11e congrès du CCI : Résolution sur la situation internationale

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1) La reconnaissance par les communistes du caractère historiquement limité du mode de production capitaliste, de la crise irré­versible dans laquelle ce système est plongé aujourd'hui, constitue la base de granit sur laquelle se fonde la perspective révolution­naire du combat du prolétariat. En ce sens, toutes les tentatives, comme celles que l'on voit à l'heure actuelle, de la part de la bour­geoisie et de ses agents pour accréditer que l'économie mondiale « sort de la crise » ou que certaines économies nationales « émergentes » pourront pren­dre le relais des vieux secteurs économiques essoufflés, constituent une attaque en règle contre la conscience prolétarienne.

2) Les discours officiels sur la « reprise » font grand cas de l'évolution des indices de la production industrielle ou du re­dresse­ment des profits des entreprises. Si effecti­vement, en particulier dans les pays anglo-saxons, on a assisté récem­ment à de tels phénomènes, il importe de mettre en évi­dence les bases sur lesquelles ils se fon­dent :

- le retour des profits découle bien souvent, notamment pour beaucoup de grandes en­treprises, des bénéfices spéculatifs ; il a comme contrepartie une nouvelle flambée des déficits publics ; il résulte enfin de l'élimination par les entreprises des « branches mortes », c'est-à-dire de leurs secteurs les moins productifs ;

- le progrès de la production industrielle ré­sulte pour une bonne partie d'une augmen­tation très importante de la pro­ductivité du travail basée sur une utilisation mas­sive de l'automatisation et de l'informati­que.

C'est pour ces raisons qu'une des caractéris­tiques majeures de la « reprise » actuelle, c'est qu'elle n'a pas été capable de créer des emplois, de faire reculer le chômage de fa­çon significa­tive de même que le travail précaire qui, au contraire, n'a fait que s'étendre, car le capital veille en perma­nence à garder les mains libres pour pouvoir jeter à la rue, à tout instant, la force du tra­vail excédentaire.

3) S'il constitue avant tout une attaque con­tre la classe ou­vrière, un facteur brutal de développement de la misère et de l'exclu­sion, le chômage constitue aussi un indice de premier plan de la faillite du capita­lisme. Le capital vit de l'exploitation du tra­vail vivant : au même titre que la mise au rebut de pans entiers de l'appareil indus­triel, et plus encore, la mise sur la touche d'une proportion considérable de la force de travail constitue une réelle automutilation de la part du capital. Il rend compte de la faillite définitive du mode de production capitaliste dont la fonction historique était juste­ment d'étendre le salariat à l'échelle mondiale. Cette faillite définitive du capi­talisme, elle s'illustre également dans l'en­dettement dramatique des Etats qui a connu, au cours des dernières années, une nouvelle flambée : entre 1989 et 1994, la dette publique est passée de 53% à 65% du produit in­térieur brut aux Etats-Unis, de 57% à 73% en Europe jusqu'à atteindre 142% dans le cas de la Belgique. En fait, les Etats capitalistes sont en cessation de paiement. S'ils étaient soumis aux mêmes lois que les entreprises privées, ils seraient déjà déclarés officiellement en faillite. Cette situation ne fait qu'exprimer le fait que le capitalisme d'Etat constitue la ré­ponse que le système oppose à son impasse, mais une réponse qui n'est en aucune façon une solution et qui ne peut servir éternelle­ment.

4) Les taux de croissance, quelques fois à deux chiffres, des fameuses « économies émergentes » ne viennent nullement con­tredire le constat de faillite générale de l'économie mon­diale. Ils résultent d'une ar­rivée massive de capitaux attirés par le coût incroyablement bas de la force de travail dans ces pays, d'une exploitation féroce des prolétaires, de ce que la bourgeoisie pudi­quement appelle les « délocalisations ». Cela signifie que ce développement éco­nomique ne peut qu'affecter la production des pays les plus avancés, dont les Etats, de façon croissante, se dressent contre les « pratiques commer­ciales déloyales » de ces pays « émergents ». En outre, les per­formances spectaculaires qu'on se plaît à y relever recouvrent bien souvent un déla­brement de secteurs entiers de l'économie de ces pays : le « miracle économique » de la Chine signifie plus de 250 millions de chômeurs en l'an 2000. Enfin, le récent ef­fondrement financier d'un autre pays « exemplaire », le Mexique, dont la mon­naie a perdu la moitié de sa valeur du jour au lendemain, qui a nécessité l'injection d'urgence de près de 50 milliards de $ de crédits (de très loin la plus grande opération de « sauvetage » de l'histoire du capi­ta­lisme) résume la réalité du mirage que constitue « l'émergence » de certains pays du tiers-monde. Les économies « émergentes » ne sont pas la nouvelle es­pérance de l'économie mondiale. Elles ne sont que des manifestations, aussi fragiles qu'aberrantes, d'un système en folie. Et cette réalité ne sera pas contredite par la situation des pays d'Europe de l'Est, dont l'économie était sensée, il y a peu en­core, s'épanouir au soleil du libéralisme. Si quelques pays (comme la Pologne) réussissent pour le moment à sauver les meubles, le chaos qui déferle sur l'économie de la Russie (chute de près de 30% de la production sur 2 ans, plus de 2000% de hausse des prix sur cette même période) vient illus­trer de façon sai­sissante à quel point les discours qu'on avait entendus en 1989 étaient mensongers. L'état de l'économie russe est tellement catastro­phique, que la Mafia qui en contrôle une bonne partie des rouages, fait figure, non pas de parasite comme c'est le cas dans cer­tains pays occiden­taux, mais comme un des piliers lui assurant un minimum de stabi­lité.

5) Enfin, l'état de faillite potentielle dans lequel se trouve le capitalisme, le fait qu'il ne peut vivre éternellement en tirant des traites sur l'avenir, en essayant de contour­ner la satura­tion générale et définitive des marchés par une fuite en avant dans l'endet­tement, fait peser des menaces de plus en plus fortes sur l'ensemble du système fi­nancier mondial. L'émoi provoqué par la faillite de la banque britannique Barings suite aux acrobaties d'un « golden boy », l'affolement qui a suivi l'annonce de la crise du peso mexicain, sans commune mesure avec le poids de l'économie du Mexique dans l'économie mondiale, sont des indices indiscutable de la véri­table angoisse qui étreint la classe dominante devant la pers­pective d'une « véritable catastrophe mon­diale » de ses finances, suivant les mots du directeur du FMI. Mais cette catastrophe fi­nancière n'est pas autre chose que le révéla­teur de la catastrophe dans laquelle est plongé le mode de produc­tion capitaliste lui-même et qui précipite le monde entier dans les convulsions les plus considérables de son histoire.

6) Le terrain sur lequel se manifestent le plus cruellement ces convulsions est celui des affrontements impérialistes. Cinq ans à peine se sont écoulés depuis l'effondrement du bloc de l'Est, depuis les promesses d'un « nouvel ordre mondial » tenues par les di­rigeants des principaux pays d'Occident, et jamais le désordre des relations entre Etats n'a été aussi fla­grant. S'il était basé sur la menace d'un affrontement terri­fiant entre superpuissances nucléaires, si ces deux su­perpuis­sances n'avaient de cesse de s'af­fronter par pays interposés, « l'ordre de Yalta » contenait un certain élément « d'ordre », justement. En l'absence de possibilité d'une nouvelle guerre mondiale du fait du non embrigadement du prolétariat des pays centraux, les deux gendarmes du monde veillaient à maintenir dans un cadre « acceptable » les affrontements im­péria­listes. Il leur fallait notamment éviter qu'ils ne viennent semer le chaos et les destruc­tions dans les pays avancés et particulière­ment sur le terrain principal des deux guer­res mondiales, l'Europe. Cet édifice a volé en éclats. Avec les af­frontements sanglants dans l'ex-Yougoslavie, l'Europe a cessé d'être un « sanctuaire ». En même temps, ces affrontements ont mis en évidence combien était désormais difficile que se mette en place un nouvel « équilibre », un nouveau « partage du monde » succédant à celui de Yalta.

7) Si l'effondrement du bloc de l'Est était pour une bonne part imprévisible, la dispa­rition de son rival de l'Ouest ne l'était nul­lement. Il fallait ne rien comprendre au marxisme (et admettre la thèse kautskyste, balayée par les révolutionnaires dès la première guerre mondiale, d'un « super-im­périalisme ») pour penser qu'il pourrait se main­tenir un seul bloc. Fondamentalement, toutes les bourgeoisies sont rivales les unes des autres. Cela se voit clairement dans le domaine commercial où domine « la guerre de tous contre tous ». Les alliances diplo­matiques et militaires ne sont que la con­crétisation du fait qu'aucune bourgeoisie ne peut faire prévaloir ses intérêts stratégiques seule dans son coin contre toutes les autres. L'adversaire commun est le seul ciment de telles alliances, et non une quelconque « amitié entre les peu­ples » dont on peut voir aujourd'hui à quel point elles sont élas­tiques et mensongères alors que les ennemis d'hier (comme la Russie et les Etats-Unis) se sont découvert une soudaine « amitié » et que les amitiés de plusieurs décennies (comme celle entre l'Allemagne et les Etats-Unis) font place à la brouille. En ce sens, si les événements de 1989 signifiaient la fin du partage du monde issu de la seconde guerre mon­diale, la Russie cessant défini­tivement de pouvoir diriger un bloc impé­rialiste, ils portaient avec eux la tendance à la re­constitution de nouvelles constella­tions impérialistes. Cependant, si sa puis­sance économique et sa localisation géogra­phique désignaient l'Allemagne comme seul pays pou­vant succéder à la Russie dans le rôle de leader d'un éventuel futur bloc op­posé aux Etats-Unis, sa situation militaire est très loin de lui permettre dès à présent de réaliser une telle ambition. Et en l'ab­sence d'une formule de rechange des ali­gnements impérialistes pouvant succéder à ceux qui ont été balayés par les boulever­sements de 1989, l'arène mondiale est soumise comme jamais par le passé, du fait de la gravité sans précédent de la crise éco­nomique qui attise les tensions mili­taires, au déchaînement du « chacun pour soi », d'un chaos que vient aggraver encore la dé­composition générale du mode de produc­tion capitaliste.

8) Ainsi la situation résultant de la fin des deux blocs de la « guerre froide » est domi­née par deux tendances contradic­toires - d'un côté, le désordre, l'instabilité dans les alliances entre Etats et de l'autre le proces­sus de reconstitution de deux nouveaux blocs - mais qui sont néanmoins complé­mentaires puisque la deuxième ne vient qu'aggraver la première. L'histoire de ces dernières années l'illustre de façon claire :

- la crise et la guerre du Golfe de 90-91, voulues par les Etats-Unis, participent de la tentative du gendarme améri­cain de maintenir sa tutelle sur ses anciens alliés de la guerre froide, tutelle que ces der­niers sont conduits à remet­tre en cause avec la fin de la menace soviétique ;

- la guerre en Yougoslavie est le résultat di­rect de l'affirmation des nouvelles ambi­tions de l'Allemagne prin­cipal instigateur de la sécession slovène et croate qui met le feu aux poudres dans la région ;

- la poursuite de cette guerre sème la dis­corde aussi bien dans le couple franco-al­lemand, associé dans le leadership de l'Union européenne (qui constitue une première pierre de l'édifice d'un potentiel nouveau bloc impérialiste), que dans le couple anglo-américain, le plus ancien et le plus fidèle que le 20e siècle ait connu.

9) Plus encore que les coups de bec entre le coq français et l'aigle allemand, l'ampleur des infidélités actuelles dans le mariage vieux de 80 ans entre la Blanche Albion et l'oncle Sam constitue un indice irréfutable de l'état de chaos dans lequel se trouve au­jourd'hui le système des relations interna­tionales. Si, après 1989, la bourgeoisie bri­tannique s'était montrée dans un premier temps la plus fidèle alliée de sa consoeur américaine, notamment au moment de la guerre du Golfe, le peu d'avantages qu'elle avait retiré de cette fidélité de même que la défense de ses intérêts spécifiques en Médi­terranée et dans les Balkans, qui lui dictait une politique pro-Serbe, l'ont conduite à prendre des distances consi­dérables avec son alliée et à saboter systématiquement la politique américaine de soutien à la Bosnie. Avec cette poli­tique, la bourgeoisie bri­tannique a réussi à mettre en oeuvre une solide alliance tactique avec la bourgeoisie française avec comme objectif de renforcer la discorde dans le tandem franco-allemand, démarche à laquelle cette dernière s'est complaisamment prêtée dans la mesure où la montée en puis­sance de son alliée alle­mande lui crée des inquiétudes. Cette si­tuation nouvelle s'est notamment concréti­sée par une inten­sification de la collabora­tion militaire entre les bourgeoisies britan­nique et française, par exemple avec le projet de créa­tion d'une unité aérienne commune et surtout avec l'accord créant une force inter-africaine « de maintien de la paix et de prévention des crises en Afri­que » qui constitue un revirement spectacu­laire de l'attitude britannique après son soutien à la politique américaine au Rwan­da visant à chasser l'influence française dans ce pays.

10) Cette évolution de l'attitude de la Grande-Bretagne envers son grand allié, dont le mécontentement s'est exprimé no­tamment le 17 mars à travers l'accueil par Clinton de Jerry Addams, le chef du Sinn Fein irlandais, est un des événe­ments ma­jeurs de la dernière période sur l'arène mondiale. Il est révélateur de l'échec que représente pour les Etats-Unis l'évolution de la situation dans l'ex-Yougoslavie où l'occu­pation directe du terrain par les armées bri­tanniques et françaises sous l'uniforme de la FORPRONU a contribué grandement à dé­jouer les tentatives américaines de prendre position solidement dans la région via son allié bosniaque. Il est significatif du fait que la première puissance mondiale éprouve de plus en plus de difficultés à jouer son rôle de gen­darme du monde, rôle que suppor­tent de moins en moins les autres bour­geoisies qui tentent d'exorciser le passé où la menace soviétique les obligeait à se sou­mettre aux diktats venus de Washington. Il existe aujourd'hui un affaiblissement ma­jeur, voire une crise du leadership améri­cain qui se con­firme un peu partout dans le monde et dont le départ piteux des GI's de Somalie, 2 ans après leur arrivée spectacu­laire et médiatique, donne une image. Cet affaiblissement du leader­ship des Etats-Unis permet d'expliquer pourquoi certaines autres puissances se permettent de venir les narguer dans leur pré-carré d'Amérique la­tine :

- tentative des bourgeoisies française et es­pagnole de pro­mouvoir une « transition démocratique » à Cuba AVEC Castro, et non SANS lui, comme le voudrait l'Oncle Sam ;

- rapprochement de la bourgeoisie péru­vienne avec le Japon, confirmée avec la réélection récente de Fujimori ;

- soutien de la bourgeoisie européenne, no­tamment par le biais de l'Eglise, à la guérilla zapatiste du Chiapas, au Mexi­que.

11) En réalité, cet affaiblissement majeur du leadership américain exprime le fait que la tendance dominante, à l'heure actuelle, n'est pas tant celle à la constitution d'un nou­veau bloc, mais bien le « chacun pour soi ». Pour la première puissance mondiale, dotée d'une supériorité militaire écra­sante, il est beaucoup plus difficile de maîtriser une situation marquée par l'instabilité géné­ralisée, la précarité des alliances dans tous les coins de la planète, que par la disci­pline obligée des Etats sous la menace des mastodontes impérialistes et de l'apocalypse nucléaire. Dans une telle situation d'insta­bilité, il est plus facile pour chaque puis­sance de créer des troubles chez ses adver­saires, de saboter les alliances qui lui por­tent ombrage, que de développer pour sa part des alliances solides et s'assurer une stabilité sur ses ter­res. Une telle situation favorise évidemment le jeu des puis­sances de second plan dans la mesure même où il est toujours plus facile de semer le trouble que de maintenir l'ordre. Et une telle réalité est encore accentuée par la plongée de la so­ciété capitaliste dans la décomposition gé­néralisée. C'est pour cela que les Etats-Unis eux-mêmes sont appelés à user abon­dam­ment de ce type de politique. C'est comme cela qu'on peut expliquer, par exemple, le soutien américain à la récente offensive tur­que contre les nationalistes kurdes dans le Nord de l'Irak, offensive que l'allié tradi­tionnel de la Turquie, l'Allemagne a consi­dérée comme une provocation et a con­damnée. Il ne s'agit pas d'une sorte de « renversement d'alliance » entre la Turquie et l'Allemagne, mais d'une pierre (de grosse taille) jetée par les Etats-Unis dans le jardin de cette « alliance » et qui révèle l'impor­tance de l'enjeu que représente pour les deux caïds impérialistes un pays comme la Turquie. De même, il est significatif de la situation mon­diale actuelle que les Etats-Unis soient amenés à employer, dans un pays comme l'Algérie par exemple, les mê­mes armes qu'un Khaddafi ou un Khomei­ny : le soutien du terrorisme et de l'inté­grisme islamique. Cela dit, dans cette prati­que ré­ciproque de déstabilisation des posi­tions respectives entre les Etats-Unis et les autres pays, il n'y a pas un trait d'égalité : si la diplomatie américaine peut se permettre d'intervenir dans le jeu politique intérieur de pays comme l'Italie (soutien à Ber­lusconi), l'Espagne (scandale du GAL attisé par Washington), la Belgique (affaire Au­gusta) ou la Grande-Bretagne (opposition des « euro-sceptiques » à Major), le con­traire ne saurait exister. En ce sens, le trouble qui peut se manifester au sein de la bourgeoisie américaine face à ses échecs diplomatiques ou aux débats internes sur des choix stratégiques délicats (par exemple vis-à-vis de l'alliance avec la Russie) n'a rien à voir avec les convulsions politiques pou­vant affecter les autres pays. C'est ainsi, par exemple, que les dissensions étalées lors de l'envoi de 30 000 GI's à Haïti rele­vaient non de réelles divisions mais essen­tiellement d'un partage des tâches entre cli­ques bourgeoises accentuant les illusions démocratiques et qui a facilité l'arrivée d'une ma­jorité républicaine au Congrès américain souhaitée par les secteurs domi­nants de la bourgeoisie.

12) Malgré leur énorme supériorité mili­taire et le fait que celle-ci ne puisse pas leur servir au même degré que par le passé, malgré qu'ils soient obligés de réduire quel­que peu leurs dépenses de défense face à leurs déficits budgétaires, les Etats-Unis n'en renoncent pas moins à poursuivre la modernisation de leurs armements en fai­sant appel à des armes toujours plus so­phistiquées, notamment en poursuivant le projet de « la guerre des étoiles ». L'emploi de la force brute, ou sa menace, constitue le moyen essentiel pour la puissance améri­caine de faire respecter son autorité (même si elle ne se prive pas d'employer les moyens de la guerre économique : pressions sur les institutions internationales comme l'OMC, sanctions commerciales, etc.). Que cette carte s'avère impuissante, voire facteur d'un chaos plus grand encore, comme on l'a vu dès le lendemain de la guerre du Golfe et comme la Somalie l'a illustré encore ré­cemment, ne fait que confirmer le caractère insurmontable des contra­dictions qui as­saillent le monde capitaliste. Le renforce­ment considérable auquel on assiste au­jourd'hui du potentiel mili­taire de puissan­ces comme la Chine et le Japon, qui vien­nent concurrencer les Etats-Unis dans l'Asie du sud-est et dans le Pacifique, ne peut évi­demment que pousser ce dernier pays vers le développement et l'emploi de ses arme­ments.

13) Le chaos sanglant dans les rapports im­périalistes qui  caractérise la situation du monde d'aujourd'hui, trouve dans les pays de la périphérie son terrain de prédilection, mais l'exemple de l'ex-Yougoslavie à quel­ques centaines de kilo­mètres des grandes concentrations industrielles d'Europe fait la preuve que ce chaos se rapproche des pays centraux. Aux dizaines de milliers de morts provoqués par les troubles en Algérie ces dernières années, au million de cadavres des mas­sacres du Rwanda font pièce les centaines de milliers de tuées en Croatie et en Bosnie. En fait, c'est aujourd'hui par di­zaines que se comptent les zones d'affron­tements sanglants de par le monde en Afri­que, en Asie, en Amérique latine, en Eu­rope, témoignant de l'indicible chaos que le capitalisme en décom­position engendre dans la société. En ce sens, la complicité a peu près générale qui entoure les massacres perpétrés en Tchétchénie par l'armée russe, qui tente de freiner l'éclatement de la Rus­sie faisant suite à la dislocation de l'an­cienne URSS, sont révélateurs de l'inquié­tude qui saisit la classe dominante devant la perspective de l'intensification  de ce chaos. Il faut l'affirmer clairement : seul le renver­sement du capitalisme par le prolétariat peut empêcher que ce chaos croissant n'aboutisse à la destruction de l'humanité.

14) Plus que jamais, la lutte du prolétariat représente le seul espoir d'avenir pour la société humaine. Cette lutte, qui avait re­surgi avec puissance à la fin des années 60, mettant un terme à la plus terrible contre-révolution qu'ai connue la classe ouvrière, a subi un recul considérable avec l'effondre­ment des régimes staliniens, les campagnes idéologiques qui l'ont accompagné et l'en­semble des événe­ments (guerre du Golfe, guerre en Yougoslavie, etc.) qui l'ont suivi. C'est sur les deux plans de sa combativité et de sa conscience que la classe ouvrière a subi, de façon massive, ce recul, sans que cela remette en cause toutefois, comme le CCI l'avait déjà affirmé à ce moment-là, le cours historique vers les affrontements de classe. Les luttes menées au cours des der­nières années par le prolétariat sont venues confirmer ce qui précède. Elles ont témoi­gné, particulièrement depuis 1992, de la ca­pacité du prolétariat à reprendre le chemin du combat de classe, confirmant ainsi que le cours historique n'avait pas été renversé. Elles ont témoigné aussi des énormes diffi­cultés qu'il rencontre sur ce chemin, du fait de la pro­fondeur et de l'extension de son recul. C'est de façon sinueuse, avec des avancées et des reculs, dans un mouve­ment en dents de scie que se développent les lut­tes ouvrières.

15) Les mouvements massifs en Italie, à l'automne 1992, ceux en Allemagne de 1993 et beaucoup d'autres exemples ont rendu compte du potentiel de combativité qui croissait dans les rangs ouvriers. Depuis, cette combativité s'est ex­primée lentement, avec de longs moments de mise en som­meil, mais elle ne s'est pas démentie. Les mobilisations mas­sives à l'automne 94 en Italie, la série de grèves dans le secteur public en France au printemps 95, sont des manifes­tations, parmi d'autres, de cette combativité. Cependant, il importe de met­tre en évidence que le tendance vers le dé­bor­dement des syndicats qui s'était expri­mée en 92 en Italie ne s'est pas confirmée, bien au contraire, en 1994 où la manifes­ta­tion « monstre » de Rome était un chef d'oeuvre de contrôle syndical. De même, la tendance à l'unification spontanée, dans la rue, qui était apparue (bien que de façon embryonnaire) à l'automne 93 dans la Ruhr en Allemagne a, depuis, laissé la place à des manoeuvres syndi­cales de grande en­vergure, telle la « grève » de la métallurgie du début 95, parfaitement maîtrisées par la bourgeoisie. De même, les récentes grèves en France, en fait des journées d'action des syndicats, ont constitué un succès pour ces derniers.

16) Outre de la profondeur du recul subi en 1989, les diffi­cultés qu'éprouve aujourd'hui la classe ouvrière pour avancer sur son ter­rain sont le résultat de toute une série d'obs­tacles supplémentaires promus ou exploités par la classe ennemie. C'est dans le cadre du poids négatif qu'exerce la décomposi­tion générale du capitalisme sur les con­sciences ouvrières, sapant la confiance du prolétariat en lui-même et dans la perspec­tive de sa lutte, qu'il importe de placer ces difficultés. Plus concrètement, le chômage massif et permanent qui se développe au­jourd'hui, s'il est un signe indiscutable de la faillite du capitalisme, a pour effet majeur de provoquer une forte démoralisation, un fort désespoir dans des secteurs im­portants de la classe ouvrière dont certains sont plongés dans l'exclusion sociale et même la lumpenisation. Ce chômage a également pour effet de servir d'instrument de chan­tage et de répression de la bourgeoisie en­vers les secteurs ouvriers qui ont encore du travail. De même, les discours sur la « reprise », et les quelques résultats positifs (en termes de profits et de taux de crois­sance) que connaît l'économie des princi­paux pays, sont amplement mis à profit pour développer les dis­cours des syndicats sur le thème : « les patrons peuvent payer ». Ces discours sont particulièrement dange­reux en ce sens qu'ils amplifient les illu­sions réformistes des ouvriers, les rendant beaucoup plus vulnérables à l'encadrement syndi­cal, qu'ils contiennent l'idée qui si les patrons « ne peuvent pas payer », il ne sert à rien de lutter ce qui est un facteur supplé­mentaire de division (outre la division entre chômeurs et ou­vriers au travail) entre les différents secteurs de la classe ou­vrière travaillant dans des branches affectées de façon inégale par les effets de la crise.

17) Ces obstacles ont favorisé la reprise en main par les syn­dicats de la combativité ouvrière, la canalisant dans des « actions » qu'ils contrôlent entièrement. Cependant, les ma­noeuvres présentes des syndicats ont aussi, et surtout, un but préventif : il s'agit pour eux de renforcer leur emprise sur les ouvriers avant que ne se déploie beaucoup plus leur combati­vité, combativité qui ré­sultera nécessairement de leur colère crois­sante face aux attaques de plus en plus bru­tales de la crise. De même, il faut souligner le changement récent dans un certain nom­bre de discours de la classe dominante. Alors que les premières années après l'ef­fondrement du bloc de l'Est ont été domi­nées par les campagnes sur le thème de « la mort du communisme », « l'impossibilité de la révolution », on assiste aujourd'hui à un certain retour à la mode de discours favo­rables au « marxisme », à la « révolution », au « communisme » de la part des gauchis­tes, évidemment, mais même au-delà d'eux. Il s'agit là aussi d'une mesure préventive de la part de la bourgeoisie destinée à dévoyer la réflexion de la classe ouvrière qui tendra à se développer face à la faillite de plus en plus évidente du mode de production capi­taliste. Il appartient aux révolutionnaires, dans leur intervention, de dénoncer avec la plus grande vigueur aussi bien les manoeu­vres crapuleuses des syndicats que ces dis­cours prétendument « révolutionnaires ». Il leur revient de mettre en avant la véri­table perspective de la révolution prolétarienne et du com­munisme comme seule issue pou­vant sauver l'humanité et comme résultat ultime des combats ouvriers

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