Au
moment où se termine l'année 88, tous les médias bourgeois se plaisent à
célébrer cette année comme marquée d'une pierre blanche : elle aurait été
"l'année du début du retour de la prospérité", "l'année de la
paix" et autres foutaises. Pour la classe ouvrière, pour qui 88 a signifié
la continuation de l'austérité, des licenciements, du chômage massif, il n'y a
pas de quoi se réjouir. Au contraire, alors que les sombres perspectives d'une
nouvelle accélération de la crise, longtemps écartées par la classe dominante
et étouffées dans les médias à la faveur des préparatifs électoraux aux USA,
refont surface, il est clair pour la classe ouvrière que les années qui
s'ouvrent vont être celles d'une nouvelle aggravation de ses conditions
d'existence, d'une nouvelle accélération des attaques anti-ouvrières dans tous
les pays.
Moins que jamais, dans la période qui s'ouvre, la
classe ouvrière ne pourra faire l'économie de la lutte. Au contraire, Il va lui
falloir poursuivre et développer, encore plus massivement et avec plus de
détermination, la bataille pour la défense de ses conditions de vie, contre ce
système porteur d'une misère toujours plus profonde et générale. C'est pourquoi
il lui faut par contre tirer le bilan de ce que 88 a apporté de son point de
vue de classe à elle, c'est-à-dire sur le plan du développement de ses combats
et du renforcement de ses armes de résistance à la misère capitaliste.
En premier lieu l'année 88 a vu la confirmation que la vague internationale de luttes ouvrières engagée depuis 83 ne cornait pas de répit. Qu'il s'agisse de mouvements d'ampleur ou d'escarmouches plus limitées qui ont fait moins parier d'elles, c'est à une multiplication de luttes qu'on a assisté et avec elles toute une acquisition d'expérience qui s'est poursuivie pour la classe ouvrière : Suffie, Pologne, Allemagne de l'Ouest, Brésil, Mexique, Grande-Bretagne, France, Yougoslavie, Belgique...
D'autre pari, l'année 88 a confirmé l'accélération de la confrontation entre les classes à travers le fait que les moments de pause dans la lutte de classe sont de plus en plus courts et cela, non seulement au niveau international, mais au sein de chaque pays. A Peine un mouvement est retombé que la colère ouvrière rejaillit quelques semaines plus tard dans le même pays : en Suède, en janvier, puis en mai; en Pologne, en mai et de nouveau en août ; en Grande-Bretagne, tout au long de l'année mais surtout en janvier-février, puis à nouveau en été ; en France, au printemps puis à l'automne... Cette situation révèle que de plus en plus de secteurs ouvriers rentrent dans la bataille et que les défaites partielles que subit la classe ouvrière ne pèsent plus comme une chape de plomb.
Mais surtout, encore plus significative est la grande simultanéité de la mobilisation ouvrière, la tendance à ce que ce soit des secteurs entiers et décisifs de la classe qui rentrent massivement et simultanément dans la bataille, posant concrètement la nécessité et la possibilité de leur unification.
C'est ce qu'ont montré, durant la vague de luttes en Grande-Bretagne en février, le groupe d'infirmières qui a pris contact avec les mineurs en grève, ou la grève de solidarité avec les infirmières décidée par une assemblée d'ouvriers de Ford. C'est ce mètre besoin qui a été très fortement exprimé dans les luttes de Chausson et de la SNECMA en France, révélant à quel point les enseignements (en particulier le danger du corporatisme) de la défaite de la SNCF commençaient à être tirées par les ouvriers en France, et où il a fallu toute l'adresse du syndicalisme de base pour saboter cette tendance et la vider de son contenu. C'est de manière particulièrement exemplaire l'appel lancé par des ouvriers en grève dans la pétrochimie à Helsingborg en Suède s'adressant à tous les ouvriers du pays pour les appeler à entrer en lutte avec eux contre les attaques du patronat suédois (cf. RI n°170 ‑ juillet-août 88).
Enfin ce qu'a confirmé l'année 88, c'est le discrédit croissant des appareils bourgeois d'encadrement des luttes ouvrières, les syndicats, s'exprimant non seulement par la perte générale de leur influence dans tous les pays, non seulement par le démarrage spontané de la mobilisation ouvrière, mais de plus en plus par le rejet ouvert des consignes syndicales : même si c'est surtout dans des pays comme la France ou l'Italie, que ce discrédit et ce rejet ouvert apparaissent le plus fort et général dans la classe, ce sont les mêmes tendances qui se sont exprimées en Grande-Bretagne, en particulier chez les infirmières et les marins.
Cependant, si les luttes récentes témoignent d'un développement en profondeur dans la classe du besoin de l'unification de ses combats, elles attestent aussi des difficultés que rencontre la classe ouvrière pour concrétiser ce besoin. En particulier, les luttes qui se sont multipliées un peu partout cette année ont dans l'ensemble échoué à briser l'isolement, à s'étendre réellement au delà du secteur. C'est apparemment comme si, à mesure que se réunissent de manière accélérée les conditions pour que se concrétisent réellement et en grand les tendances à l'extension des luttes, à la solidarité active et à l'unification des combats de classe, celles-ci rencontraient sur leur route de nouveaux obstacles.
Cette situation signifie-t-elle que la confrontation entre les classes marque le pas ? Que l'histoire piétine ?
Il n'en est rien. Tout d'abord parce que, comme nous l'avions déjà mis en évidence à propos des luttes de 86 et 87 : "Cette difficulté à concrétiser le besoin d'unification alors que les autres caractéristiques des combats actuels se sont exprimées déjà de façon beaucoup plus marquée, s'explique aisément par le fait que l'unification constitue justement l'élément central des luttes de la période présente, celui qui, d'une certaine façon, contient tous les autres, qui en constitue la synthèse".( Résolution sur la situation internationale, VIIè Congrès du CCI, juillet 87).
Mais si la bataille pour l'unification est nécessairement la plus difficile pour la classe ouvrière parce qu'elle recouvre et concentre la réponse à l'ensemble des besoins vitaux de la lutte, elle l'est d'autant plus que la bourgeoisie de son côté est parfaitement consciente du danger que représente pour son ordre social et économique le développement d'une telle tendance et qu'elle fait tout pour la briser.
En face, une bourgeoisie
mieux préparée.
C'est partout qu'elle s'est mise à développer beaucoup plus systématiquement qu'auparavant toute sa stratégie d'occupation du terrain social, afin d'abord de ne plus se laisser surprendre par l'explosion des luttes (comme cela avait été le cas au début de la grève de la SNCF en France et de la lutte des travailleurs de l'école en Italie, où les syndicats s'étaient trouvés en situation d'opposition ouverte à la grève) et surtout de renforcer la capacité de ses forces d'encadrement à s'adapter à la situation, à coller au maximum à la lutte, en reprenant à leur compte les besoins qu'elle exprime, pour mieux les vider de leur contenu et les retourner contre les ouvriers.
A la pointe de cette adaptation accélérée, se trouve l'offensive développée par la bourgeoisie pour contrer le discrédit de plus en plus énorme des syndicats dans les rangs ouvriers en ayant recours systématiquement, dans toutes les luttes d'importance en Europe aux formes déguisées du syndicalisme, sous la forme du 'syndicalisme de base",et en particulier des "coordinations" auto-proclamées, qui ont été partout le fer de lance de l'enfermement des luttes dans le corporatisme, de l'isolement dans le secteur et l'obstacle majeur à la réelle prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes dans leurs assemblées générales depuis la "cordinadora des dockers" espagnols, en passant par ceux des "Cobas" récupérés ou montés par les gauchistes dans le secteur de l'école ou encore les "coordinati machinisti" en Italie, les "coordinations de shop-stewards" en Grande-bretagne dans la grève des infirmières, et bien sûr jusqu'aux coordinations qui depuis deux ans ne cessent de fleurir en France dans tous les secteurs ouvriers où la colère gronde, ce déploiement de structures soi-disant extra-syndicales est devenu aujourd'hui une arme systématiquement déployée par la bourgeoisie pour donner urne fausse réponse au besoin ressenti par les ouvriers de ne plus laisser la lutte entre les mains des syndicats.
Mais le niveau de préparation et de renforcement des manœuvres bourgeoises ne s'arrête pas là. Les grandes luttes de 86 et 87 ont particulièrement alerté la bourgeoisie quia vu le risque que représente pour elle l'explosion massive de la colère ouvrière dans toute une série de secteurs en même temps à un moment où la classe ouvrière remet de plus en plus ouvertement en cause le poids du corporatisme. Face à ce danger majeur, elle a compris que sa stratégie de recours au syndicalisme de base, répondant "à chaud" à la mobilisation ouvrière, ne pouvait lui suffire. C'est pourquoi on l'a vu commencer à utiliser une tactique beaucoup plus offensive, consistant à faire éclater prématurément une lutte dans un secteur particulier pour mieux briser dans l'œuf l'élan vers une mobilisation massive et solidaire de l'ensemble de la classe, en provoquant l'affrontement avant que n'aient mûri suffisamment au sein de la classe les conditions de cette mobilisation. Cette tactique, qui est vieille comme l'histoire de la lutte des classes et qui a de tout temps permis à la classe dominante de favoriser le déchaînement de la répression, c'est celle qui a été déployée avec ampleur en France à la rentrée, via la lutte des infirmières. Là, la bourgeoisie, non seulement avait choisi le moment, le lieu et les conditions de l'affrontement, mais avait soigneusement préparé son coup et en particulier avait pris soin ‑parfaitement consciente qu'une telle manœuvre ne pourrait prendre si elle se faisait via les syndicats officiels- de mettre en place préalablement la structure d'encadrement qui serait capable de réduire au maximum les risques de débordement : "la .coordination des infirmières" (cf. RI n'173 et éditorial de ce numéro). Et c'est fondamentalement la mime tactique qui avait été mise en oeuvre quelques semaines auparavant en Grande-bretagne avec la grève des postes au mois d'août. En déclenchant le mouvement dans un secteur aussi central que la poste, dans une période de l'année peu propice à l'extension des luttes, la bourgeoisie se donnait les moyens de dévire dans l'œuf ce qui aurait pu donner un nouvel élan aux tendances déjà présentes dans les luttes de janvier-février. La manœuvre a parfaitement réussi : faire partir prématurément au combat un bataillon central du prolétariat, a permis à la bourgeoisie de se donner toutes les garanties du maintien de l'isolement et du corporatisme. Et pour monter une telle manœuvre, la bourgeoisie est prote, comme elle l'a fait avec les infirmières en France, à licher du lest en cédant partiellement aux revendications des postiers. C'est mille fois préférable pour elle que d'être contrainte de céder, et à une autre échelle, à la seule chose qui soit réellement capable de l'acculer : un front ouvrier solidaire, massif et uni.
Que ce soit justement en France et en Grande-bretagne qu'on a vu à l'œuvre le déploiement d'une telle manœuvre, n'est pas étonnant. Ce sont non seulement deux pays où, particulièrement cette année, régnait ‑et continue de régner‑ une situation explosive riche d'énormes potentialités, chose dont la bourgeoisie était parfaitement consciente, mais il s'agit de pays centraux, où la classe dominante a une expérience très importante de la confrontation avec son ennemi mortel et qui n'a fait là que donner l'exemple à ses consœurs des autres pays européens.
L'ampleur des moyens développés par la bourgeoisie est à la mesure de la frayeur que lui inspire la classe ouvrière aujourd'hui. Derrière leur efficacité immédiate, il y a fondamentalement l'affaiblissement général et en profondeur de la capacité de la classe dominante à maintenir son ordre social. L'utilisation systématique du syndicalisme de base cache l'usure historique des principaux moyens d'encadrement, des pales armes de la bourgeoisie en terrain ouvrier que sont es syndicats. Derrière les efforts acharnés de la bourgeoisie pour ne pas laisser l'initiative du combat à la classe ouvrière, il y a l'expérience accumulée par la classe, toute la maturation qui s'est développée en son sein et qui continue à se développer dans le sens du renforcement des armes de son combat. C'est pourquoi les difficultés que rencontre et va rencontrer le prolétariat ne sont que le symptôme d'un niveau plus élevé de confrontation entre les classes. Une confrontation qui va être longue et difficile, mais c'est à travers elle que la classe ouvrière apprendra à déjouer les pièges de la bourgeoisie.
Révolution Internationale N' 175La compréhension grandit dans les rangs ouvriers que pour gagner, pour être forts, il nous faut être le plus nombreux possible dans la lutte, il faut que la lutte s'élargisse toujours plus, il faut qu'elle soit capable d'opposer à la bourgeoisie et son État un front ouvrier massif, solidaire et uni.
Mais comment élargir la lutte ? S'agit-il de refaire l'expérience de la SNCF durant l'hiver 86‑87 ou de la grève des hôpitaux cet automne ? Certes ces luttes ont été particulièrement massives, impliquant des dizaines de milliers de travailleurs. Certes, elles ne sont pas restées cantonnées à une usine, à un lieu de travail, et ont pris une ampleur nationale. Pourtant l'une comme l'autre, en se laissant enfermer dans le corporatisme le plus étroit, ont totalement échoué à imposer un rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie.
S'agit-il de reprendre l'exemple de la grève à la SNECMA au printemps dernier ? Là, malgré la volonté très grande des grévistes de rompre leur isolement, malgré les nombreuses délégations qui ont été envoyées un peu partout, d'un bout à l'autre de la région parisienne, la grève est restée cantonnée, dix semaines durant, à trois usines de la SNECMA, et au bout du compte les ouvriers ont repris le travail battus et démoralisés.
Pourquoi ces échecs ? Parce que, à chaque fois, c'est une pseudo-extension qui nous a été proposée. Loin de permettre l'élargissement de la lutte, les syndicats et les "coordinations" (de "cheminots", d"'infirmières" ou encore "inter-SNECMA") n'ont fait crue mettre en avant l'enfermement de la lutte dans la corporation ou tout au plus dans la branche. A chaque fois, en en faisant une affaire de "cheminots" ou d "'infirmières", ou encore en prétendant ‑comme dans la grève à la SNECMA‑ donner comme préalable l'extension de la grève "aux autres usines du groupe", ils ont imposé d'entrée au combat des limites contre lesquelles la dynamique du mouvement ne pouvait que se briser et qui ont réduit les ouvriers à l'impuissance.
Au contraire la seule véritable extension c'est celle qui d'emblée, dès le début de la lutte, refuse toutes les divisions que veut nous imposer la bourgeoisie : divisions entre privé et public, entre corporations ou catégories professionnelles, entre groupes industriels, entre branches, entre chômeurs et actifs. Ces divisions sont autant d'armes entre les mains de la bourgeoisie, tandis que dans la réalité, c'est la même austérité, le même chômage qui s'abattent indistinctement sur tous les ouvriers et qui sont mis en oeuvre par une bourgeoisie qui, elle, est bien unie et solidaire contre les ouvriers.
C'est pourquoi la seule véritable extension, c'est celle qui se fait sur la base de la proximité géographique. C'est celle qui se donne comme premier objectif de prendre contact avec les travailleurs d'autres entreprises à proximité immédiate, indépendamment du secteur, de la branche d'activité ou de la corporation, pour les appeler à se joindre au combat. C'est un mouvement qui fait tâche d'huile en englobant de proche en proche de plus en plus de secteurs de la classe dans un même combat.
D'abord parce que, contrairement à ce que prétendent toujours les syndicats et les gauchistes, se rendre Massivement à l'usine d'à côté, dans le même quartier, la même zone industrielle, est quelque chose de beaucoup plus concrètement réalisable que de se fixer pour objectif l'entreprise de la même branche ou du même patron, distante de plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres. En effet, sur la base de proximité géographique, l'unité du mouvement peut devenir une réalité immédiate sous le contrôle des grévistes eux-mêmes. Elle seule nous donne les moyens d'être réellement ensemble dans la lutte, permet de se retrouver quotidiennement dans des assemblées communes, ouvertes à tous ceux, ouvriers actifs de différents secteurs, chômeurs, qui veulent se joindre au mouvement.
Enfin et surtout, parce que, en refusant d'emblée toute limitation corporatiste, en se donnant comme priorité, au lieu des aspects les plus spécifiques à tel ou tel secteur ou corporation, la mise en avant de revendications et moyens de luttes communs à tous les ouvriers, l'extension géographique s'appuie sur ce qui fait la force de la classe ouvrière : son unité comme classe, contre la bourgeoisie et son Etat. C'est cette unité là que craint la bourgeoisie parce qu'elle implique une dynamique d'élargissement encore plus grand du mouvement, capable d'entraîner de plus en plus de fractions de la classe ouvrière dans le combat. C'est seulement le développement d'une telle unité qui peut faire basculer réellement le rapport de force et contraindre la bourgeoisie à céder.
Ce n'est pas une utopie. Au contraire, c'est la voie par laquelle se sont développées toutes les grandes luttes de la classe ouvrière, depuis la grève de masse de 1905 en Russie en passant par la vague révolutionnaire des années 1917‑23. Et ce ne sont pas seulement les mouvements insurrectionnels, mais toutes les luttes ouvrières au 20ème siècle qui ont développé leur force de cette manière.
Ainsi, depuis la reprise internationale des combats ouvriers à la fin des années 60, c'est l'expérience de l'été 80 en Pologne qui l'a le plus clairement et magistralement montré. Face à l'annonce des augmentations de prix, la riposte ouvrière va s'étendre progressivement à tout le pays, en se développant de proche en proche, ville par ville et non pas sur la base de la corporation ou du secteur. Déclenché le 14 août par la grève du chantier naval Lénine de Gdansk contre le licenciement d'une ouvrière, le mouvement va se généraliser en 24 heures à toute la ville et en quelques jours à toute la région industrielle autour des mêmes revendications communes : augmentation des salaires et allocations sociales, samedis libres, garantie de non-répression des grévistes, suppression des syndicats officiels... Dès le lendemain du début de la grève au chantier Lénine, la nouvelle s'était répandue dans toute la ville. Les traminots arrêtent le travail en solidarité. En même temps, ils décident de continuer à faire rouler le train qui relie les trois grandes zones industrielles de Gdansk, Gdynia et Sopot, et par lequel l'idée de la grève va se répandre, puis qui sera tout au long du mois de grève un moyen de liaison constant entre les usines en lutte. Le même jour, la grève démarre au chantier "Commune de Paris" à Gdynia et s'étend à presque tous les chantiers de la baie, mais aussi aux ports et aux différentes entreprises de la région. Les deux grands chantiers Lénine et "Commune de Pans" deviennent des lieux de rassemblement quotidien des grévistes où se tiennent en permanence des meetings rassemblant des milliers d'ouvriers de différentes usines.
L'organisation de la grève se met en place sur la même base, les mêmes principes par lesquels elle s'est étendue. Les assemblées de grévistes des différentes usines, des différents secteurs, élisent des comités de grève et envoient des délégués au "comité de grève inter‑entreprises" (MKS) qui met au point un cahier de revendications communes. Toutes les assemblées de grévistes sont mises au courant quotidiennement des discussions et de l'évolution des négociations par leurs délégués qui font le va-et-vient entre leur entreprise et le MKS qui siège au chantier Lénine.
Les tentatives de division orchestrées par le gouvernement, qui cherche à négocier usine par usine et à faire reprendre le travail dans chaque secteur séparément, se heurtent à ce bloc ouvrier soudé et uni. Ainsi, quand le gouvernement cède très ‑vite des augmentations de salaires pour les ouvriers du chantier de Gdynia et que certains délégués hésitants semblaient prêts à accepter le compromis, ils sont contestés par les délégués des autres usines qui appellent à continuer le mouvement tant que toutes les revendications, de l'ensemble des usines en grève, ne sont pas satisfaites. De nouveaux délégués seront élus par les grévistes.
Dans les jours qui vont suivre, l'exemple lancé par Gdansk, se répandra dans les différentes régions de Pologne. Le signal de la grève de masse est donné. Le rapport de force que vont réussir à imposer les ouvriers est sans précédent depuis les années 20 et va contraindre la bourgeoisie à céder comme jamais aucune lutte ouvrière depuis lors dans le monde n'a réussi à le faire. Plus encore, c'est une expérience formidable qui a été faite ‑et un acquis ineffaçable appartenant au prolétariat international‑ de la force potentielle de la classe ouvrière lorsque qu'elle est réellement unie.
Dans les luttes qui se sont développées ces dernières années en Europe occidentale, les germes de cette extension géographique du mouvement, prise en mains par les ouvriers eux-mêmes, ont déjà commencé à s'affirmer. C'est ce qu'ont montré les ouvriers en Belgique, lors des grèves du printemps 86, où les mineurs du Limbourg, refusant de se laisser enfermer comme l'avaient fait un an auparavant les mineurs anglais dans le piège d'une grève corporatiste isolée, se sont rendus en délégations massives à des assemblées de travailleurs du secteur public pour les appeler à se joindre immédiatement au mouvement. C'est la même tendance qui s'est exprimée en Grande-bretagne en février 88 durant la grève des hôpitaux, où un groupe d infirmières a pris l'initiative d'aller chercher la solidarité des mineurs et les a entraînés dans des manifestations et assemblées communes ou comme dans l'automobile (Vauxhall) quand les ouvriers ont voté en assemblée générale une grève de solidarité avec les infirmières
Ces débuts de prise en mains. d'une véritable extension, mêmes s'ils sont encore limités, même s'ils ne sont pas toujours couronnés de succès, montrent la voie à suivre. Il nous faut la poursuivre et la développer en ne comptant que sur nous mêmes.
Révolution Internationale N° 176Jamais
les instruments de l'État, journaux, TVA, radio, n'avaient autant parlé de
grèves, de possible "généralisation". Jamais les médias ne montrent
autant de secteurs paralysés, de tonnes de sacs de tris postaux que pour mieux
desservir la lutte ouvrière, que lorsqu'il s'agit de grèves manipulées,
ficelées, incompréhensibles. Quoi de plus tangible et médiatisable que ces
infirmières enfermées dans un hyper-corporatisme, crue ces camionneurs PTT coincés dans une
grève minoritaire et pendue d'avance ? Cette triste mise en scène
minutieusement élabore par toutes les forces de la bourgeoisie ‑gouvernement,
syndicats, gauchistes‑, où tous les secteurs, les uns après les autres sont
poussés dans l'impasse des luttes minoritaires et isolées, pour ensuite reprendre
le travail, chacun dans son coin, épuisés, sans avoir rien obtenu, ne doit pas
décourager les ouvriers qui ne se sont pas laissé duper par cette sinistre
mascarade. Elle ne doit pas paralyser tous ceux qui ne se reconnaissent ni
dans les actions jusqu'auboutistes de la CGT, ni dans les discours lénifiants
de Krasucki, ni dans les coordinations soi-disant "non syndicales".
Aujourd'hui, il est évident que ce sont toutes les
forces d'encadrement de la. bourgeoisie qui occupent tout le terrain de la
lutte. Engager le combat dans de telles conditions ne peut conduire qu'à se
laisser prendre dans les nasses des syndicats et des coordinations. Ce ridant,
face à cette situation, les ouvriers les plus combatifs et les plus conscients
ne doivent pas céder à la passivité. Ils ne doivent pas céder à la pression
bourgeoise qui ne vise qu'à leur inoculer un sentiment d'isolement, de
désarroi, l'impuissance. Ils doivent, au contraire, briser cet étau, chercher à
se regrouper, à nouer des contacts non seulement sur leur propre lieu de
travail mais également entre les différentes entreprises et secteurs. Ils
doivent tenter de constituer des comités de lutte ou rejoindre ceux existant
déjà dans leur ville ou leur région.
Foncer tête baissée dans n'importe quelle aventure préconisée par les syndicats et les coordinations, c'est aller au casse-pipe et à la défaite paquet par paquet. Rester passif, isolé chacun dans son coin, c'est laisser les mains libres aux syndicats et aux gauchistes pour museler, ficeler, saucissonner la colère ouvrière. Il n'y a pas d'autre choix aujourd'hui que de se regrouper pour se préparer à reprendre le chemin de la lutte lorsque les conditions seront plus favorables, lorsque l'ensemble de la classe ouvrière aura digéré les manœuvres de sabotage auxquelles elle vient de se confronter. C'est pour cela qu'il est indispensable de discuter, de développer une réflexion collective à travers la confrontation des expériences et surtout de continuer à tirer les leçons des défaites passées. Car les questions qui se posent aujourd'hui à la grande majorité des ouvriers sont celles-ci : à quoi rime tout ce cirque pseudo-radical de la CGT ? D'où viennent toutes ces coordinations qui surgissent "spontanément" dans tous les secteurs en ébullition et, surtout, que faire, comment créer un rapport de force capable de repousser les attaques bourgeoises ?
Seule la discussion collective, la réflexion la plus large possible peuvent permettre aux ouvriers de sortir de l'impasse dans laquelle les ont acculés toutes les forces d'encadrement capitalistes. L'expérience encore toute fraîche des comités de lutte qui ont surgi au lendemain de la lutte des cheminots de décembre 86 est là pour le confirmer. C'est en effet face au besoin ressenti par les ouvriers de comprendre les raisons de la défaite des cheminots que se sont formés ces comités de lutte, notamment à Toulouse, Marseille et dans la région parisienne [1] [3]
De telles initiatives constituent, et doivent de plus en plus constituer, une étape importante dans le développement des luttes ouvrières. Elles correspondent à une tentative de prise de conscience collective des besoins et des moyens de la lutte. Elles participent d'un processus de mûrissement indispensable pour aller encore plus loin, pour tenter de surmonter les obstacles auxquels se heurtent les combats de classe aujourd'hui. Ainsi, ces comités de lutte, surgis au lendemain de la défaite des ouvriers de la SNCF, ont exprimé une claire volonté, un effort conscient de résister aux manœuvres syndicales (en particulier celles de la CGT) visant à étendre cette défaite à l'ensemble de la classe ouvrière. Ces comités ont compris, grâce à la réflexion collective, que c'est son enfermement corporatiste, son isolement quia porté un coup fatal à la formidable lutte des cheminots, de même qu'ils ont compris le rôle de sabotage joué par les structures para-syndicales qu'étaient les coordinations au sein de ce mouvement. En brisant l'isolement, en restant ouverts à tous ‑ouvriers actifs de différents secteurs ou au chômage, syndiqués ou non syndiqués, organisés ou non organisés‑ ces comités ont ainsi été capables de tirer les leçons essentielles de la lutte des cheminots, et partant, de s'armer pour jouer un rôle actif dans toutes les luttes qui ont surgi ces derniers mois (Chausson, SNECMA, grève des hospitaliers...). Malgré leurs balbutiements, leurs hésitations, leurs erreurs ponctuelles, c'est cette réflexion, cette activité collective qui a permis à ces minorités combatives ne pas tomber dans tous les pièges de la bourgeoisie (coordinations, grèves minoritaires et jusqu'auboutistes, fausse extension...).
La situation présente, n'est, bien sûr, nullement comparable à celle qui prévalait au lendemain de la lutte des cheminots. Ce n'est pas, comme en 87, à une défaite ressentie par toute la classe ouvrière que nous assistons aujourd'hui. II n'y a pas de défaite parce que le véritable combat n'a pas encore été engagé. Tel était le but de la gigantesque offensive de la bourgeoisie : étouffer dans l'œuf le surgissement d'une riposte généralisée de toute la classe ouvrière, miner le terrain à l'avance pour faire avorter la rentrée sociale (cf. p.1). C'est contre l'effet de déboussolement, d'épuisement de la combativité ouvrière provoqué par la manœuvre bourgeoise, que doivent réagir les comités de lutte. Ils doivent se développer, se renforcer pour contrer cette attaque politique contre toute la classe ouvrière. Plus que jamais, les ouvriers combatifs doivent resserrer les rangs, se regrouper pour ne pas laisser la bourgeoisie occuper tout le terrain, pour préparer le vrai combat en continuant à tirer les leçons des défaites passées : toute lutte qui ne s'élargit pas immédiatement aux autres secteurs est vouée à l'échec ; il faut que l'ensemble des ouvriers en lutte se donnent les moyens d'étendre et d'unifier leurs combats en se détournant des actions proposées par les syndicats et les coordinations, en prenant eux-mêmes en charge la direction de la lutte.
Telles sont les bases sur lesquelles doit se constituer et se renforcer la réflexion au sein des comités de lutte aujourd'hui.
S'il est indispensable pour les ouvriers les plus combatifs de briser l'isolement, de se mobiliser dès aujourd'hui au sein des comités de lutte, leur rôle ne se limite pas seulement à une simple réflexion en elle-même et pour elle-même. Il consiste aussi et surtout à faire fructifier sur le terrain cette réflexion, en étant partie prenante de toutes les luttes de la classe ouvrière. Ainsi, la finalité de cette nécessaire réflexion collective doit être de se préparer à impulser les combats à venir, de participer activement à orienter leur dynamique, à développer toutes leurs potentialités. Les comités de lutte doivent, par leur intervention, faire bénéficier le plus grand nombre d'ouvriers des fruits de leur réflexion en mettant en avant de façon concrète les besoins vitaux de la lutte, en dénonçant ouvertement à chaque fois qu'ils le peuvent les manœuvres de sabotage qui entravent son développement. C'est ce que se sont efforcés de faire les comités de lutte de la région parisienne, de Toulouse, de Marseille, ces deux derniers mois. Ainsi, le "Comité pour l'extension des luttes" de la région parisienne (regroupant des travailleurs des PTT, de l'EDF, des hôpitaux, de l'Éducation nationale, de la RATP, des chômeurs...) a affirmé son dynamisme et sa combativité à travers la diffusion de plusieurs tracts dans les différentes manifestations des travailleurs de la santé. C'est grâce à cette volonté de participer activement à tous les combats ouvriers que ce comité a pu, malgré un certain nombre d'illusions sur les potentialités de ce mouvement, dénoncer dès le début la nature anti-ouvrière des coordinations auto‑proclamées, affirmer la nécessité d'élargir la lutte aux autres secteurs (en particulier à l'ensemble de la Fonction Publique), appeler les travailleurs à opposer à ces coordinations la souveraineté des Assemblées Générales à la base, l'élection de comités de grève .... Ce même dynamisme s'est également exprimé dans l'intervention menée par les comités de lutte en province qui ont défendu les mêmes orientations (Toulouse) et ont été capables de dénoncer les manœuvres des syndicats et des gauchistes dans les simulacres de luttes de ces dernières semaines (intervention du comité de Marseille dans les centres de la Sécurité Sociale).
L'activité de ces différents comités confirme que ces regroupements d'ouvriers combatifs sont donc bien dans la période actuelle un instrument nécessaire pour ne pas recommencer les mêmes erreurs, pour que les ouvriers ne se laissent pas mener en bateau par le "radicalisme" de façade des forces d'encadrement bourgeoises. L'activité qu'ont menée jusqu'à ce jour les comités de lutte doit être un encouragement à ce qu'il en surgisse d'autres, partout. Ils permettent aux travailleurs combatifs de ne pas se laisser ballotter par les événements ou les discours-béton "pour l'action à tout prix" des cliques syndicales et gauchistes. Ils participent pleinement de la nécessité pour la classe ouvrière de prendre confiance en elle-même, de surmonter ses hésitations afin d'être à la hauteur des inévitables combats qu'elle sera contrainte d'engager à court terme face aux attaques croissantes du capitalisme.
Les leçons que tuent ces comités des luttes passées, l'implication des nouveaux éléments qu'ils attirent, leur permettent de progresser chaque fois plus crucialement sur ce que veut dire pour les ouvriers "prendre eux-mêmes leurs luttes en mains" :
Seule la prise en charge effective de la lutte par l'ensemble des ouvriers mobilisés permettra à la classe ouvrière de se donner les moyens d'élargir, d'unifier ses luttes, de créer un rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie.
Et si, dans la situation présente, la constitution de comités de lutte s'impose comme une réponse à l'offensive menée par la bourgeoisie, pour autant, ces comités ne doivent pas sous-estimer les difficultés qu'ils vont rencontrer. Ils doivent rester vigilants face à tous les dangers qui les guettent, en particulier celui du poison du syndicalisme que la bourgeoisie tentera de leur inoculer insidieusement afin d'étouffer dans l'œuf la dynamique vivante de ces comités (cf. RI 156). Les bases sur lesquelles ils doivent se constituer devront nécessairement répondre aux besoins des combats que ce comités sont censés impulser : rejet du corporatisme, rejet de toutes les divisions, ouverture la plus large possible à tous les ouvriers, actifs ou au chômage, du public ou du privé, syndiqués ou non syndiqués.
Telles sont les leçons essentielles d'ores et déjà tirées par l'activité des comités de lutte existants. Ces leçons, il s'agit aujourd'hui pour les ouvriers combatifs comme pour l'ensemble de la classe de se les approprier, de les approfondir en multipliant partout les efforts de regroupement dans la perspective des combats de demain.
JL/AV[1] [4] "Comité pour l'extension des luttes". La Librairie, 67 nie de Bagneux. 92000 Montrouge
Comité de lutte de Toulouse : écrire sans autre mention RR, BP 227. 31004 Toulouse Cedex.
"Collectif de travailleurs de différents secteurs". Librairie "Odeur du Temps". 6, rue Pastoret. 13006 Marseille.
La période que nous vivons aujourd'hui voit, ici et là, au sein de la classe ouvrière, l'émergence de comités de lutte. Ce phénomène a commencé à se développer, en France au début de 1988 ‑au lendemain de la grande lutte à la SNCF. Depuis lors, plusieurs comités regroupant des ouvriers combatifs se sont formés dans différents secteurs (PTT, EDF, Enseignement, Santé, Sécurité Sociale, etc..) voire même, et de plus en plus, sur une base inter-sectorielle.
Signe du développement général de la lutte de classe et de la maturation de la prise de conscience qu'il engendre, ces comités correspondent à un besoin ‑ressenti de plus en plus largement parmi les ouvriers‑ de se regrouper pour réfléchir (tirer les leçons des luttes ouvrières passées) et agir (participer à toute lutte qui surgit) ensemble, sur leur propre terrain de classe, et cela hors du cadre imposé par la bourgeoisie (partis de gauche, groupes gauchistes et surtout syndicats).
C'est un tel comité (le "Comité pour l'extension des luttes" qui regroupe des ouvriers de différents secteurs de la fonction publique et dans lequel le CCI intervient régulièrement) qui est intervenu à plusieurs reprises dans le mouvement de luttes de l'automne 1988.
Nous publions ci-dessous un tract qu'il a diffusé au lendemain de la manifestation du 29/9/88 à Paris.
Nous soutenons ce tract, d'abord parce qu'il est exemplaire de ce qu'est et doit être l'activité d'un comité de lutte, ensuite parce qu'il s'inscrit pleinement et clairement dans le combat de la classe ouvrière, pas seulement d'un point de vue général, mais surtout à un moment précis de ce combat.
En effet, au moment où ce tract a été diffusé, la classe ouvrière, à travers la lutte des travailleurs de la santé, se trouve devant une alternative, une responsabilité :
En fonction de cette situation, le tract pose et dénonce clairement le rôle des coordinations et appelle à l'extension la plus large de la lutte, dans les hôpitaux mais surtout au delà.
Si le tract exprime par ailleurs quelques illusions par rapport à la revendication démagogique des "2000 F pour tous" mise en avant par la "coordination infirmière", il n'en demeure pas moins que l'orientation qu'il propose était, à ce moment là, la seule valable pour permettre à la lutte de se développer et de vaincre."COORDINATION" AUTO-PROCLAMÉE = DANGER
NE NOUS LAISSONS PAS DIVISER !
TOUS UNIS DANS LA LUTTE !
Il ne faut pas que notre force soit dispersée et brisée après cette première journée de lutte. Il ne faut pas se faire avoir par les magouilles que nous avons vues dans l'A.G. de la Bourse du Travail :
Derrière cette "coordination", il y a LES MÊMES ORGANISATIONS POLITIQUES, la "Ligue Communiste Révolutionnaire" (L.C.R.) et "Lutte Ouvrière" (L.O.) qui ont constitué et dirigé les coordinations de la SNCF en décembre 86, des instituteurs en février 87, de la SNECMA au printemps dernier. Ce sont ces mêmes organisations, ces mêmes "coordinations" qui ont conduit toutes ces luttes à la défaite en organisant leur enfermement dans le secteur ou la catégorie professionnelle, en prenant le relais des syndicats quand ils étaient débordés !
Grâce à ces coordinations, qu'ont obtenu les cheminots, les instituteurs, les ouvriers de la SNECMA ? RIEN !
NOUS N'OBTIENDRONS RIEN si nous laissons la coordination diriger contre mouvement, si nous ne prenons pas mêmes nous en charge notre lutte, si nous ne brisons bas l'isolement l'enfermement catégoriel.
Pour gagner, pour être assez forts face au gouvernement :
Le 29 septembre 88
UN CROUPE D'INFIRMIER(E)S
POUR NOUS CONTACTER : écrire à la librairie "La Boulangerie", 67 rue de Bagneux 92000 Montrouge, avec la mention "Pour le comité de lutte".
Le lieu où la classe ouvrière peut exprimer sa force et décider de la conduite de sa lutte, ce sont ses assemblées générales. C'est bien pourquoi une des armes essentielles de la bourgeoisie contre les luttes ouvrières, c'est le sabotage des assemblées ouvrières. Ce n'est pas par hasard si, dans toute la phase de montée de la lutte des hôpitaux, coordinations et syndicats ont tout fait pour éviter que ne se tiennent des assemblées générales sur les lieux de travail et s'ils n'ont invité les ouvriers à le faire que lorsque la lutte était déjà engagée sur un terrain pourri et que tout le dispositif d'encadrement du mouvement était déjà solidement mis en place. Mais, lorsque les forces de la bourgeoisie ne peuvent plus s'opposer à la tenue d'assemblées générales au risque d'être débordées , ce sont généralement elles qui les convoquent et qui s'arrangent pour les manipuler de l'intérieur, pour aire en sorte que les décisions soient prises dans la plus grande confusion possible, pour étouffer toute initiative "gênante" et toute discussion et prise de position de l'assemblée sur celles-ci, bref éviter que celles-ci soient des assemblées réellement souveraines et, enfin de compte, les transformer en simples chambres d'enregistrement des décisions d'un "bureau" auto‑proclamé par les syndicats ou les gauchistes, assemblées auxquelles les ouvriers écœurés renoncent finalement à participer:
Partie intégrante et outil essentiel au service de la souveraineté des assemblées générales et donc de toute réelle prise en mains de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, est la pratique des motions. Travailler par motions, c'est à dire sur la base de propositions claires et concrètes concernant les différents aspects de la lutte (revendications prioritaires, décisions concrètes à prendre pour la recherche de l'extension et de l'unité avec d'autres travailleurs...) sur lesquelles la discussion et les votes peuvent se faire clairement, est un moyen indispensable de la vie des assemblées ouvrières. C'est d'abord le seul moyen pour que ces dernières soient capables d'agir et de décider dans la plus grande clarté politique en se prononçant en toute connaissance de cause sur toutes les propositions qui sont faites. Ensuite l'importance d'appeler l'assemblée à se prononcer sur une motion est d'autant plus grande que se pose de manière aiguë la nécessité pour les ouvriers de contrer les magouilles et les manipulations des bureaux auto‑proclamés. Prendre l'initiative de propositions concrètes de marche ‑individuellement ou au nom d'un groupe d'ouvriers au sein de l'assemblée‑ se battre pour que celles-ci soient mises aux voix et ne soient pas passées sous la table par le "bureau", passe par la rédaction de motions.
Les ouvriers ont encore trop tendance aujourd'hui à abandonner la lutte à des "spécialistes", à s'en remettre à eux pour les décisions à prendre et à se laisser manipuler dans des simulacres d"'assemblées démocratiques" où toute initiative réelle leur est retirée. Leur disputer âprement le contrôle de la lutte, prendre l'initiative et fonctionner en assemblée réellement souveraine est un combat inévitable qui reste à mener. La pratique des motions en fait partie.
* * *
Nous publions ci-dessous deux motions présentées à deux moments différents durant la lutte des hôpitaux. La première a été présentée par un groupe d'infirmiers à l'assemblée qui rassemblait près de 3.000 personnes à la suite de la' manifestation du 29/9 à Paris, assemblée chapeautée par la fameuse "coordination infirmière d'Île de France". La lecture de cette motion sera brutalement interrompue par les coups de sifflets de la cabale de la coordination et le bureau la passera sous silence, sans aucune réaction de l'assemblée.
La seconde était présentée par un groupe d'ouvriers de la fonction publique et soutenue par des infirmiers dans l'assemblée convoquée le 15/10 par la "coordination des personnels de santé' montée par les trotskystes de "Lutte Ouvrière" et devenue nationale. Cette fois les ouvriers de la fonction publique porteurs de cette motion seront mis à la porte manu militari par le service d'ordre de la coordination avant même d'avoir pu porter la motion à la connaissance de l'assemblée (sur les pratiques du bureau-LO à cette occasion, voir article "Les magouilles de Lutte Ouvrière").
MOTION
POUR LA RÉUNION DE LA COORDINATION
DU 29/9/88
L'assemblée des infirmier(e)s en grève réunie le 29 septembre considérant :
estime :
affirme :
propose :
L'assemblée générale en conséquence lance un appel à l'ensemble des travailleurs, actifs ou au chômage, de la fonction publique ou du privé pour qu'ils se joignent à la lutte.
* *
MOTION QUE VOULAIENT PRÉSENTER
DES TRAVAILLEURS DU SECTEUR PUBLIC
MIS A LA PORTE MANU-MILITARI
PAR LE SERVICE D'ORDRE DE LA COORDINATION
L'assemblée générale du 15 octobre de la coordination des personnels de
santé appelle tous les travailleurs du secteur public et du secteur privé à
entrer immédiatement et massivement dans la lutte.
L'austérité est la même pour tous, nos revendications fondamentales
sont partout les mêmes : les salaires, les effectifs, les conditions de
travail. Seul le front de lutte le plus large et le plus uni sera en mesure de
faire reculer l'austérité, de faire aboutir nos revendications.
L'assemblée générale décide de diffuser le plus largement possible cet appel. Elle appelle les assemblées générales des personnels hospitaliers à le faire sien et à le diffuser dans les entreprises proches et particulièrement celles du secteur public (centres de tri, de chèques postaux, dépôts SNCF et de transports urbains, etc. ...).
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[2] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[3] https://fr.internationalism.org/french/brochures/lutte_infirmieres/regroupons_nous.htm#_ftn1
[4] https://fr.internationalism.org/french/brochures/lutte_infirmieres/regroupons_nous.htm#_ftnref1
[5] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions