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Révolution Internationale n° 326 - Septembre 2002

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Moyen-Orient, Irak... Le capitalisme s'enfonce dans la barbarie guerrière

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Un an après, quel bilan peut-on tirer de la "guerre contre le terrorisme" déclarée au monde entier, et en particulier aux nations désignées comme "l'axe du Mal" par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre ?

Il est clair que le renversement du régime des talibans et la guerre contre Al Qaida en Afghanistan n'ont rien réglé : la large coalition internationale anti-terroriste mise en place sous le contrôle étroit de la Maison Blanche n'est plus de mise.
Mais surtout on a assisté depuis un an à une montée des tensions guerrières notamment à travers une forte aggravation de la situation au Moyen-Orient et à la montée de la pression pour une nouvelle intervention guerrière en Irak afin de renverser le régime de Saddam Hussein, en dehors même de la réactivation des risques de conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan (voir RI n° 325). En contrepartie, les Etats-Unis se sont installés en maître au coeur de l'Asie Centrale, en Afghanistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan, ont pris position en Géorgie (qui, en réaction directe à cette avancée américaine, fait aujourd'hui l'objet de fortes pressions russes) tout en poursuivant des objectifs stratégiques beaucoup plus vastes et globaux.

Le but est d'assurer leur contrôle non seulement sur cette région, ancienne possession de la Russie, mais sur le Moyen-Orient et le sous-continent indien. En plaçant la Corée du Nord dans les pays de "l'axe du Mal", il est clair que les Etats-Unis lancent également un défi à la Chine et au Japon. Ce qui leur permet de développer leur stratégie d'encerclement des puissances européennes occidentales et notamment de bloquer l'avancée impérialiste de l'Allemagne, son plus dangereux rival impérialiste, vers les territoires slaves et orientaux.

Cependant, malgré cette offensive, la tendance irrémédiable au déclin et à l'affaiblissement du leadership américain sur le monde se fait jour.Dès janvier 1991, la guerre du Golfe montrait que "face à la tendance au chaos généralisé propre à la phase de décomposition du capitalisme, et à laquelle l'effondrement du bloc de l'Est avait donné un coup d'accélérateur considérable, il n'y a pas d'autre issue pour le capitalisme, dans sa tentative de maintenir en place les différentes parties d'un corps qui tend à se disloquer, que l'imposition d'un corset de fer que constitue la force des armes. En ce sens, les moyens même qu'il utilise pour tenter de contenir un chaos de plus en plus sanglant sont un facteur d'aggravation considérable de la barbarie guerrière dans laquelle est plongé le capitalisme" ("Militarisme et décomposition", Revue Internationale n°64, 1er trimestre 1991).
L'actualité n'a fait que confirmer la croissance de cette barbarie permanente dans un monde capitaliste dominé par le 'chacun pour soi' dans la concurrence généralisée que se livrent les puissances impérialistes, grandes ou petites.
C'est le seul moyen décisif pour les Etats-Unis d'imposer leur autorité. S'ils renoncent à la mise en oeuvre ou à l'étalage de leur supériorité militaire, cela ne peut qu'encourager les nations qui contestent leur autorité à aller encore plus loin dans cette contestation. Mais en même temps, lorsqu'ils font usage de leur force brute, même si ce moyen aboutit momentanément à contraindre et forcer les autres puissances à ravaler leurs velléités, cela ne peut ensuite que pousser davantage ces dernières à prendre leur revanche à la première occasion et à tenter de se dégager de cet étau américain. La première conséquence de cette situation est que cela conduit la bourgeoisie américaine à agir de plus en plus seule.

La fuite en avant de l'impérialisme américain

Si la guerre du Golfe a été conduite " légalement " dans le cadre des résolutions de l'ONU, la guerre du Kosovo a été faite " illégalement " dans le cadre de l'OTAN et la campagne militaire en Afghanistan a été menée sous la bannière de "l'action unilatérale" des Américains. Cette politique ne fait évidemment que renforcer le sentiment d'hostilité des autres Etats envers l'Oncle Sam. C'est cette contradiction qui se reflète dans les débats et les "désaccords" qui ont surgi au sein de la bourgeoisie américaine.
Certes, au début de la Seconde Guerre mondiale, étaient déjà apparues des divergences au sein de la bourgeoisie américaine sur la nécessité ou non de l'entrée en guerre des Etats-Unis entre "isolationnistes" et "interventionnistes"; le camp républicain était globalement sur des positions "isolationnistes" tandis que les "interventionnistes" se recrutaient essentiellement au sein du parti démocrate. En 1941, le désastre de Pearl Harbor délibérément provoqué par Roosevelt (voir "Le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue Internationale n° 108, 1er trimestre 2002) avait alors permis aux " interventionnistes " de l'emporter. Aujourd'hui, cet ancien clivage a disparu. Mais les contradictions de la politique américaine suscitent un nouveau différend interne qui ne recoupe plus vraiment celui des partis traditionnels. Dans la bourgeoisie américaine, il n'existe bien entendu aucun désaccord sur le fait que les Etats-Unis doivent être capables de préserver leur suprématie impérialiste mondiale, et d'abord sur le terrain militaire. La différence d'appréciation porte sur le fait suivant : les Etats-Unis doivent-ils accepter la dynamique qui les pousse à agir seuls ou doivent-ils essayer de garder autour d'eux et ménager un certain nombre d'alliés, même si cette alliance n'a aujourd'hui aucune stabilité ? Ces deux positions apparaissent clairement au sujet des deux principaux foyers de préoccupation : le conflit israélo-palestinien et le projet d'intervention militaire en Irak. Ainsi, les oscillations de la politique américaine au Moyen-Orient concernant aussi bien le soutien total à Sharon que l'intention parallèle de se débarrasser d'Arafat ou les discours sur la création inéluctable d'un Etat palestinien témoignent de ces contradictions. Sur la lancée du 11 septembre, les Etats-Unis ont poursuivi une politique de soutien quasi-inconditionnel à Israël mais il est clair que la fuite en avant de Sharon et des fractions encore plus radicales de la bourgeoisie israélienne dans la politique de la canonnière, entraînant le conflit dans une absurde spirale sans fin de violence aveugle, contribue à un isolement suicidaire d'Israël et indirectement des Etats-Unis. Les difficultés économiques d'Israël conditionnant le mécontentement croissant face à d'énormes sacrifices de la population dans le gouffre de l'économie de guerre, poussent à la fissure de la politique d'union nationale en Israël même comme le montre la démission de son mandat de député de l'ancien ministre travailliste de Ehoud Barak, Shlomo Ben Ami. De surcroît, même si beaucoup d'Etats arabes ne sont pas des inconditionnels d'Arafat, la politique américaine de soutien ouvert à Sharon les irrite. Cela pourrait rapprocher de larges secteurs de la bourgeoisie arabe (Egypte, Arabie Saoudite, Syrie, notamment) des puissances de l'Union européenne. Ces dernières en déclarant ouvertement leur hostilité à l'élimination d'Arafat, bien qu'elles aient prouvé leur impuissance à jouer un rôle de "faiseur de paix", viennent jouer les trouble-fête et tentent de retirer les marrons du feu dans leurs menées diplomatiques.
La pomme de discorde qui donne lieu aux tergiversations américaines encore plus médiatisées autour de l'opération militaire projetée en Irak pour renverser Saddam Hussein ne porte que sur l'échéance et la manière d'agir. Le secrétaire d'Etat à la Défense Donald Rumsfeld, le vice-président Dick Cheney et la conseillère d'Etat Condoleeza Rice défendent l'idée qu'il faut intervenir seuls et le plus vite possible, tandis que d'autres éminents membres du "staff" républicain tels que Colin Powell, James Baker et Henry Kissinger (appuyés par certains milieux d'affaires qui s'inquiètent du coût de l'opération si les Etats-Unis devaient en porter seuls la charge dans la "conjoncture de crise économique actuelle") sont beaucoup plus réticents ou nuancés, préférant poursuivre encore l'usage alternatif de la carotte et du bâton. Le clivage n'est plus entre démocrates et républicains mais à l'intérieur de chaque camp. Quel est l'intérêt de cette entreprise guerrière ? Par cette nouvelle démonstration de force, les Etats-Unis entendent renforcer efficacement leur crédibilité et leur autorité dans la région comme sur la planète, à commencer sur le plan idéologique. Alors que pendant la guerre du Golfe, l'axe essentiel de la propagande avait été de chasser du pouvoir "le boucher de Bagdad", le fait que la Maison Blanche ait dû s'accommoder de le laisser en place pouvait être considéré comme un échec relatif. Mais aujourd'hui, contrairement à 1991, les Etats-Unis peuvent assumer le renversement de Saddam Hussein dont ils n'ont plus besoin en tant que gendarme local, étant donné la volonté américaine d'imposer leur présence directe sur le terrain. Et surtout, malgré les difficultés de sa mise en oeuvre, un mérite essentiel de l'opération contre l'Irak est de dissocier le front européen, c'est un excellent moyen de diviser les puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne d'un côté, la France et surtout l'Allemagne de l'autre. La Grande-Bretagne reste le principal soutien d'une guerre contre l'Irak, même si Londres a pris ses distances avec Washington. Ce n'est pas par solidarité envers les Etats-Unis que la bourgeoisie britannique réagit ainsi mais la Grande-Bretagne a toujours misé résolument sur le renversement de Saddam Hussein et sur un changement d'équipe au pouvoir en Irak pour réaffirmer ses prétentions vis-à-vis de cette ancienne colonie anglaise en dédommagement de sa contribution militaire. A l'inverse, la France a toujours affirmé son hostilité envers une nouvelle intervention militaire sur le sol irakien et a cherché à maintenir des liens avec Saddam Hussein (comme avec le Liban et la Syrie), même depuis la guerre du Golfe. Ainsi, elle a toujours réclamé au sein de l'ONU la fin de l'embargo contre l'Irak. Quant à l'Allemagne, elle a également toujours cherché à s'affirmer au Moyen-Orient à travers un axe terrestre Berlin-Bagdad via la Turquie.

Vers une aggravation du chaos et de la barbarie guerrière

Les "faucons" partisans de la manière forte et d'une intervention rapide des Etats-Unis contre l'Irak semblent l'avoir emporté, même si Bush déclare que l'action n'est pas imminente[1] [1]. Déjà, d'incessantes frappes aériennes anglo-américaines sont déclenchées quotidiennement pour servir de répétition générale à l'opération guerrière au nord comme au sud de l'Irak, sous divers prétextes (par exemple, le 27 août, la détection de radars dans une zone démilitarisée a servi à prendre pour cible l'aéroport de Mossoul). Pour cela, la Maison Blanche s'est assurée les bases stratégiques d'une intervention (près de 50 000 soldats américains sont stationnés au Koweït). Elle peut désormais compter sur les appuis des uns pour combler les défections des autres par rapport à la guerre du Golfe de 1991. Ainsi, la Turquie a d'ores et déjà accepté de servir de base arrière aux escadres américaines, moyennant des aides financières conséquentes. Les Emirats, le Koweït, Oman, Bahreïn et surtout le Qatar devraient servir de bases stratégiques régionales[2] [2]. La Jordanie prêterait son territoire pour neutraliser la frontière occidentale de l'Irak, toute proche d'Israël. Néanmoins, l'entreprise s'annonce encore plus périlleuse que les menées guerrières en Afghanistan, car les Etats-Unis ne peuvent plus dans le cas présent laisser faire le sale travail sur place par quelqu'un d'autre (comme avec l'Alliance du Nord afghane) et le syndrome du Vietnam risque de resurgir alors qu'ils ont pu se retirer de l'opération militaire en Afghanistan avec "zéro mort". De même, la mise en place d'une large opposition démocratique sur le terrain pour " l'après-Saddam Hussein " est loin d'être une évidence. Le fiasco de l'opération commando à l'ambassade d'Irak à Berlin en témoigne[3] [3]. Une autre difficulté est la multiplicité bien plus grande qu'en Afghanistan d'influences contraires, y compris sur le plan régional. Les minorités kurdes et chiites ne sont pas fiables, du point de vue américain, les unes étant influençables aux pressions de plusieurs puissances européennes, les autres étant inféodées à l'Iran et à la solde des intérêts de cet Etat ; s'y ajoutent les réticences probables a posteriori de la Turquie étant donné d'une part sa sensibilité sur la question kurde où Saddam Hussein assure encore la police aux frontières et surtout l'attirance de la Turquie envers l'Union Européenne qui multiplie les pressions sur elle. L'autre risque est que la bourgeoisie américaine va ternir définitivement son image de "faiseuse de paix" au Moyen-Orient vis-à-vis de l'ensemble des Etats arabes et affaiblit par là à terme ses positions acquises dans la région.
L'évolution de la situation s'inscrit ainsi pleinement dans la poursuite de la même politique guerrière que lors de la guerre du Golfe, puis dans l'ex-Yougoslavie, et en Afghanistan, mais à un niveau supérieur d'aléas et de risque de chaos. La politique du gendarme de l'ordre mondial est un facteur actif d'un chaos guerrier grandissant, d'un enfoncement dans la barbarie et a des conséquences de plus en plus incontrôlables. Elle fait courir des risques de plus en plus déstabilisateurs, en particulier sur tout le continent asiatique du Proche-Orient à l'Asie Centrale, du sous-continent indien jusqu'au Sud-Est asiatique, révélateurs du danger mortel que font courir à l'humanité entière les affrontements guerriers des puissances impérialistes dans la période de décomposition du capitalisme.

Wim (28 août)

[1] [4] Les problèmes soulevés par cette intervention au sein de la bourgeoisie américaine sont cependant tels qu'aucune certitude n'est possible. Ce qui est certain, c'est que, comme le martèlent plusieurs membres du gouvernement, notamment Dick Cheney : "Plus nous tardons à intervenir, plus ce sera difficile de le faire". Mais, de toutes façons, que l'intervention américaine puisse se réaliser ou pas, la barbarie guerrière et le chaos ne peuvent que se déchaîner de plus en plus.

[2] [5] Les réticences de l'Arabie Saoudite notamment qui ne voit pas d'un bon oeil une participation des chiites à un futur gouvernement "démocratique" irakien ont été prises en compte et la plate-forme d'Al-Kharg qui a été si largement utilisée par les forces américaines pendant la guerre du Golfe et la guerre en Afghanistan notamment, a commencé à être démontée pour être transférée sur une nouvelle base en construction à Al-Udeid, sur la côte orientale qatarie, au sud de Doha, qui est appelée à jouer le même rôle stratégique qu'Al Kharg pour les Etats-Unis.

[3] [6] Par ailleurs, cet épisode en dit long, sur l'opposition de l'Allemagne de Schröder aux visées américaines à travers la rapidité avec laquelle la bourgeoisie allemande a mis fin à la prise d'otages, et sur l'efficacité de sa coopération avec le gouvernement irakien (même s'il existe des désaccords sur ce sujet qui ont été au coeur de la campagne électorale allemande avec les critiques du candidat CDU Stoiber lors du débat télévisé face à Schröder).

Récent et en cours: 

  • Guerre en Irak [7]

Défense de l'organisation - "Fraction interne" du CCI : un groupe parasitaire qui sert admirablement la bourgeoisie

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Nous avons déjà traité dans notre presse de la soi-disant "Fraction interne du CCI" (FICCI). Il s'agit d'un groupe parasitaire qui s'est constitué au sein de notre organisation avec comme vocation, sous couvert de grandes phrases sur sa volonté de "redresser et de sauver le CCI", de saboter son travail et de tenter de le détruire.

La conférence extraordinaire internationale du CCI qui s'est tenue fin mars 2002 a constaté que les éléments parisiens constituant cette soi-disant "fraction" (qui a également des ramifications au Mexique) s'étaient eux-mêmes et délibérément placés en dehors de notre organisation par :

  • leurs violations répétées de nos statuts (notamment le refus de payer l'intégralité de leurs cotisations) et leur refus de s'engager à les respecter dans l'avenir ;
  • leur refus de venir présenter leur défense devant la conférence extraordinaire ;
  • le vol d'argent et de matériel du CCI (fichiers d'adresses et documents internes).

Dès janvier 2002, alors que ses membres appartenaient formellement à notre organisation, la FICCI a commencé à déverser systématiquement à l'extérieur de celle-ci les calomnies qu'elle avait colportées auparavant en son sein. Aujourd'hui, c'est sur un site Internet (membres.lycos.fr/bulletincommuniste) ainsi que dans des documents qu'elle envoie aux abonnés de notre presse dont les adresses ont été volées par un des membres de la FICCI, que celle-ci poursuit son entreprise de calomnies contre le CCI et de tentative de destruction du milieu politique prolétarien.
Nous n'allons pas revenir dans ce court article sur la totalité des mensonges et des calomnies que la FICCI déverse à l'encontre de notre organisation et de ses militants. Nous nous sommes déjà largement exprimés dessus et nous y reviendrons ultérieurement si nécessaire. Nous voulons simplement prendre rapidement position sur un "communiqué" dont la FICCI demande la publication "dans tous les organes de presse du milieu politique prolétarien, y compris dans les publications et sur le site du CCI comme droit de réponse".
Le "communiqué" affirme : "Suite aux articles parus dans la presse du CCI, nous démentons toutes les accusations portées par le CCI contre notre fraction et ses membres". En fait, ce "démenti" n'est lui-même qu'un tissu de mensonges. Quelques exemples.

  • 1) Concernant Jonas, exclu du CCI au début 2002 pour "comportements absolument indignes d'un militant communiste" : "Toutes les accusations que porte aujourd'hui la direction actuelle du CCI contre son honnêteté et sa loyauté à la cause communiste ne sont qu'infamies."

Dans notre communiqué publié dans RI n°321(ici [8]), nous écrivions qu'un des comportements motivant l'exclusion de Jonas consistait "à faire circuler, y compris à l'extérieur du CCI, toute une série d'accusations extrêmement graves contre un certain nombre de ses militants, alors qu'en même temps il s'est toujours refusé à rencontrer (et même à reconnaître) la commission (…) chargée d'examiner ce type d'accusations". Et le communiqué précisait : "Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police..."
Il faut noter qu'aucun membre de la FICCI n'a jamais démenti les faits qui sont rapportés ici. D'ailleurs, dans les réunions publiques du CCI où nous avions invité les membres de la FICCI à venir présenter leur position (à Paris le 4 mai 2002 et à Mexico le 3 août 2002), ces derniers ont soigneusement refusé de se prononcer sur la véracité de ces faits comme le leur demandaient le présidium et des participants ou bien ils s'en sont sortis par un mensonge. A Paris, ils ont courageusement quitté la salle en bloc (en motivant "des obligations familiales" !) après qu'un sympathisant ait insisté pour qu'ils se prononcent et à Mexico un membre de la FICCI a affirmé que Jonas avait effectivement porté ce type d'accusations mais devant "l'organe approprié".

Mais peut être la FICCI considère-t-elle que le fait pour un militant d'une organisation communiste d'accuser un autre militant d'être un "flic" (suivant l'expression de Jonas), et cela dans les couloirs et non devant les organes responsables de ce type de questions constitue un comportement tout à fait correct ? Il faudrait que la FICCI se prononce là-dessus et notamment qu'elle dise ce qu'elle pense aujourd'hui des affirmations suivant lesquelles : "... depuis le début du mouvement ouvrier, ses organisations politiques ont toujours fait la preuve de la plus grande sévérité (consistant bien souvent dans l'exclusion) contre les auteurs, même de bonne foi, d'accusations calomnieuses contre leurs militants..."
"... tout soupçon, même fondé, sur un membre de l'organisation doit être communiqué exclusivement à une instance formelle chargée de ce genre de problème (organe central ou commission spécialisée) et certainement pas faire l'objet de discussions ou de spéculations dans l'ensemble de l'organisation. Tout comportement visant soit à titre individuel, soit à titre "collectif" mais en dehors des structures formelles de l'organisation à "faire sa propre enquête" sur une question de ce genre constitue une faute organisationnelle de la plus grande gravité et s'apparente à un travail de provocation policière (même s'il est inspiré par des intentions sincères). Elle doit donc être sanctionnée comme telle."
Ces passages sont extraits d'une résolution adoptée en janvier 2002 par une réunion plénière de l'organe central du CCI avec le plein soutien des deux membres de la FICCI qui y participaient. Notons à ce propos que le passage de notre communiqué sur Jonas affirmant qu'il "a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur" s'inspirait directement de cette résolution.

  • 2) Concernant le paiement des cotisations et le vol de matériel de l'organisation :"Nous n'avons jamais refusé de payer nos cotisations et, encore moins, n'avons volé de l'argent au CCI, comme celui-ci le laisse entendre constamment... Ainsi durant les derniers mois de notre présence au sein du CCI, nous avons mis à la disposition de l'organisation une partie de nos cotisations militantes et conservé le reste pour le fonctionnement de notre fraction comme c'est de tradition dans le mouvement révolutionnaire."

Nous n'avons jamais écrit que les membres de la FICCI avaient "refusé de payer leurs cotisations" mais nous avons signalé ce qu'eux mêmes reconnaissent dans ce communiqué : ils ont refusé de payer l'intégralité de leurs cotisations. C'est une méthode aussi vieille que la malhonnêteté que d'attribuer frauduleusement aux autres des mensonges afin de mieux pouvoir les "dénoncer". Par ailleurs, sous la plume des membres de la FICCI, la "tradition dans le mouvement révolutionnaire" a bon dos pour justifier n'importe quel manquement aux règles de fonctionnement de l'organisation. C'est ainsi que les statuts du CCI précisent que : "Le fait pour des membres de l'organisation de défendre des positions minoritaires ne saurait les dégager d'aucune de leurs responsabilités en tant que militants de celle-ci." Ce qui vaut également pour le paiement de l'intégralité de la cotisation qui constitue une des responsabilités majeures de chaque militant. Il faut noter que les statuts du CCI ont été adoptés par la totalité des membres parisiens de la FICCI et que les membres mexicains de celle-ci ont affirmé vouloir les respecter lorsqu'ils ont rejoint notre organisation, comme le fait d'ailleurs tout militant qui intègre nos rangs.
Concernant l'affirmation que les membres de la FICCI n'ont jamais volé de l'argent du CCI, c'est un mensonge énorme. Oui ou non ont-ils refusé de rembourser le coût des billets d'avion qui ont permis à deux membres mexicains de la FICCI de venir en France, non pas pour participer à la conférence extraordinaire du CCI de mars 2002 comme ils en avaient reçu le mandat de leur section et comme ils s'étaient engagés à le faire, mais pour participer à une réunion de la FICCI ? Comme nous l'avons déjà écrit, il semblerait que la FICCI fasse sienne cette affirmation de Goebbels, responsable de la propagande nazie : "Un mensonge énorme porte avec lui une force qui éloigne le doute".

Avant de conclure, nous voudrions évoquer les soutiens que reçoit aujourd'hui la FICCI.

Le "Communiqué" a été publié avec "son soutien et sa compréhension" par une petite feuille gratuite intitulée Le prolétariat universel (PU). Pierre Hempel, responsable de publication et unique rédacteur de cette feuille ajoute : "... le CCI a fonctionné pendant 20 ans avec une pleine liberté de critique interne... c'était à une époque il est vrai où était encore vivant un représentant de la vieille tradition révolutionnaire ni sectaire ni intolérante (Marc Chiric). Cet esprit... s'est enfui du CCI. C'est pourquoi je me suis moi-même enfui de cette secte en 1996." En juillet 1984, notre camarade MC avait rédigé un article (RI n°123) à propos de la publication par un ancien membre du CCI, RC, d'une petite revue intitulée Jalons comparable au PU à la différence qu'elle n'était pas gratuite et ne remplissait pas ses colonnes d'attaques contre le CCI ni de commérages dignes d'un concierge. A son propos, MC écrivait : "Cette histoire présente un intérêt qui dépasse largement la personne de ce camarade. Elle touche le fond de ce qui sépare le marxisme de l'anarchisme. Le marxisme est la théorie d'une classe au travail associé, la classe ouvrière, qui tend vers l'unité, vers une activité collective, vers le rétablissement de la communauté humaine. L'anarchisme, sous toutes ses formes, est l'idéologie de la petite bourgeoisie, de l'artisanat, du travail individuel, et qui aspire à l'individualisme débridé, à l'Unique de Stirner...
Le camarade RC se voudrait être en théorie marxiste, mais n'arrive pas à se décrotter de l'anarchisme individualiste dans la pratique qui lui colle à la peau, et qui, comme un autre anarchiste, prétendait faire la grève générale à lui tout seul." Cette appréciation correspond assez bien également à Hempel. D'ailleurs, MC avait critiqué sévèrement dans des contributions de nos bulletins internes l'individualisme tant de RC que de Hempel. Ce n'est pas non plus un hasard si RC et Hempel ont fait un bout de chemin ensemble après la "fuite" de ce dernier du CCI, avant, très logiquement comme il sied à des individualistes indécrottables, que de se séparer. Incapable de supporter la discipline d'une organisation prolétarienne, frustré qu'on ne reconnaisse pas ses talents littéraires à la hauteur de l'idée qu'il s'en faisait, mécontent qu'on critique ses comportements (les critiques que MC avait portées ou qu'il avait soutenues, il ne les a plus supportées après la disparition de celui-ci), Hempel n'a rien trouvé de mieux que d'aller planter ses choux tout seul, reprenant contre le CCI, pour justifier sa "fuite", une vieille accusation du milieu parasitaire que la FICCI fait sienne aujourd'hui : notre organisation serait une "secte". C'est-à-dire l'accusation classique de la propagande bourgeoise contre les organisations qui luttent pour la révolution communiste, une propagande à laquelle le parasitisme apporte sa contribution.
Contrairement à ce que dit Hempel, et que reprend aujourd'hui la FICCI, il n'y a pas eu de changement dans le CCI quant à la "liberté de critique interne"[1] [9]. Hempel pouvait tout à fait exprimer son point de vue et ses désaccords, ce dont les membres qui ont constitué la FICCI étaient d'ailleurs convaincus. En revanche Hempel comme la FICCI étaient tenus, quels que soient leurs désaccords, de respecter les statuts du CCI[2] [10].

En soi, le type de soutiens que rencontre la FICCI dans ses campagnes en dit long sur le rôle qu'elle joue maintenant, non pas au service du prolétariat, mais en faisant le jeu de la classe dominante.

CCI

 


[1] [11] Nous tenons à affirmer que nous ne nous estimons nullement dans l'obligation de publier un document de la FICCI "comme droit de réponse". Notre presse, si elle est ouverte à l'expression des désaccords ou critiques formulées par des lecteurs ou d'autres groupes du milieu politique prolétarien n'a pas vocation à véhiculer les calomnies d'un groupe parasitaire visant, non le "redressement" comme il l'affirme, mais la destruction de notre organisation. Il ne s'agit donc aucunement là de "censure" de notre part contre les positions d'un groupe de la Gauche communiste comme se plaît à nous en accuser la FICCI. Et cela d'autant moins que, grâce en bonne partie au matériel que ses membres ont dérobé au CCI, celle-ci dispose des moyens de faire connaître largement ses affirmations.

[2] [12] Voir à ce sujet notre article "Les fractions face à la question de la discipline organisationnelle" dans la Revue Internationale n°110.

 

Vie du CCI: 

  • Défense de l'organisation [13]

Courants politiques: 

  • FICCI - GIGC/IGCL [14]

Congrès de La Haye en 1872 - Le premier combat du marxisme contre le parasitisme

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Il y a cent trente ans, en septembre 1872, se tenait à La Hayes le cinquième Congrès de l'AIT, l'Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale). Il s'agit certainement de l'un des épisodes de l'histoire de la classe ouvrière parmi les plus calomniés. Connu pour la décision qu'il prit d'exclure de l'AIT Bakounine, James Guillaume et la Fédération Jurassienne, ce Congrès est pour les uns, sans intérêt, s'étant occupé exclusivement de "dissensions internes". Pour d'autres (tels les anarchistes, mais aussi les historiens bourgeois), il s'agissait d'une "guerre des chefs" où Marx aurait utilisé des mesures administratives pour régler des désaccords sur des questions théoriques (comme celle de l'Etat). Rien n'est plus faux.

Ce Congrès au contraire est l'un des plus importants de l'histoire du mouvement ouvrier. Il constitue le point culminant d'une longue bataille au sein de l'AIT pour la construction d'une organisation conforme à la nature de classe et aux besoins historiques du prolétariat. Il lègue aux générations suivantes de révolutionnaires des leçons qui restent fondamentales aujourd'hui :

  • les questions organisationnelles sont des questions politiques à part entière et représentent un plan où la lutte de classe s'exerce également ;
  • étant donné qu'elles affectent directement la survie de l'organisation, elles priment sur toutes les autres questions. C'est pourquoi le Congrès de La Haye ne s'est presque pas penché sur les principaux événements d'alors, la guerre franco-allemande et la Commune de Paris ;
  • les comportements politiques ne s'expliquent pas par la psychologie des individus mais possèdent un contenu de classe ;
  • les statuts de l'organisation sont intégrés à sa plate-forme et constituent son programme en matière d'organisation : à ce titre ils doivent être défendus contre toute influence idéologique étrangère au prolétariat.

Les premiers principes organisationnels prolétariens

La fondation de l'AIT en 1864 à Londres marque une nouvelle étape dans l'affirmation du mouvement ouvrier. Tirant les leçons de la période précédente, les nouveaux éléments prolétariens se séparent de la bourgeoisie en affirmant la nécessité de l'autonomie de la classe ouvrière par rapport aux autres classes de la société non seulement politiquement en adoptant un programme propre mais aussi organisationnellement en reprenant et en développant les principes prolétariens déjà présents dans certaines organisations précédentes. Ils définissent l'organisation comme un organisme conscient, collectif, uni et centralisé ; la phase antérieure des sectes politiques concevant leur activité sur la séparation entre la base inconsciente de la vie politique réelle de l'organisation et la direction des conspirateurs professionnels était désormais dépassée. D'emblée, la nouvelle organisation se dota d'une structure de centralisation qui prendra en 1866 le nom de Conseil Général.

Le sabotage de Bakounine

Jusqu'à la Commune de Paris de 1871, l'AIT a regroupé un nombre croissant d'ouvriers et a constitué un facteur de premier plan de développement des deux armes essentielles du prolétariat, son organisation et sa conscience. C'est à ce titre qu'elle fera l'objet d'attaques de plus en plus acharnées de la part de la bourgeoisie : calomnies dans la presse, infiltration de mouchards, persécution contre ses membres, etc. Mais ce qui a fait courir le plus grand danger à l'AIT, ce sont des attaques qui sont venues de ses propres membres et qui ont porté contre le mode d'organisation de l'Internationale elle-même.
Déjà au moment de la fondation de l'AIT, les statuts provisoires qu'elle s'est donnée sont traduits par les sections parisiennes, fortement influencées par les conceptions fédéralistes de Proudhon, dans un sens qui atténue considérablement le caractère centralisé de l'Internationale. Mais les attaques les plus dangereuses viendront plus tard avec l'entrée dans les rangs de l'AIT de "l'Alliance de la démocratie socialiste ", fondée par Bakounine, et qui allait trouver un terrain fertile dans les secteurs importants de l'Internationale du fait des faiblesses qui pesaient encore sur elle et qui résultaient de l'immaturité politique du prolétariat à cette époque, un prolétariat qui ne s'était pas encore totalement dégagé des vestiges de l'étape précédente de son développement, et notamment des mouvements sectaires.
Cette faiblesse était particulièrement accentuée dans les secteurs les plus arriérés du prolétariat européen, là où il venait à peine de sortir de l'artisanat et de la paysannerie, notamment dans les pays latins. Ce sont ces faiblesses que Bakounine, qui n'est entré dans l'Internationale qu'en 1868, a mises à profit pour essayer de la soumettre à ses conceptions "anarchistes" et pour en prendre le contrôle. L'instrument de cette opération était "l'Alliance de la démocratie socialiste", qu'il avait fondée comme minorité de la "Ligue de la Paix et de la Liberté". Cette dernière était une organisation de républicains bourgeois, fondée à l'initiative notamment de Garibaldi et de Victor Hugo, et dont un des principaux objectifs était de faire concurrence à l'AIT auprès des ouvriers. Bakounine faisait partie de la direction de la "Ligue" à laquelle il prétendait donner une "impulsion révolutionnaire" et qu'il a incitée à proposer une fusion avec l'AIT, laquelle l'a refusée à son congrès de Bruxelles en 1868. C'est après l'échec de la "Ligue de la Paix et de la Liberté" que Bakounine s'est décidé à entrer dans l'AIT, non pas comme simple militant, mais pour en prendre la direction.

  • "Pour se faire reconnaître comme chef de l'Internationale, il lui fallait se présenter comme chef d'une autre armée dont le dévouement absolu envers sa personne lui devait être assuré par une organisation secrète. Après avoir ouvertement implanté sa société dans l'Internationale, il comptait en étendre les ramifications dans toutes les sections et en accaparer par ce moyen la direction absolue. Dans ce but, il fonda à Genève l'Alliance (publique) de la démocratie socialiste. (…) Mais cette Alliance publique en cachait une autre qui, à son tour était dirigée par l'Alliance encore plus secrète des Frères Internationaux, les Cent Gardes du dictateur Bakounine."[1] [15]

L'Alliance était donc une société à la fois publique et secrète et qui se proposait en réalité de former une Internationale dans l'Internationale. Sa structure secrète et la concertation qu'elle permettait entre ses membres devait lui assurer le "noyautage" d'un maximum de sections de l'AIT, celles où les conceptions anarchistes avaient le plus d'écho. En soi l'existence de plusieurs courants de pensée n'était pas un problème. En revanche les agissements de l'Alliance, qui visait à se substituer à la structure officielle de l'Internationale, ont constitué un grave facteur de désorganisation de celle-ci et lui ont fait courir un danger de mort. L'Alliance avait tenté de prendre le contrôle de l'Internationale lors du Congrès de Bâle, en septembre 1869 en essayant de faire adopter, contre la motion proposée par le Conseil Général, une motion en faveur de la suppression du droit d'héritage. C'est en vue de cet objectif que ses membres notamment Bakounine et James Guillaume, avaient appuyé chaleureusement une résolution administrative renforçant les pouvoirs du Conseil Général. Mais ayant échoué, l'Alliance, qui pour sa part s'était donnée des statuts secrets basés sur une centralisation extrême, a commencé à faire campagne contre la "dictature" du Conseil Général qu'elle voulait réduire au rôle "d'un bureau de correspondance et de statistiques" (suivant les termes des alliancistes), d'une "boîte aux lettres" (comme leur répondra Marx). Contre le principe de centralisation exprimant l'unité internationale du prolétariat, l'Alliance préconisait le "fédéralisme", la complète "autonomie des sections" et le caractère non obligatoire des décisions des congrès. En fait elle voulait pouvoir faire ce qu'elle voulait dans les sections dont elle avait pris le contrôle. C'était la porte ouverte à la désorganisation complète de l'AIT. C'est à ce danger que devait parer le Congrès de La Haye de 1872."[2] [16]

Un combat de toute l'organisation prolétarienne

Si ce combat de l'AIT est souvent évoqué comme celui de Marx et d'Engels, c'est avant tout parce que l'intransigeance de ces deux militants au sein du Conseil Général est exemplaire du combat mené par toute l'organisation collectivement. La détermination du seul Conseil Général dans la lutte contre Bakounine n'aurait pu aboutir si elle n'avait pas exprimé -tout en la stimulant- celle de l'organisation dans son ensemble. D'ailleurs, le caractère secret de l'Alliance s'explique en partie par le fait que ses fondateurs "savaient parfaitement que la grande masse des internationaux ne se soumettrait jamais sciemment à une organisation comme la leur, dés qu'ils en auraient connu l'existence."[3] [17]. Ainsi, lorsque face au Congrès de La Haye, l'Alliance tenta un ultime coup de force, à la Conférence de Rimini en août 1872, proposant un congrès opposé à celui de l'AIT, ce projet dut bientôt être retiré faute de réussir à entraîner des forces nombreuses dans cette aventure.
La Suisse, là où Bakounine avait ses bases les plus solides, est l'un des exemples qui montrent le combat actif de tous les militants. Lorsque Bakounine lança ses manœuvres pour la prise de contrôle de la section suisse en avril 1870, il se heurta à la résistance des sections ouvrières de Genève. L'usurpation par Bakounine du nom de l'organe central pour son groupe d'intrigants conduisit les militants suisses à l'exclure (déjà !), lui et ses acolytes les plus actifs, de la fédération romande.
D'autre part, après que le Conseil Général eut rendu publics dans l'organisation les agissements des membres de l'Alliance pour les dénoncer et les réduire à l'impuissance, le combat des ex-alliancistes, réaffirmant leur loyauté à l'AIT, a été décisif pour détacher un maximum de militants dupés par l'influence parasitaire de Bakounine et pour reconstruire, en Espagne, une fédération loyale à l'AIT.
Et pour sa part la section Ferré de Paris non représentée au Congrès de La Hayes adressa à ce dernier ce message de fermeté : "Citoyens, jamais congrès ne fut plus solennel et plus important que celui dont les séances vous réunissent à La Haye. Ce qui va en effet s'agiter, ce n'est pas telle ou telle insignifiante question de forme, tel ou tel banal article de règlement, c'est la vie même de l'Association. (…) des intrigants honteusement expulsés de notre sein, des Bakounine, des Malon, des Gaspard Blanc et des Richard essayent de fonder nous ne savons quelle ridicule fédération, qui, dans leurs projets ambitieux doit écraser l'Association. Eh bien citoyens, c'est ce germe de discorde grotesque par ses visées orgueilleuses mais dangereux par ses manœuvres audacieuses, c'est ce germe qu'il faut anéantir à tout prix. Sa vie est incompatible avec la nôtre et nous comptons sur votre impitoyable énergie pour remporter un décisif et éclatant succès."

Le Congrès de La Haye

Les manœuvres répétées des alliancistes expliquent que le Congrès ait dû prendre trois jours de ses travaux pour la vérification des mandats des délégués, c'est-à-dire vérifier que chaque section se trouve en conformité avec les obligations statutaires de l'AIT (particulièrement la première d'entre elles : le versement des cotisations à l'organisation) pour exercer ses droits de membre. Le Congrès dut menacer les délégués de plusieurs sections contrôlées par l'Alliance qui refusaient de payer leurs cotisations au Conseil Général d'invalider leur mandat afin qu'ils s'acquittent de la dette de leur section.
Ensuite, après avoir entériné les propositions de la Conférence de Londres tenue un an auparavant sur la nécessité pour la classe ouvrière de se doter d'un parti politique (ce qui exigeait une centralisation accrue et plus de pouvoirs pour le Conseil Général), le Congrès a débattu de la question de l'Alliance sur la base du rapport d'une Commission d'enquête qu'il avait nommée.
Certains membres de l'Alliance refusèrent de coopérer avec la Commission élue voire même de la reconnaître, en la traitant notamment de "Sainte Inquisition".

Ce que reprochait le Congrès à l'Alliance c'était, non pas la propagande en faveur de ses positions, mais le viol flagrant des statuts et des conditions de son admission dans l'AIT, tout comme l'hostilité affichée et la volonté manifeste de nuire à l'organisation. Dans l'attitude de l'Alliance, l'AIT identifia pour la première fois dans le mouvement ouvrier la menace du parasitisme politique. "Pour la première fois dans l'histoire des luttes de la classe ouvrière, nous rencontrons une conspiration secrète ourdie au sein même de cette classe et destinée à miner non le régime exploiteur existant mais l'Association même qui le combat le plus énergiquement." [4] [18]. La classe ouvrière se confrontait à des parasites qui prétendaient appartenir au camp du communisme et adhérer à son programme mais qui concentraient tous leurs efforts pour dénigrer l'organisation communiste et œuvrer à sa destruction en ne s'embarrassant d'aucun principe ni d'aucun scrupule. L'enjeu du Congrès était donc "de mettre fin une fois pour toutes aux luttes intestines provoquées toujours de nouveau au sein de notre Association par la présence de ce corps parasite. Ces luttes ne font que gaspiller des forces destinées à combattre le régime bourgeois actuel. L'Alliance en tant qu'elle paralyse l'action de l'Internationale contre les ennemis de la classe ouvrière, sert admirablement la bourgeoisie et les gouvernements." [5] [19]

Le Congrès condamna l'organisation secrète de l'Alliance conçue pour prendre la direction de l'organisation en séparant les militants en deux catégories dont l'une doit diriger l'autre à son insu ainsi que l'attitude de ses adeptes d'avoir systématiquement utilisé le mensonge et la dissimulation pour tromper l'AIT sur l'existence de l'organisation clandestine et sur le but même de leurs paroles et de leurs actions.
Aucune sanction ne fut retenue contre les délégués qui déclarèrent rompre avec l'Alliance.
La véritable bataille dans l'AIT a donc eu lieu entre :

  • d'une part, ceux qui préconisent l'unité du mouvement ouvrier et défendent que l'organisation prolétarienne ne peut pas dépendre des desiderata des individus qui la composent mais doit fonctionner selon des règles statutaires obligatoires, valables pour tous et acceptées par tous au moment de leur adhésion. Ces statuts doivent garantir le caractère unitaire, centralisé et collectif de l'organisation et un cadre permettant des débats politiques ouverts et disciplinés et impliquant tous les militants dans les décisions prises. Ce qui signifie que tous, majoritaires et minoritaires, doivent obligatoirement appliquer les décisions des Congrès ;
  • et d'autre part "ceux qui revendiquaient le droit de faire ce que bon leur semblait, chacun dans son coin, considérant les congrès comme de simples assemblées où l'on devait se contenter 'd'échanger des points de vue' mais sans prendre de décisions. Avec ce mode d'organisation informel, il revenait à l'Alliance d'assurer de façon secrète la véritable centralisation entre toutes les fédérations (…) La mise en œuvre des conceptions anti-autoritaires dans l'AIT constituait le meilleur moyen de la livrer aux intrigues et au pouvoir occulte et incontrôlé de l'Alliance."[6] [20].

L'action des marxistes a également consisté à dénoncer les mœurs politiques de l'Alliance qui "Pour arriver à ses fins […] ne recule devant aucun moyen, aucune déloyauté ; le mensonge, la calomnie, l'intimidation, le guet-apens lui siéent également. Enfin en Russie, [l'Alliance] se substitue entièrement à l'Internationale et commet, sous son nom, des crimes de droit commun, des escroqueries, un assassinat, dont la presse gouvernementale a rendu notre Association responsable."[7] [21] ; cette action a aussi consisté à en exposer le contenu de classe ("des déclassés sortis des couches supérieures de la société") et à rejeter la morale politique qui se trouve à leur base : la morale jésuitique selon laquelle "la fin sanctifie tous les moyens" inscrite dans les statuts secrets de l'Alliance qui, fascinée par la pègre, considère "le monde aventurier des brigands" comme "les véritables et uniques révolutionnaires" pour lui emprunter ses méthodes d'action.
Au contraire, non seulement le prolétariat doit développer ses propres armes, mais pour lui, il y a une interdépendance entre le but inhérent à sa nature, le communisme, et les moyens qu'il doit mettre en œuvre pour l'atteindre. A la suite de Marx, nous affirmons avec Trotsky que "ne sont admissibles et obligatoires que les moyens qui accroissent la cohésion du prolétariat (…), le pénètrent de la conscience de sa propre mission historique (…). Il découle de là précisément que tous les moyens ne sont point permis. (…) il en résulte pour nous que la grande fin révolutionnaire repousse, d'entre ses moyens, les procédés et les méthodes indignes qui dressent une partie de la classe ouvrière contre les autres ; (…) ou qui diminuent la confiance des masses en elles-mêmes et leur organisation en y substituant l'adoration des 'chefs'." [8] [22].

Ce Congrès, le plus important de l'AIT, fut en même temps "son chant du cygne du fait de l'écrasement de la Commune de Paris et la démoralisation que cette défaite avait provoquée dans le prolétariat. De cette réalité Marx et Engels étaient conscients. C'est pour cela qu'en plus des mesures visant à soustraire l'AIT de la mainmise de l'Alliance, ils ont proposé que le Conseil Général soit installé à New York, loin des conflits qui divisaient de plus en plus l'Internationale. C'était aussi un moyen de permettre à l'AIT de mourir de sa belle mort (entérinée par la Conférence de Philadelphie de juillet 1876) sans que son prestige ne soit récupéré par les intrigants bakouninistes." [9] [23]
Il nous enseigne que la construction de l'organisation prolétarienne est un combat permanent et n'est pas un processus paisible qui se mène à l'abri de l'influence destructrice des ennemis de la classe ouvrière, comme s'il se situait en dehors des rapports sociaux capitalistes que le prolétariat doit abolir. Une fois la défaite de la Commune surmontée par le prolétariat, les apports de l'AIT, son intransigeance dans la défense des principes prolétariens en matière d'organisation allaient former la base pour la fondation des partis révolutionnaires de la Seconde Internationale. Les leçons politiques que l'AIT a forgées doivent continuer à inspirer le combat des révolutionnaires d'aujourd'hui et seront fondamentales pour la construction du Parti de demain.

FR

[1] [24] "L'Alliance de la démocratie socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs", rapport rédigé par Marx, Engels, Lafargue et autres militants sur mandat du Congrès de La Haye.

[2] [25] Revue Internationale n°110

[3] [26] Rapport présenté au Congrès de La Haye par Engels

[4] [27] Rapport présenté au Congrès de La Haye par Engels

[5] [28] "Le Conseil Général à tous les membres de l'AIT" , 4-6 août 1872

[6] [29] Revue Internationale n°110

[7] [30] "L'Alliance de la démocratie socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs", rapport rédigé par Marx, Engels, Lafargue et autres militants sur mandat du Congrès de La Haye.

[8] [31] "Leur Morale et la nôtre"

[9] [32] Revue Internationale n°110

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