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Le BIPR a répondu à notre article de polémique «La conception du BIPR sur la décadence du capitalisme» (Revue Internationale n° 79) dans l’Internationalist Communist Review n 13. Cette réponse expose les positions de façon réfléchie. En ce sens, c'est une contribution au nécessaire débat qui doit exister entre les organisations de la Gauche communiste qui ont une responsabilité décisive dans la construction du parti communiste du prolétariat.
Le débat entre le BIPR et le CCI se situe à l'intérieur du cadre de la Gauche communiste :
- ce n'est pas un débat académique et abstrait, mais il constitue une polémique militante pour nous doter de positions claires, épurées de toute ambiguïté ou concession à l'idéologie bourgeoise, et en particulier, sur des questions telles que la nature des guerres impérialistes ou les fondements matériels de la nécessité de la révolution communiste ;
- c'est un débat entre partisans de l'analyse de la décadence du capitalisme : depuis le début du siècle, le système est entré dans une crise sans issue qui présente une menace croissante d'anéantissement de l'humanité et de la planète.
Dans ce cadre, l'article de réponse du BIPR insiste sur leur vision de la guerre impérialiste comme moyen de dévalorisation du capital et reprise du cycle d'accumulation, et justifie cette position par une explication de la crise historique du capitalisme basée sur la baisse tendancielle du taux de profit.
Ces deux questions sont l'objet de notre réponse. ([1])
Ce qui nous unit avec le BIPR
Dans une polémique entre révolutionnaires, à cause précisément de son caractère militant, nous devons partir de ce qui nous unit afin d'aborder, dans ce cadre global, ce qui nous sépare. C'est la méthode qu'a toujours appliqué le CCI, à la suite de Marx, Lénine, Bilan, etc., et que nous avons employée dans la polémique avec le PCI (Programma) ([2]) sur la même question que nous discutons maintenant avec le BIPR. Souligner cela nous paraît très important parce que, en premier lieu, les polémiques entre révolutionnaires ont toujours comme fil conducteur la lutte pour la clarification et le regroupement, dans la perspective de la constitution du parti mondial du prolétariat. En second lieu parce que, entre le BIPR et le CCI, sans nier ni relativiser l'importance et les conséquences des divergences que nous avons sur la compréhension de la nature de la guerre impérialiste, ce que nous partageons est beaucoup plus important :
1. Pour le BIPR, les guerres impérialistes n'ont pas des objectifs limités mais sont des guerres totales dont les conséquences dépassent de loin celles qu'elles pouvaient avoir dans la période ascendante.
2. Les guerres impérialistes unissent les facteurs économiques et politiques en un tout inséparable.
3. Le BIPR rejette l'idée selon laquelle le militarisme et la production d'armement seraient des moyens de « l'accumulation du capital ». ([3])
4. En tant qu'expression de la décadence du capitalisme, les guerres impérialistes contiennent la menace de la destruction de l'humanité.
5. Il existe actuellement dans le capitalisme des tendances importantes au chaos et à la décomposition (même si, comme nous le verrons plus loin, le BIPR ne leur accorde pas la même importance que nous).
Ces éléments de convergence expriment la capacité commune que nous avons de dénoncer et de combattre les guerres impérialistes comme moments ultimes de la crise historique du capitalisme, engageant le prolétariat à ne pas choisir entre les différents loups impérialistes, appelant à la révolution prolétarienne mondiale comme seule solution à l'impasse sanglante à laquelle le capitalisme conduit l'humanité, combattant à mort les endormeurs pacifistes et dénonçant les mensonges capitalistes selon lesquels « nous sommes en train de sortir de la crise. »
Ces éléments, expression et patrimoine commun de la Gauche communiste, rendent nécessaire et possible que, face à des événements d'envergure comme les guerres du Golfe ou de l'ex-Yougoslavie, les groupes de la Gauche communiste fassent des manifestes communs qui expriment, face à la classe, la voix unie des révolutionnaires. C'est pour cela que nous avions proposé, dans le cadre des Conférences internationales de 1977-80, de faire une déclaration commune face à la guerre d'Afghanistan et nous avons regretté que ni BC, ni la CWO (qui plus tard constituèrent le BIPR) n'acceptent cette initiative. Loin d'être une proposition « d'union circonstancielle et opportuniste », ces initiatives communes sont des instruments de la lutte pour la clarification et la délimitation des positions au sein de la Gauche communiste, parce qu'elles établissent un cadre concret et militant (l'engagement aux côtés de la classe ouvrière face à des situations importantes de l'évolution historique) dans lequel il est possible de débattre sérieusement des divergences. Ce fut la méthode de Marx et de Lénine à Zimmerwald. Alors qu'il existait des divergences beaucoup plus importantes que celles qui peuvent exister aujourd'hui entre le CCI et le BIPR, Lénine a accepté de souscrire au Manifeste de Zimmerwald. D'autre part, au moment de la constitution de la 3e Internationale, il y avait entre les fondateurs des désaccords importants, non seulement sur l'analyse de la guerre impérialiste, mais aussi sur des questions comme l'utilisation du parlement ou des syndicats et pourtant, cela ne les empêcha pas de s'unir pour combattre pour la révolution mondiale qui était en marche. Ce combat en commun ne fut pas le moyen de faire taire les divergences, mais au contraire donna la plate-forme militante au sein de laquelle les aborder de façon sérieuse et non de façon académique, ou selon des impulsions sectaires.
La fonction de la guerre impérialiste
Les divergences entre Le BIPR et le CCI ne portent pas sur les causes générales de la guerre impérialiste. Nous en tenant au patrimoine commun de la Gauche communiste, nous voyons la guerre impérialiste comme expression de la crise historique du capitalisme. Cependant, la divergence surgit au moment de voir le rôle de la guerre au sein du capitalisme décadent. Le BIPR pense que la guerre remplit une fonction économique : permettre une dévalorisation du capital et, en conséquence, ouvrir la possibilité que le capitalisme entreprenne un nouveau cycle d'accumulation.
Cette appréciation paraît complètement logique : n'y a-t-il pas, avant une guerre mondiale, une crise générale, comme en 1929 par exemple ? Crise de surproduction d'hommes et de marchandises. La guerre impérialiste n'est-elle pas une « solution » en détruisant en grand nombre des ouvriers, des machines et des bâtiments ? Après cela, la reconstruction ne reprend-elle pas et, avec elle, le dépassement de la crise ? Pourtant, cette vision, apparemment si simple et cohérente, est profondément superficielle. Elle saisit - comme nous verrons plus loin - une partie du problème (effectivement, le capitalisme décadent se meut dans un cycle infernal de crise - guerre - reconstruction -nouvelle crise, etc) mais cela n'aborde pas le fond du problème : d'une part, la guerre est beaucoup plus qu'un simple moyen de rétablissement du cycle de l'accumulation capitaliste et, d'autre part, ce cycle se trouve profondément perverti et dégénéré, et il est très loin d'être un cycle classique de la période ascendante.
Cette vision superficielle de la guerre impérialiste a des conséquences militantes importantes que le BIPR n'est pas capable de percevoir. En effet, si la guerre permet de rétablir le mécanisme de l'accumulation capitaliste, en réalité cela veut dire que le capitalisme pourra toujours sortir de la crise à travers le mécanisme douloureux et brutal de la guerre. C'est la vision, qu'au fond, nous propose la bourgeoisie : la guerre est un moment horrible que n'apprécie aucun gouvernant, mais c'est le moyen inévitable qui permet de retrouver une nouvelle ère de paix et de prospérité.
Le BIPR dénonce ces supercheries mais il ne se rend pas compte que cette dénonciation se trouve affaiblie par sa théorie de la guerre comme « moyen de dévalorisation du capital ». Pour comprendre les conséquences dangereuses qu'entraîné sa position, il faut examiner cette déclaration du PCI (Programma) : « La crise tire son origine de l'impossibilité de poursuivre l'accumulation, impossibilité qui se manifeste quand l'accroissement de la masse de production ne réussit plus à compenser la chute du taux de profit. La masse du surtravail total n'est plus à même d'assurer du profit au capital avancé, de reproduire les conditions de rentabilité des investissements. En détruisant du capital constant (travail mort) à grande échelle, la guerre joue alors un rôle économique fondamental : grâce aux épouvantables destructions de l'appareil productif, elle permet en effet une future expansion gigantesque de la production pour remplacer ce qui a été détruit, donc une expansion parallèle du profit, de la plus-value totale, c'est-à-dire du surtravail dont est friand le capital. Les conditions de reprise du processus d'accumulation sont rétablies. Le cycle économique repart. (...) Le système capitaliste mondial, entre vieux dans la guerre, mais y trouve un bain de jouvence dans le bain de sans qui lui donne une nouvelle jeunesse et il en ressort avec la vitalité d'un robuste nouveau-né. » ([4])
Dire que le capitalisme « retrouve la jeunesse » chaque fois qu'il sort d'une guerre mondiale comporte quelques claires conséquences révisionnistes : la guerre mondiale ne mettrait pas à l'ordre du jour la nécessité de la révolution prolétarienne mais la reconstruction d'un capitalisme revenu à ses origines. C'est mettre par terre l'analyse de la 3e Internationale qui disait clairement : « une nouvelle époque surgit. Epoque de désagrégation du capitalisme, de son effondrement intérieur. Epoque de la révolution communiste du prolétariat. » Cela signifie, purement et simplement, rompre avec une position fondamentale du marxisme : le capitalisme n'est pas un système éternel, mais un mode de production auquel les limites historiques imposent une époque de décadence dans laquelle la révolution communiste est à l'ordre du jour.
Cette déclaration, nous la citons et nous la critiquons dans notre polémique sur la conception de la guerre et de la décadence du PCI (Programma) dans la Revue Internationale n° 77 et 78. Cela est ignoré par le BIPR qui, dans sa réponse, semble défendre le PCI (Programma) quand il affirme : « Leur débat avec les bordiguistes se centre sur un point de vue apparent selon lequel il existe un rapport mécanique entre guerre et cycle d'accumulation. Nous disons "apparent" parce que, comme d'habitude, le CCI ne donne aucune citation montrant que la vision historique des bordiguistes serait aussi schématique. Nous sommes peu enclins à accepter leurs assertions sur Programme Communiste au vu de la manière dont ils interprètent nos points de vue. » ([5])
La citation que nous donnons dans la Revue Internationale n° 77 parle d'elle-même et met en évidence que, dans la position du PCI (Programma), il y a un peu plus que du « schématisme » : si le BIPR prend la tangente avec des pleurnicheries sur nos « mauvaises interprétations » c'est parce que, sans oser reprendre les aberrations du PCI (Programma), ses ambiguïtés y conduisent : « Nous disons, nous, que la fonction (souligné dans l'original) économique de la guerre mondiale (c'est-à-dire ses conséquences pour le capitalisme) est de dévaloriser le capital comme prélude nécessaire pour un possible nouveau cycle d'accumulation. » ([6])
Cette vision de la «fonction économique de la guerre impérialiste » vient de Boukharine. Celui-ci, dans un livre qu'il écrivit en 1915 (L'économie mondiale et l’impérialisme) et qui constitue un apport sur des questions comme le capitalisme d'Etat ou la libération nationale, glisse cependant vers une erreur importante en voyant les guerres impérialistes comme un instrument de développement capitaliste : « la guerre ne peut arrêter le cours général du développement du capitalisme mondial mais, au contraire, elle est l'expression de l'expansion au maximum du processus de centralisation... La guerre rappelle, par son influence économique, sur beaucoup d'aspects, les crises industrielles desquelles elle se distingue, de beaucoup, par l'intensité supérieure des commotions et des ravages qu'elle produit. » ([7])
La guerre impérialiste n'est pas un moyen de « dévalorisation du capital » mais une expression du processus historique de destruction, de stérilisation de moyens de production et de vie, qui caractérise globalement le capitalisme décadent.
Destruction et stérilisation de capital n'est pas la même chose que dévalorisation de capital. La période ascendante du capitalisme comportait des crises cycliques périodiques qui conduisaient à des dévalorisations périodiques de capitaux. C'est le mouvement signalé par Marx : « En même temps que baisse le taux de profit, la masse de capital s'accroît. Parallèlement se produit une dépréciation du capital existant qui arrête cette baisse et imprime un mouvement plus rapide à l'accumulation de valeur-capital. .. La dépréciation périodique du capital existant, qui est un moyen immanent au mode de production capitaliste, d'arrêter la baisse du taux de profit et d'accélérer l'accumulation de valeur-capital par la formation de capital neuf, perturbe les conditions données, dans lesquelles s'accomplissent les procès de circulation et de reproduction du capital et, par suite, s'accompagne de brusques interruptions et de crises du procès de production. » ([8])
Le capitalisme, par sa nature même, depuis ses origines, aussi bien dans la période ascendante que dans la période décadente, tombe constamment dans la surproduction et, en ce sens, les périodes de ponction de capital lui sont nécessaires pour reprendre avec plus de force son mouvement normal de production et de circulation de marchandises. Dans la période ascendante, chaque étape de dévalorisation de capital se résolvait par une expansion à une échelle supérieure des rapports de productions capitalistes. Et cela était possible parce que le capitalisme trouvait des nouveaux territoires pré-capitalistes qu'il pouvait intégrer dans sa sphère et soumettre aux rapports salariaux et mercantiles qui lui sont propres. Pour cette raison « les crises du 19e siècle que Marx décrit sont encore des crises de croissance, des crises dont le capitalisme sort à chaque fois renforcé... Après chaque crise, il y a encore des débouchés nouveaux à conquérir par les pays capitalistes. » ([9])
Dans la période décadente, ces crises de dévalorisation du capital se poursuivent et deviennent plus ou moins chroniques ([10]). Cependant, à cet aspect inhérent et consubstantiel du capitalisme, se superpose une autre caractéristique de sa période de décadence et qui est le fruit de l'aggravation extrême des contradictions que contient cette époque : la tendance à la destruction et à la stérilisation de capital.
Cette tendance provient de la situation de blocage historique qui détermine l'époque de décadence du capitalisme : « Qu'est-ce que la guerre impérialiste mondiale ? C'est la lutte par des moyens violents, à laquelle sont obligés de se livrer les différents groupes capitalistes, non pour conquérir de nouveaux marchés et sources de matières premières, mais pour le repartage de ceux qui existent, un repartage au bénéfice de certains et au détriment des autres. Le cours à la guerre s'ouvre, et a ses racines, dans la crise économique générale et permanente qui éclate, et marque par là la fin des possibilités de développement à laquelle a conduit le régime capitaliste. » Dans le même sens « le capitalisme décadent est la phase dans laquelle la production ne peut plus continuer qu'à condition (souligné dans l'original) de prendre la forme matérielle de produits et moyens de production qui ne servent pas au développement et à l'amplification de la production mais à sa limitation et à sa destruction. » ([11])
Dans la décadence, le capitalisme ne change, en aucune façon, de nature. Il continue à être un système d'exploitation, il continue d'être affecté (à une échelle bien supérieure) par la tendance à la dépréciation du capital (tendance qui devient permanente). Cependant, l'essentiel de la décadence est le blocage historique du système duquel naît une tendance puissante à l'autodestruction et au chaos : « L'absence d'une classe révolutionnaire présentant la possibilité historique d'engendrer et de présider à l'instauration d'un système économique correspondant à la nécessité historique, conduit la société et sa civilisation à une impasse où l'écroulement, l'effondrement interne, sont inévitables. Marx donnait comme exemples d'une telle impasse historique les civilisations Grecque et Romaine dans l'antiquité. Engels, appliquant cette thèse à la société bourgeoise, arrive à la conclusion que l'absence ou l'incapacité du prolétariat appelé à résoudre, dépasser, les contradictions antithétiques qui surgissent de la société capitaliste, ne peut aboutir qu'au retour à la barbarie. » ([12])
La position de l'Internationale Communiste sur la guerre impérialiste
Le BIPR ironise sur notre insistance sur ce trait crucial du capitalisme décadent : « Pour le CCI tout se réduit au "chaos" et à la "décomposition" et avec eux on n'a pas besoin de trop s'embarrasser d'une analyse détaillée des choses. C'est la clé de leur position. » ([13]) Nous reviendrons sur cette question, cependant, nous voulons préciser sur cette accusation de simplisme que, ce qu'elle suppose de l'avis du BIPR (une négation du marxisme comme méthode d'analyse de la réalité!), ce dernier devrait l'appliquer au 1er congrès de l'IC, à Lénine et à Rosa Luxemburg.
Ce n'est pas l'objet de cet article de mettre en évidence les limites de la position de l'IC ([14]), mais de nous appuyer sur les points clairs de celle-ci. En examinant les documents fondateurs de l'Internationale Communiste, nous y voyons des indications claires rejetant l'idée de la guerre comme « solution » à la crise capitaliste et la vision d'un capitalisme d'après-guerre qui fonctionne « normalement » suivant les cycles d'accumulation propres à sa période d'ascendance.
« La politique de paix de l'Entente dévoile ici définitivement aux yeux du prolétariat international la nature de l'impérialisme de l'Entente et de l'impérialisme en général. Elle prouve en même temps que les gouvernements impérialistes sont incapables de conclure une paix 'juste et durable" et que le capital financier est incapable de rétablir l'économie détruite. Le maintien de la domination du capital financier mènerait soit à la destruction totale de la société civilisée ou à l'augmentation de l'exploitation, de l'esclavage, de la réaction politique, des armements et finalement à de nouvelles guerres destructrices. » ([15])
L'IC établit clairement que le capital ne peut pas rétablir l'économie détruite, c'est-à-dire qu'il ne peut pas rétablir, par la guerre, un cycle d'accumulation « normal », sain, qu'il ne peut pas trouver en somme une « nouvelle jeunesse » comme le dit le PCI (Programma). Qui plus est, au lieu provoquer un « rétablissement », cette situation profondément viciée et altérée permet le développement « des armements, de la réaction politique, de l'accroissement de l'exploitation. »
Dans le Manifeste du 1er congrès, l'IC explique que : « La répartition des matières premières, l'exploitation du naphte de Bakou ou de Roumanie, de la houille du Donetz, du froment d'Ukraine, l'utilisation des locomotives, des wagons et des automobiles d'Allemagne, l'approvisionnement en pain et en viande de l'Europe affamée, toutes ces questions fondamentales de la vie économiques du monde ne sont plus réglées par la libre concurrence, ni même par des combinaisons de trusts ou de consortiums nationaux et internationaux. Elles sont tombées sous le joug de la tyrannie militaire pour lui servir de sauvegarde désormais. Si l'absolue sujétion du pouvoir politique au capital financier a conduit l'humanité à la boucherie impérialiste, cette boucherie a permis au capital financier, non seulement de militariser jusqu'au bout l'Etat, mais de se militariser lui-même, de sorte au 'il ne peut plus remplir ses fonctions essentielles que par le fer et le sang. » ([16])
La perspective que trace l'IC est celle d'une « militarisation de l'économie »; question que toutes les analyses marxistes mettent en évidence comme expression de l'aggravation des contradictions capitalistes et non comme leur allégement ou leur relativisation, fussent-elles momentanées (le BIPR dans sa réponse rejette le militarisme comme moyen d'accumulation). De même l'IC insiste sur le fait que l'économie mondiale ne peut revenir à la période libérale ni même à celle des trusts, et finalement exprime une idée très importante : « le capitalisme ne put déjà plus remplir ses fonctions économiques essentielles si ce n'est au moyen du fer et du sang. » Cela ne peut s'interpréter que d'une manière : à travers la guerre mondiale, le mécanisme de l'accumulation ne peut plus fonctionner normalement, pour le faire il a besoin « du fer et du sang ».
La perspective que l'IC retient pour l'après-guerre c'est l'aggravation des guerres : « Les opportunistes qui, avant la guerre, invitaient les ouvriers à modérer leurs revendications sous le prétexte du passage progressif au socialisme et qui, pendant la guerre, les ont obligés à renoncer à la lutte de classe au nom de l'Union Sacrée et de la défense nationale, exigent du prolétariat un nouveau sacrifice, cette fois avec la proposition d'en finir avec les conséquences horribles de la guerre. Si de telles prêches parvenaient à influencer les masses ouvrières, le développement du capitalisme se poursuivrait, sacrifiant de nombreuses générations sous des formes nouvelles de sujétion, encore plus concentrées et plus monstrueuses, avec la perspective fatale d'une nouvelle guerre mondiale. » ([17])
Ce fut une tragédie historique que l'IC ne développe pas ce corps d'analyse clair et que, de plus, dans son étape de dégénérescence, elle le contredise ouvertement avec des positions insinuant la conception d'un capitalisme « revenu à la normale », réduisant les analyses sur le déclin et la barbarie du système à de simples proclamations rhétoriques. Cependant, la tâche de la Gauche communiste consiste à préciser et à détailler ces lignes générales léguées par l'IC et il est clair que, des citations ci-dessus, ne se dégage pas une orientation qui va dans le sens d'un capitalisme qui revient à un cycle constant d'accumulation -crise - guerre dévalorisante - nouvelle accumulation... mais bien dans le sens d'une économie mondiale profondément altérée, incapable de retrouver les conditions normales de l'accumulation et à deux doigts de nouvelles convulsions et destructions.
L'irrationalité de la guerre impérialiste
Cette sous-estimation de l'analyse fondamentale de l'IC (et de Rosa Luxemburg et Lénine) est manifeste dans le rejet, par le BIPR, de notre notion de l'irrationalité de la guerre : « Mais l'article du CCI altère la signification de cette affirmation (de la fonction de la guerre, ndt) parce que leur commentaire suivant est que cela signifierait que nous serions d'accord avec le fait qu'"i\ y a une rationalité dans le phénomène de la guerre mondiale". Cela impliquerait que nous voyons la destruction de valeurs comme l'objectif du capitalisme, c'est-à-dire que ce serait la cause (souligné dans l'original) directe de la guerre. Mais les causes ne sont pas la même chose que les conséquences. La classe dominante des Etats impérialistes ne va pas à la guerre consciemment pour dévaloriser le capital. » ([18])
Dans la période ascendante du capitalisme, les crises cycliques ne sont pas provoquées consciemment par la classe dominante. Pourtant, les crises cycliques ont une « rationalité économique » : elles permettent de dévaloriser le capital et, en conséquence, de reprendre l'accumulation capitaliste à un autre niveau. Le BIPR pense que les guerres mondiales de la décadence remplissent un rôle de dévalorisation du capital et de reprise de l'accumulation. C'est-à-dire qu'il leur attribue une rationalité économique de nature similaire à celle des crises cycliques de la période ascendante.
Et c'est là justement l'erreur centrale comme nous en avions averti la CWO voilà seize ans, dans notre article « Théories économiques et lutte pour le socialisme » : « On peut voir l'erreur de Boukharine répétée dans l'analyse de la CWO : "Chaque crise mène (à travers la guerre) à une dévalorisation du capital constant, élevant ainsi le taux de profit et permettant au cycle de reconstruction - le boom, dépression, guerre - de se répéter encore." RP n° 6. Ainsi pour la CWO, les crises du capitalisme décadent sont vues en terme économique, comme les crises cycliques du capitalisme ascendant répétées au plus, haut niveau.» ([19])
Le BIPR situe la différence entre ascendance et décadence uniquement dans l'amplitude des interruptions périodiques du cycle de l'accumulation : « Les causes de la guerre viennent des efforts de la bourgeoisie pour défendre ses valeurs de capital face à celles de ses rivales. Sous le capitalisme ascendant de telles rivalités s'expriment au niveau économique et entre firmes rivales. Celles qui peuvent atteindre un niveau de concentration de capital plus élevé (tendance capitaliste à la concentration et au monopole) sont en position de pousser leurs concurrents contre le mur. Cette rivalité conduit aussi à une sur-accumulation de capital qui débouchait sur les crises décennales du 20e siècle. Le capitalisme pouvait se dévaloriser à chaque crise et ainsi une nouvelle phase d'accumulation pouvait recommencer, bien que le capital soit plus centralisé et concentré... A l'époque du capitalisme monopoliste, dans laquelle la concentration a atteint le niveau de l'Etat national, l'économique et le politique s'interpénètrent dans l'étape décadente ou impérialiste du capitalisme. A cette époque, les politiques que requiert la défense des intérêts du capital impliquent les Etats eux-mêmes et aboutissent à des rivalités entre les puissances impérialistes. » ([20]) Comme conséquence de cela « les guerres impérialistes n'ont pas des objectifs aussi limités (que ceux de la période ascendante, ndt). La bourgeoisie,... une fois embarquée dans la guerre, la fait jusqu'à l'anéantissement d'une nation ou d'un bloc de nations. Les conséquences de la guerre ne se limitent pas à une destruction physique de capital, mais aussi à une dévalorisation massive du capital existant. » ([21])
Au fond de cette analyse, il y a une forte tendance à l'économisme qui ne conçoit la guerre que comme un produit immédiat et mécanique de l'évolution économique. Dans l'article de la Revue Internationale n° 79, nous montrions que la guerre a une cause économique globale (la crise historique du capitalisme), mais cela n'implique pas que chaque guerre a une motivation économique immédiate et directe. Le BIPR cherche dans la guerre du Golfe une cause économique et tombe dans le terrain de l'économisme le plus vulgaire en disant que c'est une guerre pour les puits de pétrole. Il explique également la guerre yougoslave par la soif d'on ne sait quels marchés de la part des grandes puissances. ([22]) II est vrai que par la suite, sous la pression de nos critiques et des évidences empiriques, il a corrigé ces analyses, mais cela ne l'a jamais conduit à remettre en cause cet économisme vulgaire qui ne peut pas concevoir la guerre sans une cause immédiate et mécanique de type « économique ». ([23])
Le BIPR confond rivalité commerciale et rivalité impérialiste, qui ne sont pas nécessairement identiques. La rivalité impérialiste a pour cause fondamentale une situation économique de saturation du marché mondial, mais cela ne veut pas dire qu'elle a pour origine directe la simple concurrence commerciale. Son origine est économique, stratégique et militaire, et en elle se concentrent des facteurs historiques et politiques.
De même, dans la période ascendante du capitalisme, les guerres (de libération nationale ou coloniales) si elles ont bien une finalité économique globale (la constitution de nouvelles nations ou l'expansion du capitalisme à travers la formation de colonies) ne sont pas dictées directement par des rivalités commerciales. Par exemple, la guerre franco-prussienne avait des origines dynastiques et stratégiques mais ne venait ni d'une crise commerciale insoluble pour aucun belligérants ni d'une particulière rivalité commerciale. Cette question, le BIPR est capable de la comprendre jusqu'à un certain point quand il dit : « Même si les guerres post-napoléoniennes du 19e siècle avaient leurs horreurs (comme le voit correctement le CCI) la véritable différence était qu'on luttait pour des objectifs spécifiques qui permettaient d'arriver à des solutions rapides et négociées. La bourgeoisie du 19e siècle avait encore la mission programmatique de détruire les résidus du vieux mode de production et de créer de véritables nations. » ([24]) De plus, il voit très bien la différence avec la période décadente : « le coût d'un développement capitaliste supérieur des forces productives n'est pas inévitable. De plus, ce coût a atteint une telle échelle qu'il a causé la destruction de la vie civilisée aussi bien à court terme (milieu ambiant, famines, génocides) qu'à long terme (guerre impérialiste généralisée). » ([25])
Les constatations sont correctes et nous les partageons pleinement, mais nous devons leur poser une question très simple : que signifie le fait que les guerres de la décadence ont des « objectifs totaux » et que le prix du maintien du capitalisme peut aller jusqu'à supposer la destruction de l'humanité ? Est-ce que ces situations de convulsion et de destruction, dont le BIPR reconnaît qu'elles sont qualitativement différentes de celles de la période ascendante, peuvent correspondre à une situation économique de reproduction normale et saine des cycles d'accumulation du capital, qui seraient identiques à celle de la période ascendante ?
La maladie mortelle du capitalisme décadent, le BIPR la situe seulement dans les moments de guerre généralisée, mais ne la voit pas dans les moments d'apparente normalité, dans les périodes où, selon lui, se développe le cycle d'accumulation du capital. Cela le conduit à une dangereuse dichotomie : d'un côté il conçoit des époques de développement des cycles normaux d'accumulation du capital où nous assistons à une croissance économique réelle, où se produisent des « révolutions technologiques », où le prolétariat croît. Dans ces époques de pleine vigueur du cycle d'accumulation, le capitalisme paraît revenir à ses origines, sa croissance semble le montrer dans une position analogue à celle de sa jeunesse (cela, le BIPR n'ose pas le dire, tandis que le PCI (Programma) le dit ouvertement). D'un autre côté, il y a les époques de guerre généralisée dans lesquelles la barbarie du capitalisme décadent se manifeste dans toute sa brutalité et toute sa violence.
Cette dichotomie rappelle fortement celle qu'exprimait Kautsky avec sa thèse du « super-impérialisme » : d'un côté il reconnaissait que, à travers la 1ère guerre mondiale, le capitalisme était entré dans une période où pouvaient se produire de grandes catastrophes et convulsions mais, en même temps, il établissait qu'il y avait une tendance « objective » à la concentration suprême du capitalisme en un grand trust impérialiste qui permettrait un capitalisme pacifique. Dans l'introduction au livre de Boukharine déjà cité (L'économie mondiale et l'impérialisme), Lénine dénonçait cette contradiction centriste de Kautsky : « Kautsky s'est promis d'être marxiste dans l'époque des graves conflits et des catastrophes qu'il s'est vu contraint de prévoir et de définir très nettement quand, en 1909, il a écrit son œuvre sur ce thème. Maintenant qu'il est absolument hors de doute que cette période est arrivée, Kautsky se contente de continuer à promettre d'être marxiste dans une époque future, qui n'arrivera peut-être jamais, celle du super-impérialisme. En un mot, il promet d'être marxiste, quand on voudra, mais dans une autre époque, pas à présent, dans les conditions actuelles, dans l'époque que nous vivons.»
Nous nous gardons bien de dire qu'il arrivera la même chose au BIPR. L'analyse marxiste de la décadence du capitalisme, il la garde jalousement pour la période où la guerre éclate, tandis que pour la période d'accumulation il se permet une analyse qui fait des concessions aux mensonges bourgeois sur la « prospérité » et la « croissance » du système.
La sous-estimation de la gravité du processus de décomposition du capitalisme
Cette tendance à garder l'analyse marxiste de la décadence pour la période de la guerre généralisée explique la difficulté qu'a le BIPR à comprendre l'étape actuelle de la crise historique du capitalisme : « Le CCI a été conséquent depuis sa fondation voilà 20 ans en laissant de côté toute tentative d'analyse sur la façon dont le capitalisme s'est conduit dans la crise actuelle. Il pense que toute tentative de voir les traits spécifiques de la crise présente revient à dire que le capitalisme a résolu la crise. Il ne s'agit pas de cela. Ce qui incombe aux marxistes actuellement c'est d'essayer de comprendre pourquoi la crise présente dépasse en durée la Grande Dépression de 1873-96. Mais, tandis que cette dernière était une crise alors que le capitalisme entrait dans sa phase monopoliste et qu'il était encore possible de la résoudre par une simple dévalorisation économique, la crise actuelle menace l'humanité d'une catastrophe beaucoup plus grande. » ([26])
II n'est pas certain que le CCI ait renoncé à analyser les détails de la crise présente. Le BIPR peut s'en convaincre en étudiant les articles que nous publions régulièrement, dans chaque numéro de la Revue Internationale, sur la crise dans tous ses aspects. Pour nous, la crise ouverte en 1967 est la réapparition de façon ouverte d'une crise chronique et permanente du capitalisme en décadence, c'est la manifestation d'un freinage profond et toujours plus incontrôlable du mécanisme d'accumulation capitaliste. Les « traits spécifiques » de la crise actuelle constituent les diverses tentatives du capital, à travers le renforcement de l'intervention de l'Etat, la fuite en avant dans l'endettement et les manipulations monétaires et commerciales, pour éviter une explosion incontrôlable de sa crise de fond et, en même temps, la mise en évidence de l'échec de telles remèdes et leurs effets pervers qui aggravent encore plus le mal incurable du capitalisme.
Le BIPR voit comme la «grande tâche » des marxistes d'expliquer la longue durée de la crise actuelle. Cela ne nous surprend pas qu'il soit étonné par la durée de la crise, dans la mesure où il ne comprend pas le problème de fond : nous n'assistons pas à la fin d'un cycle d'accumulation mais à une situation historique de blocage prolongé, d'altération profonde du mécanisme d'accumulation, une situation, comme disait l'IC, où le capitalisme ne peut plus assurer ses fonctions économiques essentielles autrement que par le fer et le sang.
Ce problème de fond qu'a le BIPR le conduit à ironiser une fois de plus à propos de notre position sur la situation historique actuelle de chaos et de décomposition du capitalisme : « Même si on peut être d'accord sur le fait qu'il y a des tendances à la décomposition et au chaos (vingt ans après la fin du cycle d'accumulation, il est difficile de voir comment il pourrait en être autrement) celles-ci ne peuvent être utilisées comme slogans pour éviter une analyse concrète de ce qui se passe. » ([27])
Comme on le voit, ce qui préoccupe le plus le BIPR c'est notre supposé « simplisme », une sorte de « paresse intellectuelle » qui trouverait refuge dans des cris radicaux sur la gravité et le chaos de la situation du capitalisme, comme un tic pour ne pas engager une analyse concrète de ce qui est en train de se passer.
La préoccupation du BIPR est juste. Les marxistes ne se gênent pas et nous ne nous gênons pas (c'est une de nos obligations dans le combat du prolétariat) pour analyser en détails les événements en évitant de tomber dans les généralités rhétoriques dans le style du « marxisme orthodoxe » de Longuet en France ou des imprécisions anarchistes qui réconfortent mais qui, dans les moments décisifs, conduisent à de graves divagations opportunistes, si ce n'est à des trahisons éhontées.
Cependant, pour pouvoir faire une analyse concrète de « ce qui se passe », il faut avoir un cadre global clair, et c'est sur ce terrain que le BIPR a des problèmes. Comme il ne comprend pas la gravité et la profondeur des altérations et le degré de dégénérescence et des contradictions du capitalisme dans les « moments normaux », dans les phases du cycle d'accumulation, tout le procès de décomposition et de chaos du capitalisme mondial qui s'est considérablement accéléré avec l'effondrement du bloc de l'Est en 1989, leur échappe des mains, il est incapable de le comprendre.
Le BIPR devrait se rappeler les stupidités lamentables qu'il a dit au moment de l'effondrement des pays staliniens, spéculant sur les «fabuleux marchés » que ces champs de ruines pourraient offrir aux pays occidentaux et croyant qu'ils apporteraient un allégement de la crise capitaliste. Par la suite, face au poids de l'évidence empirique et grâce à nos critiques, le BIPR a corrigé ses erreurs. Cela est très bien et montre son sens des responsabilités et son sérieux face au prolétariat. Mais le BIPR devrait aller au fond des choses. Pourquoi tant de gaffes ? Pourquoi doit-il changer sous la pression des faits eux-mêmes ? Quelle est cette avant-garde qui doit changer de position à la suite des événements, incapable, à chaque fois, de les prévoir ? Le BIPR devrait étudier attentivement les documents où nous avons exposé les lignes générales du processus de décomposition du capitalisme. ([28]) II constaterait qu'il n'y a pas de problème de « simplisme » de notre part mais du retard et de l'incohérence de la sienne.
Ces problèmes trouvent une nouvelle démonstration dans la spéculation suivante : « Une preuve de plus de l'idéalisme du CCI est l'accusation finale qu'il porte au Bureau qui "n'a pas une vision unitaire et globale de la guerre" ce qui conduirait à 'l'aveuglement et l'irresponsabilité" (sic) de ne pas voir qu'une prochaine guerre pourrait signifier "rien de moins que l'anéantissement complet de la planète". Le CCI pourrait avoir raison, encore qu'il nous plairait de connaître les bases scientifiques de cette prévision. Nous-mêmes avons toujours dit que la prochaine guerre menaçait l'existence de l'humanité. Cependant, il n'y a pas de certitude absolue de cette destruction totale de tout ce qui existe. La prochaine guerre impérialiste pourrait ne pas aboutir à la destruction finale de l'humanité. Il y a des armes de destruction massive qui n'ont pas été utilisées dans les conflits antérieurs (comme par exemple les armes chimiques ou biologiques) et il n'y a pas de garantie qu'un holocauste nucléaire pourrait embraser toute la planète. En fait, les préparatifs actuels des puissances impérialistes comprennent l'élimination des armes de destruction massive en même temps que se développent les armes conventionnelles. Même la bourgeoisie comprend qu'une planète détruite ne sert à rien (même si les forces qui mènent à la guerre et la nature de la guerre échappent, en dernière instance, à son contrôle). » ([29])
Le BIPR devrait apprendre un peu de l'histoire : pendant la 1ère guerre mondiale, toutes les armées ont employé les forces maximum de destruction, on chercherait vainement un génie plus meurtrier. Pendant la 2e guerre mondiale, alors que l'Allemagne était déjà vaincue il y eu les bombardements massifs de Dresde, utilisant les bombes incendiaires et à fragmentation et enuite, contre le Japon, lui aussi vaincu, les Etats-Unis utilisèrent la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki. Par la suite, la masse de bombes qui en 1971 est tombée sur Hanoi en une nuit dépassait la masse de bombes tombée sur l'Allemagne pendant toute l'année 1945. A son tour, le « tapis de bombes » que les « alliés » ont largué sur Bagdad a battu le triste record de Hanoi. Dans la même guerre du Golfe, ont été testées, par l'expérimentation sur les propres soldats nord-américains, de nouvelles armes de type nucléaire-conventionnel et chimique. On commence à savoir maintenant que les Etats-Unis ont fait, dans les années 1950, des expérimentations d'armes bactériologiques sur leur propre population... Et, face à cette masse d'évidences qu'on peut lire dans une quelconque publication bourgeoise, le BIPR a la bêtise et l'ignorance de spéculer sur le degré de contrôle de la bourgeoisie, sur son « intérêt » à éviter un holocauste total ! De manière suicidaire le BIPR rêve que soient utilisées des armes « moins destructrices » alors que 80 années d'histoire prouvent l'exact contraire.
Dans cette spéculation stupide le BIPR non seulement ne comprend pas la théorie, mais encore ignore superbement l'évidence écrasante et répétée des fait. Il devrait comprendre le caractère gravement erroné et révisionniste de ces illusions stupides de petits-bourgeois impuissants qui cherchent à s'en tirer coûte que coûte, sous prétexte que « la bourgeoisie elle-même comprend qu'une planète détruite ne sert à rien. »
Le BIPR doit dépasser le centrisme, les oscillations entre une position cohérente sur la guerre et la décadence du capitalisme et les théorisations spéculatives, que nous avons critiquées, sur la guerre comme moyen de dévalorisation du capital et de reprise de l'accumulation. En effet ces erreurs conduisent le BIPR à ne pas considérer et prendre au sérieux comme instrument cohérent d'analyse ce qu'il dit lui-même : « même si les forces qui mènent à la guerre et la nature de la guerre échappent, en dernière instance, à son contrôle. »
Cette phrase est pour le BIPR une simple parenthèse rhétorique alors que, s'il veut être pleinement fidèle à la Gauche communiste et comprendre la réalité historique, il devra la prendre pour guide d'analyse, pour axe de réflexion pour comprendre concrètement les faits et les tendances historiques du capitalisme actuel.
Adalen
[1] Dans sa réponse, le BIPR développe d'autres questions, comme celle d'une conception particulière du capitalisme d'Etat, que nous ne traiterons pas ici.
[2] Voir Revue Internationale n° 77 et 78 : « Le rejet de la notion de décadence conduit à la démobilisation du prolétariat face à la guerre ».
[3] Le BIPR affirme son accord avec notre position, mais au lieu de reconnaître l'importance et les conséquences de cette convergence d'analyse, il réagit de façon sectaire et nous accuse d'être malhonnête dans la manière de prendre position contre l'erreur commise par Rosa Luxemburg sur « le militarisme comme secteur de l'accumulation du capital ». En réalité, comme nous le montrerons plus loin, la compréhension du fait que le militarisme n'est pas un moyen d'accumulation du capital est un argument en faveur de notre thèse fondamentale sur le freinage croissant de l'accumulation dans la période de décadence, et non un démenti de cette thèse. D'autre part, le BIPR se trompe quand il dit que c'est grâce à sa critique que nous avons changé de position sur la question du militarisme. Il devrait lire les documents de nos prédécesseurs (la Gauche Communiste de France) qui ont contribué de façon fondamentale à l'analyse de l'économie de guerre à partir d'une critique systématique de l'idée de Ver-cesi sur « la guerre comme solution à la crise capitaliste ». Voir « Le renégat Vercesi », 1944.
[4] PC n° 90 page 24, cité dans la Revue Internationale n° 77.
[5] « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste », Internationalist Communist Review n° 13, p. 29.
[6] « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste », Internationalist Communist Review n° 13, p. 29.
[7] Traduit par nous de l'édition espagnole
[8] Le Capital, Livre III, section 3, chapitre 15.
[9] « Les théories des crises, de Marx à l'Internationale communiste », Revue Internationale n° 22.
[10] Voir l'article polémique avec le BIPR dans la Revue Internationale n° 79, paragraphe « La nature des cycles d'accumulation dans la décadence du capitalisme ».
[11] .«Le renégat Vercesi », mai 1944 dans le Bulletin international de la Fraction Italienne de la Gauche Communiste n° 5. 11.
[12] . Idem
[13] « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste », p. 30.
[14] L'IC, à son premier congrès, considérait comme tâche urgente et prioritaire de pousser en avant les tentatives révolutionnaires du prolétariat mondial et de regrouper ses forces d'avant-garde. En ce sens, son analyse sur la guerre et l'après-guerre, sur l'évolution du capitalisme, etc., ne pouvait pas aller plus loin que l'élaboration de quelques lignes générales. Le cours postérieur des événements, la défaite du prolétariat et la progression rapide de la gangrène opportuniste au sein de PIC, ont conduit à contrecarrer ces lignes générales et les tentatives d'élaboration théorique (en particulier la polémique de Boukharine contre Rosa Luxemburg dans son livre L'impérialisme et l'accumulation du capital en 1924) et ont constitué une régression brutale par rapport à la clarté des deux premiers congrès.
[15] « Thèses sur la situation internationale et la politique de l'Entente », documents du 1er congrès de l’IC
[16] . Idem.
[17] . Idem.
[18] . « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste », p. 29.
[19] . Revue Internationale n° 16 p.14-15.
[20] . « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste », p.29-30.
[21] . Idem.
[22] Voir « Le milieu politique prolétarien face à la guerre du Golfe », Revue Internationale n° 64.
[23] .Battaglia Comunista de janvier 1991, à propos de la guerre du Golfe, annonçait : « la 3e guerre mondiale a commencé le 17 janvier » (jour des premiers bombardements directs des « alliés » sur Bagdad). Le n° suivant mit un voile sur cette gaffe mais, au lieu de tirer les leçons de cette erreur, persista : « en ce sens, affirmer que la guerre qui a commencé le 17 janvier marque le début du 3e conflit mondial n'est pas un accès de fantaisie, mais prend acte de ce que s'est ouverte la phase dans laquelle les conflits commerciaux, qui se sont accentués depuis le début des années 70, ne peuvent trouver de solution si ce n'est dans la guerre généralisée. » Voir Revue Internationale n°72, « Comment ne pas comprendre le développement du chaos et des conflits impérialistes », où nous analysions et critiquions ces dérapages lamentables, ainsi que d'autres.
[24] « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste ».
[25] . Idem.
[26] . Idem.
[27] . Idem.
[28] . Voir Revue Internationale n° 60, « Thèses sur les pays de l'Est » au sujet de l'effondrement du stalinisme, Revue Internationale n° 62, « La décomposition du capitalisme » et Revue Internationale n° 64, « Militarisme et décomposition ».
[29] . « Les Bases Matérielles de la Guerre Impérialiste », p. 36.