Fichier attaché | Taille |
---|---|
![]() | 1.37 Mo |
A l'heure où ces lignes sont écrites (samedi 28 mars), rien n'est tranché en Pologne. Les négociations entre Solidarité et le gouvernement sur les revendications mises en avant à la suite des violences policières de Bydgoszcz du 19 mars, se poursuivent sans qu'on puisse savoir avec certitude si elles vont aboutir à un compromis (ce qui semble cependant l'hypothèse la plus probable) ou à une rupture. Cependant, quel que soit le résultat de ces négociations, quelle que soit la suite des événements tant au niveau de l'attitude de la bourgeoisie que de la réponse de la classe ouvrière, l'évolution de la situation en Pologne jusqu'à aujourd'hui permet de mettre en évidence combien ce qui se passe dans ce pays n’est pas une péripétie locale mais trouve sa place dans un drame qui a le monde entier pour théâtre et comme protagonistes la bourgeoisie et le prolétariat de tous les pays.
S'il était encore besoin d'une preuve de la participation intensive des grandes puissances au maintien de l'ordre en Pologne, l'effervescence qui règne tant à Moscou que dans les principales capitales occidentales suffirait à ce rôle.
A Moscou, c'est â jets continus que l'Agence Tass et les autres institutions chargées de transmettre la pensée officielle dénoncent les "menaces" que font planer sur la Pologne "populaire et socialiste" les éléments "contre-révolutionnaires" du KOR et ceux qui tirent les ficelles de Solidarité. C'est de façon insistante que, depuis la capitale du "socialisme réel" et depuis les chefs «lieux de province de celui-ci, on réaffirme que la "communauté socialiste toute entière" est disposée à prêter main forte à la classe ouvrière de Pologne contre ces menaces. Pendant ce temps, à Bonn, Paris, Londres, Bruxelles, siège de l'OTAN, à Washington, on fait le plus grand cas des menaces "d'intervention extérieure" contre la Pologne et on réaffirme avec une belle unanimité que les pays occidentaux "tireraient toutes les conséquences" d'une telle "violation des accords d'Helsinki".
Est-ce-à dire que l'URSS s'apprête à envoyer les troupes du Pacte de Varsovie remettre de l'ordre en Pologne? Est-ce à dire que l'occident est prêt à employer tous les moyens à sa disposition pour empêcher une telle action?
Il est clair qu'une intervention massive des troupes du bloc de l'Est ne peut pas être exclue en toutes circonstances. L'événement n'est pas nouveau (Hongrie 56, Tchécoslovaquie 68) et on peut même affirmer que si les autorités polonaises étaient réellement menacées, elles seraient secourues et même éventuellement remplacées par les forces policières et militaires de l'URSS. Cependant, la situation présente est bien différente de celle de la Hongrie 56 ou de la Tchécoslovaquie en 68. Dans ces deux derniers cas, les autorités en place étaient en train de prendre leurs distances avec le bloc russe, ce qui n'est absolument pas le cas des autorités polonaises qui ne perdent pas une occasion d'affirmer leur fidélité à l'URSS. Par ailleurs, les événements de Hongrie et de Tchécoslovaquie étaient bien différents de ceux de Pologne, tant du point de vue de leur contenu que du point de vue du contexte dans lesquels ils prenaient place.
En effet, en Tchécoslovaquie, il n'y avait pas eu en 68 de mobilisation ouvrière autonome, ce qui garantissait une remise en ordre relativement facile puisqu'était exclue de la scène la seule force qui aurait pu opposer une réelle résistance à la répression. En Hongrie, la classe ouvrière était bien plus mobilisée, mais, d'une part, elle était considérablement mystifiée par le poison nationaliste et démocratique (cf. son appui à Imre Nagy) et, d'autre part, ce qui était en bonne partie la cause de ces mystifications, l'ensemble de la classe ouvrière européenne et mondiale était encore sous la botte de la contre-révolution, donc incapable de réagir au massacre des ouvriers hongrois.
Telle n'est pas la situation en Pologne où la plus grande lutte menée par le prolétariat depuis plus d'un demi- siècle prend place dans un contexte de reprise des luttes ouvrières â l'échelle mondiale, y compris dans les pays où la contre-révolution avait été le plus loin : ceux qui se prétendent "socialistes".
Une intervention des troupes du pacte de Varsovie en Pologne aujourd'hui se heurterait donc à bien plus de difficultés qu'en 56 ou en 68.
En premier lieu, une telle intervention devrait mobiliser au moins un million d'hommes (en 68, il y en avait 500.000 pour envahir un pays trois fois moins peuplé que la Pologne actuelle) qui seraient en partie retirés des avant-postes du bloc de l'Est face â l'occident (RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie) ce qui affaiblirait d'autant, et pour une longue période, la capacité militaire d'un camp oriental déjà engagé en Afghanistan. Par ailleurs, la désorganisation qu'une arrivée des troupes des "pays frères" provoquerait dans l'économie du pays (la rumeur court que, en vue d'une telle éventualité, les mineurs de Silésie sont prêts à noyer leurs puits, que les ouvriers de Gdansk ont miné les chantiers navals) ainsi que dans les communications entre l'URSS et la RDA, serait un facteur supplémentaire d'affaiblissement du bloc de l'Est à une époque où s'exacerbent les tensions impérialistes. Mais le danger le plus grand couru par le capitalisme serait que l'intervention ne donne le signal â des luttes sociales massives dans les pays de l'Est et par contre coup également en occident.
EN D'AUTRES TERMES, CE QUE CRAINT A JUSTE TITRE LA BOURGEOISIE RUSSE, C'EST QUE SE GENERALISENT LES LUTTES OUVRIERES qui ont ces derniers temps secoue la Roumanie (été 80), la Tchécoslovaquie (Ostrawa en août 80), la RDA (automne 80, notamment à Magde- bourg) et même l'URSS (avril 80: Gorki et Togliattigrad; été 80: Vorkouta), que se reproduisent à une échelle bien plus vaste les mutineries qui ont secoué l'armée "rouge" dans la région de Kaboul l'année dernière.
Pour l'ensemble de ces raisons, les déclarations menaçantes de l'Agence Tass, de même que la publicité faite autour des présentes manœuvres du Pacte de Varsovie, si elles peuvent participer des préparatifs idéologiques d'une éventuelle intervention future ont bien plus pour fonction présente de dissuader de lutter les ouvriers de Pologne mais également ceux des autres pays du bloc oriental.
Et c'est dans cette manœuvre d'intimidation qu'intervient directement tout le remue-ménage provoqué dans les capitales occidentales et en premier lieu à Washington où vient d'être créé à grand renfort de publicité un "Etat-Major de crise" spécialement "chargé" de suivre la situation en Pologne. En effet, les menaces proférées par l'URSS, la Tchécoslovaquie, la RDA, et maintenant même par la Hongrie, n'ont pas beaucoup de succès auprès des ouvriers polonais, qui ont pris comme bonne habitude de ne pas croire un mot de la propagande officielle.
Par contre, dans la mesure où ils ont bien plus confiance dans les informations données par "Radio Europe Libre" et la BBC, ils risquent davantage de croire à cette menace si elle est évoquée avec insistance par l'occident. Le scénario qui avait déjà servi fin novembre 80 face à la mobilisation ouvrière contre l'arrestation de deux militants de "Solidarité" et dans lequel Carter avait multiplié les mises en garde à l'URSS contre toute velléité d'intervention se renouvelle donc aujourd'hui face â une nouvelle poussée prolétarienne avec comme chef d'orchestre Reagan et la participation beaucoup plus active des chœurs occidentaux.
Ainsi, face à la menace que représente pour le capitalisme mondial la persistance des luttes ouvrières en Pologne, les grandes puissances se partagent le travail : à l'URSS revient le rôle de "méchant croquemitaine", qui va sévir brutalement si on ne lui obéit pas, aux USA et à ses alliés le rôle du "gentil" qui distribue des vivres aux populations affamées (c'est un prêt de 10 milliards de dollars, soit presque la moitié de sa dette, que demande la Pologne aux occidentaux) pour que leur révolte n'aille pas trop loin et qui se charge de convaincre les ouvriers que leur intérêt est d'arrêter leur lutte.
Mais ce n'est pas seulement à l'échelle internationale que les divers secteurs de la bourgeoisie se partagent le travail. C'est également à l'intérieur que s'opère une telle distribution des rôles.
Nous avons souvent analysé dans notre presse de quelle façon dans les pays occidentaux les divers secteurs de la bourgeoisie se partagent le travail pour faire payer au prix fort la crise aux exploités. La droite au gouvernement se charge de mener directement l'offensive anti-ouvrière, la gauche dans l'opposition manœuvre pour immobiliser le prolétariat face à cette attaque.
En Pologne, la bourgeoisie a repris à son compte cette politique : au PGUP (qui, par la haine que lui portent les ouvriers et par les privilèges que se partagent ses dirigeants, est comparable à la droite de l'occident) revient le rôle de mettre en œuvre une austérité sans précédents, de conduire la répression, à “Solidarité" revient celui de canaliser et de contenir le mécontentement ouvrier.
Il est clair que l'analogie entre ce qui se passe en Pologne et ce qui se passe en occident ne peut pas être poussée dans tous les détails. Par exemple, c'est une ironie de l'histoire qui attribue à un parti "ouvrier" I et "communiste" les habits de la "droite" alors que ceux de la "gauche" sont portés par une organisation dirigée par un Walesa ,ami intime du cardinal primat d’une des églises les plus conservatrices du monde. Plus généralement, si les pays occidentaux avancés s'accommodent fort bien d'un partage des tâches entre des forces politiques au gouvernement et des forces politiques dans l'opposition, partage auquel ils ont été préparés par des décennies de fonctionnement des mécanismes "démocratiques" au sein duquel s'est épanoui leur développement capitaliste, les pays d'Europe de l'Est, comme d'ailleurs l'ensemble des pays au capitalisme faible, ou tardif, éprouvent par contre les plus grandes difficultés à mettre en place un tel jeu.
En Pologne, la poussée de la classe ouvrière a contraint les équipes gouvernementales d’accepter l'existence d'une opposition, mais les soubresauts auxquels on a assisté depuis le mois d'août, notamment les règlements de compte et les divisions au sein du POUP illustrent bien avec quelle difficulté un régime où règne le capitalisme d'Etat sous sa forme la plus achevée s'accommode mal des formules politiques en vigueur dans les pays occidentaux.
Ce n'est "qu'à chaud" que cette politique a pu s'imposer, ce qui en réduit l'efficacité face à la lutte de classe, comme on peut le voir aujourd’hui.
Cependant, malgré toutes les différences pouvant exister entre les situations qui prévalent dans les diverses régions du monde, c'est bien un même type de politique qui est mis en œuvre par la bourgeoisie là où une classe ouvrière concentrée secoue, face à la crise, le joug de l'exploitation ou s'apprête à le faire. Ainsi, il ne faudrait pas surestimer les divisions existant à l'heure actuelle au sein de l'équipe dirigeante en Pologne ou entre celle-ci et celle de Moscou. Si de telles différences peuvent se manifester entre, d'un côté une bourgeoisie nationale d'abord préoccupée par les problèmes qu'elle affronte â l'échelle de sa zone d'influence et le chef de file du bloc qui doit prendre en compte les problèmes qui se posent à l'échelle de la sienne (de telles différences se manifestent également aujourd'hui entre les USA et la RFA), si elles se manifestent également au sein même des équipes gouvernementales (comme en France entre Chirac et Giscard), c'est plus d'un partage des tâches qu'il s'agit que d'une réelle division.
En Pologne, il existe bien peu de différences entre le "dur" Olszewski (un ancien "libéral") et les "modérés" Jaruzelski et Kania (respectivement chef de l'armée et responsable des forces de répression depuis une dizaine d'années).
En réalité, face à la nécessité pour le gouvernement polonais, à la fois de lancer des "ballons d'essai" en vue d'intensifier la répression et à la fois de négocier quand la riposte ouvrière est trop forte, ces deux tendances prennent tour à tour le devant de la scène quand c'est l'une ou l'autre tâche qui est d'actualité. De même, les désaccords qu'on se plait à souligner entre Moscou et Varsovie (on a fait beaucoup de publicité sur la semonce qu'auraient reçue â Moscou les dirigeants polonais à la suite du 26ème congrès du PCUS) ont surtout comme fonction d'accréditer l'idée que ce n'est pas de gaîté de cœur que l'équipe gouvernante polonaise "renverse le cours des événements", mais qu'elle y est contrainte et forcée par le "grand frère" : il est donc inutile que Tes ouvriers polonais tentent de s'opposer sur place à une politique qui vient d'ailleurs.
Mais, comme en Occident, c'est fonda mentalement entre les forces gouvernementales et les forces d'opposition qu'existe la division du travail contre les luttes ouvrières. Cela fait déjà des mois que le syndicat "Solidarité", notamment grâce aux déplacements incessants de son président Walesa, joue, en s'appuyant sur la confiance qu'il conserve auprès des ouvriers, le rôle de pompier de l'ordre social. Il y a moins de deux semaines, c'est avec un certain cynisme que Walesa avait dit tout de go aux ouvriers d'Ursus prêts à faire grève : "Bon, tout le monde le sait... je suis venu ici pour arrêter la grève". Au cours de la crise présente, on a pu constater également avec quelle habileté la commission nationale de "Solidarité", à la suite de son président, et malgré la réticence des délégués venant des secteurs les plus combatifs, a réussi à reporter d'une semaine l'éventuelle grève générale illimitée que la majorité des travailleurs était prête à engager immédiatement après les violences policières de Bydgoszcz. Ce délai laissait le temps aux autorités de préparer une réponse appropriée à la mobilisation prolétarienne, de même qu'il avait le "mérite" de laisser retomber un peu la colère, des ouvriers que “Solidarité" a pris soin de laisser s'exprimer par la grève de 4 heures du 91 mars.
Comme en Occident également, la politique de sabotage des luttes par les syndicats, qui trouve sa meilleure expression dans les appels â la défense de "l'économie nationale" aussi chère à un Séguy qu'à un Walesa qui ne cesse de proclamer qu1"un polonais peut toujours s'entendre avec un autre polonais", a besoin pour être efficace de discours radicaux. Et Walesa ne s'en prive pas quand ils n'engagent rien de concret. Ainsi aux mêmes ouvriers d'Ursus qu'il avait démobilisés quelques jours avant, il déclare le 27 mars, pendant la "grève d'avertissement" : "Solidarité est fermement décidé à lutter jusqu'au bout... si nous reculons aujourd'hui, nous en reviendrons rapidement à ce qu'il y avait auparavant nous ne voulons pas de retour en arrière". De même, c'est la radio et la télévision officielles qui ont permis à Walesa de se refaire une image radicale, qui lui sera indispensable plus tard pour calmer les ouvriers, en retransmettant sa déclaration â la première séance de négociation le 25 mars dans laquelle on l'entend dire : "Nous ne reculerons pas. Nous allons attendre que nos demandes soient satisfaites... Nous n’avons pas d'autre choix."
Ainsi, parfaitement consciente de l'utilité d'une image "radicale" pour ‘Solidarité’ les autorités polonaises ne lésinent pas sur les moyens, comme d'ailleurs les autorités de l'URSS, dont les dénonciations du syndicat polonais et de son leader sont les bienvenues pour renforcer cette image.
C'est, comme nous l'écrivions dans la "Revue Internationale" du CCI n°25, "de façon mondiale que la bourgeoisie fourbit son offensive. Cette classe a tiré les leçons du passé. Elle sait que, face au danger prolétarien, elle doit faire preuve d'unité et de coordination de son action, même si celle-ci passe par un partage des tâches entre différentes fractions de son appareil politique. Pour la classe ouvrière, la seule issue réside dans le refus de se laisser piéger par les chausse-trappes que lui tend la classe dominante, et d’opposer sa propre offensive de classe à l'offensive bourgeoise :
Plus que jamais est à l'ordre du jour le vieux mot d'ordre du mouvement ouvrier:
"PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !".
F. M.
C'est au moment de la lutte des sidérurgistes de Denain et Longwy que le syndicat des métaux de Dunkerque va dissoudre la section CFDT d'Usinor et exclure une dizaine de militants. Cette mesure avait pour but d'éliminer quelques militants un peu trop indépendants et critiques à l'égard des options de la direction syndicale. A l'époque, la CFDT comme la CGT avait eu peur d'une extension de la lutte à Usinor-Dunkerque et avait préféré liquider des militants peu sûrs et peu contrôlables, certes liés à la tradition gauchiste mais n'appartenant pas au courant trotskyste. Une fois la lutte retombée, ces militants, loin de tirer la leçon de leur travail syndical ont cru bon mettre I profit les divergences et les rivalités d'appareil entre la CFDT et la CGT d'Usinor en adhérant à ce dernier syndicat afin d’y former ce qu'il faut nommer une fraction politique. 11 faut ajouter que la CGT connaissait des difficultés internes et il est tout à fait probable qu'une frange de l'appareil CGT était prête â ce moment-là à utiliser nos braves syndicalistes "de base" pour mener leurs propres magouilles bureaucratiques...
Aujourd'hui, jouant 1'écoeurement et l'impossibilité de faire un "vrai" travail syndical dans la CGT, les mêmes militants plus quelques autres qui étaient restés en dehors de la CGT, influencés par les thèses anarcho-syndicalistes, ont décidé de créer le "syndicat de lutte des travailleurs"
Le nouveau syndicat précise qu'il est : "pour la démocratie directe, c'est-à-dire pour que tous les travailleurs en grève élisent eux-mêmes parmi eux des délégués de lutte qui se coordonnent en comités de grève réunis en Assemblée générale. L'assemblée générale des travailleurs grévistes ayant tous les pouvoirs de décision sur la conduite de la grève et aussi de changer les délégués de lutte qui ne feraient pas ce qui a été décidé."
Dans ces conditions, la première question qu'on peut se poser est POURQUOI un syndicat ?
Nous ne présumerons pas de la sincérité de ces militants, de leur volonté de "lutter", mais une telle initiative va a l'encontre de la véritable dynamique des luttes ouvrières.
Bien au contraire, ce syndicat d'usine qui se réclame de la "démocratie directe" ne peut que rendre plus difficile l’émergence d'organes unitaires de lutte, de comités de grève élus et révocables, d'assemblées générales, etc...
Se proclamant de fait les “véritables représentants des intérêts immédiats des travailleurs", ces syndicalistes de “base" rééditent les vieux mensonges et les vieilles illusions entretenues justement par les syndicats qu'ils viennent de quitter. Les premières revendications mises en avant montrent à l'évidence que le SLT est bien dans la continuité du syndicalisme : localisme, usinisme, économisme. Ainsi, la revendication de l'arrêt de la sous-traitance des travaux faits à Usinor est typique des revendications syndicales : elle tend à opposer les intérêts des ouvriers d'Usinor à ceux des entreprises sous-traitantes. La lutte contre les licenciements ne peut passer par la défense du corporatisme d'entreprise.
On ne crée par artificiellement des structures de défense des intérêts prolétariens, indépendamment de la lutte, du degré de conscience et d'organisation autonome de la classe ouvrière.
Par ailleurs, toutes les luttes récentes démontrent que le contenu et la forme syndicaliste ne correspondent plus aux besoins de la lutte de la classe ouvrière. Depuis dix ans, tous les syndicats "autonomes" ou "de base" ont été rapidement récupérés par les appareils officiels ou ont dégénéré en de petites sectes gauchisantes localiste vivotant dans une ou deux usines. Un organe unitaire de classe implique l'existence d'un haut niveau de lutte et la rupture avec les syndicats, cela ne peut pas être un cercle de militants gauchisants agissant à leur petite échelle comme n'importe quel autre syndicaliste du PC ou du PS.
Si elle subsiste, cette structure ne peut que devenir un panier de crabe déboussolant encore un peu plus ceux qui veulent se battre contre les syndicats "officiels" et renouer avec les positions révolutionnaires. C'est pourquoi nous ne pouvons que dénoncer une telle démarche néfaste aussi bien sur le plan de la lutte immédiate que sur le plan du travail politique révolutionnaire. Sur leur lieu de travail, les communistes ne peuvent perpétuer l'idée et la pratique qui consistent à se présenter comme le représentant, le défenseur, l'organisateur des ouvriers du rang, qui seraient par nature incapables de prendre leurs destinées en main. Les communistes révolutionnaires doivent combattre tous les aspirants bureaucrates qui flattent la passivité ouvrière parce qu'ils en vivent politiquement ! La rupture avec le syndicalisme c'est la rupture avec l'idéologie contre-révolutionnaire qui présente la classe ouvrière comme une classe impuissante, incapable de s'organiser spontanément dans sa lutte ! Mais si le prolétariat n'était pas capable de cela, pourquoi la bourgeoisie aurait-elle besoin de tous ses gardes - chiourmes syndicaux et de tous ses valets staliniens, socialistes et gauchistes ?
Nous publions ci-dessous des extraits d’une lettre d’une lectrice qui relate une expérience de contact avec l'organisation Lutte Ouvrière et qui s'attache à analyser le rôle de LO par rapport à la politique actuelle du PCF.
Outre la dénonciation de pratiques d'organisation vides de toute discussion, visant à faire des "militants" des pions disciplinés et passifs, la lettre illustre surtout comment, par cette "pratique", une telle organisation fait en sorte que des individus qui "ont compris que la solution aux problèmes qu'ils se posent ne se trouve pas au PC, mais sans savoir pourquoi", "ne le sachent jamais".
La politique d'une organisation comme LO ne vise qu'à enrayer la clarification des intérêts de la classe ouvrière, à empêcher que la "méfiance" et le plus souvent le désintérêt général que rencontrent les soi-disant partis et syndicats "ouvriers", de la part de ceux qu'ils prétendent "défendre", "organiser", "diriger" -les ouvriers- ne puissent déboucher sur la compréhension que ces partis et syndicats font partie intégrante, sont un pilier fondamental, de l'ordre capitaliste.
Leur méthode organisationnelle et leurs attitudes dans leurs rapports avec leurs "sympathisants" que décrit la première partie de la lettre, sont la traduction pratique de leur rôle social et politique.
Les tâches que se donne une organisation politique déterminent sa structure interne, et les structures bureaucratiques et manœuvrières des organisations gauchistes ne font que révéler les tâches contre-révolutionnaires de ces organisations.
Comme le montre la lettre sur la question des immigrés, dans l’appui critique de LO au PC, si la "critique" n'est que de la phraséologie et du vent, l’"appui" est par contre bien réel en pratique :
Cette attitude n'est pas nouvelle ; elle fonde au niveau théorique sa légitimité "révolutionnaire" par la référence à Trotsky -notamment ses positions dans les années 30 prônant des tactiques d'appui aux partis "ouvriers" jusqu'à faire entrer les militants dans la Social-Démocratie. Nous ne développerons pas ces questions ici ; disons simplement que ces tactiques lamentables de l’opposition de Trotsky amenèrent ce courant au naufrage et au passage définitif dans le camp de la contre-révolution, avec, entre autres, l'appui au gouvernement républicain en Espagne en 1936 puis l'appui et la participation à la deuxième guerre mondiale dans un des camps impérialistes.
Mais si au début des années 30, dans la confusion régnante, ces positions pouvaient être considérées comme un “naufrage" d’un courant encore ouvrier, aujourd’hui, le bavardage qui tient lieu de théorie à des organisations comme LO ne sert qu'à couvrir leur tâche véritable de dévoiement de la combativité ouvrière. Pour mener à bien cette tâche, LO comme ses organisations sœurs, happe les individus dans l'activité sur "la boite". Ce "militantisme" n'a pour fonction que de donner l’illusion de “faire quelque chose" et d'épuiser les énergies qui peuvent surgir.
Depuis la reprise prolétarienne internationale de la fin des années 60, l'activité de ce type d'organisations parmi les ouvriers a eu pour conséquence de dégoûter de toute politique des centaines d'individus, d'embrouiller et d'entraver la compréhension et l'activité dans la lutte de la classe ouvrière.
Le prolétariat, pour mener à bien sa lutte pour la révolution communiste, devra se débarrasser des scories de la contre-révolution dont le trotskysme fait partie.
En 1917-19, les conseils ouvriers avaient pris le pouvoir en Russie, et ils étaient en train de s'étendre dans toute l'Allemagne. Mais en 1921, ces espoirs avaient été sapés par toute une série de défaites en Allemagne, Hongrie, Italie, Grande-Bretagne, et ailleurs.
Les grèves de masses et les soulèvements n'avaient pas réussi à créer une autre avancée de pouvoir des ouvriers qui aurait pu venir en aide aux conseils de Russie. Pendant ce temps, le pouvoir des conseils en Russie, isolé, était ébranlé par la guerre civile, la famine et le désastre économique. Dans ces conditions, la vie des conseils ouvriers commença à refluer et le pouvoir devint de plus en plus concentré dans la machine étatique. Le parti bolchevik, qui en 1917 avait appelé à "tout le pouvoir aux soviets" s'empêtrait dans cet appareil de plus en plus bureaucratique qui réduisait les conseils à de simples bureaux d'enregistrement de la politique de l'Etat.
En mars 1921, faisant suite à une série de grèves dans d'autres régions du pays, éclate une révolte des ouvriers et des marins de Kronstadt, qui demande : "Je pouvoir aux soviets, la liberté de mener une agitation politique, la libération des prisonniers politiques de la classe ouvrière, 1'expulsion de la police hors des Usines, et sur le front économique, ils demandent un relâchement de 1'emprise étatique rigide de la période d'économie de guerre." A ce mouvement," l’"Etat ouvrier" répondit par l'envoi de l'armée rouge contre "ce complot de la réaction blanche". Des milliers d'ouvriers furent massacrés, arrêtés, déportés.
Dans cet article, nous ne pourrons pas rentrer dans le détail des événements de Kronstadt. Nous l'avons déjà fait dans la Revue Internationale N°3 [4]. Nous voulons plutôt parler des nombreuses interprétations fausses de la révolte de Kronstadt, et voir ce que ces événements peuvent nous enseigner pour la révolution de demain.
Puisque nous vivons sous le règne de la "démocratie libérale occidentale", commençons par l'explication classique de la révolte des "libéraux". La vision libérale est que Kronstadt fut la première d'une longue série de révoltes du "peuple" contre le "communisme totalitaire", série qui va jusqu'au soulèvement hongrois en 56 et à la Pologne aujourd'hui.
Le but de cette vision n'est pas de prouver que les surgissements populaires sont une bonne chose, mais de MONTRER QUE LE MARXISME MENE TOUJOURS AU STALINISME, que le parti bolchevik de 1917-21 était de la même veine que les partis communistes actuels, et surtout, QUE LES REVOLUTIONS NE PEUVENT ABOUTIR QU'A UNE CHOSE : LE REMPLACEMENT D'UNE DICTATURE PAR UNE NOUVELLE, souvent pire. Le message des libéraux, qui peuvent afficher une sympathie empreinte de pitié, est essentiellement celui-là. QUELS QUE SOIENT LES MAUX DONT VOUS SOUFFREZ, UNE REVOLUTION NE PEUT QU'EMPIRER LES CHOSES.
Cette vision, que l'on retrouve dans les manuels d'histoire, s'appuie sur un dogme religieux : l'humanité est si dépravée qu'elle ne peut espérer se libérer par ses propres efforts. Elle rejette l'idée qu'il soit possible d'expliquer le succès ou 1'échec des révolutions passées d'après les conditions historiques dans lesquelles elles se trouvaient. Pour elle, le massacre de Kronstadt ne fut pas le RESULTAT DE L'ISOLEMENT DE LA REVOLUTION RUSSE, LA CONSEQUENCE DU FAIT QUE LA DEMOCRATIE OUVRIERE SUFFOQUAIT, ET DES ERREURS POLITIQUES DU PARTI BOLCHEVIK, en particulier celle qui consistait à penser que le parti devait exercer le pouvoir à la place de la classe, et contre elle si nécessaire.
Trotsky disait que "l'anarchisme, c'est du libéralisme, sans la police."
Et, très certainement, les anarchistes, qui revendiquent Kronstadt comme LEUR révolte, leur preuve irréfutable contre le "marxisme", le "léninisme" et le "communisme autoritaire", parlent de Kronstadt dans des termes qui ne sont pas si différents de ceux des libéraux.
Pour eux, le fait que ce soit le parti bolchevik qui contrôlait l'Etat qui a écrasé Kronstadt est la preuve que tous les partis marxistes sont essentiellement répressifs, que toutes les dictatures (des ouvriers ou d'autres) sont moralement mauvaises, et que l'Etat est une chose qu'il faut éviter à tout prix. COMME LES LIBERAUX LES ANARCHISTES GEIGNENT : VOUS VOYEZ, VOILA OU CONDUIT LE MARXISME.
Bien sûr, ils ne disent pas, comme les libéraux : ne faites pas la révolution. Mais ce qu'ils disent, c'est : faites une révolution sur une base fédérale, anti-étatique. En d'autres termes : FAITES UNE REVOLUTION QUI EST PERDUE D'AVANCE. Le fédéralisme n'est d'aucune utilité à la révolution prolétarienne, parce qu'elle doit établir L'AFFIRMATION CENTRALISEE DE SA PUISSANCE POUR BATTRE UN ENNEMI QUI, LUI, EST HAUTEMENT CENTRALISE.
L'anti-étatisme abstrait de l'anarchisme n'est pas plus utile. Si l'Etat de la période de transition du capitalisme au communisme sera un "mal nécessaire", il sera cependant nécessaire aussi longtemps que la société comportera encore des divisions en classes. Et quand les anarchistes demandent aux ouvriers de faire une révolution sans théorie marxiste et sans parti marxiste, ils demandent aux ouvriers de faire une révolution sans clarté politique, sans méthode et sans organisation pour mieux cerner les buts et les moyens de la révolution.
Et, comme les libéraux, LES ANARCHISTES MONTRENT PEU D'INTERET POUR L'ANALYSE DES TRANSFORMATIONS MATERIELLES REELLES QUI ONT RENDU LA REVOLTE DE KRONSTADT POSSIBLE: expliquer comment le pouvoir des conseils a décliné et comment le parti bolchevik a dégénéré. Occupés à prouver que le bolchevisme a toujours été contre-révolutionnaire, ils expliquent l'intransigeance de la défense du pouvoir des conseils par les bolcheviks en 17 comme une conspiration: ce n'était qu'une tactique des bolcheviks pour accéder eux-mêmes au pouvoir. Et pourquoi faisaient-ils cela? Parce que tous les partis se conduisent ainsi: Nous revenons à l'argument du péché originel, attribué cette fois aux seuls partis. Naturellement, les anarchistes N'ONT JAMAIS TENTE D'EXPLIQUER POURQUOI C'EST L'ENSEMBLE DE LA CLASSE OUVRIERE D'ALORS, et pas seulement le parti bolchevik, QUI PENSAIT QUE C'ETAIT LE PARTI QUI AVAIT LA TACHE DE PRENDRE LE POUVOIR. Ils ne parlent pas des effets corrosifs qu'a eu sur le mouvement ouvrier la période social-démocrate, qui a conduit les ouvriers à penser que les conseils devaient fonctionner comme des parlements bourgeois. Ils ignorent
aussi qu'en 1921, un parti MARXISTE, le parti communiste ouvrier d'Allemagne (KAPD) avait déjà commencé à mettre en question cette vision, insistant sur le fait que le pouvoir devait être exercé DIRECTEMENT par les conseils et non délégué à un parti.
Les anarchistes ne voient pas que c'est 1'isolement de la révolution, et la baisse de l'activité de la classe qui en a suivi, qui a permis aux erreurs des bolcheviks d'être aussi fatales. On peut penser que si la révolution s’était étendue et épanouie, ces erreurs auraient pu être clarifiées et dépassées par le mouvement prolétarien international.
Tous ceux qui voient la révolte de Kronstadt comme le produit inévitable du bolchévisme s'Stent toute possibilité d'apprendre quelque-chose de ces événements. Kronstadt fut une tragédie parce QU'ELLE SE SITUAIT A L'INTERIEUR DU CAMP PROLETARIEN. Une des principales leçons à garder de Kronstadt est QU'UN PARTI DE LA CLASSE OUVRIERE NE DEVRA PLUS JAMAIS SE RETROUVER DANS UNE SITUATION OU IL PUISSE PENSER QUE LA SEULE FACON DE DEFENDRE LA REVOLUTION SOIT DE MASSACRER UNE PARTIE DES SECTEURS LES PLUS COMBATIFS DE LA CLASSE QU'IL DEFEND.
Ensuite, il y a ceux, -la majorité de la soi-disant "gauche"- qui applaudissent carrément à ce qu'ont fait les bolcheviks en 1921 à Kronstadt.
Il y a les staliniens, flanqués de trotskystes jusqu'au-boutistes de la défense de l'URSS (comme la Ligue Spartakiste) qui se contentent de répéter les calomnies du gouvernement de l'époque : la rébellion de Kronstadt n'était qu'un complot de russes blancs et cette racaille n’a eu que ce qu'elle méritait. Et ils ne cachent pas qu'ils sont prêts à recommencer demain.
La plupart des trotskystes sont beaucoup plus subtils. L'argument des russes blancs étant trop grossier, ils vous diront que la révolte de Kronstadt était une révolte de PAYSANS contre les rigueurs de l'économie de guerre et donc "OBJECTIVEMENT" contre- révolutionnaire. Certains peuvent même aller jusqu'à vous confesser que les marins et les ouvriers de Kronstadt ETAIENT des marins et des ouvriers, et que c'était une révolte ouvrière. Mais enfin, c’était une "tragique nécessité" Pourquoi? Parce que, si les bolcheviks avaient perdu le contrôle de l'Etat, ils auraient été remplacés par quelque- chose de pire.
Les bolcheviks ont écrasé la révolte de Kronstadt, et pourtant, ils ont été balayés par quelque chose de mille fois PIRE : le stalinisme, le pouvoir absolu de la bureaucratie capitaliste d'Etat. En fait, en écrasant les efforts des ouvriers pour régénérer les conseils, les bolcheviks PREPARAIENT LA VOIE au stalinisme. Ils aidaient à accélérer un processus contre-révolutionnaire qui devait avoir plus de conséquences tragiques pour la classe ouvrière que toutes les "réactions blanches". Si les généraux tsaristes étaient revenus au pouvoir, l'issue aurait été plus claire comme cela a été le cas après la Commune de Paris, où tout le monde pouvait voir que les ouvriers avaient perdu et le capitalisme gagné. Mais le plus terrible de la défaite en Russie fut que la contre-révolution triompha et PRIT LE NOM DU SOCIALISME.
L'idée que le stalinisme est un exemple de socialisme, un produit direct de la révolution d'octobre devait semer une confusion et une démoralisation profonde dans la classe ouvrière du monde entier. Nous vivons encore les conséquences de cette hideuse distorsion de la réalité : un désenchantement profond et généralisé pour l'idée d'une révolution communiste.
Un argument de ce type ferait probablement bondir tout trotskyste "orthodoxe" pour qui les régimes staliniens sont des "Etats ouvriers", certes avec une "déformation bureaucratique", mais qui ont nationalisé une large part de l'économie. De ce fait, ils valent sûrement mieux qu'une réaction blanche. Pour que l'Etat stalinien garde son contrôle sur l'économie russe, les trotskystes pensent que le sacrifice de millions de vies ouvrières valait la peine. Et pas seulement les morts de Kronstadt, mais aussi tous ceux qui sont restés dans les purges et les camps de travail staliniens, et les millions supplémentaires de morts pour la défense du soit disant "Etat ouvrier" dans la seconde guerre mondiale. Tout cela montre bien que le trotskysme est bien le petit frère du stalinisme, et qu'il a eu sa part dans la déroute des idées du socialisme et de la révolution ouvrière.
Certains trotskystes reconnaissent aujourd'hui que la Russie est devenue capitaliste d'Etat avec la période stalinienne. Mais ils continuent à dire, avec un tremblement dans la voix, que l'écrasement était un "mal nécessaire". Si la Russie est de toute façon revenue au capitalisme, qu'a donc sauvé l'action sanglante des bolcheviks? La seule façon d'expliquer cette théorie apparemment inconsistante est de voir qu'ils partagent avec les autres variantes staliniennes et trotskystes une même conception de la classe ouvrière : dans aucun cas, on ne peut faire confiance à la classe pour se gouverner elle-même. Il faut que le parti lui apporte le socialisme. L'appel des insurgés de Kronstadt : "Le pouvoir aux conseils, pas au parti" doit effectivement résonner â leurs oreilles comme un blasphème.
C'EST LA VISION BOURGEOISE DE LA CLASSE OUVRIERE. ELLE NE CONSIDERE PAS LA CLASSE OUVRIERE COMME LA CLASSE QUI PORTE LE COMMUNISME, COMME LE FONT LES REVOLUTIONNAIRES. ELLE VOIT LA CLASSE COMME UN TROUPEAU D'IDIOTS DESORDONNES, PEU DIGNES DE CONFIANCE ET INCULTES, QU'ON DOIT DIRIGER A COUPS DE PIEDS DANS LE DROIT CHEMIN SI ON VEUT EN TIRER QUELQUE CHOSE DE BON.
On peut nous objecter que la prochaine révolution sera différente de la première et qu'il n'y aura pas de répétition de la débâcle de Kronstadt.
Il est vrai que dans la vague révolutionnaire à venir la question que le parti prenne le pouvoir à la place de la classe ne se posera peut-être pas de façon aussi sérieuse. L'expérience des partis politiques que les ouvriers ont accumulée depuis la révolution russe, et les leçons tirées par les révolutionnaires eux-mêmes engendreront une méfiance extrême à l'égard de toute délégation au pouvoir des ouvriers â une quelconque minorité politique.
Mais cela ne veut pas dire que la mentalité substitutioniste qui s'est manifestée dans la réponse des bolcheviks à Kronstadt ne sera plus un danger dans la révolution à venir. La MENTALITE SUBSTITUTIONISTE EST BASEE SUR UN MANQUE DE CONVICTION SUR LES CAPACITES REVOLUTIONNAIRES DE LA CLASSE, et elle tend à réapparaître CHAQUE FOIS QUE LA CLASSE S'AFFAIBLIT OU RECULE. Chaque fois que la révolution semble s'immobiliser, que des secteurs de la classe perdent de vue ce pour quoi ils se battent, chaque fois que l'enthousiasme révolutionnaire semble déserter la majorité des ouvriers, chaque fois, l’idée ressurgira que le socialisme doit être imposé aux ouvriers qu'ils le comprennent ou non. Même si le parti lui-même évite de tomber dans ce travers et continue à le combattre, cette tendance peut très bien se manifester dans 1'APPAREIL D'ETAT -chez les administrateurs et les militaires provisoirement nécessaires, Ces éléments -bureaucrates potentiels- tendront à voir la révolution comme un problème de décrets étatiques et de plans â respecter, et ils ne seront pas en mesure de manifester beaucoup de patience pour les hauts et les bas de la conscience et de la créativité de la classe ouvrière.
Aussi, bien qu’il puisse y avoir moins de danger que le parti se substitue à la classe dans la prochaine révolution, l'autre leçon fondamentale de Kronstadt reste plus actuelle que jamais : NE TOLERER SOUS AUCUN PRETEXTE QUE L'ETAT SE SUBSTITUE AUX CONSEILS OUVRIERS ; S'ASSURER TOUJOURS QUE L'ETAT EST CONTROLE, SUPERVISE, ET DIRIGE PAR LES CONSEILS OUVRIERS.
Mais la théorie substitutioniste peut très bien aussi montrer le nez dans les CONSEILS OUVRIERS. A certains moments difficiles, certains secteurs de la classe, combatifs mais impatients, peuvent faire l'erreur de FORCER leurs frères de classe, plus hésitants, à les suivre, en utilisant l'exemple de la force plutôt que la force de l'exemple. Là encore, l'expérience de Kronstadt a beaucoup à nous apprendre. L'utilisation de la violence pour régler les conflits entre les secteurs de la classe ouvrière NE RENFORCE JAMAIS L'UNITE ET LA CONSCIENCE DE LA CLASSE. Au contraire, elle ne fait que semer la haine, la méfiance, la division et le découragement.
Quand les bolcheviks ont tiré sur les ouvriers de Kronstadt, ils n'ont pas fait que tuer les ouvriers les plus révolutionnaires de cette ville particulière : ils ont tué l'esprit de la révolution, pour des millions d'autres ouvriers, pas seulement en Russie, mais dans le monde entier. Face à cela, il ne suffit pas de D' ESPERER que de telles tragédies ne se reproduisent plus dans la prochaine révolution. Les révolutionnaires doivent proclamer clairement et à voix haute QUE LA REVOLUTION COMMUNISTE NE PEUT SE GAGNER EN UTILISANT DE TELLES METHODES.
Nous devons systématiquement rappeler à notre classe les événements qui restent des leçons vivantes et actuelles pour l'avenir. C'est la seule façon d'agir pour que la prochaine révolution ne voit pas se répéter le cauchemar de Kronstadt.
D'après C.D. Ward,
traduit de "World Revolution" N°36.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_84_i.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/syndicalisme
[3] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[4] https://fr.internationalism.org/rinte3/kronstadt.htm
[5] https://fr.internationalism.org/tag/5/513/russie
[6] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauchisme
[7] https://fr.internationalism.org/tag/approfondir/vague-revolutionnaire-mondiale-1917-23