OUVRIERS,
C'est à un véritable travail de sape de votre combativité et de déboussolement que se livrent depuis plusieurs semaines contre vous l'ensemble de la gauche et en particulier, ces derniers temps, la CGT. Malgré cela votre colère reste intacte et elle est plus que jamais légitime.
DEPUIS 2 MOIS, VOUS AVEZ MANIFESTE VOTRE MÉCONTENTEMENT ET VOTRE COMBATIVITÉ COMME CELA N'AVAIT PAS ÉTÉ LE CAS DEPUIS BIEN LONGTEMPS.
Mais surtout jamais comme en ce début d'automne, les conditions n'avaient été autant réunies pour que vous exprimiez massivement avec force et dans l'unité votre volonté de lutter :
Et c'est ce qui s'est manifesté au début de la lutte dans le secteur hospitalier, quand plus de 60.000 personnes se sont retrouvées dans la rue lors de la manifestation du 6/10, quand les premières assemblées générales ont monte une réelle vie ouvrière, quand de nombreux ouvriers de tous secteurs s'y retrouvaient.
Cette lutte était alors l'expression non seulement d'une volonté d'en découdre, commune à l'ensemble de la classe ouvrière, mais aussi de la méfiance générale vis-à-vis des syndicats et de la compréhension qu'on ne peut se battre réellement qu'en dehors d'eux. .
Malheureusement cette lutte dans les hôpitaux x aussi et surtout montré que la bourgeoisie avait une grande capacité de manœuvre et que la classe ouvrière faisait preuve de beaucoup de naïveté. C'est ce qui a fait trébucher le mouvement des hospitaliers, c'est ce qui vous a conduit à la situation de déboussolement actuelle.
LA BOURGEOISIE, ELLE, S'ÉTAIT PRÉPARÉE DE LONGUE DATE A CETTE SITUATION qu'elle savait inévitable et périlleuse. Depuis le printemps dernier, le P.S., la CFDT et les gauchistes de L.O. et de la L.C.R. mettaient en place UNE STRUCTURE PRÉFABRIQUÉE, LA "COORDINATION INFIRMIÈRE", destinée à combler le vide laissé par des syndicats discrédités. Ils sont passés à la 2ème phase en septembre, en déclenchant la lutte prématurément et de surcroît dans un secteur - celui des infirmières - sans expérience de lutte et très marqué par un esprit corporatiste et étroit.
C'est la "coordination" préfabriquée quia déclenché la Fève et qui s'est auto‑proclamée dirigeante et expression de lutte. D'ailleurs, quelques jours à peine après le début de la grève en région parisienne, alors lu en province il y avait très peu d'hôpitaux en lutte, elle s est attribuée le titre de "coordination nationale" prétendant ainsi représenter des luttes qui n'existaient pas encore, des ouvriers qui ne lui avaient rien demandé.
Elle affirmait centraliser des organes locaux de lutte là où il n'y avait ni lutte ni organe que la classe ouvrière aurait fait surgir dans ses assemblées générales, mais seulement des ramifications d'appareils politiques et syndicaux de la bourgeoisie.
Dès qu'elle a pu acquérir un minimum de crédibilité -grandement aidée en cela par les médias- LA COORDINATION A QUADRILLE LE TERRAIN, ISOLE TOTALEMENT LES SRS DES AUTRES CATÉGORIES DES HÔPITAUX ET A ÉTOUFFE TOUTE VELLÉITÉ DE RÉFLEXION CHEZ LES OUVRIERS ET D'EXTENSION DE LA LUTTE.
La volonté de lutter dans l'unité à laquelle aspiraient les ouvriers s'est ainsi brisée contre le mur dressé par la coordination ou plutôt les coordinations. La bourgeoisie a joué sur le fort sentiment anti‑syndical qui régnait parmi les ouvriers et leur volonté de contrôler eux-mêmes leur lutte pour :
Une nouvelle étape était franchie quand la ,site dans les hôpitaux a commencé à s'essouffler et que la "coordination infirmière" mendiait un strapontin pour les négociations avec le gouvernement, AUX COTES DES SYNDICATS, c'est-à-dire qu'elle livrait la lutte aux syndicats alors qu'elle avait basé sa crédibilité sur leur dénonciation.
LES SYNDICATS FAISAIENT LEUR RETOUR EN FORCE et de leur côté revendiquaient, avec l'aide du gouvernement, leur "légitimité", leur "représentativité" face aux coordinations auto-proclamées. Derrière un langage soi-disant unitaire et des critiques au corporatisme des coordinations, ILS ONT, LA CGT EN TETE, PRIS LE RELAIS DU SABOTAGE en lançant un peu partout des grèves successives, ultra-minoritaires, spectaculaires, (chauffeurs postiers, ateliers du RER...) épuisantes, qui ont encore ajouté au déboussolement des ouvriers.
L'ALTERNATIVE ÉTAIT ALORS, SOIT DE SE LAISSER ENFERMER DANS SA CATÉGORIE PAR LES COORDINATIONS, SOIT SUIVRE LA CGT SUR LE TERRAIN POURRI DE LA DISPERSION DES LUTTES ET DE L'ÉPUISEMENT, sous prétexte d'extension. En somme la peste ou le choléra !
Voilà pourquoi la grande majorité d'entre vous ne se sont pas engagés dans cette impasse d'autant que la CGT et le P.C.F. cherchent à vous utiliser pour leurs tractations politiciennes avec le P.S. en vue des élections municipales. Vous vous rendez bien compte que cela ne vous rapportera rien en termes d'augmentation de salaire, sans compter qu'avec leur tactique politicienne ils vous apportent des emmerdements au quotidien (courrier, transport...), vous font perdre des journées de salaire pour rien et cherchent à vous écœurer de lutter.
OUVRIERS,
VOUS DEVEZ TIRER PROFIT DE CE QUE VOUS VENEZ DE VIVRE car les semaines qui viennent de s'écouler sont riches d'enseignements; les vraies questions commencent à se poser dans notre classe et les vraies réponses commencent à émerger
Mais votre mécontentement et votre combativité sont toujours présents et vous savez que vous serez contraints de lutter pour votre survie même; la bourgeoisie et son gouvernement socialiste ne vous laissent pas le choix (Rocard lui-même a promis la rigueur au moins jusqu'en 1990). Maintenant, il est clair que :
LA DÉFENSE EFFECTIVE DES CONDITIONS DE VIE DES OUVRIERS DU PUBLIC ET DU PRIVE, ACTIFS ET AU CHÔMAGE, NE PEUT-ÊTRE QUE L'Œuvre DE L'ACTIVITÉ DES OUVRIERS Eux-mêmes, DANS LEUR PLUS GRANDE UNITÉ.
RI, -
décembre 1988