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Internationalisme n° 377 - 3e & 4e trimestre 2022

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La destruction de la nature fait du communisme une nécessité brûlante

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Au premier semestre 2022, comme au cours de tant d'années précédentes, la planète a été ravagée par de nombreux incendies de forêt en France, au Maroc, en Corée du Sud, en Turquie et en Argentine ; des inondations catastrophiques au Pakistan, en Inde, en Afrique du Sud, à Madagascar et au Brésil ; des tempêtes tropicales aux Philippines, au Mozambique, à Cuba et en Floride, des vagues de chaleur sans précédent en Inde et au Pakistan. L'augmentation de la température a considérablement accru le risque de catastrophes climatiques extrêmes. L'ampleur de la dévastation qui en résulte est effrayante : elle révèle l'accélération de la décomposition du capitalisme.

L'une des catastrophes naturelles les plus dévastatrices de 2022 a eu lieu au Pakistan. Au premier semestre 2022, le pays a été frappé par une vague de chaleur sans précédent, avec des températures de plus de 50°C, tandis qu'au second semestre 2022, quelques mois plus tard, un tiers du pays a été inondé et a rendu la situation complètement catastrophique. À Jacobabad, une ville de 200.000 habitants, les températures ont d'abord atteint  plus de 49°C, puis toutes les rues ont été inondées. Le Pakistan est connu pour sa vulnérabilité au changement climatique et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Cette année, des milliers de personnes sont mortes au Pakistan, dont 1.400 rien que des inondations. De nombreuses zones touchées par les inondations reçoivent le strict minimum de soutien de la part des autorités. Mais le capitalisme n'est pas intéressé à sauver des vies humaines.

Les conséquences désastreuses de la hausse des températures

La planète n'a jamais été aussi chaude. Depuis 1880, la température de la Terre a augmenté de 0,08°C par décennie, mais depuis 1981, le réchauffement a augmenté de plus du double : 0,18°C par décennie. En moyenne, sur les terres et les océans, les températures de surface en 2021 ont été de 1,04°C supérieures à celles des deux dernières décennies du XIXe siècle. Selon les Centres nationaux d'information sur l'environnement (NCEI), neuf des dix années les plus chaudes sont survenues après 2005, et les cinq années les plus chaudes de l'histoire sont toutes survenues après 2015. La NASA a confirmé cette observation, notant que la période 2010-2019 a été la décennie la plus chaude jamais enregistrée. La National Oceanicand Atmospheric Administration (NOAA) a constaté que les gaz à effet de serre piégeront 49 % plus de chaleur dans l’atmosphère en 2021 qu’en 1990

Mais quelle est la relation entre la hausse des températures et les perturbations et les extrêmes toujours croissants des conditions météorologiques? Il n'existe aucune preuve irréfutable qu'une tornade ou une inondation dans une quelconque région du monde soit causée par la hausse des températures. Au cours des 30 dernières années, le nombre de catastrophes liées au climat a triplé, et cette augmentation vient indirectement étayer l'hypothèse selon laquelle la majorité des catastrophes météorologiques sont dues au réchauffement de la planète et, en dernier ressort, à une "intervention humaine" irresponsable et destructrice. Avec une quasi-certitude, les scientifiques peuvent donc conclure que le réchauffement de l'atmosphère, des océans et des terres est à l'origine de la plupart des "catastrophes naturelles" de plus en plus dévastatrices.

L'augmentation de la température de l'air et de l'eau entraîne une élévation du niveau des mers et une fonte massive des calottes glaciaires, des tempêtes très violentes et des vents plus forts, des vagues de chaleur prolongées et des sécheresses plus sévères, des pluies diluviennes et des inondations massives, rendant de plus en plus de régions de la planète inhabitables. Et comme conséquence directe de ces conditions de crise, nous avons vu que :

-entre 2011 et 2020, les destructions associées dans le monde ont totalisé environ 2,5 billions de dollars, soit près de 50 % de plus qu'au cours de la période 2001-2010 ;

-depuis 2008, chaque année, plus de 20 millions de personnes ont été forcées de quitter leur foyer, un nombre qui augmente chaque année pour atteindre 30,7 millions rien qu'en 2020 ;

-de 1970 à 2019, plus de 11 000 catastrophes ont été signalées et attribuées à des risques naturels dans le monde, avec plus de deux millions de décès enregistrés.

La destruction de la nature par l'homme a une très longue histoire, mais dans les premières formes de société, cette destruction était si limitée que la nature était capable de s'en remettre. Au sein du capitalisme, cela a radicalement changé: il a développé des forces productives capables de changer l'apparence de la nature dans des régions entières en un laps de temps relativement court. Au cours de la révolution industrielle, par exemple, l'exploitation des mines de cuivre et de charbon dans le sud du Pays de Galles (Grande-Bretagne) a entraîné la destruction de grandes forêts en quelques décennies, modifiant à jamais le paysage.

Mais les humains ne peuvent pas impunément apporter des changements aussi radicaux à la nature. "À chaque étape, il nous est rappelé qu'en aucun cas nous ne devons dominer la nature comme un conquérant sur un peuple étranger. (...) Pour chaque victoire, la nature se venge sur nous"[1]. Aujourd'hui, ou plutôt au cours des dernières décennies, nous pouvons voir comment la nature, après 140 ans de pillage impitoyable par le capital, commence à se "venger" à l'échelle mondiale. Les processus enclenchés par la destruction de la nature se retournent contre la société comme un boomerang, sous la forme d'une augmentation rapide des catastrophes naturelles aux conséquences durables et de plus en plus dévastatrices.

Le réchauffement climatique est inhérent au mode de production capitaliste.

Dans les conditions capitalistes, chaque unité de capital doit s'accumuler et se développer sous l'impulsion de la concurrence avec les autres capitaux. Elle doit produire aussi efficacement que possible, avec la productivité la plus élevée et le coût le plus bas possible. Toute activité du capital vise constamment la croissance du profit et l’augmentation de l’exploitation de la nature : force de travail, sol, matières premières, etc. La rentabilité est le point de départ et d'arrivée de toute entreprise capitaliste.

Au sein du capitalisme, l'objectif n'est pas la création de produits plus utiles ("valeurs d'usage"), mais l'expansion de la production de marchandises pour le profit. Le capital a fait de l'augmentation de l'échelle de production, de l'expansion du marché et de la reproduction de la valeur à plus grande échelle, une fin en soi. Et plus le capital s'accumule, plus il peut s'accumuler. L'accumulation pour l'accumulation, la production pour la production, voilà ce qui caractérise le capitalisme. La poursuite perpétuelle de chaque cycle de production à une échelle toujours plus grande finit par devenir, dans la période de décadence du capitalisme, une logique complètement irrationnelle et même destructrice.

Pour le capital, la nature est un "don gratuit", elle n'a pas de prix, sauf pour la découverte et l'extraction, elle n'a pas de coût. D'un point de vue capitaliste, la nature est un réservoir de ressources que l'on peut piller à loisir. Ainsi, dans les comptes des entreprises capitalistes, tous les coûts sont notés avec précision (transport, machines, travail, etc.), mais pas les dommages causés à la nature par le processus de production capitaliste. Parfois, les dommages causés à la nature sont réparés, mais la plupart du temps pas par l’entreprise qui les a causés

Dans la période de décadence du capitalisme, et en particulier en raison des besoins de l'économie de guerre, chaque État national est obligé de renforcer son emprise sur la société et de soumettre de plus en plus de parties de la vie économique à son contrôle direct. Le capitalisme d'État est devenu la forme dominante et a enfermé de plus en plus le capital privé dans son carcan. Aujourd’hui, la totalité du capital d’une nation est concentrée autour de l’appareil d’État. Ainsi, la concurrence impitoyable entre les entreprises privées est largement engloutie et transformée en concurrence acharnée entre les États-nations.

Qu'est-ce que cela a à voir avec le problème du réchauffement climatique ? Cela signifie que les décisions les plus importantes dans la lutte contre le réchauffement climatique ne dépendent pas des décisions du capital privé, mais de la politique des États-nations. Et le bilan de la politique des États nationaux en matière de protection du climat n'est pas positif. Au contraire, à l'époque des blocs impérialistes, jusqu'en 1989, lorsque les nations étaient sous le joug du chef de bloc et forcées de coopérer, la bourgeoisie s'est déjà montrée incapable de faire quoi que ce soit de substantiel pour empêcher la poursuite de la destruction de la nature. Mais dans la phase actuelle de décomposition du capitalisme, où la cohésion des blocs n'existe plus et où les relations entre les nations sont dominées par le "chacun pour soi", par des forces centrifuges croissantes et un chaos militaire grandissant, la situation n'a fait qu'empirer . Toute tentative de définir une politique commune pour sauver le climat du réchauffement et prévenir des catastrophes météorologiques de plus en plus dramatiques est devenue illusoire. Toutes les tendances actuelles vont dans le sens d'un chaos politique croissant, dans lequel toute tentative d'établir un consensus mondial entre les États-nations est vouée à l'échec. Cela est vrai même lorsque ces tentatives se présentent comme "socialistes", le rêve des factions gauchistes de la bourgeoisie. Et toutes les conférences internationales pour la "protection" de la nature de ces 30 dernières années témoignent de cet échec.

La destruction de la nature au point qu'elle ne peut plus vraiment se rétablir est directement liée au capitalisme. Le capitalisme est absolument incapable de changer les lois économiques (la course à l'expansion, à la concentration et à l'augmentation des profits) qui sont responsables des dommages toujours plus importants causés à la nature. La société bourgeoise se montre "comme le magicien qui n'est plus capable de contrôler les forces du monde souterrain qu'il a conjurées avec ses sorts"[2] [2]. La hausse des températures et le réchauffement de la planète sont inhérents au mode de production capitaliste.

Cela signifie que, pour arrêter cette dynamique catastrophique, nous devons nous débarrasser du mode de production capitaliste. Il n'est pas nécessaire de s'étendre ici sur les nombreuses prédictions sombres mais réalistes ou sur les divers scénarios apocalyptiques qui nous attendent si la hausse des températures n'est pas arrêtée. On peut trouver de nombreux documents sur Internet, dans des magazines et des livres et, bien sûr, sur notre site web, par exemple l'article "Le monde à la veille d'une catastrophe écologique", (Revue internationale, édition française, anglaise et espagnole n° 135). Cependant, il y a une chose qui doit être mentionnée, c'est le fait que nous nous approchons rapidement du "point de non-retour". Nous sommes dangereusement proches de l'émergence des "effets de rétroaction", dans lesquels les émissions de carbone provenant de la fonte des tourbières et du pergélisol arctique, et en particulier le méthane, qui peut réchauffer l'atmosphère 20 fois plus que le carbone, augmentent si rapidement qu'il est impossible de les arrêter, entraînant la poursuite du réchauffement de la planète même si toutes les émissions humaines devaient cesser.

Changement climatique et guerre

L'industrie de la guerre est très polluante. On estime que les émissions des armées, et des industries qui les approvisionnent, représentent environ 5 % des émissions mondiales, soit plus que l'air et le transport maritime réunis. L'armée américaine émet à elle seule plus de gaz à effet de serre par an que des pays comme l'Espagne, le Portugal ou la Suède, et autant que les émissions annuelles de 257 millions de voitures. Le Cost of War Research Project de Boston a calculé que les émissions dues à toutes les opérations militaires américaines entre 2001 et 2017 sont estimées à environ 766 millions de tonnes de CO2.

En février 2022, l'armée américaine a publié sa première stratégie climatique (ACS), qui vise à réduire de moitié ses émissions d'ici 2030, par exemple en électrifiant ses véhicules de combat et non tactiques, en alimentant ses bases en électricité sans carbone et en développant des chaînes d'approvisionnement mondiales propres.

Pour une institution qui émet régulièrement des dizaines de milliers de kilotonnes de dioxyde de carbone par an et qui est responsable de la pollution environnementale la plus toxique à partir de matériaux comme l'agent orange, le carburant pour fusées et les mousses toxiques pour la lutte contre les incendies, ce plan est tout à fait hypocrite. Il s'agit d'une illustration parfaite de la campagne de "lavage écologique" de l'armée américaine : totalement inadéquate et une grande tactique de diversion.

Le militarisme continue d'empoisonner la planète et de contribuer au réchauffement climatique. Les conséquences environnementales de la guerre en Ukraine sont déjà désastreuses. Il existe des preuves d'une grave pollution de l'air et d'émissions de gaz à effet de serre résultant de l'intensité et de la constance des combats. Des missiles russes ont attaqué un certain nombre d'installations pétrolières et gazières en Ukraine. Les incendies qui en ont résulté ont provoqué de fortes émissions. Rien qu'au cours des cinq premières semaines de la guerre, 36 attaques russes contre des infrastructures de combustibles fossiles ont été enregistrées, entraînant des incendies prolongés qui ont libéré des particules de suie, de méthane et de carbone dans l'atmosphère. L'armée ukrainienne a riposté et mis le feu aux infrastructures pétrolières du côté russe.

Et ce n'est pas tout. Les deux parties n'hésitent pas à utiliser la centrale nucléaire de Zaporizja, la plus grande d'Europe, comme cible de leurs affrontements militaires. Les quatre lignes électriques à haute tension, qui sont censées alimenter la centrale pour la sécurité et le système de refroidissement, entre autres, sont régulièrement détruites par les bombardements. Ainsi, le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique a déclaré le 9 septembre que le risque d'un accident nucléaire à la centrale avait "considérablement augmenté". Toute nouvelle destruction des infrastructures autour de la centrale pourrait déjà avoir des conséquences énormes, voire une catastrophe nucléaire de l'ampleur de celle de Fukushima.

Les pays d'Europe occidentale ont accepté de se débarrasser des combustibles fossiles provenant de Russie. Wouter De Vriendt, du parti des Verts, a parlé devant le Parlement fédéral belge d'une grande opportunité "de se débarrasser des combustibles fossiles". Mais la réalité est très différente. La guerre en Ukraine ne sera pas une percée dans le passage à une énergie plus propre. Le gaz et le pétrole russes seront remplacés par des combustibles fossiles, dont certains sont encore plus polluants, comme le gaz de schiste et l'exploitation du lignite. L'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas ont hypocritement annoncé la levée des restrictions sur les centrales électriques à combustibles fossiles et ont prolongé la durée de vie d'une douzaine de centrales au charbon qui devraient fermer d'ici 2030. En fait, les pays occidentaux utilisent la guerre en Ukraine comme un alibi pour renforcer leurs propres industries de combustibles fossiles.

La "décroissance" : une fausse solution aux catastrophes climatiques croissantes

Le mot "décroissance" a été formulé pour la première fois en 1972 lorsque André Gorz a soulevé la question de la relation entre la croissance et le capitalisme. Le mouvement de la "décroissance" proprement dit a vu le jour environ 30 ans plus tard. En 2002, le magazine français Silence a publié un numéro spécial sur la "décroissance", qui a suscité un vif intérêt de la part du public. En 2008, la première conférence internationale sur la "décroissance" pour la durabilité environnementale et la justice sociale a eu lieu à Paris. Cela a donné un véritable élan au mouvement et plusieurs publications importantes ont vu le jour par la suite.

Il n'existe pas d'idéologie de la "décroissance" clairement définie. L'un des points approuvés par l'ensemble du mouvement est qu'il existe des limites à la croissance et que l'objectif est donc de remplacer la croissance quantitative par une croissance ou un développement qualitatif. La "dégravité", nous dit-on, peut être réalisée de nombreuses façons, mais les suggestions les plus courantes sont l'arrêt de la production de biens de consommation inutiles, de biens à obsolescence intégrée ou de biens qui ne peuvent être réparés, l'élimination progressive des combustibles fossiles, le remplacement des transports privés par des transports publics, le démantèlement de l'industrie de l'armement et du complexe militaro-industriel, etc.

Ces propositions ont beaucoup de sens en elles-mêmes. La question est de savoir si elles pourront un jour être mises en œuvre dans le cadre du capitalisme. Ils sont "fondés sur un constat très précis : dans le système capitaliste, la production n'a pas pour but de répondre aux besoins de l'humanité, mais de faire du profit, et ce faisant, non seulement elle ne crée pas de bien-être (loin de là), mais elle détruit la planète". La solution, pour les partisans de la "décroissance", est donc de consommer mieux et moins. [Mais la théorie de la décroissance n'aborde qu'une partie du problème et de manière superficielle ; elle ne va pas au cœur du problème."[3] . [3]

Au sein du mouvement écologiste, certains courants l'ont également compris, affirmant que le capitalisme est à l'origine de la crise climatique et que "toute véritable alternative à cette dynamique perverse et destructrice doit être radicale - c'est-à-dire s'attaquer aux racines du problème : le système capitaliste. (...) La décroissance écosocialiste est une telle alternative". [4]Bien sûr, nous sommes d'accord sur le fait que le capitalisme ne peut pas résoudre le problème du réchauffement climatique, car il est inhérent à la logique de son système. Le capitalisme lui-même doit donc être aboli.

Mais les propositions réelles de ces "écosocialistes" pour créer les conditions nécessaires à l'abolition du capitalisme sont loin d'être radicales. S'ils prônent " l'appropriation sociale des principaux (ré)moyens de production "[5], nous sommes laissés dans le flou total quant à savoir qui doit s'approprier ces (ré)moyens de production. Le peuple, comme on le suggère ? Mais dans une société de classes, le "peuple" en tant que catégorie n'existe pas, ou n'existe que comme une abstraction. Et il est impossible d'attribuer les moyens de production à une abstraction. La seule conclusion qui reste est qu'ils doivent être pris en charge par l'État, dont les écosocialistes ne prévoient pas la destruction.

Ainsi, la formulation selon laquelle "les décisions les plus importantes concernant les priorités de production et de consommation seront prises par le peuple lui-même" est principalement une couverture pour les tendances démocratiques de base des auteurs, qui ne dépasse pas les limites du mode de production capitaliste.

Malgré son langage "radical", l'idéologie de l'écosocialisme est un excellent outil pour détourner les véritables préoccupations concernant la crise climatique de la nécessité d'un changement fondamental des relations sociales vers l'impasse d'une réforme impossible de l'ordre existant.

Mais pire encore, l'idée de "décroissance" dans un régime capitaliste d'État peut également servir de justification idéologique à de nouvelles attaques contre les conditions de vie des travailleurs. Elle pourrait être utilisée pour appeler les travailleurs à réduire leur consommation en faveur d'une politique "écologique" menée par l'État. Au final, cela ne signifierait que plus d'austérité.

Le capitalisme ne peut pas être réformé. C'est un système d'exploitation moribond qui entraîne l'humanité dans l'abîme. Par conséquent, toute lutte réelle contre la poursuite de la destruction de la nature sera impossible tant que le capitalisme régnera sur la planète. Un véritable changement dans la relation entre l'homme et la nature ne peut commencer que sous la dictature du prolétariat. L'équilibre entre l'homme et la nature "ne peut exister que dans le fait que l'homme socialisé, les producteurs associés, règlent rationnellement leur métabolisme avec la nature".[6]

Dennis/octobre 2022


[1] Friedrich Engels, "Le rôle du travail dans le passage du singe à l'homme". [2]

[2] Karl Marx et Friedrich Engels, "Le Manifeste Communiste [3]".

[3] "Journée d'échanges à Marseille : un débat ouvert et fraternel sur «Un autre monde est-il possible ?», ICConline - 2008.

[4] Michael Löwy, BengiAkbulut, Sabrina Fernandes et Giorgos Kallis "Pour une décroissance écosocialiste".

[5] Ibidem

[6] Karl Marx, "Le Capital, vol. III, partie VII. Les revenus et leurs sources, chapitre 48. La triple formule [4]"

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Crise écologique

Le gouvernement nous dit qu’il n’a pas de solution miracle à la crise - Refusons les sacrifices pour sauver ce système pourri

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Les prix du gaz et de l'électricité sont multipliés par 3 ou 4, l'inflation dépasse les 11 % (et plus de 15 % aux Pays-Bas) et les prix des denrées alimentaires montent en flèche. De tels chiffres n’avaient plus été atteints depuis les années 1970 du siècle dernier. Aux familles ouvrières confrontées à la hausse vertigineuse de leurs factures d'énergie et des prix dans les supermarchés, ce qui ne leur laisse souvent le choix qu’entre baisser le chauffage ou réduire les achats de nourriture, le gouvernement De Croo, a annoncé des mesures pour tenter d'apaiser l’inquiétude et la colère croissantes. Après la réunion du Comité consultatif fédéral (regroupant le gouvernement fédéral et les trois gouvernements régionaux) fin août, et un conclave budgétaire du gouvernement fédéral en septembre, il a appelé à faire confiance à la préoccupation sociale du gouvernement : "Il n'y a pas de solution miracle, mais nous sommes très clairs : nous allons tout mettre en œuvre pour nous en sortir". Assez d’hypocrisie !

La vérité de « Il n’y a pas de solutions miracles ».

Un rapide survol de la situation financière de l’État révèle effectivement qu’il ne faut rien attendre de la bourgeoisie belge et de son gouvernement. Les finances de l'État belge sont dans un état déplorable, comme le souligne le dernier rapport du comité de suivi - composé de fonctionnaires de différents ministères - qui indique que le budget fédéral pour l'année prochaine se dirige vers un déficit de 23 milliards d'euros, soit 3 milliards de plus que la précédente estimation de juillet de cette année. Ce rapport tablait alors encore sur un déficit budgétaire de 3,5 %, mais il est maintenant déjà estimé à 4 %. Selon la Banque Nationale, à politique inchangée, les déficits atteindront même 4,5% cette année et en 2023 et 5% en 2024. En 2019 déjà, les finances de l’État étaient problématiques et la dette dépassait les 100% du PIB. Depuis, la crise au Covid-19 a creusé en 2020 un déficit budgétaire d’environ 10% du produit intérieur brut (PIB) et les inondations dramatiques de l’été 2021, causées par la crise climatique, a demandé une intervention publique de 4 milliards d'euros. Bref, aujourd’hui, les caisses sont vides, « La dette nationale globale semble hors de contrôle » (De Standaard, 12/10/2022), tandis qu’une récession économique pointe le nez.

L’illusion de « nous allons tout mettre en œuvre pour nous en sortir"

Les négociations autour du budget 2023-2024 et les « oppositions » entre les différents partis au gouvernement, entre socialistes et libéraux, entre écologistes et chrétiens-démocrates, ont constitué un grand show politique et médiatique qui, au-delà du besoin pour chaque « famille politique » de se profiler, visait essentiellement deux objectifs :

- convaincre la population et la classe ouvrière que le gouvernement faisait effectivement de son mieux pour adoucir le choc et donc que la colère face à la situation ne devait pas se retourner contre lui ;

- préparer la population et surtout à nouveau la classe ouvrière au caractère irrémédiable des vagues d’austérité : « nous avons tout mis en œuvre mais hélas, il n’y a pas de miracle » !

En réalité, que représentent les mesures prises par le gouvernement ? « Le coût de toutes les mesures visant à réduire la facture énergétique s'élève déjà à 10 milliards d'euros. Une taxe sur les bénéfices excédentaires devrait contribuer à payer le prix de revient des nouvelles mesures » (La secrétaire d’État au budget, dans DS, 12-10-2022). Un simple calcul démontre toutefois que cette taxe sur les surprofits des entreprises énergétiques, estimée à 3 milliards d’euros, reste tout d’abord hypothétique et sera de toute façon largement insuffisante pour couvrir le coût de la facture énergétique de l’État Belge. De plus, les mesures prises pour soutenir les travailleurs et leurs familles, ne sont guère plus que du bricolage à la marge et atténueront à peine l'impact de la hausse des prix de l'énergie et de l’inflation.

Et le pire est encore devant nous. Dans les prochains mois, une « récession mondiale » est annoncée qui entraînerait déjà une baisse de 0,2% du PIB d’octobre à décembre, même si la Belgique, très dépendante des marchés mondiaux pour son importation d’énergie et ses exportations, espère encore que l’UE pourra partiellement réduire l’impact de la récession sur son économie. Déjà, le coût croissant de l’énergie met près de 30% des entreprises en difficulté et certaines sont obligées de réduire, voire d’arrêter leur production (industrie métallurgique, industrie chimique, horticulture sous serre, etc.) : 200 entreprises belges ont demandé le chômage temporaire pour 10 684 travailleurs (données de l’agence pour l’emploi, DS 14/10/2022)). En outre, sous la pression internationale, la Belgique participe pleinement à l’effort militaire accru demandé aux pays de l’OTAN suite à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Fin février 2022, le gouvernement Vivaldi a adopté un plan d'investissement, le Plan Star, qui prévoit une augmentation de 10 milliards d'euros des dépenses militaires d'ici 2030. En mars 2022 (après le déclenchement de la guerre), une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros a été ajoutée pour la législature actuelle (jusqu'en 2024), afin d'améliorer « la capacité de déploiement de l’armée » dans des opérations militaires.

Bref, les promesses de la bourgeoisie belge sont illusoires et trompeuses : face à la récession, aux catastrophes climatiques, à la guerre, à l’afflux de réfugiés, au déficit budgétaire et à la dette, "les possibilités ne sont pas infinies", comme le reconnaît le ministre-président de la Flandre J. Jambon. En réalité, la bourgeoisie belge, comme ses consœurs, n’a qu’une alternative : imposer de nouveaux sacrifices aux travailleurs. La compensation limitée des hausses de l’énergie et de l’inflation est déjà une attaque contre les conditions de vie des travailleurs, tout comme des mesures budgétaires telle la limitation du crédits-temps pour motif de "soins aux enfants" ou la norme de croissance des soins de santé réduite à 2% à partir de 2024. Mais le gouvernement laisse entendre que le budget 2023 - 2024 est temporaire et diverses pistes de rationalisation sont déjà mises en œuvre ou envisagées : les hausses de salaires accordées aux fonctionnaires fédéraux et aux policiers ont été réduites et reportées à plus tard, l'indexation, automatique des salaires est dans le viseur et l’idée d’un « saut d’index » a été avancée ainsi que la révision du mode de liaison des pensions des fonctionnaires au bien-être, des administrations communales suppriment des postes de personnel statutaire et enfin, certaines entreprises appliquent déjà des baisses de salaire.

Refuser de faire des sacrifices est déjà une victoire

Le développement des restrictions et des attaques visant la classe ouvrière, comme conséquence d’un système économique dans l’impasse sur tous les plans, impose une transformation de l’indignation et de la colère qui montent dans les rangs ouvriers en une résistance active pour la défense de leurs intérêts de classe. À cet égard, les travailleurs belges doivent prendre exemple sur la résistance combattive de leurs frères de classe au Royaume-Uni et en France aujourd'hui (lire les tracts « L'été de la colère au Royaume-Uni. La bourgeoisie exige de nouveaux sacrifices, la classe ouvrière répond par la lutte [5] » et « Grèves dans les raffineries françaises et ailleurs... La solidarité dans la lutte, c’est la force de notre classe ! [6] » ainsi que l’article « Le retour de la combativité du Prolétariat mondial »). Ils doivent s’en inspirer pour surmonter leur désarroi et renforcer leur détermination à ne plus avaler les sacrifices et les rationalisations économiques. La tension sociale qui s’accroît avec des grèves spontanées dans plusieurs succursales des supermarchés Delhaize, des mouvements sociaux à l'aéroport de Charleroi, au service clientèle d'ENGIE Electrabel à Gand, chez les cheminots de la SNCB ou dans les transports communs en Wallonie, dans le secteur de la culture en Flandre contre la détérioration des conditions de travail ou pour des revendications salariales, indiquent que, malgré les campagnes de la bourgeoisie pour mettre en valeur sa préoccupation sociale, la classe ouvrière n’est plus disposée à accepter les sacrifices en Belgique aussi.

Cependant, les travailleurs doivent être attentifs à un danger propre au contexte actuel. L’impact de la crise énergétique et de l’inflation ne touche pas seulement les travailleurs, mais également les indépendants, les commerçants, les petits patrons qui s’insurgent aussi contre les conditions actuelles. Dès lors, le danger de mouvements interclassistes, type « gilets jaunes » ou de révoltes populistes (« je refuse de payer mes factures ») est intense et est d’ailleurs stimulé par des campagnes de partis comme le Parti du Travail de Belgique (PTB). Les travailleurs ne doivent pas se laisser submerger par de tels mouvements et se laisser isoler en tant que simples « citoyens ». La force de leur combat réside dans leur capacité à se mobiliser sur des revendications et un mode d’organisation propre à la classe ouvrière.

La bourgeoisie belge est parfaitement consciente – et les mouvements sociaux en Grande-Bretagne et en France le lui rappellent chaque jour – que la mise en œuvre d’une politique d'austérité implique nécessairement d’affronter une classe ouvrière qui semble retrouver sa combativité. Pour ce faire, elle dispose cependant d’une arme redoutable : les syndicats. Une des armes de ceux-ci pour détourner et désamorcer la combativité ouvrière est la campagne syndicale visant à "abolir la loi sur les normes salariales", afin d’obtenir des négociations "libres" dans les entreprises entre patrons et syndicats. Par ce biais, ces derniers veulent en vérité diviser les mouvements par entreprise et opposer les secteurs économiquement forts aux les secteurs économiquement faibles. Par ailleurs, depuis le printemps 2022, ils ont mis en place une série d’actions éparses visant à fragmenter et à épuiser la volonté de résistance ouvrière face aux mesures : en juin, une réunion convoquée par le front commun des syndicats à laquelle 70.000 personnes ont participé,  grève d’un jour dans les chemins de fer le 5 octobre, regroupements de militants devant les centrales nucléaires et autres centrales de production d’électricité fin octobre ou encore grève générale d’un jour le 9 novembre, espérant ainsi « lâcher de la pression ». Toutes ces actions, s'inscrivent dans la stratégie des syndicats qui consiste à laisser les travailleurs se défouler pour éviter les explosions de colère spontanées et « sauvages ». Comme leurs collègues en Grande-Bretagne ou en France, les syndicats belges visent par tous les moyens à occuper le terrain et à étouffer dans l'œuf toute réaction décidée des travailleurs.

La bourgeoisie ne peut d’aucune façon « résoudre » la crise qui est fondamentalement une crise historique de son système. Elle ne peut qu’en détourner les conséquences sur la classe ouvrière qui subit les attaques et est censée accepter les sacrifices pour soutenir l'économie nationale dans sa compétition avec d'autres nations capitalistes. Ces sacrifices ne servent que les intérêts de la bourgeoisie, et d'un système en perdition. Cependant, « l’atmosphère sociale » est en train de changer, comme l’illustre les luttes de résistance en Grande-Bretagne et en France et aussi la circonspection actuelle du gouvernement De Croo envers l’imposition de mesures contre les travailleurs en Belgique. Dans ce sens, entrer en lutte pour refuser des sacrifices est déjà une victoire qui ne pourra que renforcer parmi les travailleurs le développement de la solidarité et de la prise de conscience de leur force, ainsi, qu’à terme, de leur capacité à proposer une alternative pour ce système totalement en faillite.

Hugo S./22.10.2022

Situations territoriales: 

  • Situation économique en Belgique [7]
  • Situation sociale en Belgique [8]

Personnages: 

  • Alexander De Croo [9]

Rubrique: 

Belgique

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Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/f_isme_377_klweb.pdf [2] https://www.marxists.org/nederlands/marx-engels/1876/1876aapmens.htm [3] https://www.marxists.org/nederlands/marx-engels/1848/manifest/cm.pdf [4] https://www.marxists.org/nederlands/marx-engels/1894/kapitaal-3/48.htm [5] https://nl.internationalism.org/content/1631/de-bourgeoisie-gelast-nieuwe-opofferingen-de-arbeidersklasse-antwoordt-met-strijd [6] https://fr.internationalism.org/content/10815/greves-raffineries-francaises-et-ailleurs-solidarite-lutte-cest-force-notre-classe [7] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-economique-belgique [8] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-belgique [9] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/alexander-croo