Une nouvelle offensive meurtrière d’Israël sur l’Iran bat son plein depuis plusieurs jours à laquelle répond un déluge de missiles de la République islamique qui, malgré la supériorité militaire israélienne, a provoqué de nombreux dégâts et plusieurs victimes. Pour le moment, le brouillard de la propagande de guerre ne permet pas d’évaluer l’ampleur du massacre, mais c’est un déluge de feu qui s’abat de part et d’autre : tandis que l’Iran vise à l’aveugle les villes de l’État hébreu et quelques sites symboliques, Tsahal a, semble-t-il, surtout ciblé les installations nucléaires iraniennes susceptibles de produire l’arme atomique mais aussi le personnel scientifique et les responsables du programme nucléaire, ainsi que les chefs militaires et religieux susceptibles d’encadrer la riposte. Cette opération de « légitime défense » (selon Trump) a causé au moins plusieurs centaines de victimes civiles en Iran.
L’objectif de décapiter la force de frappe iranienne et de briser sa riposte en dit long sur la volonté d’Israël d’aller beaucoup plus loin qu’en avril dernier lorsque Tsahal avait ciblé le consulat iranien à Damas pour éliminer plusieurs chefs militaires, et en septembre suivant avec l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le gouvernement de Netanyahou dissimule à peine sa volonté de voir s’effondrer le régime des Mollahs et d’enfoncer son grand rival régional dans le chaos.
Jusqu’à présent, l’Iran avait tenté de répondre aux provocations sans réelle capacité à déstabiliser directement Israël, mais en accroissant surtout la pression au moyen des organisations terroristes qu’il parraine (Houthis, Hezbollah…) et en soutenant la Russie dans le conflit ukrainien. Face au risque de déstabilisation, voire d’effondrement de leur régime, les « gardiens de la révolution » n’ont d’autre choix que de miser sur la fuite en avant dans le chaos et la barbarie. Faute de pouvoir vaincre l’État hébreu, la République islamique a sans aucun doute les moyens d’entraîner la région entière dans sa chute.
Ce conflit n’est pas un « fait isolé », ni le produit de la seule « folie » meurtrière de l’extrême droite israélienne ou du « fanatisme » assassin des Mollahs : il est l’expression d’un système capitaliste à bout de souffle ! Après chaque conflit, chaque massacre, la presse et les politiciens accusent tel ou tel État, tel ou tel dirigeant : « Ici, c’est la faute à la folie de Poutine ! », « Là, c’est la faute aux délires messianiques de Netanyahou », « Non, à la barbarie du Hamas ! », « À celle de l’impérialisme américain ! », « Au néocolonialisme de la France ! », « À l’expansionnisme chinois ! »… Certes, tous ces États, petits ou grands, tous ces dirigeants, de gauche ou de droite, extrémistes ou « démocrates », font preuve d’une barbarie sans borne et d’un cynisme glaçant. Mais ils agissent tous au sein d’un système en crise et sans avenir où la concurrence de tous contre tous pousse chaque nation à intervenir sur la scène internationale avec une sauvagerie croissante.
Aujourd’hui, avec cette nouvelle guerre ouverte, nous ne pouvons que constater le pas supplémentaire très grave, l’accélération de la dynamique du militarisme et du chaos. Un chaos qui gangrène de plus en plus le monde avec des conflits qui s’enkystent, une fuite en avant générant des bourbiers sans fin qui provoquent des monceaux de cadavres et des destructions à grande échelle. Au Moyen-Orient, en Ukraine, en Afrique ou ailleurs, les conflits incontrôlables ne font que se multiplier et s’élargir davantage, sans qu’aucun espoir de paix durable n’apparaisse, ni qu’aucun belligérant ne puisse imposer un « ordre » ou même tirer un quelconque profit de tels massacres ! En Ukraine, les belligérants sacrifient absurdement des dizaines de milliers de vies pour le moindre mètre carré en ruine, espérant apparaître en position de force lors d’hypothétiques négociations. Au Soudan, la guerre « oubliée » reste plus dévastatrice que jamais avec plus de 150 000 morts et plus de 13 millions de déplacés en seulement deux ans ! [1] Entre l’Inde et le Pakistan, le cessez le feu temporaire après les confrontations violentes de ces dernières semaines ne rassure personne sur la dangerosité des tensions entre ces deux puissances nucléaires. Au Yémen, la guerre menée par les rebelles houthistes sur leur sol et en Mer Rouge, comme les ripostes israéliennes, saoudiennes et américaines, ont engendré des dizaines de milliers de morts et une immense catastrophe humanitaire. Ces déstabilisations incontrôlables de régions entières, visibles également au Liban, en Syrie, en Libye, dans toute l’Afrique sub-saharienne ou dans les guerres de gangs en Haïti, s’aggravent réellement de jour en jour !
Le Moyen-Orient est ainsi pris dans une spirale infernale où de plus en plus d’acteurs entrent dans l’arène pour tenter d’imposer leurs sordides intérêts : sur le terreau pourri de l’historique conflit israélo-palestinien, l’attaque du Hamas d’octobre 2023 (au moins soutenue par l’Iran, si ce n’est directement pilotée) a engendré une série de conflits embrasant de plus en plus de pays dans la région : Liban, Yémen, attaque opportune des rebelles islamistes en Syrie, opérations de la Turquie à sa frontière… Et c’est maintenant au tour de l’Iran, jusque-là actif dans la coulisse, d’entrer durablement en scène !
Tsahal a (potentiellement) réussi à décapiter le programme nucléaire iranien et nombreuses sont les chancelleries, à commencer par Washington, à se féliciter du succès de l’opération « Rising Lion ». Mais cette barbarie guerrière absurde ne bénéficiera, à terme, à personne ! Israël a réussi un coup, mais à quel prix ? Non seulement Netanyahu en jouant avec la politique irresponsable de la terre brûlée accélère encore le discrédit et l’isolement d’Israël sur la scène internationale, mais il expose son pays à un environnement encore plus chaotique : l’Iran est obligé de riposter, même si cela l’expose davantage à un ennemi très supérieur militairement. Une situation très grave qui peut même conduire à un effondrement militaire et politique du pays qui possède des frontières communes avec l’Irak, le Koweït, le Pakistan et l’Afghanistan. Avec ses réserves de pétrole et le contrôle qu’il exerce sur le détroit stratégique d’Ormuz, l’Iran est aussi un acteur économique mondial de premier plan. Et la République islamique n’hésitera pas à jouer avec tous les risques d’extension et d’intensification du chaos si elle se sent en danger. D’ailleurs, les autres requins impérialistes comme la Turquie, l’Arabie Saoudite ou les pays du Golfe ne sont pas en reste et sont aussi aux premières loges, dans cette poudrière, pour tenter, non d’apaiser la situation, mais de déstabiliser de tel ou tel concurrent. La boîte de Pandore continue donc de cracher sa vermine ! La guerre ne pourra que s’éterniser et porter les confrontations à un niveau bien supérieur, même si le désir de Netanyahu de voir le régime des Mollahs s’effondrer pouvait rapidement se réaliser !
Les « bonnes volontés » pacifistes n’y pourront rien : le capitalisme, c’est la guerre ! La bourgeoisie est incapable de stopper cette machine infernale ! Seule la révolution prolétarienne, en renversant le pouvoir de la bourgeoisie partout sur la planète, pourra libérer l’humanité de cette menace de plus en plus meurtrière et omniprésente.
Mais le chemin vers la révolution est encore long, même très long. Comme nous l’avons montré depuis 2022 dans notre presse, le prolétariat renoue désormais avec sa combativité, commence peu à peu à retrouver ses forces et son identité de classe. De toutes petites minorités en son sein cherchent même à renouer avec les positions révolutionnaires. Mais le prolétariat, s’il détient les clefs de l’histoire, n’a pas encore la force et la conscience de s’opposer à la guerre en tant que classe, d’opposer à la barbarie guerrière du capitalisme sa propre perspective de transformation révolutionnaire de la société.
La bourgeoisie est parfaitement consciente de ces faiblesses et mobilise tout son arsenal idéologique pour empêcher la maturation de la conscience de classe. Les prolétaires du monde entier doivent apprendre à se méfier des discours de la bourgeoisie, en particulier ses chapelles de gauche et d’extrême-gauche du capital (trotskistes, en particulier), destinés à légitimer, de manière prétendument critique, la politique d’un camp impérialiste en présence ou de l’autre. C’est le sens de la différence subtile que font certaines variétés du trotskisme entre agresseurs et agressés : « L’Iran a tout à fait le droit de riposter contre Israël, et nous devons nous opposer à l’attaque brutale d’Israël contre le peuple iranien ». (1) C’est la même confusion qu’induisent les appels aux dirigeants d’autres pays à rompre les liens avec Israël : « À bas l’agression israélienne contre l’Iran ! […] Macron, assez d’hypocrisie ! Rompez immédiatement tous les liens diplomatiques, militaires, économiques, commerciaux avec Israël ! ». (2) Derrière un langage soi-disant révolutionnaire, tous ces mystificateurs professionnels nous ont vendu pendant des mois leur camelote idéologique avec la « défense du peuple palestinien », c’est-à-dire le soutien au nationalisme palestinien dirigé par le Hamas, clique bourgeoise de la pire espèce largement soutenue et financée par l’Iran. Maintenant que les Mollahs doivent affronter plus directement Israël, les trotskistes plongent un peu plus dans la fange (si cela était encore possible) en appelant la classe ouvrière à soutenir la République islamique (pardon !… « le peuple iranien ») !
Face à la dynamique de pourrissement du capitalisme, toutes les nations, qu’elles soient puissantes ou faibles, n’ont plus rien à offrir que la guerre et la misère. Que ce soit au nom du « droit international », des « luttes de libération nationale » ou de la « lutte contre l’impérialisme », tous ces partis bourgeois, qui cherchent à faire croire qu’une solution de « paix » existe dans le capitalisme, qui poussent à soutenir les prétendus « agressés », font partie des plus dangereux ennemis de la classe ouvrière et cherchent à la détourner de son combat historique.
Car aujourd’hui, c’est dans la lutte de la classe ouvrière contre la dégradation généralisée de ses conditions de vie et de travail, conséquence de la crise historique du capitalisme et de l’augmentation considérable des budgets militaires, que la classe ouvrière pourra développer et politiser sa lutte en vue du renversement du capitalisme et de l’instauration d’une société sans nations, sans guerre et sans exploitation.
Stopio, 17 juin 2025
1 « Key questions about Israel’s escalation of war in Iran », Socialist Workers Party (juin 2025).
2 Le Parti des travailleurs en « délégation » à l’Élysée, le 11 juin.
Liens
[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2025/04/15/le-soudan-devaste-par-une-guerre-civile-qui-s-etend_6596190_3210.html
[2] https://fr.internationalism.org/tag/5/56/moyen-orient
[3] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/iran
[4] https://fr.internationalism.org/tag/5/57/israel
[5] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/benyamin-netanyahou