes en douze ans liés à de durs blocages de salaire et à des mesures anti-ouvrières de tous types, commencent à détériorer la confiance dans le travaillisme. La solution de rechange -la gauche travailliste- n'offre pas, au moins pour le moment, une perspective claire.
" En Allemagne : dix ans de social-démocratie ont déprécié, lentement mais effectivement, les alternatives de gauche ; ses mesures "anti-terroristes" ses attaques de la condition ouvrière et l'impact des luttes ouvrières de 1^78 et 79, sont allées en affaiblissant son influence sociale.
De façon globale, deux grands faits minent la crédibilité des alternatives de gauche vis-à-vis de la classe ouvrière :
a) le discrédit progressif des cirques électoraux,
b) les besoins qu'impose à la gauche la crise politique générale de la bourgeoisie.
Le parlement et les élections ont récupéré leur attraction de façon relative entre 72 et 78. Devant un développement non encore décisif de la crise, devant la nécessité d'alternatives globales et politiques, il y eut une certaine renaissance de la confiance dans 1'électoralisme chez les ouvriers. L'expression la plus claire de cela était le programme commun de la gauche française. Son écroulement rapide et son échec ultérieur sont précisément les signes d'un changement de tendance et du développement au sein de la classe ouvrière de la compréhension du caractère mystificateur et anti prolétarien du parlementarisme et de l'électoralisme. Nous pouvons voir une certaine confirmation encore non absolue, de cette tendance dans le développement des abstentions enregistrées dans les élections espagnoles.
Il y a un deuxième facteur qui a miné le prestige de la gauche dans les rangs ouvriers : c'est la politique qu'elle s'est vue obligée de mener devant le développement des conflits internes de la bourgeoisie, tant /au niveau mondial qu'à l'intérieur de chaque pays.
Au niveau mondial, l'alignement inévitable des pays centraux du capitalisme à l'intérieur du bloc occidental a privé les PC d'un puissant mobile de mystification de la classe ouvrière : le mythe de "pays socialistes" et son corollaire, le "socialisme dans un seul pays" qui a fait tant de mal à la classe ouvrière.
Le fameux "eurocommunisme" qui s'était cristallisé dans l'abandon de la "dictature du prolétariat", de "1’internationalisme prolétarien" et autres paravents idéologiques, s'est retrouvé, comme nous l'avons montré dans d1autres textes du CCI, par le fait que les PC sont les représentants les plus fidèles du capital national comme un tout, devant la nécessité -l'unique option possible à moyen terme étant, dans la majorité des pays du centre, le bloc américain- de prendre plus ou moins fortement leurs distances avec le bloc russe. Tout cela les a obligés à un changement de langage! Mais ce changement de langage avait des conséquences de plus en plus importantes en ce qui concerne l'encadrement du prolétariat, vu que les nouveaux thèmes qui remplacent les anciens manque de force combative et de contenu concret. "Socialisme dans la liberté", "consolidation et approfondissement de la démocratie", "union nationale" ont un poids mystificateur très inférieur à "socialisme dans un seul pays", "dictature du prolétariat" ou "internationalisme prolétarien", face à l'avance de la crise et au développement de la lutte de classe.
Au niveau des conflits internes de la bourgeoisie de chaque pays, les obligations de maintenir à tout prix la cohésion du capital national ont contrainte la gauche à faire des "concessions" aux secteurs plus retardés ou plus liés aux intérêts particuliers du capital national. Ces concessions ont impliqué dans la gauche un langage plus "conciliateur" et moins de "luttes de classe", et a débilité ses vieux slogans mystificateurs ("capitalisme d'Etat = socialisme", "droite = capitalisme") et a amené, de plus, la gauche à améliorer ses relations avec l'Eglise, l'armée, les "fascistes" et toutes sortes de fractions et institutions du capitalisme plus ouvertement contre-révolutionnaires. Tout cela prive la gauche de son langage "retentissant" et de "dénonciation", perdant lentement la cohérence et la solidité de ses vieux engrenages mystificateurs.
On commence à observer un changement, avant tout au niveau des positions qui lui permet de se donner un langage "ouvrier combatif", essentiellement destiné à encadrer et mobiliser idéologiquement le prolétariat. Cependant, il n'y a pas lieu d'exagérer les possibilités de succès de ce mouvement/ malgré l'énorme "enthousiasme" avec lequel le reçoivent les gauchistes. La gauche se voit déchirée entre :
- d'un côté, son poids, chaque fois plus important au sein du capital national, dû essentiellement au développement de la crise, et la tendance au capitalisme d'Etat, ce qui l'oblige à de plus grands compromis, directs ou non, avec le gouvernement du capital national qui, nécessairement, la pousse à une politique "modérée", "conciliatrice", "eurocommuniste" ou. de "solidarité nationale" ;
- mais, d'un autre côté, la nécessité d'encadrer et de mystifier le prolétariat les oblige à une cure d'opposition et à un langage combatif, tout cela dans le contexte général d'une très forte usure de tous ces vieux thèmes de mystifications des années 30.
Les équilibres et les virages auxquels se voient contraints les partis de gauche rendent de plus en plus difficile leur impact mystificateur dans la classe, et plus encore, si la lutte de classe tend à se développer.
Il est démontré que toute mystification ne se fait pas dans le vide, n'est pas comme une drogue qui s'administre à volonté ; au contraire, pour s'imposer dans la classe ouvrière, la mystification doit se fonder sur des nécessités et des problèmes réels auxquels elle donne une interprétation, une version, une alternative totalement idéaliste, dans le cadre du camp bourgeois. Ce sont précisément toutes les analyses faites précédemment qui nous permettent de voir que peu à peu vont s'écroulant les bases matérielles des mythes "gouvernements de gauche", "union des partis ouvriers" qui sont d'importantes colonnes de l'ordre bourgeois contre la classe ouvrière.
Le grand mythe de la possibilité d'une solution nationale à la crise a été l'arme la plus forte pour :
- empêcher la lutte indépendante du prolétariat,
- inculquer dans ses rangs la nécessité du sacrifice et de l'austérité.
La base matérielle d'une telle mystification, nous l'avons vue dans le chapitre antérieur : le rythme lent et inégal de la crise selon les pays. Cependant, ce rythme lent et inégal de la crise est en train de disparaître. L'importante accélération de 74/75 a cédé le pas à un effondrement pur et simple sans perspective visible de récupération alors même que se développent les conditions de nouvelle aggravation de la crise.
En premier lieu, ces accélérations et cet effondrement pur et simple effacent les illusions et les espoirs potentiels que beaucoup d'ouvriers peuvent avoir ; devant eux, l'horizon est toujours plus noir, et ils comprennent de plus en plus que l'unique perspective qu'offre le capitalisme est une réédition, en pire, des temps de la 2ème guerre mondiale et de 1'après-guerre de nos aines, à qui on avait justement dit que ces maux étaient la promesse d'une éternelle prospérité.
En deuxième lieu, les ouvriers des pays, régions ou entreprises les plus prospères voient tomber leur niveau de vie au même niveau, ou presque, que celui de leurs camarades moins fortunés. Nous avançons vers une égalisation de la misère des ouvriers de tous les pays, entreprises et régions. C'est une tendance qui s'affirme de plus en plus et qui enlève toute base réelle aux mystifications de solutions nationales, régionales, techniques, d'étatisation, etc. Au contraire, se développent les conditions générales pour l'unification et l'internationalisation des luttes.
L'internationalisation effective des luttes est un des faits les plus marquants de la vague de combativité ouvrière dans les pays du centre -vague encore faible et limitée- que nous analyserons dans le chapitre IV.
Troisième grand axe de l'offensive idéologique du capital contre le prolétariat, la mystification démocratique et anti-terroriste perd lentement de son impact anti-prolétarien. C'est en Allemagne, en 77, que se sont produits les moments les plus historiques de la campagne anti-terroriste du capital, et où celle-ci est passée de l'intoxication idéologique à la mobilisation politique concrète des ouvriers. Il y a eu des grèves en signal de deuil pour la mort du patron Schleyer. Les grèves devaient être réduites à des actions symboliques d'une à cinq minutes par les ouvriers; comme l'ont signalé nos camarades allemands, les ouvriers en ont profité pour bavarder ou fumer une cigarette. Quelques mois plus tard, se sont produites les grèves de janvier-avril 78 qui ont révélé que les "poisons" anti-terroristes avaient eu un impact bien moindre que ce qu'on attendait. En Italie, les moments les plus intenses de la campagne anti-terroriste ; se situent pendant la séquestration d'Aldo Moro en avril 78. Les camarades italiens ont signalé le même phénomène : passivité des ouvriers devant les appels à la grève et aux manifestations, développement de la conscience de classe, sous la forme de cercles ouvriers qui prennent leurs distances aussi bien vis-à-vis de l'idéologie anti-terroriste que du mythe "ouvrier combatif" = "ouvrier armé", etc. La grande grève des hôpitaux d'octobre 78 a justement été un signe prometteur de reprise prolétarienne en Italie. En Espagne, la gigantesque campagne anti-terroriste déployée par tout l'Etat bourgeois, racine des prouesses de l'ETA, a enregistré une retentissante banqueroute politique, annoncé la faillite du référendum constitutionnel et des élections législatives. Ainsi, la manifestation convoquée après une campagne hystérique par les CO, 1'UGT, etc. eut une faible participation, et il n'y eut pas moyen d'organiser des grèves, des assemblées... L'échec relatif, au moins momentanément, de l'idéologie démocratique et anti-terroriste n'est rien d'autre que le fruit de l'évidente décomposition de l'idéologie bourgeoise et, par suite, du caractère gangster et de racket que prennent tous les affrontements internes à la bourgeoisie. Les luttes intestines ne peuvent plus, ainsi, se présenter aussi facilement qu'avant sous les habits d'un grand idéal moral capable de mobiliser le prolétariat et l'ensemble de la population.
En ce qui concerne ce troisième point, l'emploi de nouvelles mystifications partielles aura une importance capitale comme nous venons de le voir, en combinant mystification et répression. Un des plus importants problèmes qu'affronte la bourgeoisie est la recrudescence du choc prolétariat-syndicats.
Après avoir récupéré l'initiative entre 1972-78, le bastion syndical de la bourgeoisie parait entrer de nouveau dans une période d'usure et d'affrontement violent avec les ouvriers. Les indices visibles dans la grève des hôpitaux en Italie, commencent à se retrouver, encore très partiellement et très faiblement en France, en Angleterre, en Espagne, etc. Les syndicats ont-ils des bases nouvelles pour s'affronter idéologiquement au prolétariat ?
Comme en général ses mères-partis, les syndicats réalisent des cures d'opposition dans un grand nombre de pays. De telles cures d'opposition leur permettent de récupérer leur image de marque "combative" et "ouvrière", laquelle va leur donner durant un certain temps une capacité pour prendre la tête des mouvements de grèves et les utiliser, avec plus ou moins de succès. Même s'ils ne peuvent rompre les mouvements les plus radicaux, ils tenteront, au moins, et par tous les moyens, de maintenir l'idée que les syndicats sont à la queue des luttes, mais qu'ils sont avec elles. Un mythe oui peut, prendre force est que syndicats et assemblées ou conseils ouvriers ne sont pas incompatibles.
Une autre tendance qui commence à se dégager est la distance qu'ils prennent par rapport aux partis et à la politique. Les courants du syndicalisme "révolutionnaire" et de 1'"anarcho-syndicalisme" peuvent reprendre une certaine splendeur, comme dernier effort de l'appareil syndical, pour récupérer son ancienne force. La renaissance de la CNT ou de la USI en Italie n'est nullement un mouvement vers des positions prolétariennes du syndicalisme, mais un replâtrage de l'édifice syndical du capital pour mieux affronter le prolétariat.
Finalement, les tendances vers un syndicat unique sont aujourd'hui un autre élément qui, bien que très usé, commencent à se présenter comme "garantie" d'un syndicalisme "efficace" et "combatif".
Aussi pouvons-nous dire que nous assistons non seulement à la déroute des mystifications bourgeoises qui ont coupé momentanément la renaissance prolétarienne de 1965-72, mais encore, à un niveau historique, que nous assistons à un début d'effondrement de tous les mythes de 50 années de contre-révolution ; nous ne pouvons pas dire que le poids de tant de campagnes de tromperies peut disparaître sans laisser de traces du jour au lendemain. Au contraire, leurs effets pernicieux vont se maintenir encore au sein du prolétariat. Les idéologies et les mystifications naissent de relations capitalistes de production, aussi, -provenant de ces dernières-, elles se convertissent en un facteur actif de conservation et de défense du régime de telle sorte qu'elles acquièrent un certain degré d'autonomie relative, laquelle leur permet de survivre durant un certain temps et à des niveaux déterminés, à l'ébranlement des conditions sociales qui les ont engendrées et les ont rendues possibles.
De là le poids de l'intense "lavage de cerveau" de ces dernières années d'offensive idéologique de la bourgeoisie et tous les reflets théoriques et idéologiques liés aux 50 années de contre-révolutions qui vont être encore très forts et mineront la base, la puissance de beaucoup de luttes ouvrières:
"Les hommes font leur propre histoire mais ils ne la font pas arbitrairement dans les conditions choisies par eux, mais dans les conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur les cerveaux des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque-chose de tout-à-fait nouveau, c'est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu'ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu'ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d'ordre, leur contenu, pour apparaître sur la nouvelle scène de l'histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté". (Marx, "Le 18 Brumaire")
Les effets de ces "générations mortes" vont être considérables et vont peser très lourdement dans le renouvellement prolétarien, effets qui s'usent aujourd'hui très lentement :
- pendant un certain temps, le décalage entre la gravité de la crise et la force de la réponse prolétarienne continuera,
- il y aura encore un puissant décalage entre la force objective du 'mouvement et la conscience de cette force,
- le décalage plus grand que par le passé entre les dimensions et la force des organisations révolutionnaires et la maturation des conditions pour la révolution continuera également.
Mais nous ne devons pas perdre de vue que toutes les contre-tendances que nous venons de signaler n'annulent pas le cours général vers une nouvelle tentative de révolution prolétarienne mondiale ouverte dans les années 60. Plus encore, la reconnaissance consciente et globale de tous les dangers, risques et faiblesses, qu'affronte notre classe doit être la base matérielle pour les affronter et les éliminer.
Une autre conséquence à tirer du constat du poids des "générations mortes" est que, non seulement nous le souffrirons jusqu'au bout dans les tentatives du renouement prolétarien qui mûrit aujourd'hui mais surtout qu'il sera un facteur puissant et négatif dans une période d'insurrection et de révolution. Ce poids des "générations du passé" fondera la base matérielle de toutes les forces qui tenteront de dévier, diviser, miner et affaiblir la révolution prolétarienne. Ces forces constitueront la 5ême colonne du capital contre le prolétariat révolutionnaire.
De là, la chute lente que nous voyons aujourd'hui de l'idéologie et des mystifications bourgeoises, ne rend pas inutile et superflu sa dénonciation la plus intransigeante, patiente, tenace et détaillée ; aujourd'hui, comme hier, 1'arme de la critique continue d'être la préparation nécessaire pour la critique par les armes du criminel ordre capitaliste.
4-BILAN DES DERNIERES LUTTES
Avant de définir les perspectives qui ressortent de l'ensemble des conditions analysées, il serait nécessaire de faire un bilan des vagues prolétariennes d'Octobre-Novembre 1978 et de Janvier-Mars 1979 qui motivent sa considération comme indices d'un renouement général de la lutte de classe. Ce bilan ne peut-être que provisoire et limité étant donné qu'il nous manque un recul suffisant et que beaucoup de ces luttes ne sont pas encore terminées. Les leçons les plus importantes à tirer sont :
1) La première et principale : 1'internationalisation objective des luttes.
Grèves d'importance relative, bien sûr, mais dont certaines, comme celle d'Angleterre, ont secoué simultanément les pays centraux du capitalisme : Angleterre, France, Allemagne, Espagne, Italie, USA. D'autre part, la réémergence du prolétariat des pays centraux s'est vue accompagnée par la continuation des luttes dans des pays périphériques : Iran, Maroc, Mexique, Arabie Saoudite, Zaïre, Polynésie, Jamaïque... qui sont les exemples les plus récents. Cristallisant la reconnaissance de cette internationalisation par la classe, nous voyons comment en Belgique et au Luxembourg, eurent lieu des grèves de solidarité avec les sidérurgistes en Lorraine. Sans être la manifestation la plus adéquate de la solidarité internationale du prolétariat, elle en est pour le moins une tentative très importante. Il y a une leçon générale .de cette internationalisation : l'agitation internationaliste, la défense de l'internationalisme vont reposer chaque fois plus sur des expériences et des faits concrets relativement immédiats, cessant d'être des questions "théoriques" ou lointaines comme elles apparaissaient jusqu'à présent.
Nous disions dans le rapport sur la situation mondiale de Janvier 1978 qu'une des manifestations du prochain resurgissement prolétarien devrait être : "Une plus ample conscience du caractère international de la lutte qui pourrait se traduire dans la pratique par des mouvements de solidarité internationale, de l'envoi de délégations d'ouvriers en lutte d'un pays à un autre (et non des délégations syndicales)".(Revue Internationale N°13.) Jusqu'à un certain point et encore avec beaucoup de limites, cette tendance commence à se dessiner à l'horizon.
2) Reprise de l'affrontement ouvert prolétariat-syndicats
L'appareil syndical très fustigé par les coups de la première vague prolétarienne des années 60, a pu refaire son image de marque, profitant avec adresse des faiblesses de cette vague prolétarienne et restaurer un contrôle assez fort sur les ouvriers à partir de 1972.
Des dernières luttes, nous pouvons dire : petites mais pleines de promesses.
- des luttes extra-syndicales apparaissent.
- l'initiative autonome des ouvriers réapparaît sans attendre l'invitation syndicale.
- des chocs frontaux commencent à apparaître entre prolétariat et syndicats.
Ces trois tendances, évidemment liées entre elles, sont minoritaires dans l'ensemble des luttes, mais /par l'exemple qu'elles supposent, par la force ; qu'elles ont prises et par la dynamique qu'elles M paraissent ouvrir, leur poids qualitatif est très supérieur à leur faible poids numérique, La rupture et l'affrontement du prolétariat avec les syndicats vont être un processus très pénible et, jusqu'à un certain point et durant toute une période vont se convertir en l'axe central de la bataille de classe.
Nous disions que ce processus va être pénible parce que les syndicats sont, comme on le sait, le principal bastion de l'ordre bourgeois contre la classe ouvrière, et leurs armes de tromperie et contrôle tendent à être des plus raffinées, de telle sorte que les syndicats qu'affronte aujourd'hui la classe ouvrière ne sont pas les mêmes que ceux des années 50. Leur arsenal de mystifications et leur machinerie de contrôle sont de loin supérieurs et beaucoup plus rôdas. Pour cela, la rupture sera beaucoup plus difficile et pénible mais aussi beaucoup plus décisive parce qu'elle aura un caractère complètement politique et révolutionnaire sans les ambiguïtés et paliers du passé. Si dans les luttes des années 60, le potentiel politique de la rupture avec le syndicalisme a pu être camouflé et dévié par les mythes de la "dé bureaucratisation" ou de "l'unité syndicale", aujourd'hui ces mythes commencent à se rompre et il devient beaucoup plus difficile d'enrober le choc frontal de la classe. Si dans les luttes les plus radicales et avancées, la rupture totale, absolue et sans ambiguïtés entre les grévistes et les syndicats est vitale, il ne faut pas prendre seulement le fait formel de cette rupture comme thermomètre pour mesurer la force et la répercussion de chaque lutte concrète.
Dans la majorité des cas, la rupture tendra à se donner une corrélation des forces prolétariat-syndicats qui se cristallisant de diverses manières au niveau formel, représentera le devenir et les 1imites de la lutte. Dans le pire des cas, ce sera les organismes syndicaux qui s'imposeront, ce qui signifierait l'effondrement de toute perspective immédiate de la lutte; dans le meilleur des cas, ce sera le triomphe des Comités de grèves ouvriers, ce qui ouvrira une dynamique de la radicalisation de la lutte.
Les révolutionnaires devront se battre dès le début pour que la grève s'organise dans des Assemblées, pour qu’elles soient réellement souveraines et pour qu'il y ait aucune ambiguïté dans la rupture et l'affrontement avec les syndicats. Cela ne veut pas dire que la dimension, conséquences et perspectives d'une lutte ait à se mesurer exclusivement par la forme concrète dans laquelle elle a cristallisé à un moment donné la relation de force prolétariat-syndicats.
Le danger de la simple revendication des formes, sans se fonder suffisamment avec son lien, du contenu, peut donner une base à une nouvelle tromperie bourgeoise que nous pourrons apercevoir dans le futur :"création de Comités antisyndicaux" basés sur des "Assemblées" mais avec des fonctions identiques aux syndicats. En réalité, avec ces mythes, on essaiera non seulement de s'opposer aux luttes, mais encore et surtout, de limiter leur portée, de bloquer leur développement et de dévier leur contenu en posant des formes extra-syndicales en soi.
Dans le rapport sur la situation mondiale, nous avons vu une deuxième condition de la future reprise prolétarienne en:
"Un débordement des syndicats beaucoup plus clair que dans le passé et son corollaire: la tendance vers une plus ample auto-organisation de la classe ouvrière (Assemblées générales souveraines, instauration de Comités de grève élus et révocables, coordination de ceux-ci entre les entreprises de la même ville, région, etc...)".(Revue Internationale N°13.)Avec cela, nous avons commencé et il reste encore beaucoup de travail sur la planche et beaucoup de mystifications à affronter.
3) Toutes les luttes ont constitué un affrontement du prolétariat au plan d'austérité du capital,-base matérielle de leur internationalisme objectif.
Pour cela ces luttes sont un début prometteur de la résistance prolétarienne contre les tendances à l'austérité et à la guerre impérialiste que porte en lui le capitalisme et posent déjà les bases de la transformation de l'actuelle aggravation de la crise capitaliste en une crise révolutionnaire.
Il reste démontré une chose que les années de calme social ont quelque peu estompé, c'est que la lutte prolétarienne contre l'austérité est possible, qu'elle peut donner des fruits même s'ils sont temporaires et que le remède prolétarien à la crise n'est pas d'accepter des sacrifices ni de limiter les revendications pour "réduire le chômage" sinon la lutte de classe.
4) Certaines luttes vécues ces derniers temps ont posé le fait que le prolétariat est le candidat historique à l'émancipation de toute l'humanité.
L'Iran a démontré que la lutte prolétarienne donne un biais complètement distinct, incontrôlable à la révolte sans perspective des marginaux, paysans pauvres et petite bourgeoisie paupérisés. L'Iran a posé une possibilité, un potentiel qu'enferme le prolétariat, indépendamment du fait qu'en Iran, cela ne pouvait être complètement obtenu. Ce vieux principe du mouvement ouvrier -le prolétariat est l'unique classe capable de s'émanciper et émanciper toute l'humanité- prend une réalité et devient un problème concret maintenant. Après 50 ans de contre-révolution cette fameuse phrase de Lénine redevient réalité :
"La force du prolétariat dans un pays capitaliste est infiniment supérieure à sa valeur numérique dans la population'.' Et c'est ainsi, parce que le prolétariat occupe une position clé dans le cœur de l'économie capitaliste et aussi, parce qu'il exprime dans le domaine économique et politique, les intérêts réels de l'immense majorité de la population laborieuse sous la domination capitaliste. Durant la grève des hôpitaux en Italie, les travailleurs portaient une pancarte qui disait : "Nous n'allons pas contre les malades, nous allons contre les syndicats, le patronat et le gouvernement"(souligné par nous). Cette préoccupation du prolétariat de gagner ou faire valoir sa lutte auprès de l'ensemble des couches opprimées et non exploiteuses est un indice prometteur de la maturation générale de la conscience de la classe. C'est même plus que cela, c'est la prise de conscience d'un problème qui va se poser en se répétant dans le futur. La bourgeoisie est consciente que le mouvement du prolétariat peut, se convertir en un détonateur du mécontentement des diverses couches de la population; elle est consciente que l'intervention du prolétariat peut donner un caractère incontestable aux protestations des couches opprimées; elle est consciente en définitive, que le mécontentement des couche opprimées peut être gagné au bénéfice de la révolution par le prolétariat. Pour tout cela, un des axes essentiels de la bourgeoisie est, et sera de neutraliser ces couches marginales, les isoler, les séparer politiquement du prolétariat et, si c'est possible, les lancer contre lui.
En Angleterre, la bourgeoisie a monté une campagne hystérique autour des grèves des camionneurs et des services publics. Elle a. monté des manifestations de ménagères et a organisé des piquets de "citoyens" contre les piquets de grève des ouvriers, "but l'axe de la campagne a été de réveiller les sentiments petit-bourgeois, les paranoïas de ces couches pour les utiliser contre le prolétariat. Les erreurs qui se sont fait jour, parfois dans les groupes révolutionnaires, de voir ces couches uniquement comme des ennemies du prolétariat, doivent être éliminées. En soi, ces couches sont vacillantes, elles tendent à la décomposition et à la prolétarisation; en soi, ces couches n'ont pas de volonté propre. Si la bourgeoisie parvient à utiliser les caractères réactionnaires et le devenir de leurs conditions derrière des programmes loufoques, de capitalismes "non monopolistes" etc.. alors elles seront canalisées contre le prolétariat. Mais si le prolétariat, sans céder un pouce à des programmes au "bénéfice" de la petite bourgeoisie lutte de façon autonome en leur faisant voir concrètement l'absence d'alternative à leur situation sans devenir et vouée à la décomposition, alors, il pourra les gagner dans une lutte contre le capital.
Cette perspective n'enlève rien à l'autonomie de classe du prolétariat et c'est la solution concrète contre les mystifications que la bourgeoisie lancera très souvent dans le futur :
- le prolétariat ne doit pas dans sa lutte porter "préjudice" au peuple.
- le prolétariat doit lutter pour le triomphe du peuple en général.
- le mouvement du prolétariat et celui du "peuple" sont identiques.
Comprendre la nécessité pour le prolétariat de gagner à lui les couches marginales et opprimées ne signifie pas :
- rabaisser le programme maxima du prolétariat ou quelconque revendication immédiate et historique.
- appuyer les programmes illusoires et réactionnaires qui découlent de la position sociale de la petite bourgeoisie.
- dissoudre le prolétariat comme partie du "mouvement populaire".
5) La violence de classe et la lutte contre la répression.
Comme nous l'avons affirmé auparavant, la répression sera chaque fois plus ouverte, massive et systématique. Le problème de la lutte contre la répression et la violence de classe va se poser d'une façon aiguë. Sur ce point, et partant des expériences vivantes de ces derniers temps, on peut dégager des leçons très claires :
- la fameuse position du "terrorisme ouvrier" que certains camarades a l'intérieur du CCI, le PCI (Programa) et les gens de "1'Autonomia" en Italie, préconisaient comme un moyen efficace pour préparer les luttes ou pour réveiller la conscience ouvrière, s'est dissoute comme le sucre dans l'eau, devant les récentes expériences. En Iran, les grèves et les révoltes ont brisé la répression d'une des plus puissantes armées du monde, elles ont aggravé les convulsions internes et ont permis qu'une partie importante de son armement ultramoderne soit tombée en des "mains incontrôlées". En France, quelle était la meilleure défense des ouvriers d'une usine occupée devant le siège en règle de la police et des milices patronales ? C'était précisément la grande Manifestation des ouvriers des autres usines qui ont entouré les attaquants. Nos théoriciens du "terrorisme ouvrier" ont pu constater que leurs "groupes de combat" ne sont apparus d'aucun côté, et que la violence de classe, ce qu'ils appelaient "une originalité abstraite et mystificatrice" s'est manifestée d'une façon claire et concrète.
- contre les mystifications que sans aucun doute, la bourgeoisie d'opposition lancera, la meilleure défense contre la répression n'est et ne sera jamais les garanties légales et juridiques du "droit de grève" mais la lutte propre du prolétariat. Ce ne sera pas une police "démocratique", "nationale" et "fille du peuple" comme le clame aux quatre vents le PCF, mais les assauts ouvriers de masse contre les commissariats, pour arracher les détenus des griffes policières; ce ne sera pas un gouvernement de gauche qui sera "moins répressif" qu'un gouvernement de droite, mais le débordement dans la lutte de tous les carcans syndicaux légaux et de gauche.
6) Le prolétariat comme frein à la guerre impérialiste.
L'Iran a pu confirmer une tendance qui s'est manifestée encore faible et embryonnaire, dans le prolétariat international, à savoir : IL EST L'UNIQUE FORCE MONDIALE CAPABLE DE S'OPPOSER A LA GUERRE IMPERIALISTE. En Iran, un dispositif ultrasophistiqué et moderne d'armements est resté totalement désorganisé devant l'impact des affrontements de classe. On ne peut pas dire que ce dispositif abandonné par les USA soit passé au bloc russe, étant donné que ce dernier a pris garde, au moins pour le moment, de se mettre dans l'aventure de contrôler une 'ruche’. En Egypte et en Israël, un des facteurs qui les a poussés à rechercher une "paix" à tout prix, était les luttes prolétariennes dans les deux pays. Le contentieux Maroc-Algérie a marqué un temps d'arrêt non seulement par le tour qu'a pris les manœuvres inter-impérialistes, mais aussi' à cause des grèves dures qui ont eu lieu en Algérie en Mai-Juin 1978 et de l'actuelle vague au Maroc. Cuba n'a pas aujourd'hui les mains aussi libres pour faire le pion de l'impérialisme russe à cause des grèves et des convulsions sociales qui se sont produites en avril 1978. La grève dans les arsenaux français en juin 1978 a eu un impact direct sur l'industrie de guerre comme l'ont démontré postérieurement les grèves dans les chantiers navals anglais de sous-marins atomiques. Il reste à voir quelle sera la réponse des prolétaires de Russie, de Chine et du Vietnam contre les préparatifs de guerre. Mais le chemin de la résistance prolétarienne a commencé à se dessiner.
7) Perspectives et intervention des révolutionnaires
La perspective qui surgit est une nouvelle offensive du prolétariat mondial. Comme nous avons pu le voir tout au long de ce rapport, nous sommes en présence de quelques indices puissants mais nous ne pouvons perdre de vue que la perspective n'est pas immédiate, et que le chemin dans cette direction est hérissé de très sérieuses difficultés. Sans oublier la fragilité de cette nouvelle impulsion prolétarienne, nous devons mettre en évidence que cette perspective a des répercussions bien plus grandes que n'importe quelle vision immédiatiste pourrait donner à entendre. Nous sommes dans le début de la fin de l'époque de la contre-révolution. Toutes les conditions historiques qui avaient permis 50 ans de contre-révolution commencent à se défaire effectivement devant les impulsions de la crise capitaliste et la lente reprise des luttes ouvrières. Les combats des années 60 ont été des escarmouches qui avaient ouvert la première brèche dans le monolithe de la contre-révolution et préparèrent sa future dislocation. Ceci exige des révolutionnaires :
1) d'éviter les fausses querelles comme l'avait souligné le premier congrès du CCI et d'approfondir l'effort de discussion et de regroupement dans la perspective de concentrer et donner un cadre le plus unitaire possible aux énergies révolutionnaires qui mûrissent sans cesse dans la classe.
2) de renforcer le cadre programmatique à tous les niveaux et en conséquence, leur intervention.
3) de devenir un facteur actif et positif dans les luttes de classe, dépassant l'étape antérieure de réappropriation des positions de classe et la reconstruction programmatique et organique.
5- PERSPECTIVES
Les luttes que nous venons de mentionner prépareront, mûriront une nouvelle offensive du prolétariat mondial pour laquelle nous pouvons dresser les perspectives suivantes :
1) Généralisation internationale de la lutte prolétarienne
Nous voulons insister sur ce point que nous avons clairement dégagé dans le chapitre antérieur, mettant en évidence que, si le centre des luttes s'est déplacé de nouveau vers les grandes concentrations ouvrières d'Europe et des Etats-Unis, ceci ne veut pas dire qu'il y ait un repli de la lutte prolétarienne dans le Tiers-Monde, mais au contraire, un renforcement de celle-ci.
Le Brésil, importante concentration prolétarienne de la périphérie, a été bouleversé par les importantes grèves de mai 1978 et, surtout, de mars 79, où la grève générale par solidarité s'est imposée dans la région de Sao Paulo, avec des assemblées générales massives de 50.000 et 70.000 ouvriers contre la répression policière. En Iran, la grève des dockers de Korramanshar-Abadan ainsi que les mouvements de chômeurs démontrent que les tentatives de Khomeiny et sa clique n'ont pas réussi à mettre fin à la lutte prolétarienne. En Amérique du Sud, des grèves combatives ont eu lieu au Mexique, au Pérou, au Salvador, en Bolivie, en Argentine, en Colombie et en Jamaïque. En Afrique, le prolétariat marocain a mené une grande vague de grèves en dehors des syndicats et de l'Union Nationale de la bourgeoisie. Il faut également souligner les combats et révoltes ouvrières au Libéria, au Zaïre, dans l'Empire Centrafricain et en Ouganda avant et après la chute d'Amin Dada. En Asie, il faut souligner les grèves en Inde, la grande grève dans les champs pétroliers de Dehrram en Arabie Saoudite et les révoltes en Chine. Dans les pays de l'Est, malgré le rideau de fer qui bloque l'information, des nouvelles de grèves en RDA, en Pologne, en Roumanie, en Yougoslavie ont filtré l'année dernière.
La réponse simultanée du prolétariat dans les cinq continents est la meilleure condition pour l'affirmation de son unité internationale et la maturation de son alternative révolutionnaire.
2) Développement lent du mouvement de classe
On peut se sentir déçu à cause de la lenteur et la difficulté avec laquelle s'avance l'offensive prolétarienne. Mais cette lenteur n'est pas nécessairement un signe de faiblesse mais 1'évidence de la profondeur et de l'ampleur des affrontements de classe qui se préparent. On n'est plus, comme dans les luttes des années 60, face à un ennemi relativement surpris par le réveil subi du prolétariat après des années de contre-révolution mais face à un capitalisme armé jusqu'aux dents et qui met en place contre les luttes ouvrières toute sa machine idéologique, politique et répressive. Du côté prolétaire, les flambées spectaculaires mais courtes des années 60 ont ouvert le chemin -comme l'ont montré récemment les combats de Longwy et Denain-à un combat tenace où les constantes tentatives des syndicats, de la police et du gouvernement pour enterrer les luttes échouent les unes près les autres, en laissant la voie libre à une agitation intermittente et très difficile à décourager. Il est important que reste clair que la lenteur du mouvement de la classe ne favorise nullement une voie gradualiste ou de "petits pas". On assiste à une infatigable accumulation de luttes, à des ripostes coup-pour-coup, ce qui prépare les conditions à de grandes explosions prolétariennes sur des bases profondes et radicales.
3) La réponse capitaliste contre les luttes
Elle va s'accentuer de plus en plus sur l'axe de la répression. L'Italie reflète cela : arrestations massives de militants ouvriers antisyndicaux dans les usines organisées par toutes les forces du "compromis historique" : patrons, police, syndicats, Parti Communiste et Démocratie Chrétienne. En France, on a pu voir non seulement la répression brutale des luttes avec le déploiement des armées de CRS, mais également les procès contre les combattants ouvriers arrêtés lors de la Marche du 23 mars sur Paris ou après les combats de Longwy-Denain. Mais il ne faut pas oublier que la répression ira main dans la main avec un renforcement de la mystification représentée par la "cure d'opposition" que vont faire la gauche et les syndicats, ce qui tendra à leur redonner une nouvelle image de "combativité ouvrière" et "d'ouvriérisme" afin de mieux détruire les luttes ouvrières de l'intérieur, en essayant non pas de freiner ou de dévier le train prolétarien vers une voie morte, mais de le faire dérailler en pleine action. Cependant, il ne faut pas oublier les limites objectives de cette tendance, limites imposées par l'approfondissement des conflits internes de la bourgeoisie et par le rythme effréné de la crise, auxquels la gauche doit aussi faire face, ce qui rendra beaucoup plus difficile sa tâche de mystification. Dans le camp de la bourgeoisie, minée par ses contradictions qui, avec la montée de la crise, éclatent à tous les niveaux de la vie sociale, la tendance va être vers un dépouillement progressif des vêtements idéologiques de l'Etat, et à un durcissement de la répression qui sera soutenue par sa "cinquième colonne" dans le mouvement ouvrier : la gauche, les gauchistes et les syndicats.
4) L'affirmation de plus en plus cl aire de l'alternative prolétarienne contre la crise historique du capital :
Si 1979 a montré quelque chose, c'est bien le spectacle sans fards de la barbarie inexorable du capital : les centrales nucléaires, les réfugiés indochinois, le Skylab, les horribles massacres au Nicaragua, le spectacle "instructif" de la "révolution islamique" en Iran...Tout cela a mis en évidence l'irrémédiable décadence du système, l'effondrement dans des bains de sang de sa civilisation. Et face à cela, les cache-sexe que la bourgeoisie a utilisé pendant des années pour cacher sa barbarie et les utiliser politiquement contre le prolétariat, éclatent irréversiblement en mille morceaux : le "socialisme dans un seul pays", la "libération nationale", la "démocratie", les "droits de l'homme"... Dans cette atmosphère pourrie qui étouffe et empoisonne toute l'humanité, face à tous les déshérités de la terre, des paysans pauvres, des marginalisés, le prolétariat tend à s'affirmer comme la seule force révolutionnaire, comme la seule alternative de libération contre la barbarie du capital:
- parce que ses "modestes" et "humbles" luttes revendicatives, si méprisées par tous, y compris par beaucoup de groupes révolutionnaires, démontrent qu'il est possible de faire reculer le capital, qu'il est possible de riposter coup-pour-coup aux attaques du capital, et minent de façon définitive les lois aveugles du capital.
- parce que, avec ses luttes pratiques, avec ses formidables exemples de solidarité et de violence de classe, le prolétariat apparaît, dans les faits, comme la seule réponse à la répression, les guerres et tous les phénomènes concentrés dans la barbarie capitaliste qui affectent toute l'humanité.
CONCLUSION
Toutes les forces idéologiques et politiques de la bourgeoisie (mass-média, partis de gauche et de droite, syndicats...) nous matraquent le cerveau avec l'image du prolétariat comme une masse de citoyens amorphes et définitivement passifs. Mais la force de la crise, l'effort de conscience réveillée de nouveau à partir des luttes des années 60, la position même de notre classe au centre de toute la société, le poids de deux siècles de luttes prolétariennes héroïques, tout cela pousse les prolétaires à réagir contre ce tissu de passivité et d'impuissance et à ouvrir clairement la brèche vers la révolution mondiale.
Le chemin va être plus difficile que jamais; on va trouver des moments amers d'hésitation et de défaite momentanée, mais il faut le: parcourir, parce que c'est une question de vie ou de mort, parce que c'est la seule voie pour sortir du cauchemar capitaliste.
COMMUNISME OU BARBARIE ! PROLETAIRES, VOUS AVEZ L A PAROLE !
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