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« The new world (dis)order », le nouveau (dés)ordre mondial, voilà comment la presse anglo-saxonne qualifie maintenant le « nouvel ordre mondial » que lègue l'ex-président Bush à son successeur. Le panorama est effrayant et catastrophique. La liste des malheurs qui frappent l'humanité, est longue. La presse bourgeoise et la télévision en rendent compte. Voudraient-elles cacher les faits, qu'elles ne le pourraient pas et se déconsidéreraient complètement. Mais, au service de l'idéologie bourgeoise, elles séparent les événements tragiques qui se multiplient, refusent de voir le lien, la racine commune, c'est-à-dire l'impasse historique du capitalisme et sa putréfaction, qui unit la multiplication des guerres impérialistes, l'aggravation brutale de la crise économique mondiale et les ravages qu'elle provoque. Reconnaître l'unité entre toutes ces caractéristiques du capitalisme d'aujourd'hui, reconnaître la concomitance de leur aggravation respective, met à nu la barbarie sans fin dans laquelle le capitalisme nous entraîne, le gouffre sans fond dans lequel il plonge l'espèce humaine.
La reconnaissance du lien, de la cause, et de l'unité entre ces différents éléments de la réalité du capital facilite aussi la prise de conscience des enjeux historiques qui se présentent à l'humanité. Il existe une alternative à la catastrophe irréversible, et une seule. Détruire la société capitaliste et en instaurer une autre, radicalement différente. Il existe une force sociale, et une seule, capable d'assumer une telle tâche. Le prolétariat qui est à la fois classe exploitée et classe révolutionnaire, est cette force. Lui seul peut mettre à bas le capital, en terminer avec toutes ces catastrophes, et faire naître le communisme où les hommes ne seront plus conduits à s'entretuer sauvagement et où ils pourront vivre en harmonie.
Les mots et les phrases sont de peu de poids pour dénoncer la barbarie et la multitude de conflits locaux meurtriers qui ensanglantent la planète. Pas un seul continent n'est épargné. Ces conflits ne sont pas le résultat de haines ancestrales qui les rendraient fatals, inévitables, ni d'une loi naturelle selon laquelle l'homme serait foncièrement mauvais, toujours en quête d'affrontements et de guerres. Cette dynamique barbare de chute dans la guerre impérialiste n’est pas une fatalité naturelle. Elle est produite par l’impasse historique dans laquelle se trouve le capitalisme. La décomposition qui frappe la société capitaliste, l'absence de perspective et d'espoir autres que celui de la survie individuelle, ou comme bandes armées, contre tous les autres, est responsable de l'explosion des guerres locales entre populations qui vivaient, pour la plupart, en bonne harmonie, ou cohabitaient, depuis des décennies ou des siècles.
La putréfaction du capitalisme est responsable des milliers de morts, des tueries, des viols et des tortures, des famines et des privations qui touchent les populations, les hommes, les femmes, les vieillards. Elle est responsable des millions de réfugiés terrorisés, obligés de quitter leur maison, leur village, leur région, sans doute pour toujours. Elle est responsable de la séparation des familles endeuillées, des enfants qu'on envoie ailleurs en espérant qu'ils échapperont à l'horreur, au massacre, à la mort, ou à l'enrôlement forcé, et qu'on ne reverra plus. Elle est responsable aussi du fossé de sang et de vengeances qui va séparer pour longtemps des peuples, des ethnies, des régions, des villages, des voisins, des parents. Elle est responsable du cauchemar quotidien dans lequel vivent des milliards d'êtres humains.
La décomposition du capitalisme est responsable aussi du rejet hors de la production capitaliste, et de toute production, de centaines de millions d'hommes et de femmes dans le monde, réduits à s'entasser dans les immenses bidonvilles des mégalopoles, les plus chanceux trouvant de temps en temps un travail surexploité qui parvient à peine à les nourrir (et encore) ; et les autres, poussés par la faim, obligés de mendier, de voler, de trafiquer, de fouiller dans les décharges publiques pour trouver leur pitance, inexorablement amenés à la délinquance, à la drogue et à l'alcool, poussés à abandonner ou vendre leurs enfants encore bébés qui sont achetés comme esclaves pour travailler dans les mines, dans les innombrables petits ateliers, ou bien contraints de se prostituer dès leur plus jeune âge. Le pire n'est-il pas la multiplication des enlèvements de gamins à qui l'on prélève des organes, qui un rein, qui un oeil, ou les deux, pour les revendre ? Comment s'étonner après, que cette déchéance matérielle et morale, qui touche des millions d'être humains, fournisse en quantité, des hommes, des adolescents, des mômes qui n'ont pas 10 ans, prêts à toutes les horreurs et infamies, « libres » de toute morale, de toute valeur, de tout respect, pour qui la vie des autres n'est rien puisque la leur n'est rien depuis leur plus jeune âge, prêts à devenir mercenaires de n'importe quelle armée, guérilla ou bande, dirigée par n'importe quel caïd, général, colonel, sergent, chef mafieux, s'abaissant à la torture, aux tueries, aux viols systématiques, au service du «nettoyage ethnique » et autres horreurs ?
Il y a une cause et un responsable à cette folie croissante : l'impasse historique du capitalisme.
La décomposition du capitalisme pousse aux guerres et aux conflits locaux
La décomposition du capitalisme est responsable des guerres effroyables qui se propagent dans le territoire de l'ex-URSS, au Tadjikistan, en Arménie, en Géorgie... Elle est responsable de la poursuite sans fin des affrontements entre milices, hier alliées, en Afghanistan, qui balancent à tour de rôle leurs missiles et leur obus à l'aveuglette sur Kaboul. Elle est responsable de la continuation de la guerre au Cambodge qui met le pays à feu et à sang. Elle est responsable de la propagation dramatique des guerres et des affrontements inter-ethniques sur tout le continent africain. Elle est responsable du renouveau des petites guerres, si l’on peut dire, entre armées, guérillas et mafias au Pérou, en Colombie, en Amérique centrale. Si les populations manquent de tout, ces bandes armées, étatiques ou non, ont des stocks considérables d'armes, provenant bien souvent de l'argent du trafic de drogue, en pleine expansion mondiale, qu'elles contrôlent et pratiquent elles-mêmes.
La décomposition du capitalisme est responsable de l'éclatement de la Yougoslavie et du chaos qui s'y est développé. Les ouvriers qui travaillaient dans les mêmes usines, qui luttaient et faisaient grève ensemble, au coude à coude, contre l'Etat capitaliste yougoslave, les paysans qui cultivaient les terres voisines, les enfants qui allaient à la même école, les nombreuses familles, fruits de mariages a mixtes »y sont aujourd'hui séparés par un abîme de sang, de tueries, de tortures, de viols, de vols.
« Les combats entre Serbes et Croates ont fait quelques 10 000 morts. Ceux qui se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine plusieurs dizaine de milliers (le président bosniaque parle de 200 000), dont plus de 8 000 à Sarajevo. (...) Sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, on estime à 2 millions le nombre de réfugiés et des victimes du "nettoyage ethnique". »([1])
Des millions d'hommes et de femmes, de familles, voient leur vie et leurs espoirs ruinés, sans retour en arrière possible. Sans aucune perspective sinon le désespoir, voire, pire, la vengeance aveugle.
Les antagonismes impérialistes exacerbent les conflits locaux
Il faut dénoncer avec force les mensonges de la bourgeoisie qui affirme que cette période de chaos est passagère. Elle serait le prix à payer pour la mort du stalinisme dans les pays de l'Est. Nous, communistes, disons que le chaos et les guerres vont encore se développer et se multiplier. La phase de décomposition du capitalisme ne meut offrir ni paix, ni prospérité, bien au contraire, elle exacerbe, encore plus que par le passé les appétits impérialistes de tous les Etats capitalistes qu'ils soient puissants ou faibles. Le « chacun pour soi » et le « tous contre tous » s'imposent à tous, petits ou grands. Il n'est pas un conflit dans lequel des intérêts impérialistes ne soient absents. La nature a horreur du vide, dit-on. Ainsi en va-t-il de l'impérialisme. Chacun, quelle que soit sa force, ne peut laisser une région, un pays « à sa portée» à l'abandon, sous peine de voir un rival s'en emparer. La logique infernale du capitalisme pousse inévitablement à l'intervention des différents impérialismes.
Aucun Etat, quel qu'il soit, grand ou petit, puissant ou faible, n'échappe à la logique implacable des rivalités et des affrontements impérialistes. Simplement, les pays les plus faibles, en essayant de défendre leurs intérêts particuliers au mieux, s'alignent comme ils peuvent, de gré ou de force, en fonction de l'évolution des grands antagonismes impérialistes mondiaux. Ils participent ainsi tous au développement ravageur des guerres locales.
Cette période de chaos n'est pas passagère. L'évolution des alignements impérialistes globaux autour des principales puissances impérialistes mondiales, telles les USA bien sûr, mais aussi l'Allemagne, le Japon, et, à des degrés moindres, la France, la Grande-Bretagne, la Russie ([2]), la Chine, met de l'huile sur le feu des guerres locales. En fait, c'est le coeur même du capitalisme mondial, particulièrement es vieilles puissances impérialistes occidentales, qui alimente le feu des affrontements et des guerres locales. C'est le cas en Afghanistan, dans les républiques asiatiques de l’ex-URSS, au Moyen-Orient, en Afrique tel en Angola, au Rwanda, en Somalie, et bien sûr en Yougoslavie.
En Yougoslavie, les difficultés croissantes de l'impérialisme américain pour imposer son leadership sur les autres puissances
L'ex-Yougoslavie est devenue le point central des rivalités impérialistes globales, le lieu où, à travers l'effroyable guerre qui s'y déroule, se cristallisent les principaux enjeux impérialistes de la période actuelle. Si l’impasse historique du capitalisme décadent, sa phase de décomposition, est responsable de l'éclatement de la Yougoslavie (tout comme de celui de l'URSS) et de l'aggravation des tensions entre les peuples qui en faisaient partie, ce sont les intérêts impérialistes des grandes puissances qui sont responsables de l'éclatement et de l'aggravation dramatique de la guerre. La reconnaissance de la Slovénie et de la Croatie par l'Allemagne a provoqué la guerre, comme le dit et le répète, non sans arrière-pensées, la presse anglo-saxonne. Les USA bien sûr, mais aussi la France et la Grande-Bretagne, ont sciemment poussé la Serbie, qui n'attendait que ça, à corriger militairement la Croatie. Et à partir de là, les intérêts impérialistes divergents des grandes puissances déjà citées, ont déterminé la chute dans la barbarie guerrière.
Les atrocités commises par les uns et les autres, et particulièrement l'horrible « nettoyage ethnique » dont les milices serbes se sont rendues coupables en Bosnie, sont cyniquement utilisées par la propagande médiatique des puissances occidentales pour justifier leurs interventions politiques, diplomatiques et militaires, et pour masquer leurs intérêts impérialistes divergents. En fait, derrière les discours humanitaires, les grandes puissances s'affrontent et entretiennent l'incendie tout en se faisant passer pour les pompiers.
Depuis la fin de la guerre froide et la disparition des blocs impérialistes qui l'a accompagnée, l'allégeance à l'impérialisme américain de la part de puissances comme l'Allemagne, la France et le Japon, pour ne citer que les plus hardies, a disparu inévitablement, un pays comme l'Allemagne est destiné à se poser en pôle, exerçant une attraction impérialiste alternative au pôle américain. Depuis la fin de la guerre du Golfe, ces puissances ont de plus en plus défendu leurs intérêts propres, remettant en cause le leadership US.
L'éclatement de la Yougoslavie et l'influence croissante de l'Allemagne dans la région, en Croatie particulièrement, donc sur la Méditerranée, représente un revers pour la bourgeoisie américaine, en termes stratégiques,([3]) et un mauvais exemple de ses capacités d'intervention politique, diplomatique et militaire. Tout le contraire de la leçon qu'elle avait administrée, à dessein, lors de la guerre du Golfe.
« Nous avons échoué » a affirmé Eagleburger, l'ex-secrétaire d'Etat (le ministre des Affaires étrangères) de Bush. «Depuis le début jusqu'à maintenant, je vous dis que je ne connais aucun moyen de stopper (la guerre), sinon au moyen d'un usage massif de la force militaire. » ([4]) Comment se fait-il que l'impérialisme américain, si prompt à utiliser une incroyable armada contre l'Irak il y a deux ans, n'ait pas eu recours jusqu'à maintenant à l'usage massif de la force militaire ?
Depuis l'été dernier, à chaque fois que les américains étaient sur le point d'intervenir militairement en Yougoslavie, quand ils voulaient bombarder les positions et les aéroports serbes, à chaque fois un grain de sable déposé à propos par les rivaux impérialistes européens, est venu enrayer la machine de guerre américaine. En juin dernier, le voyage de Mitterrand à Sarajevo, au nom de « l’ingérence humanitaire », a permis aux Serbes de débloquer l'aéroport tout en sauvant la face devant les menaces d'intervention US ; l'envoi de forces françaises et britanniques parmi les soldats de l'ONU, puis leur renforcement, puis les négociations du Plan Owen-Vance entre toutes les parties en conflit, ont enlevé les justifications et, surtout, affaibli considérablement les garanties de succès d'une intervention militaire US. Par contre, elles ont aggravé les combats et les massacres. Comme on l'a vu lors des négociations de Genève du Plan Owen-Vance mises à profit par les Croates pour relancer la guerre contre la Serbie en Krajina.
Les hésitations de la nouvelle administration Clinton pour appuyer le Plan Owen-Vance au nom de la CEE et de l'ONU, révèlent les difficultés américaines. Lee H. Hamilton, Président démocrate du Comité des affaires étrangères pour la Chambre des représentants résume bien le problème auquel se trouve confrontée la politique impérialiste US : «Le fait saillant ici est qu'aucun leader n'est prêt à intervenir massivement dans l’ex-Yougoslavie avec le genre de moyens que nous avons utilisé dans le Golfe pour repousser l'agression, et si vous n'êtes pas prêts à intervenir de cette façon, alors vous devez vous arranger avec des moyens plus faibles et travailler dans ce cadre. » ([5])
Suivant les conseils réalistes d'Hamilton, le gouvernement Clinton s'est rendu à la raison et a décidé finalement de soutenir le Plan Owen-Vance. Comme dans une partie de poker, il a aussitôt décidé de relancer la mise sur le terrain des convois humanitaires et d'envoyer son aviation parachuter des vivres aux populations affamées de Bosnie. ([6]) A l'heure où nous écrivons, les containers de nourritures largués dans la nature, n'ont toujours pas été retrouvés ! Apparemment, les parachutages «humanitaires» sont aussi précis que les bombes de la guerre «chirurgicale» en Irak. En revanche, ils ont eu comme résultat de relancer la guerre autour des villes assiégées. Le nombre de victimes augmente dramatiquement, les exactions se multiplient encore plus, et des milliers de vieillards, d'hommes, de femmes et d'enfants sont contraints à la fuite désespérée dans la neige et le froid, sous les bombardements, les tirs des « snippers » isolés. Mais, pour la bourgeoisie américaine, l'important est de pouvoir commencer à imposer sa présence militaire sur le terrain. D'ailleurs les rivaux ne s'y trompent pas. « Devant la recrudescence des combats et à titre humanitaire», bien sûr, les bourgeoisies allemande et russe parlent ouvertement d'intervenir à leur tour en participant au parachutage de vivres, et même à l'envoi de troupes sur le terrain. La population peut être inquiète, elle n'est pas au bout de son calvaire.
L'impérialisme mène aux affrontements militaires
Tous les propos des dirigeants américains le confirment : les Etats-Unis sont amenés de plus en plus à faire usage de la force militaire. Et donc à attiser les conflits et les guerres. Les campagnes humanitaires ont été la justification des démonstrations de force que les USA ont réalisées en Somalie et en Irak dernièrement. Ces démonstrations « humanitaires » avaient pour but de réaffirmer la puissance militaire US aux yeux du monde, et conséquemment l'impuissance européenne en Yougoslavie. Elles avaient aussi pour but de préparer l'intervention militaire en Yougoslavie vis-à-vis des autres impérialismes rivaux (ainsi qu'aux yeux de la population américaine). Comme on vient de le voir, le résultat n'a pas été à la hauteur de leurs espérances, jusqu'à présent. Par contre, la famine et les affrontements militaires entre fractions rivales se poursuivent en Somalie. Par contre, les tensions impérialistes régionales s'exacerbent au Moyen-Orient, et les populations kurdes et chiites continuent de subir la terreur des Etats de la région.
L'utilisation croissante de la carte militaire par l'impérialisme US a pour conséquence de pousser ses rivaux à développer leur propre force militaire. C'est le cas du Japon et de l'Allemagne qui veulent changer leurs Constitutions respectives, héritées de la défaite de 1945, qui limitent leur capacité d'intervention armée. Elle a pour conséquence aussi la montée de la rivalité entre les USA et l'Europe sur le plan militaire. Bien sûr la constitution du corps d'armée franco-allemand en a été une manifestation. En Yougoslavie, une véritable bataille politique est engagée pour savoir si «l'ingérence humanitaire » doit être réalisée sous commandement de l'ONU ou de l'OTAN. De manière plus générale, « une situation critique se développe entre le gouvernement de Bonn et l'OTAN » ([7]) ce qu'affirme aussi l'ancien Président français Giscard d'Estaing : « Quant à la défense, c'est le point de blocage des relations euro-américaines.» ([8])
L'hypocrisie répugnante de la bourgeoisie n'a pas de borne. Toutes les interventions militaires américaines, ou sous couvert de l'ONU, Somalie, Irak, Cambodge, Yougoslavie, se sont faites au nom de l'aide et de l'ingérence humanitaire. Elles ont toutes relancé et aggravé l'horreur, les guerres, les massacres, les réfugiés fuyant les combats, la misère et la famine. Elles ont aussi manifesté, et porté à un point plus élevé, les rivalités impérialistes entre petites, moyennes, et surtout grandes puissances. Toutes sont poussées à développer leurs dépenses d'armement, à réorganiser leurs forces militaires en fonction des nouveaux antagonismes. Telle est la signification réelle du «devoir d'ingérence humanitaire» que s'attribue la bourgeoisie, tels sont les résultats des campagnes sur l'humanitaire et la défense des droits de l'homme.
La décomposition et les rivalités impérialistes accrues sont le produit de l'impasse économique du capitalisme
A l'origine de l'impasse historique du capitalisme qui provoque la multiplication et l'horrible aggravation des tueries impérialistes, se trouve son incapacité à dépasser et à résoudre les contradictions insurmontables que rencontre son économie. La bourgeoisie est impuissante à résoudre la crise économique. S'inquiétant de l'avenir des habitants du Bangladesh, et du capital voilà comment un économiste bourgeois présente cette contradiction :
« Même si, par quelque miracle de la science (sic), on pouvait produire assez de nourriture pour qu'ils puissent manger, comment trouveraient-ils l'emploi rémunéré nécessaire pour l'acheter ? » ([9])
D'abord, quel culot ce type ! Affirmer aujourd'hui qu'il est impossible, sauf miracle dit-il, de nourrir la population du Bangladesh, (et nous, nous disons du monde entier) est scandaleuse. Et c'est le capital lui-même qui le prouve, en incitant et en payant les paysans des pays industrialisés pour qu'ils limitent leur production et mettent en jachère chaque fois plus de terres. Il n'y a pas sous-production, mais surproduction de biens. Ce n'est évidemment pas une surproduction de biens, de nourriture en particulier, par rapport aux besoins des hommes, mais, comme le souligne notre éminent professeur d'université, impuissant (car il ne peut résoudre la contradiction) et hypocrite (car il fait comme si elle n'existait pas en éliminant les capacités immenses de production), c'est une surproduction parce que la plus grande partie de la population mondiale ne peut acheter. Parce que les marchés sont saturés.
Aujourd'hui, le capitalisme mondial, c'est des millions d'être humains qui meurent faute de pouvoir se procurer de la nourriture, des milliards qui ont à peine de quoi manger alors que les principales puissances industrialisées, les mêmes qui dépensent des milliards de dollars pour leurs interventions militaires impérialistes, imposent à leurs paysans de diminuer leur production. Non seulement le capitalisme est barbare et meurtrier, mais en plus il est totalement absurde et irrationnel. D'un côté, surproduction qui oblige à fermer les usines, à laisser les terres cultivables à l'abandon, et des millions d'ouvriers sans travail, de l'autre des milliards d'individus sans ressources et torturés par la faim.
Le capitalisme ne peut plus surmonter cette contradiction comme il le faisait au siècle dernier en conquérant de nouveaux marchés. Il n'en reste plus sur la planète. Il ne peut pas non plus, pour le moment, s'engager dans la seule perspective qu'il puisse offrir à la société, une 3e guerre mondiale, comme il a pu le faire déjà à deux reprises depuis 1914, lors des deux guerres mondiales, au prix de plusieurs dizaines de millions de morts. D'une part, il n'y a plus de blocs impérialistes constitués nécessaires pour un tel holocauste depuis la disparition de l'URSS et du Pacte de Varsovie ; d'autre part la population, et tout spécialement le prolétariat, des principales puissances impérialistes d'Occident, n'est pas prête pour un tel sacrifice. Alors le capitalisme s'enfonce dans une situation sans issue dans laquelle il pourrit sur pied.
Dans ces conditions d'impasse historique, les rivalités économiques s'exacerbent autant que les rivalités impérialistes. La guerre commerciale s'aggrave tout comme les guerres impérialistes. Et la décomposition de l'URSS, qui a marqué une étape importante dans le développement dramatique du chaos généralisé au plan impérialiste, marque aussi une étape importante dans l'accélération de la concurrence entre toutes les nations capitalistes, et tout spécialement entre les grandes puissances: «Avec la chute de la menace soviétique, les inégalités et les conflits économiques entre les pays riches sont plus difficiles à maîtriser. »([10]) D'où l'impossibilité, jusqu'à maintenant, de clore les négociations du GATT, d'où les disputes et les menaces de protectionnisme entre les USA, l'Europe et le Japon.
Le capitalisme fait faillite et la guerre commerciale se déchaîne. La récession ravage jusqu'aux économies les plus fortes, les USA, l'Allemagne, le Japon, tous les Etats européens. Aucun pays n'est à l'abri. Elle oblige chacun à défendre avec acharnement ses intérêts. C'est un facteur supplémentaire de tensions entre les grandes puissances.
A partir de la décomposition du capitalisme, du chaos qui l'accompagne et, en particulier, à partir de l'explosion de l'URSS, les guerres impérialistes sont devenues plus sauvages, plus barbares et en même temps plus nombreuses. Aucun continent n'est épargné. De même, aujourd'hui, la crise économique prend un caractère plus profond, plus irréversible que jamais, plus dramatique, et elle touche tous les pays du globe. L'un et l'autre viennent aggraver dramatiquement la catastrophe généralisée que représente la survie du capitalisme. Chaque jour qui passe est une tragédie de plus pour des milliards d'êtres humains. Chaque jour qui passe est aussi un pas de plus vers la chute irréversible du capitalisme dans la destruction de l'humanité. Les enjeux sont terribles : chute définitive dans la barbarie, sans retour, ou bien révolution prolétarienne et ouverture de la perspective d'un monde dans lequel les hommes vivront en une communauté harmonieuse.
Ouvriers de tous pays, au combat contre le capitalisme !
RL, 4mars 1993.
Le réveil de la combativité ouvrière.
La crise économique pousse le prolétariat à lutter
La faillite économique du capitalisme a des conséquences terribles pour le prolétariat mondial. Les fermetures d'entreprises, les licenciements, se multiplient partout dans le monde. Et particulière ment, dans les principales puissances économiques et impérialistes, aux USA, en Europe occidentale, et même au Japon ; dans les secteurs centraux tels l'automobile, la construction d'avions, la sidérurgie, l'informatique, les banques et les assurances, les secteurs publics, etc. Juste pour donner une maigre illustration de ce qui est officiellement prévu : 30 000 licenciements à Volkswagen, 28 000 à Boeing, 40 000 dans la sidérurgie allemande, 25 000 à IBM alors qu'il y en a déjà eu 42 900 en 1992... Ces coupes massives dans les rangs des ouvriers actifs, s'accompagnent d'une baisse des salaires, de réductions drastiques du «salaire social », de la Sécurité sociale, des aides, allocations diverses, des retraites, etc. Les conditions de travail pour ceux qui ont encore «la chance» de travailler se détériorent gravement. Les allocations chômage pour les autres se réduisent considérablement, quand elles existent encore. Le nombre de sans-abri, de familles ouvrières réduites aux soupes populaires, de mendiants, explose dans tous les pays industrialisés. Les ouvriers d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale souffrent de la paupérisation absolue comme, avant eux, leurs frères de classe des pays dits du «tiers-monde» et d'Europe de l'Est.
Tout comme les conflits impérialistes éclatent sur tous les continents en même temps, avec une incroyable sauvagerie, les attaques contre les ouvriers tombent avec une dureté inimaginable il y a peu encore, dans tous les secteurs et dans tous les pays, en même temps.
Mais à la différence des conflits guerriers produits par la décomposition du capitalisme, la catastrophe économique du capitalisme et ses conséquences pour la classe ouvrière, peuvent permettre le réveil de l'espoir et de la perspective de l'alternative communiste à ce monde de misères effroyables et d'atrocités inouïes.
Déjà, depuis l'automne 1992 et la réaction ouvrière massive en Italie, le prolétariat recommence à lutter. Malgré leurs faiblesses, les manifestations des mineurs en Grande-Bretagne, les signes de colères en France, en Espagne, et les manifestations de rue des ouvriers de la sidérurgie en Allemagne, expriment le retour de la combativité ouvrière. Inévitablement, le prolétariat international doit répondre aux attaques dont il fait l'objet. Inévitablement, il reprend le chemin du combat de classe. Mais la voie est encore longue avant qu'il puisse présenter clairement à l'humanité souffrante, la perspective de la révolution prolétarienne et du communisme. Non seulement il doit lutter bien sûr, mais il doit aussi apprendre comment se battre. Dans la défense de ses conditions d'existence, dans ses luttes économiques, dans la recherche de son unité chaque fois plus large, il va devoir s'affronter aux manoeuvres et aux obstacles des syndicats, il va devoir déjouer les pièges corporatistes et de division des syndicalistes radicaux, «de base», et rejeter les impasses politiques faussement radicales des gauchistes. Il va devoir développer ses capacités d'organisation, se regrouper, tenir des assemblées générales ouvertes à tous, travailleurs actifs ou chômeurs, constituer des comités de lutte, manifester dans la rue en appelant à la solidarité active. Bref, il va devoir mener un combat politique, difficile et acharné, pour le développement de ses luttes et l'affirmation de sa perspective révolutionnaire. Pour les ouvriers, il n'y a pas de choix, sinon la lutte et le combat politique. Il en va de leurs conditions générales d'existence. Il en va de leur futur. Il en va du futur de l'humanité toute entière.
RL, 5 mars 1993.
[1] Le Monde des débats, février 1993.
[2] Après la fin de l'URSS, allons-nous voir l'éclatement de la Fédération de Russie ? En tout cas, la situation se détériore rapidement tant sur le plan économique que politique. Le chaos se développe, l'anarchie, les violences et les mafias règnent, la gabegie et la récession brutale frappent, la misère et le désespoir s'étendent, Eltsine semble ne plus gouverner grand chose et son pouvoir est de plus en plus affaibli et remis en cause. L'aggravation de la situation en Russie ne manquera pas, par ailleurs, d'avoir de graves conséquences au niveau international.
[3] L'intérêt directement économique, le gain d'un marché particulier, est de plus en plus secondaire dans le développement des rivalités impérialistes. Par exemple, le contrôle du Moyen-Orient, et donc du pétrole, par les USA, correspond plus à un intérêt stratégique vis-à-vis des autres puissances rivales, l'Allemagne et le Japon tout particulièrement, qui sont dépendantes pour leur approvisionnement de cette région, plutôt que par les bénéfices financiers A qu'ils pourraient en tirer.
[4] International Herald Tribune, 9/2/93.
[5] International Herald Tribune, 5/2/93.
[6] Au moment où nous écrivons, l'attentat du World Trade Center de New-York, n'est toujours pas élucidé. Il est fort probable qu'il s'inscrive dans l'exacerbation des rivalités impérialistes. Soit qu'il soit le fait d'un Etat qui essaie de faire pression sur la bourgeoisie US (comme c'était le cas lors des attentats terroristes de septembre 1986 à Paris), soit une provocation, ce qui est tout à fait possible aussi. En tout cas, le crime est utilisé par la bourgeoisie américaine pour créer un sentiment de peur dans la population, pour amener celle-ci à resserrer les liens autour de l'Etat, et pour justifier les interventions militaires à venir.
[7] Die Welt, 8 février 1993.
[8] Le Monde, 13 février 1993.
[9] M.F. Perutz de l'Université de Cambridge cité par Y International Herald Tribune, 20 février 1993.
[10] Washington Post cité par l’International Herald Tribune, 15 février 1993.