Nous publions ci-dessous de larges extraits du courrier d’un de nos lecteurs, suivi de notre réponse. Ce courrier critique notre “Rapport sur la question du cours historique”, adopté au 23e Congrès du CCI et publié dans la Revue internationale n° 164. Le camarade aborde également une autre question : celle de la perspective, toujours possible, d’une guerre nucléaire généralisée. Nous répondrons sur ce dernier aspect ultérieurement, dans une deuxième partie.
“Mes lectures multiples du rapport sur le cours historique paru dans la Revue Internationale numéro 164 me laissent très perplexe et dubitatif. J’ai beaucoup de mal à me faire une opinion précise et définitive sur ce texte. Plutôt que prendre position je préfère vous faire part de remarques un peu décousues et disparates. J’espère que ces remarques permettront de faire avancer le débat éventuellement dans un courrier des lecteurs du journal.
La première remarque consiste en un certain étonnement quant à l’apparition maintenant de cette remise en cause. En effet, le CCI même s’il se défend de toute invariance à la “bordiguiste”, ne pratique jamais un changement à 180° de cette façon. Je n’ai pas d’autre exemple de la remise en cause d’une position “pilier” de cette importance depuis 45 ans (date de la création du CCI). Éclairez-moi s’il y a eu un ou des précédents ? […]
La deuxième porte sur le moment où apparaît cette “révolution” historique, c’est-à-dire 30 ans après l’effondrement de l’URSS et de son bloc impérialiste. Quel événement interne ou externe au CCI a provoqué ces derniers mois cette remise en cause d’un de ses piliers programmatique ? 30 ans après 1989. Le seul événement “interne” était la nécessité de faire le bilan des 40 ans CCI et de revoir une analyse qui n’était plus adaptée Je me souviens de multiples discussions dans des réunions publiques ces 30 dernières années où cette affirmation du cours historique contre des questionnements de sympathisants sur l’état de la classe ouvrière était un argument décisif dans l’argumentation.
Troisième remarque : le distinguo entre cours historique et rapport de force entre les classes m’apparaît difficile à saisir et ne me convainc pas. Une première compréhension de ma part de ce texte est le caractère évolutif dans un seul sens contenu dans l’expression cours historique opposé à une perception du rapport de force entre les classes comme une situation bloquée, indécise et finalement aléatoire quant à son évolution.
pour illustrer ma position, je reprendrai l’expression d’Albert Einstein dans ses critiques des postulats de la mécanique quantique : “Dieu ne joue pas aux dés”. Finalement la notion de cours historique est plus pertinente pour moi car dans le rapport de force entre les classes “mesuré” à un moment, il y a une tendance de fond, un mouvement (qui peut s’inverser) qui est continuellement à l’œuvre et qui ira jusqu’à son aboutissement. Pour conclure cette remarque, j’ai l’impression d’une évolution “pessimiste” de l’appréciation du cours historique par le CCI tout au long de ces 50 dernières années. On est passé d’un cours à la “révolution” dans les années 70 et 80, puis par un cours “aux affrontements de classe” des années 90 et 2000 pour finir par une perception actuelle d’un cours vers une défaite annoncée du prolétariat.
Dernière remarque que je vais développer davantage car mes idées sont plus claires et cela concerne un argument avancé par le CCI pour justifier son abandon d’un cours historique à l’œuvre. Cet argument c’est l’inexistence actuelle de blocs militaires et l’absence de mouvement de rapprochement de différents pays en vue de la constitution de tels blocs. Contrairement aux alliances précédent la Première Guerre mondiale entre la France, le Royaume-Uni, et la Russie d’un côté, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, et la Turquie de l’autre ou bien aux alliances précédent la Seconde entre la France, le Royaume-Uni et la Pologne cette fois et l’Allemagne, l’Italie et l’URSS (pacte Molotov-Ribbentrop !) en face ; il n’y a pas eu depuis l’effondrement de l’URSS des alliances de ce type. Outre la question des armements nucléaires à longue portée, il y a en ce moment un pays qui n’a pas besoin d’avoir constitué un bloc uni et parfaitement tenu et soutenu pour se lancer dans une guerre qui, si elle n’est pas mondiale, ne sera pas cantonné à un théâtre d’opération limité dans le temps et dans l’espace (comme par exemple les deux guerres contre Saddam Hussein). Ce pays c’est bien sûr les États-Unis qui ont la puissance économique, la suprématie militaire et les bases néanmoins pour une intervention partout dans le monde. Pour qu’une guerre avec des batailles dans différents endroits de la planète, qui se produisent simultanément et qui s’étalent sur une période assez longue (plusieurs années) se produise il suffit qu’une autre puissance qui elle constitue des états vassalisés par le commerce extérieur et les investissements économiques, se dote de bases militaires à l’étranger dans ces états vassaux, commence à construire des porte-avions et généralement une marine de guerre efficace et nombreuse pour qu’à un certain moment le risque de conflit généralisé devienne une probabilité non négligeable. Ce pays existe déjà, c’est la Chine qui risque grâce à l’épidémie de Covid-19 de bientôt dépasser les États-Unis au niveau économique mondial. La possibilité d’un “dérapage” dans les années à venir sur la question de Taïwan, dégénérant en un affrontement généralisé entre ces deux pays dans différents endroits obligeant d’autres états à se positionner et donc prendre parti pour l’un ou l’autre (par exemple France, Royaume-Uni et Allemagne pour les États-Unis dans le cadre de l’OTAN et Russie pour la Chine) est une possibilité qui n’est pas du tout farfelue. Des batailles dans les pays de l’Est, des bombardements dans l’Europe de l’Ouest pourraient découler de cette situation. Je pense que la question de la guerre n’est pas du tout évacuée par la théorie de la décomposition qui remplace la théorie du cours historique.
Pour conclure sur cette dernière remarque, le hasard a fait que j’ai lu récemment deux articles dans la presse qui apportent de l’eau à mon moulin. Dans l’Obs, dans un petit article sur l’évolution de l’économie mondiale il est remarqué que la puissance qui a été à l’origine de cette pandémie est la seule paradoxalement qui verra une croissance positive en 2020. L’article se termine ainsi : “Quand la crise sera terminée, il faudra faire un nouvel état des lieux des forces en présence. Mais d’ores et déjà, on peut annoncer que la Chine se rapproche dangereusement des États-Unis.” Dans le Canard Enchaîné sont rapportés les propos du responsable des armes nucléaires des États-Unis Charles Richard : “il est temps que les États-Unis révisent et mettent à jour leur doctrine nucléaire, car la nation n’a pas pris au assez sérieux, jusqu’à présent, la possibilité qu’elle puisse être engagée à l’occasion d’une compétition armée direct face à des adversaires dotés de l’armement nucléaire. Durant 30 ans le Pentagone a considéré qu’il n’existait pas de menaces. Ce discours post-guerre froide est terminé. Nous devons assumer la perspective qu’une guerre nucléaire puisse un jour avoir lieu. Nos adversaires ont profité de cette période pour dissimuler leur comportement agressif, accroître leur potentiel militaire et reconsidérer leurs tactiques et stratégies. Nous ne pouvons plu attendre de nos adversaires qu’ils respectent les contraintes que chacun s’imposait jusqu’à maintenant selon que la guerre pourrait être conventionnelle ou nucléaire qui ont désormais une conception de la dissuasion différente de la nôtre”
J’espère que ces quelques remarques pourront être utiles dans le développement de la discussion sur la question essentielle de l’abandon de la notion de cours historique par le CCI.
D.
Tout d’abord, nous tenons à vivement saluer l’effort du camarade D. et la réflexion qu’il a menée sur la notion de “cours historique”, permettant d’alimenter et enrichir le débat.
Le camarade se pose, en premier lieu, la question suivante : comment se fait-il que le concept de “cours historique” qui a toujours été un des “piliers” de l’analyse du CCI depuis sa fondation soit aujourd’hui remis en cause et abandonné dans le “Rapport que la question du cours historique” de notre 23e Congrès ? Le camarade nous demande également : le CCI a-t-il abandonné ou rectifié d’autres positions ?
À la première question, nous devons renvoyer le camarade à ce qu’affirme très explicitement l’article de la Revue internationale : “En effectuant le changement nécessaire de notre analyse, nous avons repris la méthode de Marx et du mouvement marxiste, depuis sa création, consistant à changer de position, d’analyse, et même de programme complet, dès lors qu’ils ne correspondaient plus à la marche de l’histoire, et cela pour être fidèles au but même du marxisme comme théorie révolutionnaire. Un exemple célèbre est celui des modifications importantes que Marx et Engels ont apportées successivement au Manifeste communiste lui-même, résumées dans les préfaces ultérieures qu’ils ont ajoutées à cette œuvre fondamentale, à la lumière des changements historiques intervenus. Les générations suivantes de marxistes révolutionnaires ont adopté la même méthode critique : “Le marxisme est une vision révolutionnaire du monde qui doit appeler à lutter sans cesse pour acquérir des connaissances nouvelles, qui n’abhorre rien tant que les formes figées et définitives et qui éprouve sa force vivante dans le cliquetis d’armes de l’autocritique et sous les coups de tonnerre de l’histoire” (“Critique des critiques”, 1916, Rosa Luxemburg).
L’insistance de Rosa, à cette époque, sur la nécessité de reconsidérer les analyses antérieures afin d’être fidèle à la nature et à la méthode du marxisme, en tant que théorie révolutionnaire, était directement liée à la signification changeante de la Première Guerre mondiale. La guerre de 1914-1918 a marqué le tournant du capitalisme en tant que mode de production, de sa période d’ascension ou de progrès à une période de décadence et d’effondrement, laquelle a fondamentalement changé les conditions et le programme du mouvement ouvrier. Mais seule la gauche de la 2e Internationale commença à reconnaître que la période précédente était définitivement révolue et que le prolétariat entrait dans l’“époque des guerres et des révolutions”.
C’est donc en adoptant la même démarche que celle du mouvement ouvrier du passé que nous avons été amenés à remettre en question le concept de “cours historique”. Un concept que nous estimons dépassé depuis l’effondrement du bloc de l’Est en 1989, ouvrant une nouvelle phase au sein de la période historique de la décadence du capitalisme, sa phase ultime : celle de la décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme. De même que l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence avaient rendu obsolètes les luttes de libération nationale, défendues par les marxistes au XIXe siècle, l’analyse du “cours historique” permettant de comprendre dans quel sens évolue la société, est devenue caduque. L’alternative historique n’est plus aujourd’hui “Guerre mondiale ou révolution prolétarienne” (comme c’était le cas dans le passé) mais “Destruction de l’humanité dans un chaos généralisé ou révolution prolétarienne”.
Notre article de la Revue internationale n° 164 explique de façon très approfondie la différence entre le concept de “cours historique” et celui de “rapport de force entre les classes”. Nous avions commis l’erreur d’identifier dans le passé ces deux notions alors qu’il s’agit de deux concepts distincts. Au XIXe siècle, dans la période ascendante du capitalisme, le concept de “cours historique” n’avait pas été utilisé par les révolutionnaires car nous n’étions pas encore entrés dans “l’ère des guerres et des révolutions” (comme le disait l’Internationale communiste en 1919). Ni l’échec de la révolution de 1848, ni l’écrasement de la Commune de Paris en 1871, n’avaient débouché sur une guerre impérialiste, bien que le rapport de force entre la bourgeoisie et le prolétariat ait été inversé en faveur de la classe dominante.
Avec l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence, la question du “cours historique” est adoptée par les révolutionnaires pour comprendre dans quelle direction générale va la société. En 1914, la défaite idéologique du prolétariat (avec le vote des crédits de guerre par la social-démocratie et la trahison des partis ouvriers) avait permis l’embrigadement de dizaines de millions de prolétaires dans la Première Guerre mondiale. Le rapport de force entre les deux classes fondamentales de la société était en faveur de la bourgeoisie qui avait réussi à envoyer le prolétariat sur les champs de bataille la fleur au fusil. Pour la première fois dans l’Histoire, était posée l’alternative : “socialisme ou barbarie”, “révolution prolétarienne ou destruction de l’humanité dans la Guerre mondiale”. Puis en 1917, avec le triomphe de la Révolution russe et son impact dans d’autres pays (notamment en Allemagne), le rapport de force entre les classes est inversé au profit du prolétariat mettant fin à la Guerre mondiale. Le “cours historique” est pour la première fois, un cours vers la Révolution prolétarienne mondiale, posant la question du renversement du capitalisme, ce qui s’est manifesté par une véritable vague révolutionnaire qui s’est développée à travers le monde entre 1917 et 1923, et encore en 1927 en Chine. Mais avec l’écrasement sanglant de la Révolution en Allemagne et de la contre-révolution stalinienne sous couvert du “socialisme dans un seul pays”, la bourgeoisie a pu reprendre le dessus. Cette défaite physique du prolétariat a été suivie par une profonde défaite idéologique qui avait permis son embrigadement derrière les drapeaux de l’antifascisme et de la défense de la “patrie socialiste”. Le rapport de force entre les classes ayant été inversé en faveur de la bourgeoisie, un nouveau cours historique s’est affirmé dans les années 1930 : la société s’acheminait inexorablement vers une Deuxième Guerre mondiale. La classe dominante avait pu soumettre la classe ouvrière à la chape de plomb d’une longue période de contre-révolution en se donnant tous les moyens pour empêcher le prolétariat de renouveler l’expérience révolutionnaire de 1917-18. Cette période de contre-révolution victorieuse n’avait donc pas permis au prolétariat d’inverser le cours historique en affirmant de nouveau sa perspective révolutionnaire. Une telle situation ne pouvait donc que laisser les mains libres à la bourgeoise pour imposer sa propre réponse à la crise historique de son système : la Guerre mondiale.
C’est seulement après un demi-siècle de contre-révolution que le prolétariat, en reconstituant progressivement ses forces, a pu de nouveau relever la tête : à la fin des années 1960, avec le resurgissement de la crise économique et l’épuisement du “boom” économique des “Trente Glorieuses”, le prolétariat réapparaît de nouveau sur la scène de l’Histoire. La vague de luttes ouvrières qui a secoué le monde, notamment en mai 1968 en France et lors de “l’automne chaud” en Italie en 1969, a révélé que le prolétariat n’était pas disposé à accepter la détérioration de ses conditions de vie. Comme nous l’avons toujours affirmé, un prolétariat qui n’accepte pas les sacrifices imposés par la crise économique n’est pas prêt à accepter le sacrifice ultime de sa vie sur les champs de bataille. Avec l’usure des mystifications bourgeoises qui avaient permis son embrigadement dans la Deuxième Guerre mondiale (celle de l’antifascisme et du stalinisme), la classe ouvrière a repris le dessus à la fin des années 1960. En faisant obstacle au déchaînement d’une nouvelle Guerre mondiale, la reprise internationale des combats de classe avait mis fin à la période de contre-révolution et ouvert un nouveau cours historique : un cours vers des affrontements de classe généralisés remettant à l’ordre du jour la perspective de la révolution prolétarienne.
L’histoire du XXe siècle a donc montré la dynamique du capitalisme et l’évolution de la société en fonction du rapport de force entre les classes. C’est ce rapport de force qui détermine le “cours historique”, c’est-à-dire dans quelle direction se dirige la société face à la crise permanente du capitalisme : soit vers la guerre mondiale, soit vers la révolution prolétarienne.
Bien que le “cours historique” soit tributaire, en dernière instance, du rapport de force entre les classes, ces deux notions ne sont pas identiques. Pour les marxistes, le “cours historique” n’est pas figé. Il est fondamentalement déterminé par la réponse que la bourgeoisie et le prolétariat apportent, à un moment donné, à la crise de l’économie capitaliste. “Nous avons eu tendance, sur la base de ce que la classe ouvrière a connu au cours du XXe siècle, à identifier la notion d’évolution du rapport de force entre les classes entre la bourgeoisie et le prolétariat à la notion de “cours historique”, alors que ce dernier indique un résultat alternatif fondamental, la guerre ou révolution mondiale, une sanction du rapport de force entre les classes. D’une certaine manière, la situation historique actuelle est similaire à celle du XIXe siècle : le rapport de force entre les classes peut évoluer dans une direction ou dans une autre sans affecter de manière décisive la vie de la société”. (1)
L’incompréhension de cette notion de “cours historique” avait d’ailleurs conduit certains révolutionnaires du passé à se fourvoyer dangereusement. Ce fut le cas notamment de Trotsky qui, dans les années 1930 et alors que le prolétariat des pays centraux était embrigadé derrière les drapeaux bourgeois de l’antifascisme et de la défense des “acquis ouvriers” en URSS, n’avait pas compris que la société s’acheminait de façon irrémédiable vers la Guerre mondiale. Trotsky n’avait pas compris que la guerre d’Espagne était le laboratoire de la Deuxième Guerre mondiale. En voyant dans le soulèvement du prolétariat espagnol contre le franquisme une “révolution” se situant dans la continuité de celle d’Octobre 1917 en Russie, Trotsky avait fini par pousser prématurément à la fondation d’une Quatrième Internationale, alors que les conditions historiques étaient marquées par la défaite et que la “tâche de l’heure” était, pour les révolutionnaires, de tirer le bilan et les leçons de l’échec de la révolution russe et de la première vague révolutionnaire.
Notre lecteur nous fait la critique suivante : il exprime “un certain étonnement quant à l’apparition maintenant de cette remise en cause. Quel événement interne ou externe au CCI a provoqué ces derniers mois cette remise en cause d’un de ses piliers programmatique, 30 ans après 1989 ? […] Seul événement “interne” était la nécessité de faire le bilan des 40 ans du CCI et de revoir une analyse qui n’était plus adaptée. Je me souviens de multiples discussions dans des réunions publiques ces 30 dernières années où cette affirmation du cours historique contre des questionnements de sympathisants sur l’état de la classe ouvrière était un argument décisif dans l’argumentation”.
La première question à laquelle nous voulons répondre au camarade D. est la suivante : l’effondrement du bloc de l’Est en 1989 est-il un événement d’une portée historique telle qu’il justifie que nous examinions dans quel sens se dirige la société ? Comme nous l’avons mis en évidence dans notre presse, l’effondrement des pays staliniens a mis définitivement un terme au mythe de la “patrie du socialisme”. C’est tout un pan du monde capitalisme qui s’est effondré, non pas grâce à l’action révolutionnaire du prolétariat, mais sous les coups de boutoir de la crise économique mondiale. La disparition du bloc de l’Est avait donc mis fin à la Guerre froide et à l’alternative de la bourgeoise d’une Troisième Guerre mondiale comme seule réponse que la classe dominante puisse apporter à la crise de son système. De ce fait, le bloc de l’Ouest a fini par se disloquer, puisque la menace de l’“Empire du mal” avait disparu. La perspective d’une Troisième Guerre mondiale opposant l’URSS et les États-Unis avait donc elle-même disparue, sans pour autant céder la place à l’alternative de la Révolution prolétarienne. Comment avons-nous expliqué ce “vide” laissé dans le cours de l’Histoire ? Notre analyse était la suivante : ni le prolétariat, ni la bourgeoisie n’ayant été en mesure d’affirmer leur propre réponse à la crise économique à la fin des années 1980, l’alternative historique “Guerre ou Révolution prolétarienne mondiale” a été “bloquée”. Si le capitalisme est entré dans sa phase de décomposition, c’est parce que la classe ouvrière n’a pas été en mesure de passer à l’offensive, de politiser ses combats pour les hisser à la hauteur de la gravité des enjeux de la situation historique. La dynamique de la lutte de classe ne peut plus être analysée dans le cadre du “cours historique”. Cette analyse du “cours historique” devait donc être réexaminé puisque la perspective d’une nouvelle Guerre mondiale s’était éloignée, de même que celle de la révolution prolétarienne.
L’évolution de la situation historique nous imposait de faire un examen critique des 40 ans du CCI afin de vérifier la validité de nos analyses. C’est ce que nous avions commencé à faire lors de notre 21e Congrès dont les travaux ont été exclusivement consacrés à ce bilan critique. C’est donc à partir de ce Congrès que nous avons mené une réflexion sur le cours historique et avons actualisé notre analyse à la lumière de la nouvelle situation mondiale ouverte avec l’effondrement du bloc de l’Est. Cet événement majeur, le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale, avait provoqué un recul de la conscience et de la combativité du prolétariat du fait de l’impact qu’a eu la gigantesque campagne de la bourgeoisie prétendant que l’effondrement des régimes staliniens signifiait la “faillite du communisme”. La bourgeoisie avait pu ainsi retourner cette manifestation majeure de la décomposition de son système contre la conscience de la classe ouvrière, obstruant ainsi sa perspective révolutionnaire et rendant plus difficile, plus lente et plus heurtée sa marche en avant vers des affrontements de classe généralisés.
Par ailleurs, au cours de ce Congrès, nous avions affirmé que la reconstitution de nouveaux blocs impérialistes (qui est une condition objective indispensable pour une Troisième Guerre mondiale) n’était pas à l’ordre du jour. Avec la fin de la discipline de bloc, la dynamique de l’impérialisme était désormais caractérisée par la tendance croissante au “chacun pour soi”, une tendance qui n’exclue d’ailleurs pas que des alliances entre États puissent se constituer. Mais ces alliances sont marquées par une certaine instabilité. Le “chacun pour soi” dans la vie de la bourgeoisie ne peut qu’aggraver le chaos mondial, notamment dans des guerres localisées toujours plus meurtrières. Le “chacun pour soi” est également une manifestation de la décomposition du capitalisme. Il se vérifie encore aujourd’hui à travers la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19 par chaque bourgeoisie nationale comme en ont témoigné la “guerre des masques” et la course concurrentielle aux vaccins.
C’est donc en s’appuyant sur la méthode marxiste d’analyse de l’évolution historique que le CCI a estimé que le concept de “cours historique” est devenu obsolète. La dynamique de la lutte de classe et du rapport de force entre les classes ne peut plus se poser aujourd’hui dans les mêmes termes que par le passé. Face à une situation historique nouvelle (et inédite depuis le début de la décadence du capitalisme), il nous appartenait de revoir une analyse qui avait été pendant 40 ans, comme le dit le camarade D. un de nos “piliers programmatiques”. Ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait juste : l’analyse du “cours historique” n’est pas une position faisant partie intégrante de notre plateforme programmatique (comme l’analyse de la décadence du capitalisme et ses implications sur les luttes de libération nationale, la participation aux élections ou encore la nature des syndicats et de l’ex-URSS).
La “théorie de la décomposition” ne remplace donc pas “la théorie du cours historique”, comme l’affirme le camarade D. Il ne s’agit pas du même paradigme. Une nouvelle Guerre mondiale n’est pas aujourd’hui une condition nécessaire pour la destruction de l’humanité. Comme nous l’avons mis en évidence dans nos “Thèses sur la décomposition”, la décomposition du capitalisme peut avoir les mêmes effets que la guerre : elle peut conduire, à terme, à la destruction de l’humanité et de la planète si le prolétariat ne parvient pas à renverser le capitalisme.
Pour conclure, il nous faut répondre brièvement, à cette autre question posée par le courrier du camarade D., toujours à propos de notre remise en cause du concept de “cours historique” : : “Je n’ai pas d’autre exemple de la remise en cause d’une position “pilier” de cette importance depuis 45 ans (date de la création du CCI). Éclairez-moi s’il y a eu un ou des précédents”.
Il y a eu en effet quelques “précédents”. Le premier est signalé par le camarade lui-même : nous avions remis en cause la notion de “cours à la révolution” pour la remplacer par celle de “cours aux affrontements de classe”, dans les années 1980. En effet, la notion de “cours à la révolution” était fortement marquée par un certain immédiatisme de notre part. La reprise historique de la lutte de classe à la fin des années 1960 ne signifiait pas qu’une nouvelle vague révolutionnaire allait surgir rapidement. C’est l’analyse du rythme lent de la crise économique dans les années 1970 qui nous avait permis de comprendre que cette reprise de la lutte de classe ne pouvait pas encore déboucher immédiatement sur un soulèvement révolutionnaire du prolétariat comme c’était le cas face à la barbarie de la Première Guerre mondiale.
On peut citer comme autre exemple de rectification nécessaire de nos analyses, la question de l’émergence de la Chine comme seconde puissance mondiale. Par le passé, nous avions en effet défendu l’idée que, dans la période de décadence du capitalisme, il n’y avait aucune possibilité pour les pays du “Tiers monde” (dont la Chine) de sortir du sous-développement. C’est à la lumière des conséquences de l’effondrement du bloc de l’Est avec l’ouverture des pays du glacis soviétique et leur intégration dans l’“économie de marché” que nous avions été amenés à revoir cette analyse devenue obsolète. Néanmoins, cette nouvelle analyse ne remettait nullement en cause le cadre historique de la décadence du capitalisme.
Tout comme les révolutionnaires du passé, le CCI n’a jamais eu peur ni de reconnaître et rectifier ses erreurs, ni d’adapter ses analyses aux nouvelles données de la situation mondiale. Si nous n’étions pas capables de critiquer nos propres erreurs, nous ne serions pas une organisation fidèle à la méthode du marxisme. Comme l’affirmait encore Rosa Luxemburg en septembre 1899, “Il n’existe sans doute pas d’autre parti pour lequel la critique libre et inlassable de ses propres défauts soit, autant que pour la social-démocratie, une condition d’existence. Comme nous devons progresser au fur et à mesure de l’évolution sociale, la modification continuelle de nos méthodes de lutte et, par, conséquent, la critique incessante de notre patrimoine théorique, sont les conditions de notre croissance. Il va cependant de soi que l’autocritique dans notre Parti n’atteint son but de servir le progrès, et nous ne saurions trop nous en féliciter, que si elle se meut dans la direction de notre lutte. Toute critique contribuant à rendre plus vigoureuse et consciente notre lutte de classe pour la réalisation de notre but final mérite notre gratitude” (“Liberté de critique et de la science”)
C’est en ce sens que nous devons également saluer le courrier du camarade D. et ses remarques critiques. Sa contribution participe à alimenter le débat public que nous ne pouvons qu’encourager. En ouvrant les colonnes de notre presse, comme nous l’avons toujours fait, à tout lecteur désireux de critiquer nos analyses et positions, notre objectif vise à développer la culture du débat au sein de la classe ouvrière et du milieu politique prolétarien.
(À suivre)
Sofiane
1“Rapport sur la question du cours historique”, Revue internationale n° 164 (premier semestre 2020).
Le 28 novembre 1820, naissait Friedrich Engels dans l’ancienne ville de Barmen en Rhénanie. Pour l’occasion, les lecteurs pourront trouver ci-dessous un article paru dans la presse du CCI à l’occasion du centième anniversaire de sa mort.
FRIEDRICH ENGELS : il y a cent ans disparaissait un « grand forgeron du socialisme » [1]
Nous publions ci-dessous la résolution sur la situation en France adoptée lors du 24e congrès de la section en France du CCI. La première partie traite de l’analyse de la vie politique de la bourgeoisie française et des enjeux auxquels elle est confrontée, tout particulièrement depuis le surgissement de la pandémie de Covid-19.
La deuxième partie aborde le rapport de force entre les classes à travers notamment l’analyse du mouvement interclassiste des Gilets jaunes et de la lutte contre la réforme des retraites survenue entre la fin de l’année 2019 et le début de l’année 2020.
La pandémie actuelle marque une accélération de la décomposition sociale. Covid-19 a pu se répandre, provoquer une hécatombe et paralyser l’économie mondiale parce que la bourgeoisie a été incapable d’anticiper, de prendre des mesures adaptées et d’accorder ses décisions à l’échelle internationale. La concurrence exacerbée entre les États, l’anarchie, l’irrationalité et l’incurie ont fait flamber l’épidémie. La seule politique mise en place pour tenter d’y faire face, celle du confinement, tout droit sortie du Moyen Âge, révèle à elle-seule la nature obsolète et la faillite du capitalisme.
L’incapacité de la bourgeoisie à faire face à Covid-19 est en train d’aggraver la récession mondiale amorcée en 2019 et de lui donner une ampleur dévastatrice. En 2008, lors de “la crise des subprimes”, la bourgeoisie avait su réagir de façon coordonnée à l’échelle internationale. Les fameux G7, G8,… G20 (qui faisaient “la Une” de l’actualité) symbolisaient cette capacité des États à s’entendre a minima pour tenter de répondre à la “crise de la dette”. 12 ans plus tard, la division, la “guerre des masques” puis la “guerre des vaccins”, la cacophonie régnant dans les décisions de fermetures des frontières contre la propagation de Covid-19, l’absence de concertation à l’échelle internationale (hormis l’Europe qui tente difficilement de se protéger contre ses concurrents) pour limiter l’effondrement économique, signent l’avancée du chacun pour soi et la plongée des plus hautes sphères politiques du capitalisme dans une gestion de plus en plus irrationnelle du système.
En revenant sur les deux dernières années de “macronie”, la résolution ci-dessous examine la politique de la bourgeoisie française pour essayer d’évaluer ses forces et ses faiblesses face à cette dynamique mondiale.
1. Avec déjà plus de 80 000 morts, la France est l’un des pays les plus touchés par la pandémie. Pourtant, la France avait la réputation de posséder l’un des systèmes de soin les plus performants et développés au monde. La réalité des 40 dernières années de réduction continue des budgets et des effectifs dans les hôpitaux, sous les gouvernements de droite comme de gauche, vient d’éclater au grand jour : partout il manque des médecins, des infirmiers, des lits, des respirateurs et même des blouses, des gants, des masques… au point que la seule solution contre l’épidémie a été le confinement. La bourgeoisie a montré son vrai visage cynique, en présentant comme inévitable, la nécessité de faire des choix parmi les malades (ceux de Covid, et les autres), donc de laisser mourir des personnes pour en sauver d’autres.
En Italie du Nord, en mars, l’embolie des hôpitaux a entraîné une politique du tri : refuser un malade de 60 ans pour pouvoir prendre en charge un de 40. Le personnel de santé a été laminé physiquement et psychologiquement. Toutes les bourgeoisies d’Europe ont constaté ces dégâts et ont craint qu’en se généralisant, une telle situation entraîne une explosion de colère dans la population et le chaos social. Qui plus est, avec une épidémie si massive et incontrôlée, les salariés auraient été trop nombreux à ne plus pouvoir travailler. Partout en Europe, y compris en France, le confinement généralisé a donc été décrété à la fin de l’hiver 2020, provoquant une récession de plus de 10 % en quelques semaines.
Aujourd’hui, face simultanément à une récession inconnue depuis l’après-guerre et une deuxième vague de la pandémie qui s’annonce plus haute et meurtrière encore, la bourgeoisie française veut éviter à tout prix un second arrêt de l’activité sur les lieux de production : il s’agit donc pour elle d’éviter la saturation des hôpitaux en limitant la vie sociale et familiale et en sacrifiant l’activité économique des couches intermédiaires (petits commerces, artisanat…).
2. Lorsque la bourgeoisie se préoccupe de la santé des travailleurs, c’est toujours pour pouvoir mieux exploiter une main d’œuvre en “état de marche”. En rognant, décennie après décennie, les capacités de soins, l’État français scie donc la branche sur laquelle il est assis. Les coupes claires dans le système hospitalier au nom des “exigences d’équilibre budgétaire” témoignent d’une politique de plus en plus à courte vue de la part de la bourgeoisie française. Le poids immédiat de la crise économique exige des mesures amputant toujours plus la viabilité du système à long terme.
3. Cet état calamiteux des hôpitaux n’est pas une exception : dans les écoles, les professeurs absents ne sont que rarement remplacés ; dans les transports, le manque de trains et de métros impose aux voyageurs de s’entasser, et les infrastructures ne sont plus suffisamment entretenues, provoquant pannes et accidents ; dans les usines, les cadences sont infernales et la “flexibilité” la règle.
4. La fraction de la bourgeoisie au pouvoir, Macron et son gouvernement, sont pris dans des contradictions insolubles :
Conscients que la division au sein de l’Union Européenne favorise la propagation du virus et aggrave la crise économique, Macron s’est positionné en faveur d’une entente européenne. Mais si le “plan de relance” consenti par l’Allemagne, est une victoire au regard de l’absence de concertation partout ailleurs sur la planète, il n’est pas possible d’en prévoir encore les effets par rapport à la gravité de la récession actuelle et à venir. Pire, la France a participé elle aussi activement à la cacophonie généralisée et au développement du chacun pour soi : fermeture de ses frontières le plus tardivement possible face à la première vague afin de profiter de l’arrêt de l’activité économique de ses voisins et réouverture prématurée ; aux avant-postes de la “guerre des masques” ; au front de la “guerre des vaccins”.
Conscients que l’état de délabrement du système de soins est une entrave au bon fonctionnement de l’économie nationale, et afin de calmer la colère des agents hospitaliers, Macron a lancé son “plan Ségur”. Mais derrière les promesses d’augmentation de salaire et des embauches se cache un plan de “modernisation des hôpitaux” : augmentation de la productivité, plus grande charge de travail et de responsabilités pour les médecins libéraux… Cette nouvelle dégradation à venir du système de soins montre l’impasse du capitalisme sous le poids de sa crise économique historique et insoluble.
Conscients de l’arrivée de l’épidémie depuis la Chine, Macron et son gouvernement n’ont rien fait pour préparer les services de soins : aucune anticipation des achats de masques par exemple, contrairement ce qu’avait fait la bourgeoisie française craignant la grippe A en 2009 (achats de masques et vaccins par millions). Ce qui montre une nette détérioration des capacités de gestion et d’anticipation de l’État français en une décennie.
5. En 2017, la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle représentait une certaine réussite pour la bourgeoisie française. Alors que les bourgeoisies américaines et anglaise n’étaient pas parvenues à endiguer la montée du populisme jusqu’au plus haut sommet de l’État (Trump aux États-Unis, Brexit en Grande-Bretagne…), la bourgeoisie française avait contourné le rejet de la droite et de la gauche “classiques”, et contré la poussée du Rassemblement National, par la création d’un nouveau parti “ni de droite ni de gauche” et la mise en avant d’un “homme hors système”. Macron portait même une vision plus adaptée que ses prédécesseurs aux besoins de l’économie française et des restructurations nécessaires : défense des secteurs de haute technologie et de la recherche, refonte profonde de l’État par des réformes systémiques (retraites, chômage), développement de la “flexibilité” à outrance (“l’ubérisation” de la société)… L’aura du président Macron, surnommé alors “Jupiter”, poussait la bourgeoisie française à aspirer de nouveau à un certain leadership européen et à prétendre rééquilibrer son “couple” avec l’Allemagne.
Seulement, “l’homme neuf” manquait aussi d’expérience, ou plus exactement de “sens politique”, sur la question sociale. Face à la colère des Gilets Jaunes, la féroce répression de ce mouvement interclassiste, à coups de flash-ball et d’œil crevé, n’a fait qu’exaspérer et radicaliser les plus déterminés, témoignant ainsi de la difficulté croissante du gouvernement à maintenir l’ordre dans une société dont le tissus social tend à se disloquer. Fin 2018, Macron était le président le plus haï de l’histoire de la Ve République. En proclamant dans la foulée que “sa” réforme des retraites toucherait tout le monde, Macron a aussi facilité le sentiment d’unité de la classe ouvrière, au moment même où tous les syndicats soulignaient une poussée de la combativité ouvrière.
Mais cette fraction de la bourgeoisie française sait aussi tirer les leçons de ses erreurs. Dès le début de l’épidémie, Macron a annoncé le report de la réforme des retraites sine die. Puis ce fut le tour de la réforme du chômage d’être repoussée. Le but est clair : apaiser le climat social, éviter d’attiser la colère qui gronde partout. Avec cette épidémie, l’État et sa police jouent aussi un rôle très différent : en veillant au port du masque dans les rues et au respect des règles du confinement, ils se présentent maintenant comme soucieux de la santé de la population, comme des agents protecteurs du peuple. D’ailleurs, avec la recrudescence des attentats terroristes, la bourgeoisie présente l’État et ses flics comme les seuls remparts contre la barbarie. Néanmoins, le gouvernement profite de ce contexte pour renforcer considérablement l’appareil policier et judiciaire de l’État à travers notamment le vote de “la loi de sécurité globale”. Si la bourgeoisie ne manque jamais une occasion pour renforcer ses outils de coercition dans la perspective des luttes futures du prolétariat, elle est également confrontée à une exacerbation de la violence sociale et à la tendance au chaos qu’elle tente de limiter.
6. Le but principal de l’arrivée de la fraction Macron au pouvoir est la lutte de la bourgeoisie française contre l’influence du populisme incarné par le Rassemblement National de Marine Le Pen. Après la victoire de LREM aux présidentielles, les élections européennes sont venues confirmer cette capacité.
Traditionnellement, les élections européennes sanctionnent le pouvoir en place au niveau national, c’est souvent une sorte de “référendum anti-gouvernement”. Pour éviter un résultat-sanction, le parti présidentiel En marche a transformé ces élections en duel Macron-LePen, agitant l’épouvantail de la “menace fasciste” et jouant de la nécessité de “faire barrage” à l’extrême – droite. Si le Rassemblement National est tout de même arrivé en tête (23,34 %), son score a baissé par rapport aux élections européennes précédentes (-1,52 points) avec En marche juste sur ses talons (22,42 %). Les élections municipales ont encore confirmé cette stagnation du Rassemblement National. De façon plus générale, le duel Macron/Le Pen permet de renforcer les illusions démocratiques : les divergences de ses deux fractions font croire à un enjeu pour la classe ouvrière ; le discours du “chaque vote compte” prend donc plus de poids.
Mais avec les ravages de la Covid-19, la perte de confiance en la science (décuplée par l’instrumentalisation politique des scientifiques) et la peur grandissante de l’avenir, l’irrationnel, l’obscurantisme et la haine ne peuvent que croître, ce qui constitue le terreau le plus fertile aux idées populistes. Toute la bourgeoisie française est donc préoccupée par les prochaines présidentielles en 2022.
Afin de ne pas laisser au Rassemblement National le monopole de leur exploitation politique au plan électoral, Macron est contraint d’adopter et de s’approprier certains thèmes propres au populisme. C’est en particulier le cas concernant la défense des “valeurs qui fondent l’identité nationale de la France Républicaine, de la Laïcité” à travers l’adoption de la Loi sur le Séparatisme pour lutter contre l’islamisme… que le RN a dû lui-même soutenir “comme un premier pas”.
C’est pourquoi Macron tient d’ores et déjà un discours des plus rassembleurs. Face à la décapitation de Samuel Paty en pleine rue par un jeune djihadiste pour avoir, en tant que professeur, présenté en classe avec ses élèves des caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, Macron a déclaré “Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent”. Ainsi, le Président français ratisse large : à droite par son intransigeance face à l’islamisme, quitte à se mettre à dos le président de la Turquie Erdogan et nombre de pays “musulmans” ; à gauche par sa défense des “professeurs de la République” et de la laïcité.
Cependant, si Macron a pour le moment freiné la montée en puissance du Rassemblement National, il n’a pas réussi à empêcher le développement des idées populistes de se diffuser dans des parties de la population, notamment dans les couches petites-bourgeoises, le contraignant à adopter des mesures de type populiste.
7. Mais pour l’heure, si Macron garde sa place et sa stature présidentielle, d’autres ambitions à l’affût peuvent l’affaiblir face aux échéances de 2022, ce qui inquiète la bourgeoisie qui cherche à freiner la montée du populisme :
La droite fait face à un double problème : son usure suite à des décennies au pouvoir (en alternance avec la gauche) et la politique déjà très “droitière” et “gaulliste” de Macron. De plus, soumise à des luttes de cliques très violentes, qui la rend incapable pour le moment, de dégager une personnalité capable de s’imposer dans son camp et de rivaliser avec Macron. La marge de manœuvre de ce camp politique pour faire émerger un candidat crédible s’avère donc d’autant plus délicate et difficile.
La gauche, elle aussi, est usée par ses successives gouvernances. Le PS, discrédité depuis des décennies aux yeux de la classe ouvrière, du fait de sa participation au gouvernement avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981, tente de s’appuyer sur les écologistes qui, s’ils ont le vent en poupe pour se présenter sous un nouveau jour, semblent de nouveau en proie à des ambitions personnelles non réglées. Mélenchon peine à incarner l’homme de l’unité (il a d’ailleurs décidé de faire cavalier seul pour les présidentielles). Son positionnement “très à gauche” est en plus très précieux à la bourgeoisie dans son rôle d’opposition afin d’encadrer idéologiquement la classe ouvrière, tout particulièrement auprès de la jeunesse, comme l’a montré l’investissement très important de la France Insoumise lors du mouvement contre la réforme des retraites, aux côtés des syndicats “radicaux”.
D’ailleurs, syndicats et extrême-gauche, conscients de la montée de la combativité ouvrière, mettent de plus en plus en avant le “combat de classe”, afin de mieux happer vers eux les prolétaires en recherche d’une perspective et coller aux préoccupations de la classe ouvrière.
La seule autre force politique qui semble pouvoir potentiellement contrebalancer le binôme RN/En Marche, ce sont Les Verts, dont les discours radicaux séduisent une grande partie de la jeunesse. Ce courant politique, pur produit de la décomposition du capitalisme, divisé et traversé d’antagonismes importants, précisément en ce qui concerne son positionnement envers le pouvoir gouvernemental en place, offre de ce fait différentes options possibles pouvant être mises à profit par la bourgeoisie. Celle-ci a notamment compris l’intérêt de promouvoir l’idéologie écologiste afin d’enfermer la réflexion ouvrière dans le carcan du réformisme et l’illusion d’un possible capitalisme peint en vert. L’exhibition de la jeune Greta Thunberg sur tous les plateaux de télé et à l’Assemblée Nationale, plébiscite “la marche du siècle” pour le climat au printemps 2018. Présentée comme “radicale”, l’association Extinction Rebellion a “sauvé” Nicolas Hulot d’un trop fort discrédit par sa bruyante démission… Ce faisant, elle a donné un nouvel élan à la démocratie et offre un levier permettant à la bourgeoisie de mobiliser la population sur le terrain électoral et ainsi lutter contre l’abstention : la participation aux élections européennes (50,1 %) a été la plus forte depuis 1994, avec une poussée des partis écologistes (en troisième position des résultats avec 13,48 %) et de l’intérêt des jeunes électeurs.
8. Au moment où la “seconde vague” de la pandémie frappe l’Europe, que des centaines de milliers de morts sont encore annoncées, la crise économique connaît elle aussi une nouvelle brutale accélération.
La prévision d’une récession de -13,8 % (selon l’OCDE) pour l’année 2020, fait du capital français l’un des plus touchés du vieux continent. Le fait que d’importants piliers sur lesquels se fonde sa puissance économique (le tourisme, la construction aéronautique, l’automobile et les transports) comptent parmi les secteurs ayant partout le plus souffert de la crise sanitaire explique ce repli, bien supérieur à la moyenne européenne et de la zone euro (-7 %).
La politique du “quoiqu’il en coûte” d’aides et de soutien massifs apportés par l’État aux entreprises, contraint de parer au plus pressé en vue de préserver l’appareil de production du capital français, a poussé l’endettement de l’État à un niveau colossal, historiquement inégalé (près de 120 % du PIB), sans qu’il soit encore possible de juger de son efficacité au plan de la relance de l’activité économique et de la défense de son rang de 6éme puissance économique mondiale.
9. Les deux années à venir vont être marquées par une brutale dégradation des conditions de vie et de travail de toute la classe ouvrière.
Ainsi, si les réformes des retraites et de l’assurance-chômage sont repoussées et que le gouvernement réfléchit à la façon la plus prudente de les faire passer avec le moins de remous possibles, les attaques économiques contre la classe ouvrière ne vont pas en être moins violentes pour autant. En particulier, le gouvernement et les entreprises vont orchestrer ensemble les inexorables plans de licenciement à venir, en divisant un maximum la classe ouvrière, paquet par paquet, secteur par secteur. Évidemment, les syndicats seront aux avant-postes de ce saucissonnage en règle. Le chômage de masse va donc s’accroître encore. Nous ne pouvons pas encore prévoir quand, ni comment la classe ouvrière en France va de nouveau faire exploser sa colère et sa combativité, compte tenu du coup de massue qu’elle a pris sur la tête avec la pandémie. Mais ce qui est certain, c’est que la bourgeoisie ne va pas la ménager pour lui faire payer les effets de l’accélération de la crise économique. Reste à savoir comment la classe dominante va pouvoir naviguer et gouverner pour faire avaler à la classe exploitée la dégradation de toutes ses conditions de vie à court et moyen terme. D’autant que la pilule de la réforme des retraites (à laquelle la bourgeoisie n’a pas renoncé) ne passera pas aussi facilement.
Ce qui est également certain, c’est que la clique bourgeoise au pouvoir va s’atteler à contenir le populisme du Rassemblement National et empêcher Marine Le Pen de gagner les élections de 2022. Malgré la tendance à la perte de maîtrise de son jeu politique avec l’aggravation de la décomposition du capitalisme, la classe dominante en France va tout mettre en œuvre pour sauver les meubles d’ici les échéances présidentielles de 2022. Bien qu’il soit impossible de faire des pronostics dès à présent sur la façon dont la bourgeoisie française va disposer ses cartes dans la perspective des prochaines présidentielles, ce qui est tout aussi certain, c’est qu’avec l’aggravation de la crise économique, quelle que soit l’équipe au pouvoir, c’est encore plus de misère, de chômage, d’austérité, d’exploitation accrue qui attendent la classe ouvrière, en France comme dans tous les pays.
1. L’arrivée et l’expansion de la pandémie mondiale de Covid-19 a eu un impact considérable sur tous les aspects de la vie de la société et sur tous les plans : économique, politique et social. La crise sanitaire, comme manifestation majeure et inédite de l’accélération de la décomposition du capitalisme, va nécessairement avoir des conséquences sur la dynamique des combats de classe dans les deux années à venir. Le prolétariat en France, comme dans tous les pays, a subi de plein fouet le choc de cette pandémie. Cette catastrophe sanitaire a provoqué, de façon immédiate, un sentiment d’effroi, de sidération générale rendant très improbable, à court terme, toute mobilisation de la classe ouvrière, sur son propre terrain, contre les effets dévastateurs de la crise économique. Aujourd’hui, c’est tout le prolétariat mondial, comme l’ensemble de la société, qui est ébranlé par la gravité et les conséquences de cette pandémie. Cependant, il existe une grande hétérogénéité au sein de la classe ouvrière. Il est donc très difficile pour les révolutionnaires de dégager, dès à présent, une tendance générale valable pour tous les pays. La classe ouvrière en France n’a pas la même histoire, ni la même expérience que celle des États-Unis, par exemple. Elle n’est pas touchée par la même arriération politique que le prolétariat de la première puissance mondiale, fortement imprégnée par la montée du populisme.
Pour évaluer le rapport de force entre les classes, et poser un cadre politique permettant de comprendre l’évolution de ce rapport de force, il convient de revenir sur deux mouvements sociaux qui ont marqué la situation en France ces deux dernières années : le mouvement des Gilets Jaunes et celui contre la réforme des retraites. Ceci afin d’en tirer les principaux enseignements dans le contexte historique actuel d’accélération de la décomposition sociale et de la crise économique.
2. Le mouvement des Gilets Jaunes était une explosion de mécontentement contre une nouvelle baisse du pouvoir d’achat avec la hausse des taxes sur le carburant. Cette mesure du gouvernement Macron a frappé particulièrement les petits patrons et les ouvriers des zones rurales, contraints de prendre leur voiture pour se déplacer ou aller travailler. Les franges les plus misérables du prolétariat, très dispersées et inexpérimentées, ont été particulièrement vulnérables aux influences de la petite-bourgeoisie. Ce mouvement social s’est ainsi développé sur un terrain interclassiste, un terrain où les revendications ouvrières étaient mêlées et pouvaient se confondre avec celles des petits patrons et artisans. Il n’était donc pas une émanation de la lutte du prolétariat, mais un produit de la décomposition sociale résultant de la paupérisation croissante des couches intermédiaires. Ce mouvement se concevait comme une lutte des “pauvres” contre les “riches” et non pas comme celle d’une classe exploitée – le prolétariat – contre une classe exploiteuse – la bourgeoisie. C’est pour cela que la colère des Gilets Jaunes s’était focalisée contre la personne de Macron. Ils voulaient faire tomber le “Président des riches” qui avait supprimé l’impôt sur la fortune.
Le fait que le gouvernement Macron ait lâché du lest en débloquant plus de 10 milliards d’euros n’était pas un recul face à la force pseudo-“révolutionnaire” des Gilets Jaunes. Cette concession avait deux objectifs. D’une part, il s’agissait pour le gouvernement de limiter le chaos social provoqué par les violences urbaines et les saccages, notamment dans les “beaux quartiers” de la capitale. Par ailleurs, l’autre objectif, plus idéologique, visait à faire croire que les Gilets Jaunes auraient trouvé une forme de lutte plus “moderne”, plus “originale” et “efficace” face au caractère “dépassé” et “stérile” des vieilles méthodes de la classe ouvrière. Il s’agissait pour la bourgeoisie et ses medias d’instiller l’idée que seul ce type de mouvement interclassiste, du “peuple citoyen”, peut constituer une menace pour la classe dominante.
Malgré sa très grande sympathie envers les travailleurs les plus pauvres et précaires, la classe ouvrière ne s’est pas mobilisée dans le mouvement des Gilets Jaunes. Elle ne se reconnaissait ni dans leurs méthodes de lutte, ni dans un mouvement qui avait été soutenu par les partis bourgeois et notamment la droite et l’extrême-droite. Elle ne se reconnaissait pas dans une protestation sociale fortement imprégnée par l’idéologie nationaliste (avec aussi quelques relents minoritaires et nauséabonds de populisme, notamment de xénophobie) où de nombreux Gilets Jaunes brandissaient le drapeau tricolore et chantaient la Marseillaise à tue-tête dans leurs manifestations.
3. Le mouvement contre la réforme des retraites, qui a surgi un an après celui des Gilets Jaunes, a dévoilé au grand jour que la lutte de classe était toujours d’actualité. Ce mouvement a démontré la capacité du prolétariat en France à se mobiliser sur son propre terrain en s’affirmant comme classe autonome antagonique au capital. La reprise de sa combativité a été illustrée par les manifestations hebdomadaires regroupant dans la rue, semaine après semaine, un nombre croissant de travailleurs en colère. C’est cette combativité montante qui avait obligé les syndicats à prendre les devants pour encadrer la classe ouvrière, quadriller tout le terrain de sa mobilisation en collant aux besoins de la lutte. Ses besoins se sont clairement exprimés par la recherche de l’unité et de la solidarité entre tous les secteurs et toutes les générations.
Le retour de la lutte de classe en France a mis en évidence que, durant la dernière décennie de calme social, une maturation souterraine s’est opérée au sein du prolétariat. Cette maturation était à la fois la conséquence de l’aggravation de la crise économique, de l’accumulation des attaques de la bourgeoisie, et du discrédit croissant des partis politiques de la classe dominante. En mettant en avant ses propres revendications, son besoin d’unité et de solidarité dans la lutte, le prolétariat en France a montré également sa capacité à retrouver son identité de classe, même si cette dynamique était encore très embryonnaire.
4. Après deux mois d’effervescence, le mouvement contre la réforme des retraites devait nécessairement atteindre ses propres limites qui ont fait apparaître les difficultés de la classe ouvrière à développer et unifier sa lutte. Les travailleurs du secteur privé, du fait de la crainte des licenciements, notamment chez les ouvriers précaires et en Contrats à durée déterminée, ne se sont pas mobilisés dans ce mouvement. Par ailleurs, seuls les ouvriers du secteur des transports (SNCF et RATP) sont entrés en grève pendant près de deux mois. Malgré la volonté générale d’en découdre avec le gouvernement, la grande majorité des travailleurs ont délégué la lutte et l’ont remise entre les mains des seuls cheminots, présentés comme l’avant-garde “héroïque” du mouvement. La “grève par procuration” a ainsi révélé une hésitation de la classe ouvrière à engager massivement le combat. Cette difficulté a permis aux syndicats de dévoyer son besoin de solidarité à travers la mise en place de “caisses de solidarité” financières, destinées à permettre aux cheminots de “tenir”, c’est-à-dire de rester isolés dans une grève longue, coûteuse et épuisante.
La principale faiblesse du mouvement a été l’incapacité du prolétariat à étendre la lutte immédiatement dès le début en mettant en place des Assemblées Générales massives ouvertes à tous les travailleurs, actifs, retraités, chômeurs ou étudiants. La nécessaire extension géographique de la lutte, les moyens de la mettre en œuvre, ne pouvait être discutée et décidée que dans des AG souveraines, véritable poumon de tous les combats de la classe ouvrière. L’absence de tels organes unitaires a permis aux syndicats de tenir le haut du pavé, d’organiser ce mouvement de A à Z et d’en garder la totale maîtrise. Ils ont pu faire leur sale travail de sabotage grâce à une radicalisation de leurs discours, à un partage des tâches en leur sein en jouant la carte de la division syndicale. Il revenait ainsi à la CFDT (qui avait accepté la retraite à points) de jouer le rôle de syndicat “réformiste” et “collaborationniste”, tandis que FO et surtout la CGT (appuyé par SUD et les gauchistes) ont joué le rôle de syndicats radicaux, de “combat”, “jusqu’au boutistes”. En même temps que leurs discours “radicaux” exigeaient le retrait de l’ensemble de la réforme des retraites, ils ont enfermé les travailleurs de la SNCF et de la RATP dans une grève longue et isolée. Ils n’ont appelé à l’extension de la lutte (en réalité à l’extension de la défaite !) qu’à la fin du mouvement, lorsque les cheminots ont commencé à voter la reprise du travail, après avoir perdu près de deux mois de salaire. C’est à partir de cette reprise du travail dans le secteur des transports que le mouvement a commencé à refluer. Avant même l’arrivée de la pandémie de Covid-19, ce combat contre la réforme des retraites s’était donc déjà essoufflé.
L’extinction de ce mouvement n’a pas débouché, cependant, sur un sentiment général d’impuissance, d’amertume et de démoralisation. D’une part, parce que cette mobilisation n’était qu’un premier combat dans lequel toute la classe ouvrière n’était pas engagée derrière les manifestations appelées, programmées et encadrées par les syndicats. D’autre part, la défaite a été atténuée par le fait que le principal “gain” de cette lutte était la lutte elle-même. Une lutte marquée par la joie et l’enthousiasme de se retrouver enfin tous ensemble, solidaires et unis après une décennie d’immobilisation et d’atomisation. Ce mouvement s’est terminé, non pas sur le sentiment que lutter ne sert à rien, mais sur une question clairement exprimée dans les manifestations : comment continuer le combat et construire un rapport de force pour obliger le gouvernement à retirer cette réforme des retraites ?
5. C’est dans ce contexte qu’est survenue la pandémie de Covid-19, mettant un coup d’arrêt momentané à la dynamique de reprise de la lutte de classe en France. Malgré l’énorme colère suscitée par l’incurie du gouvernement face à la crise sanitaire (de même que par la remise au travail de nombreux prolétaires, sans aucune protection efficace contre le risque de contamination), la bourgeoisie a tenté dès le début de retourner cette manifestation de la décomposition de son système contre la classe ouvrière. Ainsi, Emmanuel Macron, dans son discours martial (“Nous sommes en guerre”) annonçant le premier confinement à la fin de l’hiver 2020, n’a cessé de mettre en avant la nécessité de l’union nationale contre l’ “ennemi intérieur” : la Covid-19. La bourgeoisie et ses médias aux ordres n’ont cessé de promouvoir l’idéologie du “civisme”, de la “citoyenneté”, et la “solidarité” avec les soignants, présentés comme des héros et de bons “soldats” prêts à tous les sacrifices dans l’intérêt de la nation, toutes classes confondues. Par la suite, la multiplication des attentats terroristes en octobre 2020, comme autre manifestation de la décomposition du capitalisme, a donné lieu également à un renforcement de l’appel à l’union sacrée, et des discours bellicistes du gouvernement contre un autre “ennemi intérieur” invisible, pouvant frapper n’importe quel citoyen à tout moment et n’importe où. La classe ouvrière est ainsi appelée aujourd’hui à s’en remettre à l’État et son gouvernement comme uniques et seuls “protecteurs” du “peuple français” et de ses “valeurs républicaines”.
L’emprise de l’État sur l’ensemble de la société civile a été renforcée par la mobilisation martiale du personnel soignant dans les hôpitaux, de même que par le déploiement des forces de répression dans la rue et tous les lieux publics, par les couvre – feux et autres mesures de contrôle policiers censées protéger la population contre la circulation du virus (avec lequel chacun devrait “apprendre à vivre”). Cette restriction de la vie sociale, aggravée par les mesures moyenâgeuses de confinement, ne pouvait que provoquer une nouvelle situation de paralysie momentanée de la classe ouvrière.
6. En France, comme dans tous les pays, la pandémie de Covid-19 a eu comme conséquence une explosion du chômage avec des faillites en chaîne, obligeant de nombreuses entreprises à jeter sur le pavé un nombre croissant de prolétaires. Dans la période actuelle, cette explosion du chômage n’est pas un élément favorisant l’unification des luttes de la classe ouvrière mais, au contraire, un facteur de leur division et dispersion. Les grèves contre les licenciements peuvent prendre la forme de “combats du désespoir”, du fait également de l’absence de perspective pour les chômeurs de retrouver un emploi stable et durable. En attaquant la classe ouvrière aujourd’hui paquets par paquets, la bourgeoisie, son gouvernement et son patronat laissent le terrain libre aux syndicats pour enfermer les prolétaires dans le corporatisme, la défense de “leur” entreprise, “leur” secteur, comme on a pu le constater dans l’aéronautique, les transports aériens, certaines usines automobiles, les PME, etc. Ce regain de l’enfermement corporatiste s’est également révélé dans les manifestations récentes des travailleurs des hôpitaux, bien encadrés par les syndicats et les gauchistes.
7. Dans cette situation extrêmement difficile, encore dominée par la peur, l’atomisation et l’angoisse face à un avenir incertain, le prolétariat va devoir surmonter de nombreux obstacles, se dégager de cette chape de plomb pour développer ses combats et les maintenir sur son propre terrain de classe. Du fait que la pandémie menace toutes les couches de la société, cette catastrophe sanitaire est un terrain particulièrement favorable à l’émergence de mouvements interclassistes véhiculés par certaines franges de la petite-bourgeoisie. Comme nous l’avions mis en avant dans nos “Thèses sur la décomposition”, “Seul le prolétariat porte en lui une perspective pour l’humanité et, en ce sens, c’est dans ses rangs qu’il existe les plus grandes capacités de résistance à cette décomposition. Cependant, lui-même n’est pas épargné, notamment du fait que la petite-bourgeoisie qu’il côtoie en est justement le principal véhicule”.
L’accélération de la décomposition du capitalisme risque de faire surgir également des mouvements sociaux qui peuvent exploser sur un terrain bourgeois. En ont témoigné, en pleine crise sanitaire, les manifestations aux États-Unis contre les violences policières frappant particulièrement les Noirs et dont la principale revendication était celle d’une police moins raciste, d’une plus grande “justice” et “égalité” dans le cadre de la démocratie bourgeoise. Ainsi, le mouvement Black Live Matters, hypermédiatisé à l’échelle internationale, a pu trouver un écho et un prolongement en France avec les manifestations et rassemblements contre le meurtre d’Adama Traoré par les forces de répression.
Ce type de mouvement populaire, appelé par toutes sortes d’associations “citoyennes”, sont un piège pour la classe ouvrière, en particulier pour ses jeunes générations révoltées par la barbarie du capitalisme et spontanément attirées par “tout ce qui bouge”. Une telle barbarie ne peut que provoquer une indignation légitime contre le racisme et les violences policières. Mais c’est uniquement en luttant sur son propre terrain de classe, et en tant que classe, que le prolétariat pourra affirmer ses propres valeurs morales dans son combat contre un système économique décadent à l’origine de tous les fléaux de la société.
8. Malgré toutes les difficultés que le prolétariat rencontre aujourd’hui, la situation reste toujours ouverte. Sa colère et sa combativité ne se sont pas étiolées. Au contraire, son mécontentement n’a fait que se renforcer face à l’incurie de la bourgeoisie et sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire, dont la “guerre des masques”, l’absence de coopération internationale et même la concurrence effrénée entre les États dans la recherche d’un vaccin, ont constitué le point d’orgue. C’est justement parce que la combativité du prolétariat en France n’a pas été étouffée que le gouvernement Macron a décidé de suspendre sa réforme des retraites et de l’assurance-chômage. Contrairement au mouvement spectaculaire des Gilets Jaunes, le mouvement contre la réforme des retraites n’était pas un petit feu de paille déjà éteint par l’ouragan de la pandémie de Covid-19.
Par ailleurs, il existe dans la classe ouvrière une mémoire collective qui ne peut que favoriser la recherche d’une perspective face à la menace de destruction de l’humanité et de la planète. Le prolétariat en France a une longue histoire, une longue tradition de luttes. Depuis la révolution bourgeoise de 1789, c’est “le prolétariat des barricades” et des manifestations de rue. Sa mémoire historique est toujours marquée par l’expérience de la Commune de Paris de 1871 et plus récemment celle de Mai 68. Ce n’est pas un hasard si, dans le mouvement des jeunes générations contre le Contrat Première Embauche en 2006, la référence à la Commune de Paris ait été présente dans certaines universités et dans de nombreuses AG. Ce n’est pas un hasard non plus si, dans le dernier mouvement contre la réforme des retraites, de nombreux manifestants avaient clairement affirmé : “c’est une grève générale et un nouveau Mai 68 qu’il nous faut !”. De même, dans les cortèges et sur les trottoirs de la capitale, on a pu entendre de nombreux manifestants chanter L’Internationale, couvrant ainsi la voix de quelques petits groupes de Gilets Jaunes qui entonnaient encore La Marseillaise ! Du fait de sa longue expérience et de son énorme potentiel de combativité, le prolétariat en France pourra continuer à apporter dans le futur, comme il l’avait fait à plusieurs reprises dans le passé, une contribution très importante aux combats de ses frères de classe dans les autres pays du monde.
Dans la mesure où la classe ouvrière n’a pas subi de défaite décisive, la crise économique reste aujourd’hui encore sa “meilleure alliée”. Elle contient aussi, en germe, un antidote à la décomposition du capitalisme.
En France, comme dans tous les pays, le chemin vers des luttes massives ouvrant une perspective révolutionnaire est encore long et parsemé d’embuches, mais il n’y en a pas d’autre.
La gravité des enjeux de la situation historique actuelle, exige des minorités les plus conscientes de la classe ouvrière qu’elles ne cèdent ni au scepticisme, ni à l’impatience. Face à l’atmosphère sociale du “no future” alourdie encore plus par la pandémie de Covid-19, la confiance des révolutionnaires dans l’avenir et dans les potentialités de la classe porteuse du communisme, sont au cœur de leurs convictions et de leur activité sur le long terme.
Dans la première partie de la réponse à ce courrier de lecteur, nous avons répondu aux critiques émises par le camarade D. au “Rapport sur la question du cours historique”, adopté au 23e Congrès du CCI et publié dans la Revue internationale n° 164. Dans cette deuxième partie, nous souhaitons traiter une autre question abordée par le camarade dans son courrier : celle de la perspective éventuelle d’une guerre nucléaire généralisée.
Le camarade D. affirme dans son courrier que “la question de la guerre n’est pas du tout évacuée par la théorie de la décomposition qui remplace la théorie du cours historique”.
Outre le fait que la classe dominante n’a pas été en mesure depuis 1989 de reconstituer de nouveaux blocs impérialistes, le camarade oublie que la deuxième condition pour le déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale est la capacité de la bourgeoise à embrigader le prolétariat derrière les drapeaux nationaux, en particulier dans les pays centraux du capitalisme. Ce qui n’est nullement le cas aujourd’hui. Comme nous l’avions toujours affirmé, un prolétariat qui n’est pas disposé à accepter les sacrifices imposés par l’aggravation de la crise économique n’est pas prêt à accepter de faire le sacrifice ultime de sa vie sur les champs de batailles. Après la longue période contre-révolutionnaire qui avait notamment permis aux États d’envoyer à la mort des millions de prolétaires sous les drapeaux du fascisme et de l’anti-fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale, la classe ouvrière est revenue sur la scène de l’histoire à la fin des années 1960 (Mai 68 en France, l’automne chaud en Italie, etc.). La bourgeoisie avait été empêchée de déclencher une troisième boucherie planétaire durant la Guerre froide parce qu’elle n’était pas en mesure d’embrigader un prolétariat qui, bien qu’il n’ait pas su développer ses luttes sur un terrain révolutionnaire, était à la fois très combatif et absolument pas disposé à se faire tuer ou à massacrer ses frères de classes. Malgré toutes les difficultés que rencontre la classe ouvrière depuis 1989 pour développer massivement ses luttes, la situation historique est toujours ouverte. Le prolétariat n’ayant pas subi de défaite décisive et définitive, l’aggravation de la crise économique ne peut que le pousser à se battre pied à pied pour défendre ses conditions d’existence, comme nous l’avons vu encore récemment avec le mouvement contre la réforme des retraites en France au cours de l’hiver 2019-2020. Et dans sa capacité de résistance aux attaques du capital, nous avons pu voir également une tendance à la recherche de la solidarité dans la lutte entre tous les secteurs et toutes les générations. Bien évidemment, cela ne signifie nullement que la bourgeoisie ne puisse plus jamais infliger à la classe ouvrière une défaite historique et décisive. Mais, comme nous l’avons affirmé dans nos “Thèses sur la décomposition” (Revue internationale numéro n° 107), la décomposition sociale peut détruire toute capacité de la classe ouvrière à renverser le capitalisme et conduire à la destruction de l’humanité et de la planète.
Pour étayer son analyse des potentialités actuelles d’un conflit militaire de grande ampleur, le camarade D. indique : “Outre la question des armements nucléaires à longue portée, il y a en ce moment un pays qui n’a pas besoin d’avoir constitué un bloc uni et parfaitement tenu et soutenu pour se lancer dans une guerre qui, si elle n’est pas mondiale, ne sera pas cantonné à un théâtre d’opération limité dans le temps et dans l’espace (comme par exemple les deux guerres contre Saddam Hussein). Ce pays, c’est bien sûr les États-Unis qui ont la puissance économique, la suprématie militaire et les bases néanmoins pour une intervention partout dans le monde. Pour qu’une guerre avec des batailles dans différents endroits de la planète, qui se produisent simultanément et qui s’étalent sur une période assez longue (plusieurs années) se produise, il suffit qu’une autre puissance qui elle constitue des États vassalisés par le commerce extérieur et les investissements économiques, se dote de bases militaires à l’étranger dans ces états vassaux, commence à construire des porte-avions et généralement une marine de guerre efficace et nombreuse pour qu’à un certain moment le risque de conflit généralisé devienne une probabilité non négligeable. Ce pays existe déjà, c’est la Chine qui risque, grâce à l’épidémie de Covid-19, de bientôt dépasser les États-Unis au niveau économique mondial”.
Il est vrai que c’est autour de l’opposition entre ces deux superpuissances que se concentre la bataille stratégique pour un “nouvel ordre mondial”. La Chine, avec son vaste programme de “route de la soie” a pour objectif de s’ériger en puissance économique de premier plan à l’horizon 2030-50 et de se doter d’ici 2050 d’une “armée de classe mondiale capable de remporter la victoire dans toute guerre moderne”. De telles ambitions provoquent une déstabilisation générale des relations entre puissances et poussent les États-Unis à tenter depuis 2013 de contenir et de briser l’ascension de la puissance chinoise qui la menace. La riposte américaine, débutée avec Obama (reprise et amplifiée par Trump), représente un tournant dans la politique américaine. La défense de leurs intérêts en tant qu’État national épouse désormais celle du chacun pour soi qui domine les rapports impérialistes : les États-Unis passent du rôle de gendarme de l’ordre mondial à celui de principal agent propagateur du chacun pour soi et du chaos et de remise en cause de l’ordre mondial établi depuis 1945 sous leur égide. D’autre part, l’idée induite par ce que dit le camarade, c’est qu’il existe une tendance à la bipolarisation, puisque d’un côté les pays européens, dans le cadre de l’OTAN, prendraient le parti des États-Unis, tandis que la Chine, non seulement pourrait s’appuyer sur ses États vassaux mais aurait un allié de taille, la Russie.
Or, l’émergence de la Chine elle-même est un produit de la phase de décomposition, au sein de laquelle la tendance à la bipolarisation est battue en brèche par le chacun pour soi régnant entre chaque puissance impérialiste. De même, il existe une grande différence entre le développement de cette tendance et un processus concret menant à la formation de nouveaux blocs. Les attitudes de plus en plus agressives des deux pôles majeurs tendent à saper ce processus plutôt qu’à le renforcer. La Chine fait l’objet d’une profonde méfiance de la part de tous ses voisins, notamment de la Russie qui souvent ne s’aligne sur la Chine que pour défendre ses intérêts immédiats (comme elle le fait en Syrie), mais est terrifiée à l’idée de se retrouver subordonnée à la Chine en raison de la puissance économique de cette dernière, et reste l’un des plus féroces opposants au projet de Pékin de “route de la soie”. L’Amérique entre-temps s’est activement employée à démanteler pratiquement toutes les structures de l’ancien bloc qu’elle avait auparavant utilisées pour préserver son “nouvel ordre mondial” et qui permettaient de résister aux glissements des relations internationales vers le “chacun pour soi”. Elle traite de plus en plus ses alliés de l’OTAN en ennemis, et en général, elle est devenue l’un des acteurs principaux d’aggravation du caractère chaotique des relations impérialistes actuelles.
En définitive, en évacuant une des conditions essentielles pour le déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale (la nécessité de l’embrigadement idéologique du prolétariat), le camarade D. avance une autre hypothèse. Il se réfère à des articles de la presse bourgeoise (L’Obs et Le Canard enchaîné) pour affirmer qu’une guerre nucléaire est tout à fait possible, notamment entre les États-Unis et la Chine (devenue une puissance industrielle et impérialiste faisant face à la première puissance mondiale).
Comme nous l’avons toujours affirmé, l’impérialisme à sa propre dynamique et fait partie intégrante du mode de vie du capitalisme dans sa période de décadence. Et comme le disait Jaurès, “le capitalisme porte avec lui la guerre comme la nuée porte l’orage”. Aucune puissance économique ne peut rivaliser avec les autres, et s’affirmer comme telle sur la scène mondiale, sans développer des armes toujours plus sophistiquées. La guerre commerciale entre les États est donc toujours accompagnée d’une exacerbation des tensions impérialistes. S’il est vrai que l’armement nucléaire ne constitue plus seulement un moyen de “dissuasion” comme c’était le cas durant la “Guerre froide”, aujourd’hui, cette course aux armements est un moyen de chantage et de marchandage entre les États détenant l’arme nucléaire. L’exacerbation des tensions impérialistes ne débouche pas toujours sur une conflagration directe, comme on a pu le voir, par exemple, en 2017 avec les tensions militaires entre les États-Unis et la Corée du Nord (qui avaient d’ailleurs donné lieu à des discours alarmistes dans la presse bourgeoise). Après plusieurs mois de tractations, ce conflit s’est terminé (au moins momentanément) par de chaleureuses embrassades entre Trump (président des États-Unis) et Kim Jong-un (président de la Corée du Nord).
Plus la bourgeoisie est acculée face à la faillite de son système et à l’accélération de la guerre commerciale, plus chaque puissance cherche à avancer ses pions dans l’arène impérialiste mondiale pour le contrôle de positions stratégiques face à ses adversaires. Avec l’enfoncement du capitalisme dans la décomposition sociale, la bourgeoisie apparaît de plus en plus comme une classe suicidaire. Des dérapages incontrôlés sur le plan impérialiste ne sont pas à exclure dans le futur, si le prolétariat ne relève pas le défi posé par la gravité de la situation historique. Mais pour le moment, la perspective d’une conflagration nucléaire entre la Chine et les États-Unis n’est pas à l’ordre du jour. De plus, quel intérêt ces deux puissances auraient-elles à gagner à larguer massivement des bombes nucléaires sur le sol de leur rival ? Les destructions seraient telles qu’aucune troupe d’occupation du pays vaincu ne pourrait être envoyée sur ces champs de ruines. Nous avons toujours rejeté la vision de la guerre “presse bouton” où la bourgeoise pourrait déclencher un cataclysme nucléaire mondial en appuyant simplement sur un bouton, sans aucune nécessité d’un embrigadement du prolétariat. La classe dominante n’est pas complètement stupide, même si des chefs d’États irresponsables et complètement fous peuvent accéder au pouvoir de façon ponctuelle. Il ne s’agit pas de sous-estimer la dangerosité des tensions impérialistes entre les grandes puissances nucléaires comme la Chine et les États-Unis, ni d’écarter totalement la perspective d’une conflagration entre ces deux puissances dans l’avenir, mais d’en mesurer les répercussions catastrophiques au niveau mondial : aucune des puissances belligérantes ne pourraient en tirer profit. Contrairement aux discours alarmistes de certains médias et aux prévisions des géopoliticiens, nous devons nous garder de jouer les Nostradamus. Si la dynamique de l’impérialisme (dont nous ne pouvons prévoir l’issue aujourd’hui) conduit à une telle situation, l’origine se trouvera dans la perte de contrôle total de la classe dominante sur son système en pleine décomposition. Nous n’en sommes pas encore là et devons nous garder de crier trop vite “Au loup !”
Les révolutionnaires ne doivent pas céder à l’atmosphère sociale du “no future”. Ils doivent au contraire garder confiance dans l’avenir, dans la capacité du prolétariat et de ses jeunes générations à renverser le capitalisme avant qu’il ne détruise la planète et l’humanité. En abandonnant aujourd’hui notre analyse passée du “cours historique”, nous n’avons pas, comme le pense le camarade D., une vision “pessimiste” de l’avenir. Nous misons toujours sur la possibilité d’affrontements de classe généralisés permettant au prolétariat de retrouver et d’affirmer sa perspective révolutionnaire. Nous n’avons jamais évoqué, dans aucun de nos articles, une quelconque “défaite annoncée” du prolétariat, comme l’affirme le courrier de notre lecteur.
Sofiane